Les deux ménétriers (galop macabre)

Paroles: Jean Richepin. Musique: Lucien Durand 1924

autres interprètes: Damia (1927), Edith Piaf (1936), Barbara, Armand Mestral

note: Chanson écrite en 1891, parue en 1899 dans le recueil de Jean Richepin "La bombarde – Contes à chanter".

Sur les noirs chevaux sans mors,

Sans selle et sans étriers,

Par le royaume des morts

Vont deux blancs ménétriers.

Ils vont un galop d'enfer,

Tout en raclant leur crincrin

Avec des archets de fer,

Ayant des cheveux pour crin.

Au fracas des durs sabots,

Au rire des violons,

Les morts sortent des tombeaux.

Dansons et cabriolons!

Et les trépassés joyeux

S'en vont par bonds et soufflant,

Avec une flamme aux yeux,

Rouge dans leurs crânes blancs.

Et les noirs chevaux sans mors,

Sans selle et sans étriers

Font halte et voici qu'aux morts

Parlent les ménétriers:

Le premier dit, d'une voix

Sonnant comme un tympanon:

"Voulez-vous vivre deux fois?

Venez, la Vie est mon nom!"

Et tous, même les plus gueux

Qui de rien n'avaient joui,

Tous, dans un élan fougueux,

Les morts ont répondu: "Oui!"

Alors l'autre, d'une voix

Qui soupirait comme un cor,

Leur dit: "Pour vivre deux fois,

Il vous faut aimer encor!

Aimez donc! Enlacez-vous!

Venez, l'Amour est mon nom!"

Mais tous, même les plus fous,

Les morts ont répondu: "Non!"

Et leurs doigts décharnés,

Montrant leurs cœurs en lambeaux,

Avec des cris de damnés,

Sont rentrés dans leurs tombeaux.

Et les blancs ménétriers

Sur leurs noirs chevaux sans mors,

Sans selle et sans étriers,

Ont laissé dormir les morts.

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