Bernard Werber
Le trésor de l'île des visionnaires

SALLE DE REDACTION

– Quoi? Le trésor de quel Pirate?

– La Buse. De son vrai nom Olivier Le Vasseur. La semaine prochaine va se dérouler un congrès des chercheurs d'or aux Seychelles et ils vont décider de la nouvelle stratégie de recherche du fabuleux trésor de La Buse.


La salle de rédaction du Guetteur Moderne est remplie d'une dizaine de journalistes pour la réunion du mardi. La chef de rubrique Christiane Thenardier toise Lucrèce Nemrod, jeune journaliste scientifique aux grands yeux verts et à la tignasse rousse.


– Et c'est qui ce monsieur La buse?


– Un flibustier français de l'océan Indien. Aidé d'un autre forban, l'anglais Taylor, surnommé la terreur des Indes, Olivier Le Vasseur, le 20 Avril 1721, a attaqué le vaisseau Vierge du Cap dans la région de l'île saint Denis, dans l'océan indien. Il y avait à l'intérieur: le vice roi des Indes, l'amiral de Goa et un prodigieux trésor constitué de pierres précieuses, lingots d'or, de vases sacrés mais surtout une croix géante. La croix de Goa. Elle était sertie de diamants. Elle était si lourde qu'il fallait disait on trois hommes pour la porter. Sa valeur est estimée à vingt millions d'euros.


Les journalistes présents se taisent.


– Et il leur est arrivé quoi à ce pirate et à ce trésor? demande la chef de rubrique en allumant un cigare et en lâchant quelques volutes.


– Cet abordage fit grand bruit à l'époque. Il faut dire que depuis 1650, le commerce se développe dans la région des Seychelles. Après cette affaire, le grand Moghol a menacé de fermer ses ports à la marine marchande si on n'attrapait pas ces deux pirates. Mais huit mois plus tard les deux associés se disputent et se séparent. Taylor rejoint les Caraïbes. La buse se cache aux Seychelles. Au bout de neuf ans, pensant qu'on l'a oublié, Olivier Levasseur propose ses offices de navigateur à la compagnie des Indes, mais un marin le reconnaît. Il est condamné à être pendu.


Lucrèce marque un temps pour bien captiver l'attention de l'assistance. Tous les regards brillent.


– Mais juste avant qu'on lui passe la corde au cou il a sorti de sa chemise un papier représentant un pictogramme mystérieux et il aurait lancé "Que celui qui arrive à le déchiffrer hérite de mon trésor!".

– Et il y avait quoi d'inscrit? demande la Thenardier avec impatience.


Lucrèce ménage ses effets.


– De lisible juste: "Laissez Jason vous guider et le troisième cercle s'ouvrira à vous". Sinon le reste est une suite de caractères latins incompréhensibles. Un texte codé que beaucoup ont essayé de traduire en vain.


Lucrèce laisse chacun imaginer la scène puis poursuit.


Depuis, les Réunionnais ont cherché le trésor de la buse à la Ravine Bernica, les réunionnais à la Ravine Bernica. Les Anglais l'ont cherché aux Seychelles. C'est là qu'en 1949 Reginald Cruise Wilkins, un aventurier découvre des gravures sur la pierre au Site de Bel Ombre sur l'île de Mahé, faisant référence à Jason. Il va mobiliser des moyens colossaux et trouvera des squelettes portant des boucles d'oreilles. Son fils John Cruise Wilkins reprit ses recherches. En 1995 il obtint le soutien officiel du gouvernement Seychellois pour continuer les fouilles sur Bel Ombre. Et puis il a fini par vendre le terrain aux Américains. Actuellement c'est un certain Smith qui conduit les recherches.


– Dites-moi, vous ne croyez quand même pas faire ce reportage juste pour partir en vacances des fois? demande la chef de rubrique méfiante.


– Il y a 115 îles aux Seychelles, elle ne trouvera jamais ajoute un collègue journaliste avec ironie.


Autant trouver une aiguille dans une botte de foin, complète un autre.


– Et alors comment vous allez faire, madame plus maligne que tout le monde, pour trouver une aiguille dans une botte de foin?


Lucrèce ne se laisse pas déstabiliser. Elle lâche simplement:

– Il suffit de mettre le feu au foin puis de passer un aimant dans les cendres.

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