[1] V. Hugo séjourna à Waterloo du 7 mai 1861 au 21 juillet (avec de nombreuses interruptions de ce séjour) pour y écrire le récit de la bataille et achever ainsi son roman. Il note, le 30 juin: «J'ai fini Les Misérables sur le champ de bataille de Waterloo et dans le mois de Waterloo.»

[2] On connaît le plaisir qu'avait Hugo de retrouver, ou d'inscrire son nom dans ses écrits comme sur ses meubles – voir aussi Ugolin en III, 7, 2.

[3] Georgette aura le même «mot» dans Quatrevingt-treize.

[4] Chiffre peut-être authentique, mais également symbolique pour Hugo dont la fille Léopoldine s'était noyée en septembre 1843. Les insurgés de la barricade (en IV, 14, 1) seront aussi quarante-trois.

[5] V. Hugo note dans ses carnets, le 7 mai 1861: «Acheté un morceau d'arbre de verger où est incrusté un biscaïen = 2 Fr.»

[6] Walter Scott, Lamartine, Vaulabelle, Charras, Quinet, Thiers.

Dans l'édition originale, Hugo avait écrit: «… à l'autre point de vue par Charras». C'était par sympathie envers un ami, son collègue à l'Assemblée nationale en 1848-1851, son compagnon d'exil à Bruxelles et son principal informateur par l'Histoire de la campagne de 1815: Waterloo, publiée en 1857. Comme il le fait souvent; Hugo signale ses sources, si scrupuleusement suivies que le lecteur n'a pas à mettre en doute, pour l'essentiel, l'exactitude des faits ici mentionnés.

[7] «Ce qu'il y a d'obscur». L'expression complète, «quid obscurum, quid divinum», se trouve un peu plus loin, et est citée à plusieurs reprises dans le roman.

[8] Voir les carnets de Hugo (17 mai 1861): «Un sol marneux, glaiseux, visqueux dans les pluies, qui garde l'eau et fait partout des flaques et des mares. Comme Napoléon mettait pied à terre près de la Belle-Alliance et enjambait un fossé, un grenadier lui cria:

Prenez garde à ce terrain-là, Sire, on y glisse.

On fait plus qu'y glisser, on y tombe.»

[9] Gribeauval était, avant la Révolution, directeur de l'artillerie; S. Rosa, poète et peintre de l'école de Naples au XVIIe siècle, fut un artiste violent et mouvementé.

[10] «Quelque chose d'obscur, quelque chose de divin»: formule souvent utilisée par Hugo et déjà notée en 1830 (Choses vues, ouv. cit., 1830-1846, p. 106): «Il y a, dit Hippocrate, l'inconnu, le mystérieux, le divin des maladies. Quid divinum. Ce qu'il dit des maladies, on peut le dire des révolutions.»

[11] «César rit, Pompée pleurera.» Virgile, dans ce vers des Géorgiques, évoquait le triomphe de César sur Pompée à Pharsale.

[12] Orthographe admise jusqu’en 1935 [NdC]

[13] Souvenir de Virgile (Géorgiques, I, 495): «En labourant son champ, un paysan trouvera des armes rongées d'une rouille rugueuse.» Virgile imagine là l'état futur des champs des deux batailles qui fondèrent l'Empire romain: Pharsale – César l'emporte sur Pompée – et Philippes – Octave et Antoine défont l'armée des meurtriers de César, Brutus et Cassius.

[14] Hugo écrit 46 ans après Waterloo, et Napoléon avait 46 ans le 18 juin 1815, comme Jean Valjean à sa sortie du bagne.

[15] Voici l'inscription: Dom – Cy a été écrasé – par malheur – sous un chariot – Monsieur Bernard – de Brye marchand – à Bruxelles le (illisible) – febvrier 1637

[16] Ce guide s'appelait en réalité Decoster.

[17] Hymne patriotique et républicain plus encore qu'impérial, aussi célèbre que La Marseillaise pendant la période révolutionnaire. Il fut chanté à nouveau en 1840.

[18] Splendid! (mot textuel).

[19] Souvenir d'enfance: des grenadiers hollandais faisaient partie de l'escorte où la voiture de Mme Hugo avait pris place pour traverser l'Espagne et ce sont eux qui remirent sur la route sa voiture à-demi versée au bord d'un précipice. Hugo règle ici, équitablement, d'anciens comptes avec Wellington, vainqueur en Espagne de Joseph et du général Hugo, et dont l'avancée avait jeté sur la route du retour en France, avec les autres familles françaises, Mme Hugo et ses deux cadets. Les grenadiers ont changé de camp; mais V. Hugo lui-même, en 1814 et en 1815, applaudissait l'entrée des Alliés à Paris tandis que son père défendait Thionville contre eux.

[20] Hugo retrouve ici les accents de L'Expiation (Châtiments, V, 8): «Soudain, joyeux, il dit: Grouchy! – c'était Blücher.»

[21] «Tel était le destin»: parodie du «Hoc erat in votis»: «C'est ce que je souhaitais», d'Horace (Satires, II, 6, 1). Transposition pertinente, car le destin est par définition ce qui contrecarre nos projets.

[22] On sait que Lamartine, dans son Cours familier de littérature, vit dans le «mot» de Cambronne pure «démagogie grammaticale». Hugo répondit à Lamartine, aux critiques et aux historiens qui contestaient l'authenticité de cet «excrément»: «Il entrait de droit dans mon livre. C'est le misérable des mots.»

[23] William Shakespeare justifiera longuement ce droit au shocking en des termes très proches: «Défense de hanter le cabaret du sublime. […] Un curieux genre pudibond tend à prévaloir; nous rougissons de la façon grossière dont les grenadiers se font tuer; la rhétorique a pour les héros des feuilles de vigne qu'on appelle périphrases; il est convenu que le bivouac parle comme le couvent, […]. […] un vétéran baisse les yeux au souvenir de Waterloo, on donne la croix d'honneur à ces yeux baissés; de certains mots qui sont dans l'histoire n'ont pas droit à l'histoire, et il est bien entendu, par exemple, que le gendarme qui tira un coup de pistolet sur Robespierre à l'Hôtel de Ville se nommait La-garde-meurt-et-ne-se-rend-pas.» (II. 2, 4.) On voit que Hugo ne pardonnait pas à Lamartine d'avoir les pudeurs d'une Mlle Gillenormand aînée.

[24] «Combien pèse le chef?» (Juvénal, Satires, X). Hugo aime la formule: voir l'épigraphe du poème XIII des Feuilles d'automne consacré à Napoléon: «Quot libras in duce summo?» et, dans William Shakespeare (II, 4, 1): «Quot libras in monte summo?»

[25] Une bataille terminée, une journée finie, de fausses mesures réparées, de plus grands succès assurés pour le lendemain, tout fut perdu par un moment de terreur panique (Napoléon, Dictées de Sainte-Hélène).

[26] Le soldat de fer vaut le «duc de fer», surnom de Wellington.

[27] Chiffres donnés par le journal L'Étoile belge du 6 juin 1861.

[28] Voir, plus haut, la note 13 du même livre.

[29] Date de l'entrée de Napoléon dans Paris, premier des Cent-Jours.

[30] Le postillon désigne Murat, fils d'aubergiste mais qui n'avait jamais été postillon. Le «sergent» est Bernadotte, sergent-major en 1789.

[31] Compagnon du général Hugo en Espagne, blessé à Waterloo, Foy fut le principal orateur de la gauche libérale à la Chambre, de 1819 jusqu'à sa mort. Le peuple de Paris lui fit, en 1825, des funérailles grandioses. Dans l'histoire, et dans le roman, il fut relayé par le général Lamarque (voir IV, 10, 3).

[32] Médecin de Louis XVIII.

[33] Surnom de Jacques Dupont, un des chefs de la Terreur Blanche à Nîmes. Victor Hugo avait contribué à répandre sa «gloire» par un article du Conservateur littéraire de 1820.

[34] Nec pluribus impar était la devise de Louis XIV: «incomparable».

[35] Cet article avait dans la Charte «octroyée» le rôle de l'article 16 dans notre constitution actuelle.

[36] Le poème des Châtiments «Aux morts du 4 décembre» (I, 4) était déjà construit sur cette ambiguïté du mot «paix».

[37] Écho de la proclamation de Napoléon quittant l'île d'Elbe le 25 février 1815: «La victoire marchera au pas de charge; l'Aigle, avec les couleurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame.»

[38] Début d'une épigramme de Virgile contre un plagiaire où le poète se compare – et s'adresse – à ceux qui travaillent pour d'autres: «Oiseaux, vous édifiez des nids, mais ce n'est pas pour vous…»

[39] Chauves-souris.

[40] L'auteur ne s'abstient pas sans quelque ironie de commenter le comportement des armées de Napoléon III. Les Châtiments, eux, disent, violemment, que depuis 1830 l 'armée a perdu, en Algérie, toutes ses traditions d'honneur.

[41] Le Palatinat ayant été ravagé en 1693, Turenne, mort en 1675, n'y fut pour rien. Mais il est vrai qu'il «tolérait le pillage».

[42] La Gazette des tribunaux ne fut régulièrement publiée qu'à partir de 1825. Les articles suivants – dont le narrateur invite explicitement à apprécier le style et l'exactitude – sont évidemment factices. Ils mettent d'autant mieux en œuvre l'effet de réel tiré de la citation d'un document que le lecteur est capable de les critiquer.

[43] Citation exacte du poème Le Pauvre Diable de Voltaire (1758).

[44] «Il creuse, et cache, dans une sombre fosse, des trésors, / Un sou, de l'argent, des cailloux, un cadavre, des fantômes, rien du tout.» Ce latin barbare, ce Tryphon, pourraient bien sortir de l'imagination de Hugo. Ce ne semble pas être entièrement le cas puisque, dans une lettre au critique A. Darcel du 29 mai 1862, Hugo dit avoir trouvé ce «Tryphon et les crapauds de sa tombe» dans «le travail d'Auguste Leprévost sur Saint-Georges de Bocherville.» (éd. J. Massin, t. XII, p. 1173.)

[45] L'Orion, lancé en 1813, servit bien de «vaisseau-école» mais il fut toujours basé à Brest où Hugo le vit en avril 1834.

[46] L'Espagne, après une brève expérience de monarchie libérale (1820-1822), connut une réaction violente, ultra et cléricale, qui donna à la Sainte-Alliance, au Congrès de Vérone de 1822, l 'occasion d'intervenir. Chateaubriand, piégé par son rêve de gloire, accepta que l'armée française aille, «sous le drapeau blanc», effacer à la fois la cause libérale espagnole et les souvenirs des armées napoléoniennes. Cette guerre, très impopulaire en France, fut l'occasion d'une véritable terreur blanche que le duc d'Angoulême s'efforça de contenir, d'où son nom «le héros d'Andujar».

[47] Voir la note 7 de la première partie, livre 2.

[48] Ce jugement implique la condamnation du grand responsable de cette «guerre» piteuse et qui devait être glorieuse pour son initiateur, Chateaubriand.

[49] «Le roi pur et simple»: mot d'ordre des «absolutistes».

[50] Nom colonial donné à tous les insectes ailés et piquants. Toute cette description est textuellement reprise d'une page de l'album de voyage de 1839, lorsque Hugo visita Toulon. Quelques lignes plus haut, Hugo avait noté: «Cariatides de Puget […]. Vieux forçat en cheveux blancs, assis sur une borne, sa grosse chaîne au côté […].» Et, d'une autre écriture: «Jean Tréjean» (premier nom donné au héros).

[51] L'épisode est inspiré par un événement réel (juin 1847) sur lequel Hugo avait été précisément documenté. Il en intitule le récit manuscrit: «Note écrite pour moi dans les premiers jours de juin par M. le baron La Roncière Le Nourry, aujourd'hui (mai 1860) capitaine de vaisseau, ami de Napoléon Jérôme et prochainement contre-amiral.» Le texte de Hugo reprend parfois mot pour mot cette note, mais le forçat ne s'était pas évadé.

[52] La date du 16 novembre 1823 est celle de la dernière lettre connue d'Eugène, lettre pleine d'amertume, de jalousie et de sentiment d'abandon. Peut-être est-ce de ce jour que Hugo date le moment où son frère s'enfonce dans le silence et la demi-mort de la folie.

[53] Une note de Hugo prouve son intention d'indiquer «que J. Tréjean se regarde comme la cause du malheur de Fantine et que tout ce qu'il fait pour Cosette est une réparation». Il n'y a pas donné suite et ce titre seul indique ce motif du dévouement de Jean Valjean à Cosette en même temps que la nature des paroles dites à Fantine en I, 8, 4.

[54] Ce rapace américain semble avoir ravi Hugo qui l'a noté dans un carnet avant d'introduire cet oiseau bonapartiste à Montfermeil.

[55] Ce sont les mêmes mauvaises herbes que M. Madeleine sait, lui, «extirper» – voir note 4 en II, 4, 3.

[56] Pour la première apparition de Gavroche, cette phrase traduit à peu près le début du Psaume 129, chanté à l'office des morts: «Deprofundis clamavi ad te Dominum»: «Du fond des ténèbres j'ai crié vers toi, Seigneur.» Le célèbre premier poème des Feuilles d'automne: «Ce siècle avait deux ans…» fait percevoir ce que ce cri a d'autobiographique:

Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix

Si débile qu'il fut ainsi qu'une chimère

Abandonné de tous excepté de sa mère.

[57] Hugo donnait cet aimable surnom à Pierre Leroux.

[58] Colonie française fondée au Texas en 1818 par quelques centaines de bonapartistes et libéraux proscrits. Une souscription avait été lancée par le journal La Minerve, début 1819, pour soutenir les colons.

[59] Voir II, 1, 19.

[60] Sur la présence de cette image obsédante, depuis Notre-Dame de Paris» voir aussi, par exemple, Javert en II, 5, 10 et l'égout en V, 3, 7.

[61] La suppression du «de» n'est pas vraiment populaire, puisque Mme Hugo elle-même écrit ainsi, mais tend à le devenir.

[62] Peut-être les cheveux de Fantine.

[63] Hugo emploie ici une chose entendue et notée: Choses vues, ouv. cit., 1847-1848, p. 57.

[64] Une ancienne coutume, pratiquée jusqu'à la fin de la monarchie, voulait qu'un condamné à mort rencontré par le Roi fût gracié. Le condamné du Dernier Jour attendait vainement cette rencontre. Ici, elle authentifie en quelque sorte la grâce acquise et la redouble.

[65] Les Deux Forçats ou La Meunière du Puy-de-Dôme fut effectivement joué à la Porte-Saint -Martin, mais en 1822 et en tout cas pas le jour de Noël où les théâtres faisaient relâche.

[66] Cette notation transpose sur les trois fillettes l'inquiétude qu'éprouva un jour Hugo au spectacle de la rencontre, notée dans Choses vues (ouv. cit., 1830-1846, p. 333), d'un pauvre homme «maigre, hagard […] la tête nue et hérissée» avec la voiture d'une dame «en chapeau rose […] fraîche, blanche, belle, éblouissante […]». «L'homme avait sous le bras un pain. Le peuple disait autour de lui qu'il avait volé ce pain et que c'était à cause de cela qu'on l'emmenait. […] Cette femme ne voyait pas l'homme terrible qui la regardait.

«Je demeurai pensif.

«Cet homme n'était plus pour moi un homme, c'était le spectre de la misère, c'était l'apparition difforme, lugubre, en plein jour, en plein soleil, d'une révolution encore plongée dans les ténèbres, mais qui vient. […] Du moment où cet homme s'aperçoit que cette femme existe, tandis que cette femme ne s'aperçoit pas que cet homme est là, la catastrophe est inévitable.»

[67] Avec le prénom primitivement donné à Marius – Thomas – cette poupée forme l'identité complète de Catherine Thomas: la femme auprès de qui, dès 1803 vraisemblablement, Léopold se consola de l'absence de sa femme, et qu'il finit par épouser sitôt Sophie morte, en septembre 1821, au scandale de ses fils. Autant qu'une réconciliation posthume avec son père et un hommage, on peut voir là, de la part de Hugo, de l'amertume – poupée que cette Catherine! – voire une terrible dérision: la «dame» remplace Fantine auprès de Cosette comme Catherine remplaçait Sophie. Mais on peut spéculer à perte de vue – ou rêver – puisque Catherine était aussi le dernier prénom donné à Léopoldine, dont un des surnoms était «poupée».

[68] Organe des «doctrinaires», libéral, et dont le programme était «d'infliger la publicité aux hommes politiques». Quelque chose donc d'intermédiaire entre Le Canard enchaîné et Le Monde.

[69] Les manuscrits du Victor Hugo raconté par Adèle Hugo disent comment, au retour d'Espagne dont c'est un des très rares souvenirs, le petit Victor perdit deux cadeaux paternels. Une pièce d'or, offerte par le comte de Tilly, en qui d'autres détails permettent de reconnaître une figure paternelle, se perdit dans une fente de la voiture et ne fut jamais retrouvée; une montre en or, donnée à l'enfant par son père, glissa de la poche de son pantalon, dans des circonstances pudiquement évoquées mais assez précisément pour qu'on comprenne qu'elle dut rejoindre l'égout. Deux gestes manques par lesquels Victor sanctionnait et assumait la perte de son père. Les dons de Jean Valjean adoptant Cosette retournent exactement ces maladresses et, chez Victor Hugo, l'or restera durablement lié à la paternité.

On se souviendra enfin qu'en cette année 1823, Hugo revoit pour la première fois son père avec qui il avait renoué des relations progressivement plus affectueuses depuis la mort de Sophie, mais qu'il n'avait pas revu depuis 1815. Léopold venait assister au baptême du premier enfant de son fils – Léopold, qui mourra deux mois plus tard – et traiter avec Ladvocat pour la publication de ses Mémoires. L'ode À mon père célèbre ces retrouvailles.

[70] Cette lettre, déjà lue en I, 6, 1, ne portait pas alors de date. Celle-ci s'explique: du 25 mars au 25 décembre 1823 se sont écoulés exactement les neuf mois qui séparent l'Annonciation de la Noël, et cette «nativité» de Cosette fait symboliquement de Jean Valjean sa mère. (Voir aussi note 6 du livre suivant et «C'est peut-être ma mère cet homme-là!» – IV, 3, 6; p. 705.)

[71] On l'a compris depuis longtemps, mais le roman tient à ne rendre au héros son identité qu'après l'adoption de Cosette. Elle le rend à la vie en une sorte de résurrection ou de seconde naissance, et à lui-même en l'exposant à de nouvelles épreuves.

[72] Ce promeneur rousseauiste est bien sûr Hugo lui-même, déjà «passant» à Waterloo (II, 1,1), bientôt nommé «rôdeur de barrières» (III, 1, 5).

[73] Dans cet intervalle, prophétique – car l'hésitation appartient à la première rédaction -, se lit la date de 1851, année du coup d'État et du départ en exil. Mais c'était déjà, en 1845- 1848, l 'inversion de 1815.

[74] En mai 1827, Ulbach, âgé de vingt ans, tua la jeune fille qu'il aimait. Ce souvenir reparaîtra en IV, 2, 1.

[75] Par son numéro et son voisinage (Hôpital, départ de la chaîne du bagne, lieu des exécutions capitales) cette maison est donc localisée au centre même de la misère.

[76] Cette petite digression est de celles, très nombreuses, par lesquelles le roman s'offre comme livre total et virtuellement unique: Bible religieuse autant qu'encyclopédie des connaissances utiles. Énigmatique cependant est la date de juillet 1845. Peut-être exacte, elle ne pouvait pas ne pas rappeler à Hugo ce matin du 5 juillet 1845 où il fut surpris en «flagrant délit d'adultère» avec Léonie Biard.

[77] Contractions abdominales douloureuses consécutives à l'accouchement.

[78] V. Hugo rappelle ici directement son exil, au moment où son héros se trouve traqué comme lui-même l'avait été en décembre 1851.

[79] Sous l'impulsion du baron Haussmann.

[80] Ce chapitre et le suivant datent de l'exil; ils étaient exigés par le «dépaysement» du couvent – voir note 2 du livre suivant.

[81] V. Hugo néglige de donner au pont son nom monarchique: «pont du Jardin du Roi», comme il l'a lui-même expliqué dans L'Année 1817.

[82] Ce «Y», imaginé une fois le couvent «dépaysé» sur la rive droite, prend sens par rapport au «A» de Waterloo, commencement d'une histoire dont le couvent, à une lettre près, aurait pu être l'achèvement.

[83] Triste modernisation de Paris, fondée essentiellement sur des jeux et des prisons. Mazas était bien connue de la famille Hugo puisque c'est là qu'en 1850 les fils Hugo avaient été incarcérés, pour délit de presse.

[84] Quartier imaginaire où Hugo, en 1862, a transposé point par point la topographie réelle du couvent de la rue Neuve-Sainte-Geneviève décrit en 1847.

[85] Comme le Besançon du premier poème des Feuilles d'automne! C'est un indice de l'investissement autobiographique dans l'épisode du couvent.

[86] «Il s'était adossé à cet angle et s'était hissé, avec la seule force musculaire des épaules, des coudes et des talons, jusqu'au toit. […] On le reprit dans le Palais de Justice. Il s'appelait Battemolle.» (Récit de la visite du Palais de Justice dans Choses vues, ouv. cit., 1830-1846, p. 406.)

[87] Écho de la formule du Richard III de Shakespeare: «Mon royaume pour un cheval!»

[88] Tous ces détails rappellent le jardin des Feuillantines; «[…] une immense allée gazonnée, au fond une superbe allée de marronniers, dans un coin un puisard desséché, assez escarpé et profond […]. Des fouillis de broussailles, toutes sortes de coins, […].» (Victor Hugo raconté…, ouv. cit., p. 127.)

[89] Le texte de l'édition «de l'Imprimerie nationale» dit: «une assez grosse cloche».

[90] Le lecteur, lui aussi, se souvient de I, 5, 7: Le père Fauchelevent devient jardinier à Paris.

[91] Pastiche de La Fontaine: «Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris.» (Fables, I, 18, Le Renard et la Cigogne.)

[92] Pourquoi 62? Peut-être parce que 1862, date de l'achèvement et de la publication du livre, répond au 1851-1815 du numéro 50-52 de la masure Gorbeau. Dans une page du manuscrit Hugo écrit, par un lapsus significatif, «52 de la petite rue Picpus».

[93] Une série de transformations successives a abouti à ce couvent, irréel mais démonstratif. La dernière, contemporaine de l'ajout du livre 7, achève d'éloigner le Petit-Picpus de son modèle: le couvent des bénédictines de l'Adoration Perpétuelle du 12, rue Neuve-Sainte-Geneviève, aujourd'hui installées à Rouen. À la source originelle, encore non identifiée, se sont ajoutées des informations venues de Léonie Biard – dont la tante était demeurée plusieurs années rue Neuve-Sainte-Geneviève – et de Juliette, prisonnière plus que pensionnaire, dans son enfance, du couvent des Dames Saint-Michel, ainsi que des sources documentaires ordinaires: Moréri, Sauval, etc.

Sur le manuscrit, Hugo note qu'il «dépayse» le couvent – et modifie l'ordre dont il relève, mais non les rites – pour éviter les «criailleries» des ordres existants et les «tracasseries» possibles. Prétexte plus que vraie raison: en cela Hugo agit de la même manière que pour la barricade ou Mgr Myriel: la précision de l'information combinée aux décalages permet aux «effets de réel» de fonctionner sans cantonner le texte dans l'exactitude ponctuelle: d'harmoniser dans une vérité nouvelle le sens voulu par le roman et le respect de la réalité. Ajoutons que Le Père Goriot avait rendu célèbre la rue Neuve-Sainte-Geneviève: adresse de la pension Vauquer – sorte de couvent, d'un autre style.

[94] Ordre inventé par Hugo qui utilise, en le déformant un peu, le nom d'un réformateur espagnol de l'ordre cistercien, Martin de Vargas, mort en 1446.

[95] Textuellement: «Elle n'apprendra ni à lire ni à écrire sans l'autorisation expresse de la Supérieure.»

[96] Cette précision, exacte pour les communautés de la rue Neuve-Sainte-Geneviève et de la rue Picpus, prépare aussi l'épisode du livre 8.

[97] Souvenir de Léonie Biard, alors petite fille, à qui l'on interdit effectivement de passer sa main à travers les barreaux pour la donner à sa tante.

[98] La même antithèse intitule Les Rayons et les Ombres.

[99] Ce châtiment, comme la description du réfectoire, vient de Juliette dont le couvent, maison de redressement et prison pour «filles repenties» est aussi contradictoire avec le pensionnat chic de Léonie que le sont les «sévérités» des religieuses avec les «gaîtés» des enfants.

[100] «Personne ne communiquera nos règles ou nos institutions aux étrangers.»

[101] Cette «duchesse» n'est autre que Juliette. Hommage flatteur si, lors de son intervention précédente – pour la «petite patenôtre blanche» – la même Juliette n'avait été désignée comme «vieille[s] femme[s] aujourd'hui». La contradiction qui caractérise tout le couvent, – et le fait même d'emprunter, pour le décrire, aux deux amantes, rivales entre elles de surcroît – s'étend ici à une seule des informatrices.

[102] Cette grande dame, séquestrée et passant pour morte, est une sorte de double féminin de Jean Valjean.

[103] Ce que cachait aux pensionnaires le rideau de serge, et qui donne sens – grotesque, galant et nostalgique – à l'anecdote, Hugo lui-même le savait, et beaucoup de ses contemporains. Chateaubriand, par exemple, qui fait ce portrait: «Le duc de Rohan était fort joli; il roucoulait la romance, lavait de petites aquarelles et se distinguait par une étude coquette de toilette. Quand il fut abbé, sa pieuse chevelure éprouvée au fer avait une élégance de martyr. Il prêchait à la brune, dans des oratoires, devant des dévotes. […] Guérin, faisant le portrait de l'abbé-duc, lui adressait un jour des compliments sur sa figure; l'humble confesseur lui répondit: «Si vous m'aviez vu priant.» (Mémoires d'outre tombe, texte cité par G. Venzac, Les Premiers Maîtres de V. Hugo, Bloud et Gay, 1955, p. 259.)

[104] C'est Juliette qui montait «aux commodités», au second étage, pour voir le visage du joueur de flûte. Contrairement aux personnages du roman, elle ne put jamais en «distinguer l'âge ni la figure».

[105] «De mérite inégal, trois corps pendent à des branches: Dismas et Gesmas, entre eux deux, la puissance divine. Dismas aspire au royaume d'en haut, Gesmas, le malheureux, au royaume d'en bas. Que sur nous et nos biens s'étende la protection de la puissance suprême. Récite ces vers et tes biens ne te seront pas volés.»

[106] Dans cette liste de noms se distinguent les noms d'origine maternelle: Auverné, où Sophie Hugo avait vécu, nom déjà donné au héros de Bug-Jargal; les noms d'origine paternelle: Cogolludo, Cifuentès et Siguenza: lieux d'Espagne dont Joseph avait fait comte Léopold Hugo; La Miltière et La Laudinière: propriétés achetées par le père de Hugo près de Blois; les noms venus de l'enfance: Mlle Roze, dont l'homonyme, Mlle Rose fascinait l'enfant Hugo lorsqu'elle mettait ses bas (voir Victor Hugo raconté…, ouv. cit., p. 102); les noms venus de l'amour, Juliette se trouvant ici sous son patronyme réel, Mlle Gauvain, et sous son nom de théâtre, Mlle Drouet.

[107] Il s'agit de la «lettre écrite il y a vingt-cinq ans par une ancienne pensionnaire» citée p. 391. En fait, le texte reprend ici non le manuscrit de Juliette, mais celui de Léonie!

[108] «Après les coeurs, les pierres.»

[109] Bouffon imitant comiquement des danses guerrières.

[110] Un ouvrage consulté par Hugo plaçait cet arbre dans le jardin du couvent de la rue Neuve-Sainte-Geneviève. Il a été remplacé au Petit-Picpus par un «sapin aigu», mortifère à côté du «bouclier». Du coup ce fécond marronnier a été transféré dans cet autre couvent, plus souriant. Ici s'observe la soumission des sources – les textes y remontent plus qu'ils n'en découlent – au sens.

[111] «Elles se sont envolées.»

[112] «Ici je repose; j'ai vécu vingt-trois ans.» Cette épitaphe, trouvée dans les décombres d'Aventicum (ancienne capitale de l'Helvétie) avait été notée par Hugo dans l'Histoire de la confédération suisse de Muller, avec ce commentaire: «Cette inscription qui faisait pleurer Byron et rêver Müller». (Le Tas de pierres, ed. J. Massin, t. VI, p. 1138.)

[113] Ce «jardin fermé» vient du Cantique des cantiques (IV, 12) où il a un tout autre sens: «C'est un jardin fermé que ma sœur, ma fiancée, une source close, une fontaine scellée. […] Qu'il entre mon bien-aimé dans son jardin, qu'il en goûte les fruits exquis.»

[114] Chef des eunuques noirs du sérail à Constantinople.

[115] Abbaye située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bruxelles. En septembre 1862, Hugo note: «Villers. Revu les cachots de l'abbaye sur la Dyle; la boîte de pierre à mettre les hommes n'y est plus. […] La chose était dénoncée dans Les Misérables. Il était bon de la faire disparaître.» (Choses vues, ouv. cit., 1849-1869, p. 374.)

[116] «Bœuf blanchi à la craie» (Juvénal, Satires, X, 65-66).

[117] Le 12 juin 1860, Hugo écrivait à Nefftzer: «Nous contestions sur Dieu autrefois; je suis sûr que nous serions d'accord aujourd'hui. Il faut détruire toutes les religions afin de reconstruire Dieu. J'entends: le reconstruire dans l'homme. Dieu, c'est la vérité, c'est la justice, c'est la bonté; c'est le droit et c'est l'amour.»

[118] Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, 1819.

[119] Gymnase d'Athènes où enseignait Aristote.

[120] Phrase prononcée par Jésus-Christ à la Cène (Matthieu, XXVI, 26) devenue la parole liturgique de la «consécration».

[121] Hugo justifie ici l'ajournement des textes philosophiques dont il avait entrepris la rédaction en même temps qu'il revenait aux Misérables; voir Proses philosophiques des années 1860-1865 au volume Critique.

[122] «Élevé à Dieu par Voltaire»: inscription gravée sur l'église de Ferney (1770).

[123] La Fontaine, dans Le Jardinier et son seigneur:

Un amateur de jardinage

Demi-bourgeois, demi-manant… (Fables, IV, 4.)

[124] Taverne, auberge du dernier rang, chambre; premier emploi attesté: Vidocq, Les Voleurs, 1836.

[125] «Cette offrande donc…»: premiers mots de la prière précédant la «consécration».

[126] Hugo s'amuse ici à pasticher la langue dévote, comme il l'a déjà fait pour la prose journalistique (II, 2, 1) et l'éloquence judiciaire (I, 7, 9). Sur ce démontage des codes sociaux, voir l'étude de F. Vernier: «Les Misérables: un texte intraitable» dans Lire LES MISERABLES, J. Corti, 1985.

[127] L'insecte de la gale.

[128] «La croix reste fixe tandis que tourne le monde.»

[129] Cet auteur, comme ses écrits, semble de l'invention de Hugo.

[130] En fait, peu de jours avant sa mort, en septembre 1558, Charles Quint aurait organisé et contemplé le spectacle de ses propres funérailles.

[131] Ce cimetière déjà cité (voir II, 6, note 5) était en cours de désaffectation à cette date. Mais c'est là qu'avaient été enterrés Lahorie en 1812 et la mère de Victor Hugo en 1821.

[132] «Ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns dans la vie éternelle, les autres dans le tourment, les yeux ouverts pour toujours.» Cette phrase démarque les versets de l'Évangile de saint Jean (V, 28-29) lus à l'office du 2 novembre: «[…] l'heure vient où ceux qui sont dans les sépulcres en sortiront au son de sa voix, ceux qui ont fait le bien pour une résurrection de vie, et ceux qui ont fait le mal ressusciteront pour être condamnés.»

[133] «- Des profondeurs, (voir II, 3, note 4.)

– Donne-lui, Seigneur, le repos éternel.

– Et que la lumière brille sans fin pour lui.» Ce sont les formules du rituel catholique de l'inhumation.

[134] «Perdre la carte: se troubler, s'égarer, se brouiller dans ses idées. Se dit par allusion à un capitaine qui, ayant perdu ses cartes, ne saurait comment se diriger.» (P. Larousse, Grand dictionnaire…)

[135] Hugo a vécu enfant, avec ses frères, cette expérience du silence, ayant à garder le secret sur la présence de Lahorie aux Feuillantines.

[136] Hugo démarque l'injonction évangélique: «Rendez à César (c'est-à-dire à l'Empereur) ce qui est à César, et a Dieu ce qui est à Dieu.»

[137] Le lecteur retrouvera cette valise en V, 6, 3 sous le nom de «l'inséparable». Ces reliques complètent les flambeaux, comme Cosette a succédé à Mgr Bienvenu. Hugo lui aussi avait conservé, toujours visible à Villequier, la robe que portait Léopoldine le jour de sa mort.

[138] Cette baraque, comme plus tard l'arrière-maison de la rue Plumet (IV, 3, 1), répète la chapelle où se tenait Lahorie au fond du jardin des Feuillantines. Voir Le Droit et la Loi (Actes et Paroles I, Avant l'exil au volume Politique): «Il habitait toujours la masure du fond du jardin […]» et Victor Hugo raconté…, ouv. cit., p. 138 et suiv.

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