18

Tout l’intérieur de la cabane de l’aiguilleur rayonnait d’une lueur amorphe qui dissimulait les parties humaines d’Anna. Ce qu’il restait du déguisement de la non-humaine était si réduit – mais toujours aussi beau, à sa manière fragile – que Nancy en fut effrayée. En un sens, se dit-elle, je suis bel et bien dans la nature sauvage. La nature sauvage est l’endroit où l’on affronte les choses fondamentales, la vie et la mort, et voilà que j’approche d’un étrange désert, d’un face-à-face avec la transformation d’Anna. Rien dans sa vie ne l’avait préparée à cela. Elle se trouvait là toute seule. Là : dans la nature sauvage.

Travis ne doit pas être loin, se dit-elle. Avec L’Os. Elle se hasarda à jeter un coup d’œil à Anna, à ce corps d’une blancheur inhumaine dans son cocon de lumière, ce qui la fit frissonner. Peut-être Travis avait-il raison depuis le début, la motivation de ces créatures n’avait rien d’humain, peut-être s’étaient-elles servies d’elle… et allaient-elles ensuite s’en débarrasser. Il n’y avait plus la voix liquide d’Anna pour la rassurer. Rien qu’une sorte de foi. De foi et d’affinité.

La nuit était très noire. Je t’en prie, Travis, se dit-elle, je t’en prie, dépêche-toi.

Dehors, dans l’obscurité, on entendit le moteur d’une automobile murmurer puis se taire… et une portière claquer. Nancy sursauta.

« Anna ! Anna, réveille-toi, il y a quelqu’un !… »

Les yeux d’Anna s’ouvrirent d’un coup, mais les pupilles en avaient éclipsé le blanc ; le feu bleu sembla se fondre en ailes fibreuses dans son dos, et elle ne montra aucun signe de compréhension reconnaissable.


Ils longèrent la berge, Travis supportant le poids du non-humain, poids insignifiant.

Il doit avoir les os creux comme un oiseau, se dit Travis, en se doutant toutefois que la seule explication de cette légèreté devait être le fait que L’Os se dépouillait de sa peau humaine. L’étrange lumière brillait de mille feux autour de lui, et Travis, à son contact, en était bizarrement affecté : la nuit s’animait de formes et de couleurs fantômes. Il pressentait, impression vertigineuse, la vérité que lui avait racontée Anna : il y avait des mondes à l’intérieur des mondes, des genres et des formes de mondes qui coexistaient avec celui-ci, en couches infinies, de complexité infinie. Craignant de perdre son chemin, il se concentra sur la berge qu’ils suivaient pas à pas à la lueur des étoiles. Un faux pas, pensa Travis, et on pourrait tomber de la surface de la terre.

L’Os mourait ou venait à la vie… l’un et l’autre, pour autant que pouvait dire Travis. Sa partie physique était à coup sûr très faible. L’Os n’aurait pu parcourir cette distance sans son aide. Mais la partie non humaine de L’Os semblait gagner régulièrement en force, comme nourrie par la proximité d’Anna… On doit avoir l’air d’une balise lumineuse le long de la rivière, se dit Travis. De fines feuilles de glace s’étaient formées dans les creux du sol, et Travis y vit leurs reflets, lumineux sur fond de ciel étoilé, presque insupportables d’étrangeté. D’une certaine manière, songea-t-il, L’Os est vraiment devenu très puissant.

« On y est presque », assura-t-il. Il n’était pas certain que le non-humain le comprenne. Il avait dit cela autant pour le rassurer que pour se rassurer lui-même. « On est vraiment tout près. » La partie de son corps où l’avait frappé L’Os le lancinait, il souffrait à chaque respiration et quand L’Os chancela contre lui, Travis dut se mordre la lèvre pour ne pas crier. Un pas à la fois, se dit-il. Doucement.

D’une certaine manière, se dit-il, L’Os, c’est moi. Horrible, banni, trahi. Ce visage ravagé, ces blessures. Et je le conduis à une guérison que je ne peux partager. Pas de Femme Pâle pour moi… Mais une telle créature n’existait pas, avait dit Anna, parmi l’humanité : Anna elle-même était une aberration, une espèce de monstre, de même que L’Os était un monstre ; les humains, avait-elle affirmé, contenaient toujours des monstres de ce genre en eux, aliénés ou enfouis, méprisés et non pardonnés…

Marche, s’intima-t-il. Contente-toi de marcher. Les délicats roseaux se brisaient sous ses pieds. Il leva les yeux et les étoiles lui parurent danser comme des lucioles. N’empêche, songea-t-il, qu’une conciliation est possible, doit être possible : lui-même se trouvant et se pardonnant, le comblement de gouffres, la guérison des anciennes blessures…

Contente-toi de marcher, pensa-t-il.

Il n’était pas facile de se repérer dans cette lumière. Il reconnut la flèche de la gare puis, un instant plus tard, lui sembla-t-il, le bosquet d’érables entourant la prairie où s’élevait la cabane de l’aiguilleur. « Là-haut, dit-il à L’Os. Il faut remonter la berge. On est arrivés, je pense. »

Il escalada la boue tassée, L’Os à ses côtés. Nous voilà tout proches, songea-t-il. Tout proches. Arrivé au sommet de la berge en pente douce, il marqua toutefois un temps d’arrêt.

La lune s’était couchée, mais à la lueur des étoiles, et à celle, plus douce, semblant émaner de L’Os, de la cabane, de la prairie elle-même, il vit, garée à l’ombre des arbres, la berline noire et les hommes qui en sortaient.

« L’Os », hésita-t-il.

Mais L’Os se redressa d’un coup, se débarrassant de sa faiblesse et de son humanité en un soudain et apocalyptique accès de lumière bleue ; de l’autre côté de la prairie, six silhouettes approchaient de la cabane de l’aiguilleur et L’Os, en les regardant, rugit sa douleur et son indignation.

Il les avait déjà vus auparavant. Il savait ce qu’ils étaient. L’Os survola la prairie dans un tourbillon d’énergies étranges, son humanité disparaissant comme la lueur d’une luciole : c’étaient des tueurs, des meurtriers, de la même espèce cruelle qu’il avait si souvent vue dans les dépôts de chemin de fer ; sauf que l’Autre était désormais proche, il ne devait pas les laisser la menacer. Cette nouvelle partie de lui-même, non humaine, était d’une puissance immense, à laquelle L’Os s’abandonna.

Ils étaient ses ennemis. Ils tomberaient. Il sentit les flammes sans lumière danser au bout de ses doigts et pensa : il le faut.

Ce fut sa dernière pensée humaine.


En descendant de voiture dans la prairie silencieuse, Creath sentit ses jambes perdre de leur assurance. Il faisait noir, il était désormais plus de minuit, et la possibilité d’un meurtre paraissait bien trop imminente, comme inscrite dans ces hommes, dans leur sinistre intensité. Peut-être n’avaient-ils pas une nature de meurtrier – si une telle chose existait –, mais ils avaient brisé, cette nuit-là, toutes les inhibitions qu’ils connaissaient en plein jour. C’était leur Halloween, leurs bacchanales. Et Clawson n’en était plus le foyer, car il s’en remettait subtilement à Greg Morrow, qui personnifiait plus nettement l’esprit de l’expédition. C’était Greg qui avait commis la transgression la plus osée. Qui avait assassiné un homme.

« Silence, maintenant », intima celui-ci au moment où les cinq hommes s’alignaient derrière lui. Ils n’avaient plus que des fusils, pas de torches. « Ils sont là. J’en suis certain.

— Des fornicateurs et des adultères, dit Clawson comme pour se rassurer.

— Pire », murmura Greg. Et il tournait de temps en temps la tête vers Creath, comme pour dire : je n’ai pas organisé cela. Une espèce de trajectoire incontrôlée nous a tous conduits ici. Mais c’est juste et correct et constitue – Creath le lut dans son regard – un point culminant convenable.

Greg Morrow, s’aperçut Creath, n’était pas totalement sain d’esprit. Mais, pensa-t-il, mon Dieu, qui l’est, ici ? Qui de nous qui nous trouvons là dans l’obscurité ?

Ils se glissèrent entre les arbres. Creath sentit de la sueur glacée se former sur son front. Il en frémit. Tout autour d’eux, la gelée blanche produisait un scintillement étoilé. L’hiver approchait. Il pensa alors : eh bien, et si elle est là ? Qu’est-ce qui se passe ?

Il ne trouva pas de réponse en lui. Il sentit le poids du fusil dans sa main. Mais tous les autres en avaient un aussi.

Greg fonça vers cette misérable cabane délabrée, celle dans laquelle avait vécu cet aiguilleur à demi fou nommé Colliuto jusqu’à ce que des gamins le trouvent mort de froid au printemps 1925. Le passage des ans et des intempéries l’avait abîmée. Des murs en lattes, un toit de papier goudronné avec un trou au sommet, à l’emplacement d’un ancien tuyau de poêle, désormais comblé par un nid d’oiseaux à base de boue sèche et d’herbe de la plaine. Ça doit être froid et sale, là-dedans, se dit Creath. Il ne pouvait y avoir quelqu’un à l’intérieur… et pourtant une vague lumière sortait d’entre les planches.

Son foutu sourire enfiévré figé sur les lèvres, Greg donna un coup de pied dans la porte, qui tomba devant lui comme du carton-pâte. Des volutes de poussière s’élevèrent. Les hommes s’approchèrent en hâte avant de battre en retraite devant l’inquiétante lumière bleue.

Creath sentit ses cheveux se hérisser sur sa nuque.

La chose à l’intérieur tendit le cou pour le regarder. Les peurs religieuses de toute une vie le poussèrent à s’écarter, par déférence. Les autres hommes crièrent de consternation… mais ce n’est que le point culminant naturel, se dit plus ou moins clairement Creath, la conséquence raisonnable : nous sommes au-delà de l’admissible, nous frayons désormais avec les anges et les démons.

En vérité, il ne pouvait dire de quoi il s’agissait. De toute évidence, la créature n’était pas humaine. Elle se tenait au fond de la cabane, et Creath avait conscience de ses ailes lumineuses – si c’était bien des ailes – déployées derrière elle, vortex bleu de lumière sans substance. Et lui-même en scruta le visage.

Il ne se serait plus cru capable de s’étonner de quoi que ce soit, mais ses yeux s’écarquillèrent de stupéfaction en reconnaissant la créature.

C’était elle.

Il sentit ses propres membres froids et distants comme de la glace. Ange ou démon, songea-t-il, c’est elle, doux Jésus, mon amour secret, aimé et détesté à la fois, celui qu’on m’a volé. Il remua les lèvres : Anna…

Elle s’avança alors.

Les autres hommes prirent la fuite en direction de l’automobile. « Mon Dieu, cria Bob Clawson, regardez, là, sur la berge, une autre de ces horreurs ! » Creath la vit aussi, créature similaire se précipitant vers eux de l’autre bout de la prairie. Il en sentit la colère malgré la distance. Le moteur de la berline rugit. Il ne restait plus que deux hommes dans la cabane, Greg et Creath, tous deux immobiles, le regard fixe, impuissants. Car, pensa Creath, d’une certaine manière, nous nous y attendions depuis le début. Nous l’avons mérité. Ses pensées évoluaient avec une lucidité extrême, démente. C’est acquis et payé.

La petite Wilcox, Nancy, jaillit de la cabane pour courir vers la berge en bougeant les bras dans tous les sens.

L’ange regarda Creath avec le visage d’Anna, impénétrable.

Le démon avançait à toute allure en direction de Creath.

Se tournant en une espèce de mouvement lent et sans grâce, ce dernier vit Greg Morrow lever son fusil.


« L’Os », dit faiblement Travis. Mais on ne pouvait le rappeler.

Travis tomba à quatre pattes dans la prairie gelée. Tout se déroulait trop vite pour lui. L’Os fonçait sur la prairie comme le spectre de ses propres colères et de ses propres peurs enfin libéré : il va tous les tuer, se dit Travis, Dieu nous vienne en aide, et il pensa à Nancy.

Mais elle avait réussi à sortir de la cabane et venait à sa rencontre. Sans se soucier de sa propre douleur, il se leva et courut vers elle. Elle lui tomba dans les bras, mais il ne put détourner les yeux : il vit L’Os, tout de lumière, de feu et de douleur, approcher des hommes du village, qui s’éparpillèrent devant lui. Nancy sembla vouloir se réfugier en lui, mais il la repoussa : « Écoute, il faut s’enfuir. L’Os est fou, il déborde de haine, car tout ce qu’il a appris ici, c’est la haine, et il faut qu’on lui échappe.

— Non, répondit Nancy. Anna a promis…

— Elle n’a rien promis du tout ! C’est dangereux, ça l’a toujours été ! Nancy… » Il la tira par le bras. « … Viens. »

On peut descendre la berge et suivre la rivière, se dit Travis. Ce serait bien. Cela nous procurerait un peu de sécurité. Mais il ne vit pas, à l’autre bout de la prairie vide, Greg Morrow braquer son fusil, et ne put que ressentir une surprise impuissante quand il entendit le coup de feu, quand il sentit la douleur au moment où la balle lui traversait l’épaule.


La détonation sortit Creath de sa transe. Greg avait visé et raté la chose-démon, ce qui ne semblait pas l’inquiéter : Creath vit le garçon tourner avec un calme surnaturel son arme vers la cabane de l’aiguilleur.

Le démon était presque sur eux, Creath entendait le son qu’il produisait, un gémissement sinistre et inhumain, un hurlement condensant tout le chagrin et l’indignité du monde. Ce bruit le glaça. Il se dit que cette chose devait avoir des yeux, devait voir qu’elle ne pourrait atteindre Greg Morrow avant qu’il accomplisse ce qu’il envisageait si manifestement de faire. Le gamin braqua le canon de son fusil vers la chose dans la cabane… la chose-Anna.

Comme elle était encore belle. Étrangement, il arrivait même à l’admettre (et il semblait avoir le temps d’admettre beaucoup de choses, dans sa nouvelle lucidité, puisque tout évoluait au quart de sa vitesse normale) : le changement qu’elle avait subi aurait dû la rendre abominable. Mais elle ne l’était pas. Simplement délicate, fragile, nimbée de lumière, enveloppée de luminosité ambre et turquoise, ailée de lumière : d’une beauté éthérée, au-delà de la luxure, déchirante ; elle parlait, comme, devina-t-il, elle l’avait toujours fait, à la plus profonde pépite de son moi. Il pensa aux choses perdues, au temps perdu, aux occasions perdues, aux vies tout entières perdues en vivant une vie. Les larmes lui vinrent aux yeux. Je suis trop vieux pour pleurer, se dit-il. Trop vieux, trop fatigué, trop près de la mort. Chatoyante, la mort se précipitait vers lui sur un vent d’automne.

Ce doit être cette beauté que Greg déteste, pensa-t-il en voyant le gamin viser Anna.

Creath soupira. La mort si proche mais pas assez pour sauver Anna. Il s’imagina voir le doigt du garçon se raidir sur la détente.

Son propre fusil se releva d’un coup. Il en eut à peine conscience. Le recul lui percuta l’épaule. Creath cria de douleur.

Greg Morrow tournoya. La balle avait parfaitement atteint sa cible, le tuant net. Son fusil se déchargea – les doigts se crispant par réflexe – mais le projectile alla se perdre.

Creath sentit son propre fusil tomber par terre.

Anna était toujours vivante. Elle tourna les yeux vers lui, impénétrables puits ronds.

C’est bien qu’elle vive, se dit Creath. Au moins ça.

Le démon tomba sur le corps de Greg Morrow, sembla le ramasser et le jeter – mais cela n’avait aucun sens – dans une direction différente de toutes celles perceptibles : le corps disparut tout bonnement. Creath regarda le démon avec calme et décela un visage, indistinct mais plein de rage, et cela aussi, se dit-il, est bon et juste, que la mort ait un visage.

Mains ouvertes, Creath fit face à la créature.

La mort s’abattit sur lui comme une épée enflammée.


« Va, dit Travis à Nancy. Descends la berge. Cache-toi. »

Elle ne voulait pas le quitter, mais elle jeta un coup d’œil à la silhouette de L’Os – de L’Os transformé – et quitta la prairie en sanglotant.

Travis ne pouvait pas bouger. La douleur de sa blessure par balle avait irradié en lui. Toute la fatigue des derniers jours lui était tombée dessus d’un coup, comme le sommeil. Ses paupières pesaient une tonne. Il trouva bizarre de ne ressentir, au bord de la mort, que cette fatigue.

Allongé sur le dos dans la prairie glacée, Travis tourna la tête.

L’automobile avait disparu. L’Os se dirigeait vers les deux hommes restants… Greg et Creath, il reconnaissait leurs silhouettes à la lueur des étoiles, puis Creath leva son fusil (tout cela arrivait trop vite pour qu’on arrive à suivre), mais L’Os était sur eux et ils avaient disparu, jetés dans ces limbes entre les mondes, mis au rebut. Morts.

L’Os se retourna dans sa direction.

Impuissant, Travis regarda le monstre s’approcher de lui.

Il ne restait plus rien de L’Os dans cette chose. Elle était faite de lumière, mais pourvue de substance, car ses pieds s’enfonçaient dans l’herbe de la prairie. Elle sentait l’ozone, les feuilles brûlées, et Travis se dit qu’elle ne pourrait durer longtemps dans ce monde : elle contredisait trop de lois naturelles. Cela se voyait. Une telle chose n’aurait pas dû exister.

Sa rage et sa douleur restaient perceptibles. Il sentit que la chose avait un but, qu’elle cherchait à protéger assez longtemps la chose-Anna pour permettre leur accouplement : elle montrait de l’hostilité envers toute menace. Et elle le connaissait.

Le monstre se pencha sur lui.

Ton propre visage, profond, caché.

Trahi, pensa-t-il, trompé, oui, abandonnant désormais la partie, sans liens, sans qu’il reste d’autres victimes que lui-même. Mais si c’était lui-même, il ne pouvait pas le nier plus longtemps. Il plongea sans peur le regard dans celui, ardent, de l’autre. Le moi se soumettant au verdict du moi. Dieu sait qu’il l’avait fait aux autres. Il s’en était pris à sa mère mourante, à Nancy quand elle avait besoin de lui ; il s’en prenait maintenant à lui-même, rien de plus logique. « Tue-moi, murmura-t-il. Tue-moi donc, si c’est ce que tu es venu faire. »

Mais la créature se détourna. Elle alla dans la cabane, la prairie se retrouva soudain tout simplement vide. Travis béa aux étoiles.

Nancy se précipita vers lui, en larmes.

Elle étancha sa blessure et lui fit une espèce d’oreiller avec l’herbe de la prairie. Elle ôta son manteau qu’elle étendit sur lui.

La nuit étant froide, Travis en éprouva de la reconnaissance.

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