AU SERVICE DU SANG

Je ne pars plus vraiment en voyage

Car je connais l'endroit

Et je connais mes droits,

Et j'ai connu la rage.

Au service de l'humanité,

Assis dans la cité,

Je connais bien ma chambre

Je sens la nuit descendre.

Les anges qui s'envolent

Dans la splendeur des cieux

Et qui retrouvent Dieu,

Les femmes qui rigolent.

Attaché à ma table,

Assis dans la cité,

La lente intensité

De la nuit implacable.

La nuit dans la cité,

La lente immensité,

La vision très cruelle

Détachée sur le ciel

D'une forme qui bouge

Qui palpite, qui est rouge.

Au service du sang,

Des dégoûts peu conscients,

Des fins d'amour cruelles

Des éclats du réel;

Tout cela pour quoi faire?

L'idée d'une vision

La fin d'une chanson

Les hommes qui désespèrent

Qui attendent la rage

Et les corps éclatés

Qui s'accroupissent, blessés,

Dans l'espoir du carnage.

J'apporte l'aliment

De la haine finale,

Je fais frotter mes dents

Et je ressens le mal.

Je connais bien les ruses

De la chair écrasée

On me dit que j'abuse,

Je me sens justifié

Par l'humaine souffrance,

Par les espoirs déçus

Par l'écrasement dense

Des journées superflues.

Je ne suis pas serein,

Mais je suis dans ma chambre

Les anges me tiennent la main,

Je sens la nuit descendre.

L'instant d'une renonciation, je m'abats sur la banquette. Cependant, les rouages du besoin se remettent à tourner. La soirée est fichue; peut-être la semaine, peut-être la vie; il n'empêche que je dois ressortir acheter une bouteille d'alcool.


De jeunes bourgeoises circulent entre les rayonnages du Monoprix, élégantes et sexuelles comme des oies. Il y a probablement des hommes, aussi; je m'en fiche pas mal. On a beau ne plus imaginer de mots possibles entre soi et le reste de l'humanité, le vagin reste une ouverture.


Je remonte les étages, mon litre de rhum serré dans un sac plastique. Je me détruis, je le sens bien; mes dents s'effritent. Pourquoi, aussi, mon regard fait-il fuir les femmes? Le jugent-elles implorant, fanatique, coléreux ou pervers? Je ne le sais pas, je ne le saurai probablement jamais; mais ceci fait le malheur de ma vie.

Загрузка...