— Ce soir, nous vous emmenons dîner à Coco-Beach !

La voix de Neal était claironnante au téléphone. Il n’avait plus aucun accent américain, même quand il a prononcé Coco-Beach.

— Nous viendrons vous chercher à votre hôtel à partir de huit heures.

— Et si nous nous donnions rendez-vous quelque part à l’extérieur ? ai-je proposé.

— Non, non… C’est beaucoup plus simple de passer à votre hôtel… Nous risquons d’être un peu en retard… À partir de huit heures à votre hôtel… Nous klaxonnerons…

Il était inutile de le contredire. Tant pis. Je lui ai répondu que j’étais d’accord. J’ai raccroché et je suis sorti de la cabine téléphonique du boulevard Gambetta.

Nous avons laissé la fenêtre de notre chambre ouverte pour entendre le klaxon. Nous étions tous les deux allongés car le seul meuble où l’on pouvait se tenir dans cette chambre, c’était le lit.

Il avait commencé à pleuvoir quelques instants avant la tombée du jour, une pluie fine qui ne tambourinait pas contre le toit de zinc, une sorte de crachin qui nous donnait l’illusion d’être dans une chambre du Touquet ou de Cabourg.

— C’est où, Coco-Beach ? a demandé Sylvia.

Du côté d’Antibes ? Du cap Ferrât ? Ou même plus loin ? Coco-Beach… Cela avait des résonances et des parfums de Polynésie qui s’associaient plutôt dans mon esprit aux plages de Saint-Tropez : Tahiti, Morea…

— Tu crois que c’est loin de Nice ?

J’avais peur d’un long trajet en automobile. Je m’étais toujours méfié de ces virées tardives dans les restaurants et les boîtes de nuit au terme desquelles vous devez attendre le bon vouloir d’un des convives pour qu’il vous ramène en voiture chez vous. Il est ivre et l’on se trouve à sa merci pendant tout le trajet.

— Et si on leur posait un lapin ? ai-je dit à Sylvia.

Nous éteindrions la lumière de la chambre. Ils pousseraient la grille de la pension Sainte-Anne et traverseraient le jardin. La propriétaire ouvrirait la porte-fenêtre du salon. Leurs voix sur la véranda. Quelqu’un frapperait à notre porte des coups répétés. On nous appellerait. « Vous êtes là ? » Silence. Et puis ce serait le soulagement d’entendre les pas décroître et la grille du jardin se refermer. Enfin seuls. Rien n’égale cette volupté.

Trois coups de klaxon aussi sourds qu’une corne de brume. Je me suis penché à la fenêtre et j’ai vu la silhouette de Neal qui attendait derrière la grille.

Dans l’escalier, j’ai dit à Sylvia :

— Si Coco-Beach est trop loin, on leur demande de rester dans le quartier. On leur dit qu’on doit revenir tôt parce qu’on attend un coup de téléphone.

— Ou alors, on leur fausse compagnie, a dit Sylvia.

Il ne pleuvait plus. Neal nous a fait un grand signe du bras.

— J’avais peur que vous n’entendiez pas le klaxon.

Il portait un chandail à col roulé et sa vieille veste de daim.

La voiture était garée au coin de l’avenue Shakespeare. Une voiture noire, spacieuse, dont je n’aurais su dire la marque. Allemande peut-être. Pas de plaque du corps diplomatique mais un numéro d’immatriculation de Paris.

— J’ai dû changer de voiture, a dit Neal. L’autre ne marche plus.

Il nous ouvrit l’une des portières. Barbara Neal attendait à l’avant dans sa veste de zibeline. Neal s’assit au volant.

— Et en avant pour Coco-Beach ! a-t-il dit en effectuant un brutal demi-tour.

Il descendait la rue Caffarelli beaucoup trop vite à mon gré.

— C’est loin, Coco-Beach ? ai-je demandé.

— Pas du tout, a dit Neal. Juste après le port. C’est le restaurant préféré de Barbara.

Elle s’était retournée vers nous. Elle nous souriait. Elle sentait son odeur de pin.

— Je suis sûre que cet endroit vous plaira, a-t-elle dit.

Nous avons contourné le port. Et puis nous sommes passés devant le parc Vigier et le Club Nautique. Neal a engagé la voiture dans une avenue sinueuse qui longeait la mer. Il s’est arrêté à la hauteur d’un ponton qu’éclairait une enseigne lumineuse.

— Coco-Beach ! Tout le monde descend !

Il y avait une gaieté forcée dans sa voix. Pourquoi, ce soir, voulait-il jouer un rôle de boute-en-train ?

Nous avons traversé le ponton. Neal tenait familièrement sa femme et Sylvia par les épaules. Un vent assez fort soufflait et il a dit :

— Attention de ne pas basculer par-dessus bord !

Nous avons descendu un escalier étroit dont la rampe était une grosse corde blanche tressée et par une coursive nous avons débouché dans la salle de restaurant. Un maître d’hôtel en costume blanc et casquette de marin de plaisance s’est présenté :

— À quel nom avez-vous réservé, monsieur ?

— Capitaine Neal !

Une grande baie vitrée entourait la salle qui dominait la mer d’une dizaine de mètres. Le marin de plaisance nous a conduits jusqu’à l’une des tables proches de la baie vitrée. Neal a voulu que nous nous asseyions, Sylvia et moi, du côté de la table d’où nous pouvions avoir une vue panoramique de Nice. Quelques rares clients parlaient à voix basse.

— Le restaurant marche surtout en été, a dit Neal. Ils enlèvent le toit et cela fait une terrasse en plein air. Figurez-vous que c’est l’ancien jardinier de mon père qui a créé ce restaurant il y a une vingtaine d’années…

— Et il est toujours le patron ? lui ai-je demandé.

— Non. Malheureusement. Il est mort.

Cette réponse m’a déçu. Mon moral n’était pas bon ce soir-là, et j’aurais aimé rencontrer l’ancien jardinier du père de Neal. Ainsi aurais-je eu l’assurance que Neal appartenait bien à une très riche et très honorable famille américaine.

Les garçons du restaurant étaient vêtus, à l’exemple du maître d’hôtel, d’un blazer blanc à boutons dorés et d’un pantalon blanc mais ils étaient tête nue. Au-dessus de la porte d’entrée, une bouée blanche portait cette inscription en caractères bleus : Coco-Beach.

— Belle vue, non ? a dit Neal en se retournant d’un mouvement vif du torse.

Toute la baie des Anges s’ouvrait devant Sylvia et moi avec ses trous d’ombre et ses lumières plus vives, par endroits. Des projecteurs éclairaient les rochers et la pièce montée du monument aux morts au pied de la colline du Château. Là-bas, le jardin Albert-Ier était illuminé ainsi que la façade blanche et le dôme rose du Negresco.

— On se croirait sur un bateau, a dit Barbara.

Oui. Les hommes d’équipage, vêtus de blanc, marchaient silencieusement entre les tables et je m’aperçus qu’ils étaient chaussés d’espadrilles.

— Vous n’avez pas le mal de mer, au moins ? a demandé Neal.

Cette question m’a causé une légère angoisse. Ou bien étaient-ce les gouttes de pluie sur les baies vitrées et le vent qui faisait claquer le drapeau blanc à l’enseigne de Coco-Beach, fixé sur un ponton, à l’avant du restaurant, comme à la proue d’un yacht ?

L’un des garçons en tenue blanche nous présenta à chacun un menu.

— Je vous conseille la bourride, a dit Neal. Ou bien, si vous aimez ça, ils préparent l’aïoli comme je n’en ai mangé nulle part ailleurs.

Les Américains sont quelquefois gastronomes, et avec tout leur sérieux et leur bonne volonté ils deviennent des connaisseurs avertis de la cuisine et des vins français. Mais le ton de Neal, la mimique de son visage, le geste brutal du pouce, et cette façon qu’il avait eue de vanter la bourride et l’aïoli, m’évoquaient des lieux précis. Brusquement, j’avais senti flotter, chez Neal, des relents de la Canebière et de Pigalle.

Pendant tout le repas, nous échangions des regards, Sylvia et moi. Je crois que nous pensions à la même chose : il aurait été si facile de les planter là… Pourtant, la perspective de rejoindre le port m’a retenu. À partir du port, nous pouvions nous perdre dans les rues de Nice, mais jusque-là, il fallait marcher le long d’une avenue déserte et ils nous rattraperaient facilement avec leur voiture. Ils s’arrêteraient et nous demanderaient des explications. Leur répondre, s’excuser, ou bien les envoyer au diable… Tout cela ne servait à rien puisqu’ils connaissaient notre adresse. Dans mon esprit, ils étaient aussi collants que Villecourt. Non, il valait mieux mener les choses en douceur…

Mon malaise s’est aggravé au dessert, lorsque Neal s’est penché vers Sylvia, a effleuré le diamant de son index, et lui a dit :

— Alors, vous portez toujours votre caillou ?

— Vous avez appris à parler l’argot dans les collèges de Monaco ? lui ai-je demandé.

Ses yeux se sont plissés. Il y avait de la dureté dans son regard.

— Je demandais seulement à votre femme si elle portait toujours son caillou…

Lui, si aimable, était soudain agressif. Peut-être avait-il trop bu, pendant le dîner. Barbara paraissait gênée et a allumé une cigarette.

— Ma femme porte un caillou, lui ai-je dit, mais ce caillou est au-dessus de vos moyens.

— Vous croyez ?

— J’en suis sûr.

— Et qui vous fait croire cela ?

— Une intuition.

Il est parti d’un grand éclat de rire. Son regard s’était adouci. Il me considérait maintenant avec une expression amusée.

— Vous êtes fâché contre moi ? Mais je voulais juste faire une blague… une mauvaise blague… Je suis désolé…

— Moi aussi, je blaguais, lui ai-je dit.

Il y a eu un instant de silence.

— Alors, si vous blaguiez, a dit Barbara, tout est pour le mieux.

Il a tenu à ce que nous buvions je ne sais plus quel alcool de prune ou de poire. Je portais le verre à mes lèvres et je faisais semblant d’avaler une gorgée. Sylvia, elle, a bu d’un seul trait. Elle ne disait plus rien. Elle frottait nerveusement entre ses doigts son « caillou »…

— Vous aussi, vous êtes fâchée contre moi ? lui a demandé Neal d’une voix humble. À cause de cette histoire de caillou ?…

Il retrouvait son léger accent américain et ce n’était plus le même homme. Il y avait quelque chose de charmant et de timide chez lui.

— Je vous demande pardon. Je voudrais que vous oubliiez ma blague idiote.

Il joignait les mains dans un geste d’imploration enfantine.

— Vous me pardonnez ?

— Je vous pardonne, a dit Sylvia.

— Je regrette vraiment cette histoire de caillou…

— Caillou ou pas, a dit Sylvia, je m’en fous.

C’était elle, maintenant, qui avait l’accent traînant de l’est de Paris.

— Il est souvent comme ça ? a-t-elle demandé à Barbara en désignant Neal du doigt.

L’autre était décontenancée. Elle a fini par bredouiller :

— Quelquefois.

— Et qu’est-ce que vous faites pour le calmer ?

La question était tombée, tranchante comme un couperet. Neal a éclaté de rire.

— Quelle femme adorable ! m’a-t-il dit.

J’étais mal à l’aise. J’ai avalé une grande gorgée d’alcool.

— Et comment nous allons finir la soirée ? a dit Neal.

Voilà bien ce que je prévoyais. Nous n’étions pas arrivés au bout de nos peines.

— Je connais un endroit très agréable à Cannes, a dit Neal. Nous pourrions y boire un verre.

— À Cannes ?

Neal m’a tapoté gentiment l’épaule.

— Voyons, mon vieux, ne faites pas cette tête… Cannes n’est pas un endroit de perdition…

— Nous devons rentrer à notre hôtel, ai-je dit. J’attends un coup de téléphone vers minuit…

— Allons… Allons… Vous téléphonerez vous-même de Cannes… Vous n’allez pas nous lâcher…

Je me suis retourné en désespoir de cause vers Sylvia. Elle était impassible. Mais elle a fini par venir à ma rescousse :

— Je suis fatiguée… Je n’ai pas envie de faire de grands trajets en voiture la nuit…

— De grands trajets en voiture ? Jusqu’à Cannes ? Vous vous moquez de moi… Tu as entendu, Barbara ? Un grand trajet en voiture jusqu’à Cannes… jusqu’à Cannes, ils trouvent que c’est un grand trajet…

Plus un mot ou nous serions en présence d’un marteau-pilon qui ne cesserait de scander : « Jusqu’à Cannes, jusqu’à Cannes…» Et si nous le contrariions, il se collerait à nous encore plus fort que maintenant. Pourquoi certaines personnes sont-elles comme ces chewing-gums que nous essayons vainement de détacher de nos talons, en frottant ceux-ci contre le bord du trottoir ?

— Je vous promets que nous serons à Cannes en dix minutes… À cette heure-là, on roule très bien…

Non, il n’avait même pas l’air ivre. Il parlait d’une voix douce. Sylvia a haussé les épaules.

— Si vous y tenez, allons à Cannes…

Elle gardait son sang-froid. Elle m’a fait un clin d’œil imperceptible.

— Nous parlerons du diamant, a dit Neal. Je crois que je vous ai trouvé un client. N’est-ce pas, Barbara ?

Elle nous souriait sans répondre.

Les garçons en veste blanche évoluaient entre les tables et je me demandais comment ils pouvaient marcher d’un pas si ferme. Derrière les baies vitrées, les lumières de Nice me semblaient de plus en plus lointaines et se brouillaient. Nous gagnions le large. Tout tanguait autour de moi.

À l’instant de monter dans la voiture, j’ai dit à Neal :

— J’aimerais vraiment que vous nous déposiez à notre hôtel… Je ne veux pas manquer ce coup de téléphone.

Il a consulté sa montre. Son visage s’est éclairé d’un large sourire.

— Vous attendiez bien ce coup de téléphone à minuit ? Il est minuit et demi… Vous n’avez plus aucune excuse pour nous fausser compagnie, mon vieux…

Nous avons pris place sur la banquette arrière, Sylvia et moi. Barbara a fait claquer son porte-cigarettes en or. Elle s’est retournée vers nous.

— Vous n’auriez pas une cigarette ? a-t-elle demandé. Moi, il ne m’en reste plus.

— Non, a répondu Sylvia brutalement. Nous n’avons pas de cigarettes.

Elle m’avait pris la main et la serrait contre son genou. Neal a démarré.

— Vous tenez vraiment à nous emmener à Cannes ? a demandé Sylvia. C’est ennuyeux, Cannes…

— Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas, a dit Neal sur un ton protecteur.

— Nous n’aimons pas les boîtes de nuit, a insisté Sylvia.

— Mais je ne vous emmène pas dans une boîte de nuit…

— Alors où ?

— C’est une surprise.

Il conduisait moins vite que je ne l’avais craint. Il a allumé la radio en sourdine. De nouveau, nous sommes passés devant le bâtiment blanc du Club Nautique et le parc Vigier. Nous avons rejoint le port.

Sylvia me serrait la main. Je me suis tourné vers elle. Par un mouvement du bras en direction de la portière, j’ai voulu lui faire comprendre qu’à l’occasion d’un feu rouge nous pourrions sortir de la voiture. Je crois qu’elle a compris car elle a eu un hochement de tête.

— J’adore cet air, a dit Neal.

Il a augmenté le volume de la radio. Il s’est tourné vers nous.

— Vous aimez, vous aussi ?

Nous n’avons répondu ni l’un ni l’autre. Je pensais à l’itinéraire que nous allions suivre en direction de Cannes. Il y aurait certainement un feu rouge à la hauteur du jardin Albert-Ier. Ou plus haut, sur la Promenade des Anglais. Le mieux, pour nous, ce serait de descendre de la voiture sur la Promenade des Anglais et de disparaître dans l’une des rues perpendiculaires à celle-ci, où Neal ne pourrait pas s’engager à cause des sens uniques.

— Je n’ai plus de cigarettes, a dit Barbara.

Nous étions arrivés quai Cassini. Il a arrêté la voiture.

— Tu veux qu’on aille acheter des cigarettes ? a demandé Neal.

Il s’est tourné vers moi.

— Ça ne vous dérange pas d’aller chercher des cigarettes pour Barbara ?

Il a effectué un demi-tour, puis il s’est arrêté de nouveau, au début du quai des Deux-Emmanuel.

— Vous voyez le premier restaurant sur le quai ? Le restaurant Garac… Il est encore ouvert… Vous leur demanderez deux paquets de Craven… S’ils vous font des difficultés, vous leur dites que c’est pour moi… Mme Garac m’a connu en culottes courtes…

J’ai lancé un regard à Sylvia. Elle paraissait attendre une décision de ma part. Je lui ai fait un signe négatif de la tête. Ce n’était pas encore le moment de leur fausser compagnie. Il fallait se trouver pour cela dans le centre de Nice.

J’ai voulu ouvrir la portière, mais elle était bloquée.

— Excusez-moi, a dit Neal.

Il a appuyé sur un bouton, à la hauteur du levier de vitesse. Cette fois-ci, la portière s’est ouverte.

Je suis entré chez Garac. J’ai monté l’escalier qui menait au restaurant. Une femme blonde se tenait derrière le guichet du vestiaire. De la salle du restaurant, me parvenait un brouhaha de conversations.

— Vous avez des cigarettes ? ai-je demandé.

— Quelle marque ?

— Craven.

— Ah non… Je n’ai pas d’anglaises.

Elle me présentait le plateau des cigarettes.

— Tant pis… Je vais prendre des américaines.

J’ai choisi deux paquets au hasard. Je lui ai donné un billet de cent francs. Elle a ouvert un tiroir, puis un autre. Elle ne trouvait pas la monnaie.

— Tant pis, lui ai-je dit. Gardez ça pour vous.

J’ai descendu l’escalier. Quand je suis sorti de chez Garac, la voiture avait disparu.

J’ai attendu, sur le trottoir du quai Cassini. Neal était sans doute allé prendre de l’essence dans les parages et il n’avait pas trouvé de station-service. La voiture déboucherait d’un instant à l’autre, devant moi. À mesure que le temps passait, je sentais la panique m’envahir. Je ne pouvais pas rester immobile à attendre, je faisais les cent pas le long du trottoir. J’ai fini par consulter ma montre. Il était presque deux heures du matin.

Un groupe bruyant est sorti du restaurant Garac. Des portières de voitures ont claqué, des moteurs ont démarré. Quelques personnes poursuivaient leurs conversations sur le quai. J’entendais le bruit de leurs voix et leurs éclats de rire. Là-bas, au bord du bassin, des ombres déchargeaient des caisses et les empilaient au fur et à mesure près d’un camion bâché, feux éteints.

J’ai marché vers eux. Ils faisaient une pause. Ils étaient appuyés contre les caisses et fumaient.

— Vous n’avez pas vu une voiture, tout à l’heure ? ai-je demandé.

L’un d’eux a levé la tête vers moi.

— Quelle voiture ?

— Une grosse voiture noire.

J’avais besoin de parler à quelqu’un, de ne pas garder cela pour moi tout seul.

— Des amis qui m’attendaient dans une voiture noire, là-bas, devant l’immeuble… Ils sont partis sans me prévenir.

Non, cela ne servait à rien de leur expliquer. Je ne trouvais pas les mots. D’ailleurs, ils ne m’écoutaient pas. Pourtant l’un d’eux a dû remarquer mon visage décomposé.

— Une voiture noire de quelle marque ? a-t-il demandé.

— Je ne sais pas.

— Vous ne savez pas la marque de la voiture ?

Sans doute m’avait-il posé cette question pour vérifier si j’étais ivre ou si j’avais bien tous mes esprits. Il me considérait avec méfiance.

— Mais non. Je ne sais pas la marque de la voiture.

C’était terrible de ne pas même savoir cela.

Je montais le boulevard de Cimiez. J’ai eu un coup au cœur. De loin, je distinguais la masse sombre d’une voiture garée devant le mur à balustrade de la villa des Neal. Quand je me suis approché, j’ai vu que ce n’était pas l’automobile de tout à l’heure, mais celle qui portait la plaque du corps diplomatique.

J’ai sonné plusieurs fois. Personne ne répondait. J’ai tenté de pousser la grille mais elle était fermée. J’ai traversé l’avenue. Dans la partie de la maison que je pouvais apercevoir, derrière la balustrade, il n’y avait pas une lumière. J’ai redescendu le boulevard de Cimiez et suis entré dans la cabine téléphonique qui se trouve tout en bas au tournant, à la hauteur du Majestic. J’ai composé le numéro des Neal et j’ai laissé sonner, longtemps. Mais pas plus qu’à la grille, personne ne répondait. Alors, j’ai suivi de nouveau le boulevard jusqu’à la villa des Neal. La voiture était toujours là. Je ne sais pas pourquoi, j’ai essayé d’ouvrir, une à une, les portières, mais elles étaient fermées à clé. Le coffre arrière aussi. Puis j’ai secoué la grille dans l’espoir qu’elle céderait. En vain. J’ai donné des coups de pied dans la voiture et dans la grille, mais je n’avais de prise sur rien. Tout se refermait devant moi, je ne trouvais pas la moindre fissure où me glisser, le moindre contact, tout était verrouillé, irrémédiablement.

Comme cette ville où je marchais jusqu’à la pension Sainte-Anne. Rues mortes. De rares voitures passaient et je les fouillais du regard les unes après les autres, mais ce n’était jamais la voiture des Neal. On aurait cru qu’elles étaient vides. Je longeais le jardin d’Alsace-Lorraine, et j’en ai remarqué une, noire et de la taille de celle des Neal, arrêtée au coin du boulevard Gambetta. Son moteur tournait. Puis il s’est éteint. Je me suis approché mais je ne voyais rien à travers les vitres opaques. Je me suis baissé et j’ai presque collé mon front au pare-brise. Sur la banquette avant une femme blonde qui se tenait de biais, le buste appuyé au volant, tournait le dos à un homme qui tentait de se plaquer contre elle. Elle avait l’air de se débattre. Je m’éloignais déjà, lorsqu’une tête est apparue par la vitre baissée, un homme aux cheveux bruns ramenés en arrière :

— Ça t’intéresse, voyeur ?

Puis un rire strident de femme, dont il me semblait entendre l’écho tout le long de la rue Caffarelli.

La grille de la pension Sainte-Anne était bloquée et j’ai cru que je ne parviendrais jamais à l’ouvrir, elle non plus. Mais je l’ai poussée de toutes mes forces, en m’arc-boutant, et elle a fini par céder. Dans l’allée et le jardin obscurs, j’ai dû me guider à tâtons jusqu’à l’escalier de service.

Quand je suis entré dans la chambre et que j’ai allumé la suspension, j’ai d’abord éprouvé un sentiment de réconfort, tant la présence de Sylvia était encore vivante ici. L’une de ses robes traînait sur le dossier du fauteuil de cuir, ses autres vêtements étaient rangés dans le placard, et au fond de celui-ci, j’ai reconnu son sac de voyage. Ses affaires de toilette n’avaient pas quitté la petite table de bois clair, près du lavabo. Je n’ai pu m’empêcher de respirer son flacon de parfum.

Je me suis allongé sur le lit tout habillé, et j’ai éteint la lumière avec l’idée que je pourrais mieux réfléchir dans le noir. Mais l’obscurité et le silence m’enveloppaient comme un linceul, et j’avais l’impression d’étouffer. Peu à peu, cela a fait place à un sentiment de vide et de désolation. C’était insupportable de se retrouver seul sur le lit. J’ai allumé la lampe de chevet et je me suis dit à voix basse que Sylvia ne tarderait pas à me rejoindre dans cette chambre. Elle savait que je l’attendais ici. Alors, j’ai éteint de nouveau la lampe pour mieux guetter le grincement de la grille qui s’ouvrirait, et le bruit de ses pas le long de l’allée et sur les marches de l’escalier.

Je n’étais plus qu’un somnambule qui allait de la pension Sainte-Anne à la villa des Neal. Je sonnais longtemps sans que personne ne réponde. La voiture du corps diplomatique était toujours garée à la même place, devant la grille.

Le numéro de téléphone des Neal figurait dans l’annuaire des Alpes-Maritimes avec cette mention : Service ambassade américaine 50 bis, boulevard de Cimiez. J’ai téléphoné à l’ambassade américaine de Paris et leur ai demandé s’ils ne connaissaient pas un certain Virgil Neal qui occupait l’un de leurs bâtiments, à Nice, 50 bis, boulevard de Cimiez. Je leur ai dit qu’il avait disparu d’un jour à l’autre et que je m’inquiétais pour lui. Non, ils n’avaient jamais entendu parler d’un M. Virgil Neal. La villa Château Azur, boulevard de Cimiez, servait de résidence à des fonctionnaires de l’ambassade, mais depuis quelques mois, elle était inoccupée. Un consul américain s’y installerait prochainement. C’est à lui que je devrais m’adresser.

Je lisais tous les journaux, en particulier ceux de la région et même les journaux italiens. J’épluchais les faits divers. L’un d’eux avait attiré mon attention. Dans la nuit où Sylvia avait disparu, une voiture allemande, de marque Opel, noire, immatriculée à Paris, avait quitté la route au lieu-dit le chemin du Mont-Gros entre Menton et Castellar et s’était écrasée au fond d’un ravin. Elle avait pris feu et on avait découvert à l’intérieur deux corps complètement carbonisés qu’on n’avait pas pu identifier.

J’ai fait un détour par la Promenade des Anglais et j’ai pénétré dans le grand garage, juste avant la rue de Cronstadt.

J’ai demandé à l’un des mécanos si, par hasard, il y avait une Opel dans ce garage.

— Pourquoi ?

— Comme ça…

Il a haussé les épaules :

— Là-bas… au coin… tout au fond…

Oui, c’était bien une voiture semblable à celle des Neal.

J’ai voulu revisiter tous les endroits où nous étions allés en compagnie des Neal, dans l’espoir d’y trouver une piste, un fil conducteur, ou peut-être de les voir entrer avec Sylvia : ainsi de ces films que l’on fait revenir en arrière sur la table de montage pour y examiner inlassablement les détails de la même séquence. Mais à l’instant où je sortais de chez Garac, les deux paquets de cigarettes américaines à la main, le film se cassait ou bien j’étais arrivé au bout de la bobine.

Sauf un soir, dans le restaurant italien de la rue des Ponchettes où les Neal nous avaient donné rendez-vous, la première fois.

J’avais choisi la table qui avait été la nôtre ce jour-là, près de la cheminée monumentale et je m’étais assis sur la même chaise. Oui, j’avais l’espoir en revenant dans les mêmes lieux et en refaisant les mêmes gestes que je finirais bien par renouer des fils invisibles.

J’avais demandé à la directrice du restaurant et à chacun des serveurs s’ils connaissaient les Neal. Ce nom ne leur disait rien, et pourtant Neal nous avait affirmé qu’il était un habitué de l’endroit. Les dîneurs parlaient fort et ce brouhaha m’oppressait au point que je ne savais plus pourquoi je me trouvais là, et où j’étais.

Les événements de ma vie s’embrumaient peu à peu jusqu’à se dissoudre. Il ne restait que cet instant, les dîneurs, la cheminée monumentale, les faux Guardi accrochés aux murs et le murmure des voix… Rien que cet instant. Je n’osais pas me lever ni quitter cette salle. À peine aurais-je franchi la porte que je glisserais dans le vide…

Un homme barbu est entré, un appareil photographique en bandoulière et avec lui une bouffée de l’air froid du dehors. J’ai été brusquement tiré de ma torpeur et j’ai reconnu le photographe à veste de velours et visage de rapin qui patrouillait devant le Palais de la Méditerranée et avait pris une photo des Neal, de Sylvia et de moi. Cette photo, je la gardais toujours dans mon portefeuille.

Il a fait le tour des tables en demandant aux dîneurs s’ils voulaient une « photo souvenir », mais aucun d’eux n’a accepté. Puis son regard est tombé sur moi. Il a paru hésiter, sans doute parce que j’étais seul.

— Photo ?

— Oui, s’il vous plaît.

Il a levé son appareil vers moi et le flash m’a ébloui.

Il attendait que la photo sèche entre ses doigts et me considérait avec curiosité.

— Seul à Nice ?

— Oui.

— Vous faites du tourisme ?

— Pas exactement.

Il glissait la photo dans un petit cadre en carton et me la tendait.

— C’est cinquante francs.

— Vous voulez prendre un verre ? lui ai-je dit.

— Volontiers.

— Moi aussi, j’ai été photographe dans le temps, lui ai-je dit.

— Ah bon…

Il s’est assis en face de moi et a posé son appareil photo sur la table.

— Vous m’avez déjà pris en photo sur la Promenade des Anglais, lui ai-je dit.

— Je ne me souviens pas de tout le monde. Ça défile, vous savez…

— Oui, ça défile…

— Alors, vous étiez photographe, vous aussi ?

— Oui.

— Dans quel genre ?

— Oh… un peu de tout.

C’était la première fois que je pouvais parler à quelqu’un. J’ai sorti la photo de mon portefeuille. Il a d’abord jeté un œil distrait sur elle. Puis il a froncé les sourcils.

— C’est un de vos amis ? m’a-t-il demandé, en me désignant Neal.

— Pas vraiment.

— Figurez-vous que j’ai connu ce type-là dans le temps… Mais ça fait des années que je ne l’ai plus revu… Je ne me suis même pas rendu compte que je le photographiais ce jour-là… Ça défile tellement vite…

Le serveur nous apportait deux coupes de champagne. J’ai fait semblant d’en boire une gorgée. Lui, il a avalé le contenu de sa coupe d’un seul trait.

— Alors, vous l’avez connu ? ai-je dit sans grand espoir qu’il me réponde, tant j’avais l’habitude que les choses se dérobent devant moi.

— Oui… Nous habitions le même quartier quand nous étions gosses… Riquier…

— Vous êtes sûr ?

— Absolument.

— Et comment s’appelait-il ?

Il a cru que je lui posais une devinette.

— Alessandri… Paul Alessandri… J’ai répondu juste ?

Il ne détachait pas les yeux de la photo.

— Et maintenant qu’est-ce qu’il fait de beau, Alessandri ?

— Je ne sais pas exactement, ai-je dit. Je le connais à peine.

— La dernière fois que je l’ai vu, il était manadier en Camargue…

Il a levé la tête et sur un ton à la fois ironique et solennel, il m’a dit :

— Vous avez de mauvaises fréquentations, monsieur.

— Pourquoi ?

— Paul a commencé par être groom au Ruhl… Il a été changeur au casino municipal… Et puis barman… Ensuite, il est monté à Paris et je l’ai perdu de vue… Il a fait de la prison… Si j’étais vous, je me méfierais…

Il me fixait de ses petits yeux perçants.

— J’aime bien mettre en garde les touristes…

— Je ne suis pas un touriste, ai-je dit.

— Ah bon ? Vous habitez Nice ?

— Non.

— Nice est une ville dangereuse, a-t-il dit. On y fait parfois de mauvaises rencontres…

— Je ne savais pas qu’il s’appelait Alessandri, lui ai-je dit. Il se faisait appeler Neal.

— Ah… Vous dites qu’il se faisait appeler comment ?

— Neal.

Je lui ai épelé le nom.

— Ça alors… Paul se fait appeler Neal ?… Neal… C’était un Américain qui habitait boulevard de Cimiez quand nous étions gosses… Une grande villa… Le Château Azur… Paul m’emmenait jouer avec lui dans le parc de cette villa-juste après la guerre… Il était le fils du jardinier…

J’ai traversé la place Masséna. L’intendance de police se trouvait un peu plus loin, après les palissades qui marquaient l’emplacement de l’ancien casino municipal où Paul Alessandri avait été « changeur ». Qu’est-ce que cela voulait dire : changeur ? J’ai fait les cent pas en regardant les cars entrer et sortir de la gare routière. D’un élan, comme si je craignais de revenir en arrière, j’ai franchi le porche.

J’ai demandé à l’homme qui se tenait derrière un bureau dans le hall d’entrée à quel service il fallait s’adresser pour les « disparitions ».

— Quelles disparitions ?

J’ai regretté aussitôt mon initiative. Maintenant, on allait me poser des questions et je devrais y répondre en détail. On ne se contenterait pas de réponses évasives. J’entendais déjà le cliquetis monotone de la machine à écrire.

— La disparition de quelqu’un, ai-je dit.

— Premier étage. Bureau 23.

J’ai préféré monter par l’escalier plutôt que de prendre l’ascenseur. J’ai suivi un couloir vert pâle le long duquel les portes se succédaient avec leurs numéros impairs : 3, 5, 9, 11, 13… Puis le couloir a bifurqué à gauche, en angle droit. 15, 17, 23. Le globe de lumière, au plafond, éclairait violemment la porte et me faisait cligner des yeux. J’ai frappé plusieurs fois. Une voix aiguë m’a prié d’entrer.

Un blond à lunettes, assez jeune, s’appuyait, de ses bras croisés, sur un bureau métallique. À côté de lui, une petite table en bois clair supportait une machine à écrire recouverte de son étui de plastique noir.

Il me désignait le siège, en face de lui. Je me suis assis.

— C’est au sujet d’une amie qui a disparu depuis plusieurs jours, ai-je dit, et ma voix me semblait celle d’un autre.

— Une amie ?

— Oui. Nous avions fait la connaissance de deux personnes qui nous ont invités dans un restaurant, et après le dîner mon amie a disparu avec eux à bord d’une voiture Opel et…

— Votre amie ?

J’avais parlé très vite comme si je prévoyais qu’il allait m’interrompre et que je ne disposais que de quelques secondes pour tout lui expliquer.

— Depuis, je n’ai plus aucune nouvelle. Ces personnes que nous avions rencontrées prétendaient s’appeler M. et Mme Neal et habitaient une villa boulevard de Cimiez qui appartient à l’ambassade américaine. D’ailleurs, ils se servaient d’une voiture qui portait une plaque du corps diplomatique et qui est toujours garée devant la villa…

Il m’écoutait, le menton sur la paume de sa main et je ne pouvais plus m’arrêter de parler. Depuis si longtemps, j’avais gardé toutes ces choses pour moi seul sans avoir l’occasion de me confier à quelqu’un…

— L’homme ne s’appelait pas Neal et n’était pas américain comme il le prétendait… Il s’appelle Paul Alessandri et il est originaire de Nice… Je l’ai su par un de ses amis d’enfance qui est photographe sur la Promenade des Anglais et qui avait pris une photo de nous.

Je sortis de mon portefeuille la photo et la lui tendis. Il la saisit délicatement entre le pouce et l’index comme l’aile d’un papillon mort et la posa sur son bureau, sans la regarder.

— Ce Paul Alessandri est le troisième à partir de la gauche. Il a été groom à l’hôtel Ruhl… Il a fait de la prison…

Du bout des doigts, il poussa la photo vers moi. Il dédaignait ce document. Et Paul Alessandri, bien qu’il eût fait de la prison, ne l’intéressait en aucune manière.

— Mon amie portait sur elle un bijou de très grande valeur…

Tout allait basculer pour moi. Il suffisait de donner encore quelques autres détails et une période de ma vie s’achèverait, là, dans ce bureau de l’intendance de police. L’instant était venu – j’en avais la certitude – où il ôterait la housse noire de la machine à écrire et poserait cette machine, devant lui, sur son bureau. Il y glisserait un feuillet et le ferait tourner dans un crissement. Puis, il lèverait son visage vers moi et me dirait, d’une voix douce :

— Je vous écoute.

Mais il demeurait immobile et silencieux, le menton sur la paume de la main.

— Mon amie portait sur elle un diamant de très grande valeur, ai-je répété d’une voix plus ferme.

Il gardait toujours le silence.

— Ce Paul Alessandri qui se faisait passer pour un Américain avait repéré ce bijou que portait mon amie et m’avait même proposé de l’acheter…

Il avait dressé le buste, ses deux mains bien à plat sur la table, dans l’attitude de quelqu’un qui veut mettre un terme à une conversation.

— Il s’agissait bien d’une amie à vous ? m’a-t-il demandé.

— Oui.

— Vous n’avez donc aucun lien de parenté avec elle ?

— Non.

— Notre service s’appelle : Recherches dans l’intérêt des familles, et cette personne n’est pas de votre famille, si je comprends bien…

— Non.

— Par conséquent…

Il écartait les bras, d’un geste d’impuissance à la douceur ecclésiastique.

— Et puis, vous savez, j’ai l’habitude de ce genre de disparitions… Des fugues, en général… Qui vous dit par exemple que votre amie n’a pas voulu partir en voyage avec ce couple et qu’elle ne vous donnera pas des nouvelles d’ici quelque temps ?

J’ai quand même eu la force de bredouiller :

— J’ai lu dans le journal qu’une voiture de marque Opel s’était écrasée dans un ravin entre Menton et Castellar…

Il se frottait les mains, avec cette même douceur ecclésiastique.

— Il y a une grande quantité de voitures Opel sur la côte d’Azur qui s’écrasent dans des ravins… Vous n’allez quand même pas essayer de dénombrer toutes les Opel de Nice et des environs qui s’écrasent dans des ravins ?

Il s’est levé, m’a pris par le bras et d’une pression ferme mais courtoise m’a entraîné jusqu’à la porte de son bureau qu’il a ouverte :

— Désolé… Nous ne pouvons vraiment rien pour vous…

Et il me désignait le panneau de la porte. Quand il eut refermé celle-ci, je suis resté un instant, immobile et hébété, sous le globe de lumière du couloir, à fixer les lettres bleues : « Recherches dans l’intérêt des familles. »

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