Les copains étaient assis autour d'une table de café lorsque Albert les rejoignit. Il y avait là René, Robert, Adolphe, Georges, Théodore.
– Alors ça va? demande cordialement Robert.
– Ça va, dit Albert.
Il appela le garçon.
– Pour moi, ce sera un picon, dit-il.
Adolphe se tourna vers lui:
– Alors, Albert, quoi de neuf?
– Pas grand-chose.
– Il fait beau, dit Robert.
– Un peu froid, dit Adolphe.
– Tiens, j'ai vu quelque chose de drôle aujourd'hui, dit Albert.
– Il fait chaud tout de même, dit Robert.
– Quoi? demanda René.
– Dans l'autobus, en allant déjeuner, répondit Albert.
– Quel autobus?
– L's.
– Qu'est-ce que tu as vu? demanda Robert.
– J'en ai attendu trois au moins avant de pouvoir monter.
– à cette heure-là ça n'a rien d'étonnant, dit Adolphe.
– Alors qu'est-ce que tu as vu? demanda René.
– On était serrés, dit Albert.
– Belle occasion pour le pince-fesse.
– Peuh, dit Albert. Il ne s'agit pas de ça.
– Raconte alors.
– à côté de moi il y avait un drôle de type.
– Comment? demanda René.
– Grand, maigre, avec un drôle de cou.
– Comment? demanda René.
– Comme si on lui avait tiré dessus.
– Une élongation, dit Georges.
– Et son chapeau, j'y pense: un drôle de chapeau.
– Comment? demanda René.
– Pas de ruban, mais un galon tressé autour.
– Curieux, dit Robert.
– D'autre part, continua l'Albert, c'était un râleur ce type.
– Pourquoi ça? demanda René.
– Il s'est mis à engueuler son voisin.
– Pourquoi ça? demanda René.
– Il prétendait qu'il lui marchait sur les pieds.
– Exprès? demanda Robert.
– Exprès, dit Albert.
– Et après?
– Après? il est allé s'asseoir, tout simplement.
– C'est tout? demanda René.
– Non. Le plus curieux c'est que je l'ai revu deux heures plus tard.
– Où ça? demanda René.
– Devant la gare Saint-Lazare.
– Qu'est-ce qu'il fichait là?
– Je ne sais pas, dit Albert. Il se promenait de long en large avec un copain qui lui faisait remarquer que le bouton de son pardessus était placé un peu trop bas.
– C'est en effet le conseil que je lui donnais, dit Théodore.