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Il est des histoires qui ressemblent à un conte de fées. L’histoire de mon enfance, par exemple, semblait être tirée d’un conte de Grimm. Et pourtant, mon enfance racontée ne fut jamais une histoire à faire rêver.

L’on dit souvent que les contes de fées laissent libre cours à l’imagination de l’enfant. La mienne (mon imagination), stagnait à chaque fois qu’on me parlait de sorcières. Je ne me prenais jamais à imaginer diverses figures féminines au physique hideux et aux cheveux hirsutes. Les sorcières des histoires qui m’étaient narrées avaient un visage qui m’était douloureusement familier, des cheveux longs et lisses comme de la soie, une élégance recherchée, et surtout une jeunesse hantée et menacée par la mienne. Invariablement, dans mon esprit, toutes les sorcières se retrouvaient en une seule: ma belle-mère.

Elle débarqua un jour dans nos vies, belle, jeune et impitoyable. Elle me prit en grippe dès le début. Et je le lui rendais bien. Elle m’était détestable. A son arrivée, elle imposa un système de lois et d’interdits qui transforma notre maison en une institution hautement disciplinée. Mes deux soeurs se plièrent sagement à ses règles. Mais mon esprit rebelle se refusait de se soumettre à ce régime qui semblait doubler de sévérité à mon égard. Si elle était intransigeante avec mes soeurs, avec moi elle se transformait en un despote Nazi.

Mon père et mes oncles prenaient un malin plaisir à nous apprendre des gros mots. Et encore, au fur et à mesure que nous nous perfectionnions dans cet art, ils enrichissaient notre vocabulaire d’insultes à caractère pornographiques. Avant l’arrivée de ma belle-mère, nous passions nos soirées à nous lancer des insultes. Bien sûr les oreilles délicates de celle-ci furent choquées par notre vocabulaire qu’elle trouvait aberrant. C’est pourquoi mon père avait trouvé un compromis. Il nous permettait de laisser libre cours à nos injures durant les absences de ma belle-mère. Mes soeurs avaient tout de suite appris à éviter les dérapages compromettants en la présence de celle-ci. Quant à moi, je ne l’appris jamais. Et je dérapais souvent. Je me délectais dans mes dérapages qui faisaient surgir des expressions effarées autour de moi. En l’absence de ma marâtre, mes injures déclenchaient des fous rires. Quand elle était dans les parages, je recevais les piments. Mais je continuais à avoir ces lapsus quand même. J’en savourais la sonorité exquise.

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