PROLOGUE Octobre 2008 (33 ans après la disparition)

Tout le monde parlait du livre. Dans les rues de New York, je ne pouvais plus déambuler en paix, je ne pouvais plus faire mon jogging dans les allées de Central Park sans que des promeneurs me reconnaissent et s’exclament : « Hé, c’est Goldman ! C’est l’écrivain ! » Il arrivait même que certains entament quelques pas de course pour me suivre et me poser les questions qui les taraudaient : « Ce que vous y dites, dans votre bouquin, c’est la vérité ? Harry Quebert a vraiment fait ça ? » Dans le café de West Village où j’avais mes habitudes, certains clients n’hésitaient plus à s’asseoir à ma table pour me parler : « Je suis en train de lire votre livre, Monsieur Goldman : je ne peux pas m’arrêter ! Le premier était déjà bon, mais alors celui-là ! On vous a vraiment filé un million de dollars pour l’écrire ? Vous avez quel âge ? Trente ans à peine ? Trente ans ! Et vous avez déjà amassé tellement de pognon ! » Même le portier de mon immeuble, que je voyais avancer dans sa lecture entre deux ouvertures de portes, avait fini par me coincer longuement devant l’ascenseur, une fois le livre terminé, pour me confier ce qu’il avait sur le cœur : « Alors, voilà ce qui est arrivé à Nola Kellergan ? Quelle horreur ! Mais comment en arrive-t-on là ? Hein, Monsieur Goldman, comment est-ce possible ? »

Le Tout-New York se passionnait pour mon livre ; il y avait deux semaines qu’il était paru et il promettait déjà d’être la meilleure vente de l’année sur le continent américain. Tout le monde voulait savoir ce qui s’était passé à Aurora en 1975. On en parlait partout : à la télévision, à la radio, dans les journaux. J’avais à peine trente ans et avec ce livre, qui était seulement le deuxième de ma carrière, j’étais devenu l’écrivain le plus en vue du pays.

L’affaire qui agitait l’Amérique, et dont j’avais tiré l’essence de mon récit, avait éclaté quelques mois plus tôt, au début de l’été, lorsqu’on avait retrouvé les restes d’une jeune fille disparue depuis trente-trois ans. C’est ainsi que débutèrent les événements du New Hampshire qui vont être rapportés ici, et sans lesquels la petite ville d’Aurora serait certainement demeurée inconnue du reste de l’Amérique.

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