5

« Qu’est-ce que c’est ? » gémit l’esprit de Jerry. « Où suis-je encore ? »

— « Tout va bien, » dit une voix apaisante. « Tu es avec moi, maintenant. »

— « Oh ! oh ! » ricana l’esprit de Jerry. « Et qui pouvez-vous bien être ? »

Il faisait sombre comme il regardait par les yeux de l’être, mais il agita rapidement une patte devant lui et fut rassuré. Ses griffes étaient toujours aussi blanches et acérées, ses poils gris, raides et intacts.

« Comment puis-je être vous ? » demanda Jerry. « Si je suis un rat gris et que vous êtes aussi un rat gris, que fais-je ici ? »

— « Tu es venu m’espionner, je le sais, » dit la voix apaisante. « Mais tu vois ? Tu n’as rien à craindre. Rien du tout. Je ne te veux aucun mal. Tu ne décèles aucune menace en moi, n’est-ce pas ? »

— « Non. Aucune menace. Aucun danger. Je suis en sécurité. À l’abri. Je suis bien et l’on m’aime…»

— « Repose-toi, » dit l’étranger. « Repose-toi. Et laisse-moi reprendre le contrôle. Tu peux dormir si tu le désires. Tu peux te reposer. Je prendrai soin de toi, crois-moi. »

— « Oui. Dormir. Plus de course, plus de terreur…» dit l’esprit de Jerry Norcriss – l’esprit d’un rat gris, dans le corps invisible d’un autre rat gris qui lui ressemblait beaucoup…


— « Dépêchez-vous, avec ce projecteur ! » lança Bob. Il avançait à travers bois à la tête des autres hommes. Deux d’entre eux étaient armés de fusils, l’un portait un lance-flammes et Bob lui-même était chargé d’un des nouveaux bazookas à projectiles nucléaires. Ollie, qui tenait le projecteur, courut pour le rattraper tout en s’excusant.

— « Ça va, ça va, » dit Bob. « Mais il faut que je voie ce cadran. Ah ! voilà… Nous sommes dans la bonne direction. Viens, Ollie. Garde le rayon comme ça, afin qu’il éclaire en même temps le sol et le cadran du traceur. Nous ne devons pas courir le risque de nous tromper de route. Il ne nous reste plus que sept minutes avant la fin du Contact. »

— « Mais le lieutenant ?…» dit Ollie. « Êtes-vous sûr qu’il ne va pas… ? »

— « Le rupteur est là pour ça. Nous devons frapper au moment exact où le Contact sera interrompu. Plus tôt, nous tuerions le lieutenant Norcriss en même temps que l’étranger. Plus tard, ce serait l’étranger qui nous tuerait. Tout comme il l’a fait pour ceux qui se sont approchés de lui. »

— « Mais comment fait-il. À quoi ressemble-t-il ? » insista Ollie.

— « Bon sang, nous n’avons pas le temps de bavarder ! Surveille cette lumière et dépêche-toi ! »

Les hommes s’enfonçaient toujours plus avant dans le bois. Les cercles de lumière blanche projetés par la torche figeaient en un éclat blême les feuilles humides et l’herbe décolorée.


— « Si seulement tu relâchais ta prise, » disait l’étranger. Puis il se tut.

Jerry lui aussi avait aperçu les lucioles qui dansaient entre les branches des arbres proches. L’obscurité des bois était traversée de sillages de lumière. Ils commencèrent à briller comme autant de rayons éblouissants au sein des taillis.

« Les hommes ! » cria l’esprit étranger. « Les hommes arrivent ! Les hommes, nos ennemis ! »

Jerry, qui détenait toujours une partie du contrôle sur le corps du rat invisible, lutta contre l’impulsion de fuite qui commençait à se développer.

« Courons ! » hurla l’esprit étranger. « Imbécile, ne peux-tu voir qu’il faut fuir ? Vite, nous sommes perdus ! »

— « Courir… Fuir…» bredouilla Jerry au sein de l’esprit étranger. « Oui… Courir loin des hommes… Les ennemis éternels. Les hommes… Courir, se cacher… Dans un coin sombre, sous un buisson, derrière un arbre…»

Il sentit que son esprit se joignait à celui de l’étranger dans la tension préliminaire de la fuite… L’éclat éblouissant de la lampe-torche l’atteignit alors en plein dans les yeux et l’illusion hypnotique, à cet instant précis, fut brisé par ce déclic psychique. À nouveau, Jerry sut qu’il était un homme.

Un homme dans le corps d’un rat… l’animal que Jerry détestait le plus au monde !

— « Cours ! » hurlait l’étranger. « Pourquoi ne cours-tu pas ? » Puis il se tut en percevant le changement qui s’était produit dans l’esprit qu’il abritait.

« Toi, encore ! » lança-t-il, essayant désespérément de reprendre l’apparence placide du bébé invisible.

— « Trop tard, » dit Jerry, luttant contre les impulsions de la créature, tandis que les hommes surgissaient dans la clairière et que le technicien lançait un ordre au porteur de lance-flammes en le désignant. L’homme s’arrêta et leva la terrible bouche de l’arme, pendant que le technicien fixait le cadran du rupteur.

— « Cinq secondes ! » cria-t-il. « Quatre… trois… deux… une… Allez, vite ! »

Jerry, à l’intérieur de l’esprit étranger et avec la même fascination horrifiée que son hôte, vit la gerbe de flammes jaillir de l’arme et l’atroce fleur orange monter vers son visage en dardant des pousses jaunes et fumantes…

Puis il y eut un éclair silencieux et blanc… Et il s’assit sur la couchette, dans le solarium.

Jana se précipita vers lui.

— « Vous avez réussi ? Vous avez réussi, lieutenant ? » demanda-t-elle. « Est-ce que Bob…»

Il lui prit la main. « Bob est sain et sauf. Il est arrivé à temps. Juste à temps. »

— « Je ne comprends toujours pas, lieutenant, » dit-elle en s’asseyant à côté de lui sans attendre son invitation. « Je ne comprends vraiment rien à tout cela ! »

Pendant un instant, Jerry fut surpris de cette familiarité, puis, attendri, il posa le bras sur ses épaules en un geste paternel.

— « Je vais vous expliquer, » dit-il. « Cela nous fera passer le temps jusqu’au retour de Bob. »

Jana acquiesça.

« L’étranger, » commença-t-il doucement, « était un mimétiste. Un mimétiste parfait. Bien que non-intelligent, il possédait un esprit particulièrement développé pour une fonction : la télépathie. C’est pour cette raison qu’il pouvait mener des conversations mentales apparemment intelligentes avec moi, pendant le Contact. Il percevait mes questions et fouillait mon esprit en quête de la réponse que j’attendais. Il me la restituait alors. Pendant les quarante minutes du Contact, il ne m’a dit que ce que je désirais entendre, comme un écho sélectif. Il n’avait nul besoin de comprendre mes questions, pas plus que les réponses qu’il puisait dans mon esprit. Il n’avait qu’un seul instinct : la survivance. Il percevait une question, sélectionnait une réponse nette dans mon esprit et me la redonnait sans vraiment comprendre comment cela pouvait me neutraliser, tout comme un chien ne comprend pas pourquoi il apaise la colère de son maître en baissant les oreilles et en gémissant. Cela réussit, c’est tout ce dont se soucie l’animal. »

— « Mais comment avez-vous compris ? » demanda Jana.

— « Je n’ai rien compris, » répliqua Jerry. « Il m’a complètement trompé. Jusqu’à ce que le technicien… que Bob me dise que les quarante minutes du Contact s’étaient écoulées, bien que le soleil et les nuages fussent restés immobiles pour moi, durant cette période. Je dois avouer que cela m’a dérouté pendant un moment. Je ne trouvais aucune explication. »

Les yeux de Jana s’agrandirent : elle comprenait soudain. « Vous avez alors compris que le soleil et les nuages étaient immobiles parce que c’était ainsi que vous pensiez les voir depuis l’intérieur d’un bébé ! »

— « C’est cela, » approuva Jerry. « Pourtant, il a commis une erreur avec le bébé. Il l’a reproduit à l’exception de deux détails : la taille et l’aspect. »

— « Comment ? » demanda Jana. « Et d’abord, pourquoi a-t-il pris l’apparence d’un bébé ? »

— « J’y arrive. La taille n’était pas exacte parce que la première chose que j’ai vue, en ouvrant les yeux, a été un bouquet d’arbres dans le lointain, que j’ai pris pour une touffe d’herbe. Étant donné que mon esprit possédait certaines connaissances concernant les tailles relatives des bébés et de l’herbe, l’étranger fit aussitôt en sorte que je voie les autres choses dans cette même perspective. Quand il eut réalisé son erreur, il était trop tard pour ramener la taille du bébé à la normale. Cela eût révélé sa supercherie. »

— « Mais pourquoi cette créature a-t-elle choisi un bébé ? »

— « Parce que c’était son meilleur moyen de défense ! Cet être possédait un puissant pouvoir hypnotique, qui s’exerçait sur l’esprit de ses victimes par interférence télépathique avec la perception sensorielle. Il se montrait toujours sous l’apparence de ce que la victime craignait le moins. Dans mon cas, un bébé. Mais ici aussi il a fait une erreur. Je suis célibataire, Jana. Il n’y a qu’un seul bébé que j’aie jamais connu : moi-même. »

— « Et l’invisibilité ? »

— « Je ne garde aucun souvenir, même à présent, de mon corps de bébé. J’ai dû regarder mes orteils, jouer avec mes doigts, mais ma conscience ne les a jamais enregistrés comme étant une partie de moi-même. La créature était donc dans l’incapacité de reproduire visuellement mon corps, puisqu’elle ne pouvait se fier qu’à ma propre mémoire pour les détails. Par contre, je pouvais lui apprendre comment je me percevais à l’état de bébé. Tous les bébés ont une perception aiguë de leur propre peau. Ils crient si la moindre portion en est attaquée. L’étranger fit donc ressurgir la « sensation » de mon corps de bébé à défaut de la vision. C’est pour cette raison que le cerveau électronique du vaisseau a pu reproduire une réplique presque parfaite de mon image de bébé. »

Jana hocha la tête. Elle comprenait enfin les raisons de cette étrange illusion. « Et cette fois ? Cette suggestion post-hypnotique que vous a transmis exprès le docteur ? Cette illusion d’être un gros rat gris jusqu’à ce que la lumière de la torche vous atteigne droit dans les yeux…»

— « Une ruse, Jana. Une ruse nécessaire. L’étranger était sûr de ses pouvoirs. Si, à mon retour en Contact, j’avais retrouvé le même bébé, je n’aurais toujours pas pu l’attaquer ou m’opposer à lui. Et pourtant c’est ce que je devais faire. Je devais être capable de lutter, de le forcer à l’immobilité jusqu’au dernier moment, pour qu’il soit détruit. C’est pour cela que j’ai choisi le rat gris, un animal dont je ne peux souffrir la vue. Lorsque la lumière a touché mes yeux et que je suis redevenu moi-même, j’ai repris le contrôle de l’étranger. Avant qu’il soit redevenu un bébé pour me neutraliser, il était trop tard : Bob avait donné l’ordre de tirer. Et me revoilà. »


Des pas pressés se firent entendre dans le couloir. La porte s’ouvrit violemment et Bob se précipita dans la pièce. Son visage était tendu et angoissé. Il aperçut alors Jerry sur sa couchette, bien vivant.

— « Ouf ! » Il eut un petit rire et soupira en se laissant tomber dans un fauteuil en face de Jerry. « Eh bien, lieutenant, je ne puis vous dire combien je suis heureux de vous revoir. Je ne pouvais être sûr que vous étiez sorti de cette créature jusqu’à maintenant. Content que vous ayez réussi, lieutenant ! Drôlement content ! »

— « Cette créature dont vous parlez, » dit Jerry. « À quoi ressemble-t-elle vraiment ? »

Bob désigna le couloir d’un mouvement de tête. « Les autres la ramènent. J’ai pensé que vous voudriez y jeter un coup d’œil. » Des pas résonnèrent à nouveau dans le couloir. Bob se dressa et marcha jusqu’à la porte. « Attendez une minute, les gars, » dit-il. Puis il se retourna. « Jana, je pense qu’il vaudrait mieux que vous ne restiez pas ici. Ce n’est pas très beau à voir. »

Elle hésita puis sourit en secouant la tête. « Je veux rester. Ce ne peut être aussi laid qu’une mauvaise péritonite sur la table d’opération. Si je peux supporter ça sans m’évanouir, je peux tout supporter. »

Bob haussa les épaules. « Préparez-vous, chérie. Rappelez-vous que je vous aurai avertie. » Il se pencha au dehors. « O.K. Amenez-le. »



Les hommes d’équipage entrèrent lentement dans la pièce, l’air écœuré. Ils portaient une chose molle et visqueuse, sur un brancard fait de deux bâtons et de leurs vestes. Ils déposèrent leur fardeau sur le sol carrelé, devant le Zoologiste, et reculèrent en se frottant vigoureusement les mains sur leur pantalon, bien qu’ils n’aient pas touché le corps de l’être.

— « Le voilà, lieutenant, » dit Ollie Gibbs, « Très heureux de vous le laisser. »

Jana ne s’était pas évanouie, ce qui était tout à son honneur, mais elle était blême et gardait les lèvres serrées. Jerry examina la dépouille brûlée, depuis la gueule aux crocs acérés – qui mesurait bien cinquante centimètres de large – jusqu’aux cils grillés sous le corps flasque.

— « Sale bestiole, » dit le technicien. « C’est tout en gueule, visqueux et gélatineux. » Il eut un frisson. « Je me demande si les victimes ont senti ces mâchoires qui se refermaient ou si l’illusion a duré jusqu’à la fin ? »

— « Je ne crois pas que nous le saurons jamais, » dit Jerry.

« À moins que vous n’ayez envie d’aller tenir le rôle de la victime auprès d’un des frères de cette créature ? »

— « Non merci, lieutenant, » dit Bob tandis que Jana riait. « J’aimerais mieux être jeté dans l’hyperespace. »

— « Maintenant, » dit Jerry, « voici ce que nous allons faire pour nous débarrasser de ces êtres. Étant donné qu’ils prennent l’apparence la moins susceptible d’être attaquée, il va falloir les tromper. Avant que celui-ci se décompose, nous allons lui donner une charge électrique et stimuler artificiellement ses centres nerveux. Nous aurons alors l’indice exact de son impulsion-vie. Nous communiquerons ensuite le schéma au rayon-sonde et dirigerons cette impulsion sur la zone des mines. Les compagnons de l’être réagiront à l’impulsion en prenant la forme la plus sûre : la leur. »

— « Je comprends, lieutenant, » dit Bob. « Tous les mineurs pourront alors les voir tels qu’ils sont vraiment et les abattre. »

Jerry acquiesça. « Cela implique que les mineurs devront s’armer pour quelque temps. Mais cela vaut mieux qu’être dévoré par l’une de ces créatures. »

— « Vous êtes certain que la présence des mineurs ne déclenchera pas leur réflexe mimétique ? » demanda Bob, hésitant.

— « Pas si l’on met le rayon-sonde à pleine puissance, » répliqua Jerry. « L’impulsion-vie des mineurs sera couverte par notre émission artificielle. »

— « C’est bon, lieutenant, » dit Bob. « Je m’en occupe immédiatement. »

Jerry secoua la tête. « Inutile. Vous pourriez prendre un peu de repos, j’en suis certain. Demain matin il sera encore assez tôt. Pendant ce temps, vous pourriez raccompagner cette jeune fille chez elle. Et vous autres, » ajouta-t-il à l’adresse des hommes qui attendaient, « vous êtes libres également. »

Heureux de pouvoir s’éloigner de la créature, les hommes firent un salut réglementaire et quittèrent le solarium avec des murmures de soulagement.

Jana demeura silencieuse pendant un instant, regardant la créature aux étranges pouvoirs qui avait tué son père. Puis elle se tourna vers Bob.

— « Je pense que je vais aller rejoindre Jim, » dit-elle. « Je veux qu’il sache. » Elle regarda Jerry. « Je vous dois beaucoup. Nous vous devons tous beaucoup. »

Embarrassé, Jerry ne put que murmurer de vagues paroles et détourner les yeux. Le contact d’une bouche aux lèvres fraîches sur son visage le prit par surprise. Quand il se retourna, Bob et Jana étaient déjà dans le couloir.

Ce ne fut que lorsqu’il eut entendu se refermer la porte de l’ascenseur qu’il se dirigea vers le corps encore chaud de son adversaire. Il y avait sur son visage une expression de profonde pitié.

— « Eh bien, » dit-il doucement, « tu as perdu. La planète appartient aux envahisseurs. Une fois de plus, la Terre a triomphé de l’opposition. »

Il tendit la main et toucha la chose inerte. « Adieu, » dit-il. « Je suis navré. »

Il ne pensait pas à la menace qu’avait représenté la chose, ni aux mineurs disparus ou aux milliards d’investissements dans le présodynimium qu’il venait de sauver. Il pensait à une voix, une voix qui – même sans intelligence, même trompeuse – avait dit : « Pauvre Jerry… Repose-toi… Tu es en sécurité, ici…»

« Tu m’as vraiment eu pendant un moment, mon vieux, » dit-il. Puis il sentit ses yeux devenir brûlants. Il cligna des paupières et, très vite, quitta la pièce.


Dehors, le soleil avait un éclat rose sur le fond sombre du ciel. L’air était frais. Comme Jerry traversait la rue et se dirigeait vers le terrain, une silhouette surgit en courant et le rejoignit.

— « Une heureuse histoire, » dit Bob avec amertume. « Quand Jana a appris les nouvelles à son fiancé, ils se sont embrassés avec tant de force que je n’ai même pas attendu d’être présenté. Il a l’air d’un brave garçon. J’espère qu’elle sera heureuse avec lui. »

Jerry comprenait la déception du technicien mais il ne dit rien. Après un instant, Bob parut se résigner.

— « Lieutenant, » dit-il, « il y a encore une chose qui me tracasse à propos de cet être. »

— « Oh ! » dit Jerry en s’arrêtant. « Et quoi donc ? »

— « Comment la première robofusée a-t-elle pu ne pas le déceler en survolant la planète avant l’installation de la colonie ? »

— « C’est une question difficile, » dit Jerry. « Je crois en fait que le sondeur la repérait toujours quand elle était sous une autre forme. Et comme ses victimes appartenaient à cette planète, le rayon-sonde ne pouvait par conséquent que déceler des impulsions-vie déjà enregistrées. »

— « Quel idiot je fais, » dit Bob. « Cela paraît si enfantin quand vous l’expliquez. » Puis, comme Jerry s’éloignait, il s’écria : « Et ce wagonnet fondu dont parlaient les feuilles de traduction ? Était-ce réel ou non ? »

Jerry secoua la tête. « Cela faisait partie de l’illusion mimétique, tout comme les nuages immobiles et les arbres figés. La chose ne me laissait voir que ce que je comptais voir. En fait, j’étais tout simplement dans les bois près de la mine, là où vous avez détruit la créature. » Lentement, il se remit en marche.

Il fit encore quelques pas, puis Bob l’arrêta de nouveau. « Un dernier point, lieutenant. Cette impulsion-vie de 0,999. Si elle était aussi puissante, je pense que la créature aurait dû être un peu plus difficile à détruire. »

— « Vous avez raison, » dit Jerry. « Cela aurait été difficile. Mais son impulsion-vie n’était pas aussi élevée. »

— « Mais le rayon-sonde…» protesta Bob. « Quand la colonie a lancé cette robofusée après la disparition des mineurs, elle a détecté une impulsion-vie de 0,999. Si ce n’était pas la sienne, que diable était-ce, alors ? »

Jerry lui tapota l’épaule. « Vous oubliez le mimétisme. La robofusée a surpris l’être alors qu’il n’était pas sur ses gardes et n’imitait aucune autre impulsion-vie. Il a détecté le rayon-sonde, puisque celui-ci agit au stade psychique, et instantanément, il a imité l’impulsion-vie d’une créature ne risquant pas d’inquiéter la robofusée. »

— « Laquelle ? Quelle impulsion-vie, lieutenant ? Quelle forme de vie ? »

— « La vie atomique, » dit Jerry. « Cette ligne verte que vous et moi avons étudiée avec tant d’attention était l’impulsion-vie d’une créature fonctionnant à l’énergie atomique. Celle d’une autre robofusée. »

Et tandis que Bob le fixait, stupéfait, Jerry Norcriss s’éloigna sur le terrain vers un lit bien mérité – et vers l’oubli.

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