136. L'âme est-elle indépendante du principe vital ?

« Le corps n'est que l'enveloppe, nous le répétons sans cesse. »

- Le corps peut-il exister sans l'âme ?

« Oui, et pourtant dès que le corps cesse de vivre, l'âme le quitte. Avant la naissance, il n'y a pas encore union définitive entre l'âme et le corps ; tandis qu'après que cette union a été établie, la mort du corps rompt les liens qui l'unissent à l'âme, et l'âme le quitte. La vie organique peut animer un corps sans âme, mais l'âme ne peut habiter un corps privé de la vie organique. »

- Que serait notre corps s'il n'avait pas d'âme ?

« Une masse de chair sans intelligence, tout ce que vous voudrez, excepté un homme. »

137. Le même Esprit peut-il s'incarner dans deux corps différents à la fois ?

« Non, l'Esprit est indivisible et ne peut animer simultanément deux êtres différents. » (Voir, dans le Livre des Médiums, chapitre : Bi-corporéité et transfiguration.)

138. Que penser de l'opinion de ceux qui regardent l'âme comme le principe de la vie matérielle ?

« C'est une question de mots ; nous n'y tenons pas ; commencez par vous entendre vous-mêmes. »

139. Certains Esprits, et avant eux certains philosophes, ont défini l'âme : Une étincelle animique émamée du grand Tout ; pourquoi cette contradiction ?

« Il n'y a pas de contradiction ; cela dépend de l'acception des mots. Pourquoi n'avez-vous pas un mot pour chaque chose ? »

Le mot âme est employé pour exprimer des choses très différentes. Les uns appellent ainsi le principe de la vie, et dans cette acception il est exact de dire au figuré que : l'âme est une étincelle animique émanée du grand Tout. Ces derniers mots peignent la source universelle du principe vital dont chaque être absorbe une portion, et qui rentre à la masse après la mort. Cette idée n'exclut nullement celle d'un être moral distinct, indépendant de la matière et qui conserve son individualité. C'est cet être que l'on appelle également âme, et c'est dans cette acception que l'on peut dire que l'âme est un Esprit incarné. En donnant de l'âme des définitions différentes, les Esprits ont parlé selon l'application qu'ils faisaient du mot, et selon les idées terrestres dont ils étaient encore plus ou moins imbus. Cela tient à l'insuffisance du langage humain qui n'a pas un mot pour chaque idée, et de là la source d'une foule de méprises et de discussions : voilà pourquoi les Esprits supérieurs nous disent de nous entendre d'abord sur les mots[5].

140. Que penser de la théorie de l'âme subdivisée en autant de parties qu'il y a de muscles et présidant ainsi à chacune des fonctions du corps ?

« Cela dépend encore du sens que l'on attache au mot âme ; si l'on entend le fluide vital, on a raison ; si l'on entend l'Esprit incarné, on a tort. Nous l'avons dit, l'Esprit est indivisible ; il transmet le mouvement aux organes par le fluide intermédiaire, sans pour cela se diviser. »

- Cependant, il y a des Esprits qui ont donné cette définition.

« Les Esprits ignorants peuvent prendre l'effet pour la cause. »

L'âme agit par l'intermédiaire des organes, et les organes sont animés par le fluide vital qui se répartit entre eux, et plus abondamment dans ceux qui sont les centres ou foyers du mouvement. Mais cette explication ne peut convenir à l'âme considérée comme étant l'Esprit qui habite le corps pendant la vie et le quitte à la mort.

141. Y a-t-il quelque chose de vrai dans l'opinion de ceux qui pensent que l'âme est extérieure et environne le corps ?

« L'âme n'est point renfermée dans le corps comme l'oiseau dans une cage ; elle rayonne et se manifeste au dehors comme la lumière à travers un globe de verre, ou comme le son autour d'un centre sonore ; c'est ainsi qu'on peut dire qu'elle est extérieure, mais elle n'est point pour cela l'enveloppe du corps. L'âme a deux enveloppes : l'une subtile et légère, c'est la première, celle que tu appelles le périsprit ; l'autre grossière, matérielle et lourde : c'est le corps. L'âme est le centre de toutes ces enveloppes, comme le germe dans un noyau ; nous l'avons déjà dit. »

142. Que dire de cette autre théorie selon laquelle l'âme, chez l'enfant, se complète à chaque période de la vie ?

« L'Esprit n'est qu'un ; il est entier chez l'enfant comme chez l'adulte ; ce sont les organes ou instruments des manifestations de l'âme qui se développent et se complètent. C'est encore prendre l'effet pour la cause. »

143. Pourquoi tous les Esprits ne définissent-ils pas l'âme de la même manière ?

« Les Esprits ne sont pas tous également éclairés sur ces matières ; il y a des Esprits encore bornés qui ne comprennent pas les choses abstraites ; c'est comme parmi vous les enfants ; il y a aussi des Esprits faux-savants, qui font parade de mots pour en imposer : c'est encore comme parmi vous. Et puis, les Esprits éclairés eux-mêmes peuvent s'exprimer en termes différents, qui ont au fond la même valeur, surtout quand il s'agit de choses que votre langage est impuissant à rendre clairement ; il faut des figures, des comparaisons que vous prenez pour la réalité. »

144. Que doit-on entendre par l'âme du monde ?

« C'est le principe universel de la vie et de l'intelligence d'où naissent les individualités. Mais ceux qui se servent de ces mots ne se comprennent souvent pas eux-mêmes. Le mot âme est si élastique que chacun l'interprète au gré de ses rêveries. On a quelquefois aussi attribué une âme à la Terre ; il faut entendre par là l'ensemble des Esprits dévoués qui dirigent vos actions dans la bonne voie quand vous les écoutez, et qui sont en quelque sorte les lieutenants de Dieu près de votre globe. »

145. Comment tant de philosophes anciens et modernes ont-ils si longtemps discuté sur la science psychologique sans être arrivés à la vérité ?

« Ces hommes étaient les avant-coureurs de la doctrine spirite éternelle ; ils ont préparé les voies. Ils étaient hommes, et ils ont pu se tromper, parce qu'ils ont pris leurs propres idées pour la lumière ; mais leurs erreurs mêmes servent à faire ressortir la vérité en montrant le pour et le contre ; d'ailleurs parmi ces erreurs se trouvent de grandes vérités qu'une étude comparative vous fait comprendre. »

146. L'âme a-t-elle un siège déterminé et circonscrit dans le corps ?

« Non, mais elle est plus particulièrement dans la tête chez les grands génies, chez tous ceux qui pensent beaucoup, et dans le coeur chez ceux qui sentent beaucoup et dont les actions se rapportent à toute l'humanité. »

- Que penser de l'opinion de ceux qui placent l'âme dans un centre vital ?

« C'est-à-dire que l'Esprit habite plutôt cette partie de votre organisation, puisque c'est là qu'aboutissent toutes les sensations. Ceux qui la placent dans ce qu'ils considèrent comme le centre de la vitalité la confondent avec le fluide ou principe vital. Toutefois, on peut dire que le siège de l'âme est plus particulièrement dans les organes qui servent aux manifestations intellectuelles et morales. »

Matérialisme.

147. Pourquoi les anatomistes, les physiologistes, et en général, ceux qui approfondissent les sciences de la nature, sont-ils si souvent portés au matérialisme ?

« Le physiologiste rapporte tout à ce qu'il voit. Orgueil des hommes qui croient tout savoir et qui n'admettent pas que quelque chose puisse dépasser leur entendement. Leur science même leur donne de la présomption ; ils pensent que la nature ne peut rien avoir de caché pour eux. »

148. N'est-il pas fâcheux que le matérialisme soit une conséquence d'études qui devraient, au contraire, montrer à l'homme la supériorité de l'intelligence qui gouverne le monde ? Faut-il en conclure qu'elles sont dangereuses ?

« Il n'est pas vrai que le matérialisme soit une conséquence de ces études ; c'est l'homme qui en tire une fausse conséquence, car il peut abuser de tout, même des meilleures choses. Le néant, d'ailleurs, les effraye plus qu'ils ne veulent le faire paraître, et les esprits forts sont souvent plus fanfarons que braves. La plupart ne sont matérialistes que parce qu'ils n'ont rien pour combler ce vide ; devant ce gouffre qui s'ouvre devant eux, montrez-leur une ancre de salut, et ils s'y cramponneront avec empressement. »

Par une aberration de l'intelligence, il y a des gens qui ne voient dans les êtres organiques que l'action de la matière et y rapportent tous nos actes. Ils n'ont vu dans le corps humain que la machine électrique ; ils n'ont étudié le mécanisme de la vie que dans le jeu des organes ; ils l'ont vue s'éteindre souvent par la rupture d'un fil, et ils n'ont vu rien d'autre que ce fil ; ils ont cherché s'il restait quelque chose, et comme ils n'ont trouvé que la matière devenue inerte, qu'ils n'ont pas vu l'âme s'échapper et n'ont pu la saisir, ils en ont conclu que tout était dans les propriétés de la matière, et qu'ainsi après la mort il n'y a que le néant de la pensée ; triste conséquence, s'il en était ainsi : car alors le bien et le mal seraient sans but, l'homme serait fondé à ne penser qu'à lui et à mettre au-dessus de tout la satisfaction de ses jouissances matérielles ; les liens sociaux seraient rompus, et les affections les plus saintes brisées sans retour. Heureusement, ces idées sont loin d'être générales ; on peut même dire qu'elles sont très circonscrites, et ne constituent que des opinions individuelles, car nulle part elles n'ont été érigées en doctrine. Une société fondée sur ces bases porterait en soi le germe de sa dissolution, et ses membres s'entre-déchireraient comme des bêtes féroces.

L'homme a instinctivement la pensée que tout, pour lui, ne finit pas avec la vie ; il a horreur du néant ; il a beau s'être raidi contre la pensée de l'avenir, quand vient le moment suprême, il en est peu qui ne se demandent ce qu'il va en être d'eux ; car l'idée de quitter la vie sans retour a quelque chose de navrant. Qui pourrait, en effet, envisager avec indifférence une séparation absolue, éternelle de tout ce que l'on a aimé ? Qui pourrait voir sans effroi s'ouvrir devant soi le gouffre immense du néant, où viendraient s'engloutir à jamais toutes nos facultés, toutes nos espérances et se dire : Quoi ! après moi, rien, plus rien que le vide ; tout est fini sans retour ; encore quelques jours et mon souvenir sera effacé de la mémoire de ceux qui me survivent ; bientôt il ne restera nulle trace de mon passage sur la terre ; le bien même que j'ai fait sera oublié des ingrats que j'ai obligés ; et rien pour compenser tout cela, aucune autre perspective que celle de mon corps rongé par les vers !

Ce tableau n'a-t-il pas quelque chose d'affreux, de glacial ? La religion nous enseigne qu'il ne peut en être ainsi, et la raison nous le confirme ; mais cette existence future, vague et indéfinie, n'a rien qui satisfasse notre amour du positif ; c'est ce qui, chez beaucoup, engendre le doute. Nous avons une âme, soit ; mais qu'est-ce que c'est que notre âme ? A-t-elle une forme, une apparence quelconque ? Est-ce un être limité ou indéfini ? Les uns disent que c'est un souffle de Dieu, d'autres une étincelle, d'autres une partie du grand Tout, le principe de la vie et de l'intelligence ; mais qu'est-ce que tout cela nous apprend ? Que nous importe d'avoir une âme si après nous elle se confond dans l'immensité comme les gouttes d'eau dans l'océan ! La perte de notre individualité n'est-elle pas pour nous comme le néant ? On dit encore qu'elle est immatérielle ; mais une chose immatérielle ne saurait avoir des proportions définies ; pour nous ce n'est rien. La religion nous enseigne aussi que nous serons heureux ou malheureux, selon le bien ou le mal que nous aurons fait ; mais quel est ce bonheur qui nous attend dans le sein de Dieu ? Est-ce une béatitude, une contemplation éternelle, sans autre emploi que de chanter les louanges du Créateur ? Les flammes de l'enfer sont-elles une réalité ou une figure ? L'Eglise elle-même l'entend dans cette dernière acception, mais quelles sont ces souffrances ? Où est ce lieu de supplice ? En un mot, que fait-on, que voit-on, dans ce monde qui nous attend tous ? Personne, dit-on, n'est revenu pour nous en rendre compte. C'est une erreur, et la mission du spiritisme est précisément de nous éclairer sur cet avenir, de nous le faire, jusqu'à un certain point, toucher au doigt et à l'oeil, non plus par le raisonnement, mais par les faits. Grâce aux communications spirites, ce n'est plus une présomption, une probabilité sur laquelle chacun brode à sa guise, que les poètes embellissent de leurs fictions, ou sèment d'images allégoriques qui nous trompent, c'est la réalité qui nous apparaît, car ce sont les êtres mêmes d'outre-tombe qui viennent nous dépeindre leur situation, nous dire ce qu'ils font, qui nous permettent d'assister pour ainsi dire à toutes les péripéties de leur vie nouvelle, et, par ce moyen, nous montrent le sort inévitable qui nous est réservé selon nos mérites et nos méfaits. Y a-t-il là rien d'anti-religieux ? Bien au contraire, puisque les incrédules y trouvent la foi et les tièdes un renouvellement de ferveur et de confiance. Le spiritisme est donc le plus puissant auxiliaire de la religion. Puisque cela est, c'est que Dieu le permet, et il le permet pour ranimer nos espérances chancelantes, et nous ramener dans la voie du bien par la perspective de l'avenir.


CHAPITRE III


-


RETOUR DE LA VIE CORPORELLE


A LA VIE SPIRITUELLE

1. L'âme après la mort, son individualité. Vie éternelle.


2. Séparation de l'âme et du corps. - 3. Trouble spirite.

L'âme après la mort.

149. Que devient l'âme à l'instant de la mort ?

« Elle redevient Esprit, c'est-à-dire qu'elle rentre dans le monde des Esprits qu'elle avait quitté momentanément. »

150. L'âme, après la mort, conserve-t-elle son individualité ?

« Oui, elle ne la perd jamais. Que serait-elle si elle ne la conservait pas ? »

- Comment l'âme constate-t-elle son individualité, puisqu'elle n'a plus son corps matériel ?

« Elle a encore un fluide qui lui est propre, qu'elle puise dans l'atmosphère de sa planète et qui représente l'apparence de sa dernière incarnation : son périsprit. »

- L'âme n'emporte-t-elle rien avec elle d'ici-bas ?

« Rien que le souvenir, et le désir d'aller dans un monde meilleur. Ce souvenir est plein de douceur ou d'amertume, selon l'emploi qu'elle a fait de la vie ; plus elle est pure, plus elle comprend la futilité de ce qu'elle laisse sur la terre. »

151. Que penser de cette opinion qu'après la mort l'âme rentre dans le tout universel ?

« Est-ce que l'ensemble des Esprits ne forme pas un tout ? N'est-ce pas tout un monde ? Quand tu es dans une assemblée, tu es partie intégrante de cette assemblée, et pourtant tu as toujours ton individualité. »

152. Quelle preuve pouvons-nous avoir de l'individualité de l'âme après la mort ?

« N'avez-vous pas cette preuve par les communications que vous obtenez ? Si vous n'êtes pas aveugles vous verrez ; et si vous n'êtes pas sourds, vous entendrez, car bien souvent une voix vous parle qui vous révèle l'existence d'un être en dehors de vous. »

Ceux qui pensent qu'à la mort l'âme rentre dans le tout universel sont dans l'erreur s'ils entendent par là que, semblable à une goutte d'eau qui tombe dans l'Océan, elle y perd son individualité ; ils sont dans le vrai s'ils entendent par le tout universel l'ensemble des êtres incorporels dont chaque âme ou Esprit est un élément.

Si les âmes étaient confondues dans la masse, elles n'auraient que des qualités de l'ensemble, et rien ne les distinguerait les unes des autres ; elles n'auraient ni intelligence, ni qualités propres ; tandis que, dans toutes les communications, elles accusent la conscience du moi et une volonté distincte ; la diversité infinie qu'elles présentent sous tous les rapports est la conséquence même des individualités. S'il n'y avait, après la mort que ce qu'on appelle le grand Tout absorbant toutes les individualités, ce Tout serait uniforme, et dès lors toutes les communications que l'on recevrait du monde invisible seraient identiques. Puisqu'on y rencontre des êtres bons, d'autres mauvais, des savants et des ignorants, des heureux et des malheureux ; qu'il y en a de tous les caractères : de gais et de tristes, de légers et de profonds, etc., c'est évidemment que ce sont des êtres distincts. L'individualité devient plus évidente encore quand ces êtres prouvent leur identité par des signes incontestables, des détails personnels relatifs à leur vie terrestre et que l'on peut constater ; elle ne peut être révoquée en doute quand ils se manifestent à la vue dans les apparitions. L'individualité de l'âme nous était enseignée, en théorie, comme un article de foi ; le spiritisme la rend patente, et en quelque sorte matérielle.

153. Dans quel sens doit-on entendre la vie éternelle ?

« C'est la vie de l'Esprit qui est éternelle ; celle du corps est transitoire et passagère. Quand le corps meurt, l'âme rentre dans la vie éternelle. »

- Ne serait-il pas plus exact d'appeler vie éternelle celle des purs Esprits, de ceux qui, ayant atteint le degré de perfection, n'ont plus d'épreuves à subir ?

« C'est plutôt le bonheur éternel, mais ceci est une question de mots ; appelez les choses comme vous voudrez, pourvu que vous vous entendiez. »

Séparation de l'âme et du corps.

154. La séparation de l'âme et du corps est-elle douloureuse ?

« Non, le corps souffre souvent plus pendant la vie qu'au moment de la mort : l'âme n'y est pour rien. Les souffrances que l'on éprouve quelquefois au moment de la mort sont une jouissance pour l'Esprit, qui voit arriver le terme de son exil. »

Dans la mort naturelle, celle qui arrive par l'épuisement des organes à la suite de l'âge, l'homme quitte la vie sans s'en apercevoir : c'est une lampe qui s'éteint faute d'aliment.

155. Comment s'opère la séparation de l'âme et du corps ?

« Les liens qui la retenaient étant rompus, elle se dégage. »

- La séparation s'opère-t-elle instantanément et par une brusque transition ? Y a-t-il une ligne de démarcation nettement tranchée entre la vie et la mort ?

« Non, l'âme se dégage graduellement et ne s'échappe pas comme un oiseau captif rendu subitement à la liberté. Ces deux états se touchent et se confondent ; ainsi l'Esprit se dégage peu à peu de ses liens : ils se dénouent et ne se brisent pas. »

Pendant la vie, l'Esprit tient au corps par son enveloppe semi-matérielle ou périsprit ; la mort est la destruction du corps seul et non de cette seconde enveloppe qui se sépare du corps, quand cesse en celui-ci la vie organique. L'observation prouve qu'à l'instant de la mort le dégagement du périsprit n'est pas subitement complet ; il ne s'opère que graduellement et avec une lenteur très variable selon les individus ; chez les uns, il est assez prompt, et l'on peut dire que le moment de la mort est celui de la délivrance, à quelques heures près ; mais chez d'autres, ceux surtout dont la vie a été toute matérielle et sensuelle, le dégagement est beaucoup moins rapide et dure quelquefois des jours, des semaines et même des mois, ce qui n'implique pas dans le corps la moindre vitalité, ni la possibilité d'un retour à la vie, mais une simple affinité entre le corps et l'Esprit, affinité qui est toujours en raison de la prépondérance que, pendant la vie, l'Esprit a donnée à la matière. Il est rationnel de concevoir, en effet, que plus l'Esprit s'est identifié avec la matière, plus il a de peine à s'en séparer ; tandis que l'activité intellectuelle et morale, l'élévation des pensées, opèrent un commencement de dégagement même pendant la vie du corps et, quand arrive la mort, il est presque instantané. Tel est le résultat des études faites sur tous les individus observés au moment de la mort. Ces observations prouvent encore que l'affinité qui, chez certains individus, persiste entre l'âme et le corps, est quelquefois très pénible, car l'Esprit peut éprouver l'horreur de la décomposition. Ce cas est exceptionnel et particulier à certains genres de vie et à certains genres de mort ; il se présente chez quelques suicidés.

156. La séparation définitive de l'âme et du corps peut-elle avoir lieu avant la cessation complète de la vie organique ?

« Dans l'agonie, l'âme a déjà quelquefois quitté le corps : il n'y a plus que la vie organique. L'homme n'a plus la conscience de lui-même, et pourtant il lui reste encore un souffle de vie. Le corps est une machine que le coeur fait mouvoir ; il existe tant que le coeur fait circuler le sang dans les veines, et n'a pas besoin de l'âme pour cela. »

157. Au moment de la mort, l'âme a-t-elle quelquefois une aspiration ou extase qui lui fait entrevoir le monde où elle va rentrer ?

« Souvent l'âme sent se briser les liens qui l'attachent au corps ; elle fait alors tous ses efforts pour les rompre entièrement. Déjà en partie dégagée de la matière, elle voit l'avenir se dérouler devant elle et jouit, par anticipation, de l'état d'Esprit. »

158. L'exemple de la chenille qui, d'abord, rampe sur la terre, puis s'enferme dans sa chrysalide sous une mort apparente pour renaître d'une existence brillante, peut-il nous donner une idée de la vie terrestre, puis du tombeau, et enfin de notre nouvelle existence ?

« Une idée en petit. La figure est bonne ; il ne faudrait cependant pas la prendre à la lettre, comme cela vous arrive souvent. »

159. Quelle sensation éprouve l'âme au moment où elle se reconnaît dans le monde des Esprits ?

« Cela dépend ; si tu as fait le mal avec le désir de le faire, tu te trouves au premier moment tout honteux de l'avoir fait. Pour le juste, c'est bien différent : elle est comme soulagée d'un grand poids, car elle ne craint aucun regard scrutateur. »

160. L'Esprit retrouve-t-il immédiatement ceux qu'il a connus sur la terre et qui sont morts avant lui ?

« Oui selon l'affection qu'il avait pour eux et celle qu'ils avaient pour lui ; souvent, ils viennent le recevoir à sa rentrée dans le monde des Esprits, et ils aident à le dégager des langes de la matière ; comme aussi il en est beaucoup qu'il retrouve et qu'il avait perdus de vue pendant son séjour sur la terre ; il voit ceux qui sont errants ; ceux qui sont incarnés, il va les visiter. »

161. Dans la mort violente et accidentelle, alors que les organes n'ont point encore été affaiblis par l'âge ou les maladies, la séparation de l'âme et la cessation de la vie ont-elles lieu simultanément ?

« Il en est généralement ainsi, mais dans tous les cas l'instant qui les sépare est très court. »

162. Après la décapitation, par exemple, l'homme conserve-t-il pendant quelques instants la conscience de lui-même ?

« Souvent il la conserve pendant quelques minutes jusqu'à ce que la vie organique soit complètement éteinte. Mais souvent aussi l'appréhension de la mort lui a fait perdre cette conscience avant l'instant du supplice. »

Il n'est ici question que de la conscience que le supplicié peut avoir de lui-même, comme homme et par l'intermédiaire des organes, et non comme Esprit. S'il n'a pas perdu cette conscience avant le supplice, il peut donc la conserver quelques instants, mais qui sont de très courte durée, et elle cesse nécessairement avec la vie organique du cerveau, ce qui n'implique pas, pour cela, que le périsprit soit entièrement dégagé du corps, au contraire ; dans tous les cas de mort violente, quand elle n'est pas amenée par l'extinction graduelle des forces vitales, les liens qui unissent le corps au périsprit sont plus tenaces, et le dégagement complet est plus lent.

Trouble spirite.

163. L'âme, en quittant le corps, a-t-elle immédiatement conscience d'elle-même ?

« Conscience immédiate n'est pas le mot ; elle est quelque temps dans le trouble. »

164. Tous les Esprits éprouvent-ils, au même degré et pendant la même durée, le trouble qui suit la séparation de l'âme et du corps ?

« Non, cela dépend de leur élévation. Celui qui est déjà purifié se reconnaît presque immédiatement, parce qu'il s'est déjà dégagé de la matière pendant la vie du corps, tandis que l'homme charnel, celui dont la conscience n'est pas pure, conserve bien plus longtemps l'impression de cette matière. »

165. La connaissance du spiritisme exerce-t-elle une influence sur la durée, plus ou moins longue, du trouble ?

« Une influence très grande, puisque l'Esprit comprenait d'avance sa situation ; mais la pratique du bien et la conscience pure sont ce qui a le plus d'influence. »

Au moment de la mort, tout est d'abord confus ; il faut à l'âme quelque temps pour se reconnaître ; elle est comme étourdie, et dans l'état d'un homme sortant d'un profond sommeil et qui cherche à se rendre compte de sa situation. La lucidité des idées et la mémoire du passé lui reviennent à mesure que s'efface l'influence de la matière dont elle vient de se dégager, et que se dissipe l'espèce de brouillard qui obscurcit ses pensées.

La durée du trouble qui suit la mort est très variable ; il peut être de quelques heures, comme de plusieurs mois, et même de plusieurs années. Ceux chez lesquels il est le moins long sont ceux qui se sont identifiés de leur vivant avec leur état futur, parce qu'alors ils comprennent immédiatement leur position.

Ce trouble présente des circonstances particulières selon le caractère des individus et surtout selon le genre de mort. Dans les morts violentes, par suicide, supplice, accident, apoplexie, blessures, etc., l'Esprit est surpris, étonné et ne croit pas être mort ; il le soutient avec opiniâtreté ; pourtant il voit son corps, il sait que ce corps est le sien, et il ne comprend pas qu'il en soit séparé ; il va auprès des personnes qu'il affectionne, leur parle et ne conçoit pas pourquoi elles ne l'entendent pas. Cette illusion dure jusqu'à l'entier dégagement du périsprit ; alors seulement l'Esprit se reconnaît et comprend qu'il ne fait plus partie des vivants. Ce phénomène s'explique aisément. Surpris à l'improviste par la mort, l'Esprit est étourdi du brusque changement qui s'est opéré en lui ; pour lui, la mort est encore synonyme de destruction, d'anéantissement ; or, comme il pense, qu'il voit, qu'il entend, à son sens il n'est pas mort ; ce qui augmente son illusion, c'est qu'il se voit un corps semblable au précédent pour la forme, mais dont il n'a pas encore eu le temps d'étudier la nature éthérée ; il le croit solide et compact comme le premier ; et quand on appelle son attention sur ce point, il s'étonne de ne pas pouvoir se palper. Ce phénomène est analogue à celui des nouveaux somnambules qui ne croient pas dormir. Pour eux, le sommeil est synonyme de suspension des facultés ; or, comme ils pensent librement et qu'ils voient, pour eux ils ne dorment pas. Certains Esprits présentent cette particularité, quoique la mort ne soit pas arrivée inopinément ; mais elle est toujours plus générale chez ceux qui, quoique malades, ne pensaient pas à mourir. On voit alors le singulier spectacle d'un Esprit assistant à son convoi comme à celui d'un étranger, et en parlant comme d'une chose qui ne le regarde pas, jusqu'au moment où il comprend la vérité.

Le trouble qui suit la mort n'a rien de pénible pour l'homme de bien ; il est calme et en tout semblable à celui qui accompagne un réveil paisible. Pour celui dont la conscience n'est pas pure, il est plein d'anxiété et d'angoisses qui augmentent à mesure qu'il se reconnaît.

Dans les cas de mort collective, il a été observé que tous ceux qui périssent en même temps ne se revoient pas toujours immédiatement. Dans le trouble qui suit la mort, chacun va de son côté, ou ne se préoccupe que de ceux qui l'intéressent.


CHAPITRE IV


-


PLURALITE DES EXISTENCES

1. De la réincarnation. - 2. Justice de la réincarnation.


3. Incarnation dans les différents mondes. - 4. Transmigration progressive.


5. Sort des enfants après la mort. - 6. Sexes chez les Esprits.


7. Parenté, filiation. - 8. Similitudes physiques et morales. - 9. Idées innées.

De la réincarnation.

166. Comment l'âme, qui n'a point atteint la perfection pendant la vie corporelle, peut-elle achever de s'épurer ?

« En subissant l'épreuve d'une nouvelle existence. »

- Comment l'âme accomplit-elle cette nouvelle existence ? Est-ce par sa transformation comme Esprit ?

« L'âme, en s'épurant, subit sans doute une transformation, mais pour cela il lui faut l'épreuve de la vie corporelle. »

- L'âme a donc plusieurs existences corporelles ?

« Oui, tous nous avons plusieurs existences. Ceux qui disent le contraire veulent vous maintenir dans l'ignorance où ils sont eux-mêmes ; c'est leur désir. »

- Il semble résulter de ce principe que l'âme, après avoir quitté un corps, en prend un autre ; autrement dit, qu'elle se réincarne dans un nouveau corps ; est-ce ainsi qu'il faut l'entendre ?

« C'est évident. »

167. Quel est le but de la réincarnation ?

« Expiation, amélioration progressive de l'humanité ; sans cela où serait la justice ? »

168. Le nombre des existences corporelles est-il limité, ou bien l'Esprit se réincarne-t-il à perpétuité ?

« A chaque existence nouvelle, l'Esprit fait un pas dans la voie du progrès ; quand il s'est dépouillé de toutes ses impuretés, il n'a plus besoin des épreuves de la vie corporelle. »

169. Le nombre des incarnations est-il le même pour tous les Esprits ?

« Non ; celui qui avance vite s'épargne des épreuves. Toutefois, ces incarnations successives sont toujours très nombreuses, car le progrès est presque infini. »

170. Que devient l'Esprit après sa dernière incarnation ?

« Esprit bienheureux ; il est pur Esprit. »

Justice de la réincarnation.

171. Sur quoi est fondé le dogme de la réincarnation ?

« Sur la justice de Dieu et la révélation, car nous vous le répétons sans cesse : Un bon père laisse toujours à ses enfants une porte ouverte au repentir. La raison ne te dit-elle pas qu'il serait injuste de priver sans retour du bonheur éternel tous ceux de qui il n'a pas dépendu de s'améliorer ? Est-ce que tous les hommes ne sont pas les enfants de Dieu ? Ce n'est que parmi les hommes égoïstes qu'on trouve l'iniquité, la haine implacable et les châtiments sans rémission. »

Tous les Esprits tendent à la perfection, et Dieu leur en fournit les moyens par les épreuves de la vie corporelle ; mais dans sa justice, il leur réserve d'accomplir, dans de nouvelles existences, ce qu'ils n'ont pu faire ou achever dans une première épreuve.

Il ne serait ni selon l'équité, ni selon la bonté de Dieu, de frapper à jamais ceux qui ont pu rencontrer des obstacles à leur amélioration en dehors de leur volonté, et dans le milieu même où ils se trouvent placés. Si le sort de l'homme était irrévocablement fixé après sa mort, Dieu n'aurait point pesé les actions de tous dans la même balance, et ne les aurait point traités avec impartialité.

La doctrine de la réincarnation, c'est-à-dire celle qui consiste à admettre pour l'homme plusieurs existences successives, est la seule qui réponde à l'idée que nous nous faisons de la justice de Dieu à l'égard des hommes placés dans une condition morale inférieure, la seule qui puisse nous expliquer l'avenir et asseoir nos espérances, puisqu'elle nous offre le moyen de racheter nos erreurs par de nouvelles épreuves. La raison nous l'indique et les Esprits nous l'enseignent.

L'homme qui a la conscience de son infériorité puise dans la doctrine de la réincarnation une espérance consolante. S'il croit à la justice de Dieu, il ne peut espérer être pour l'éternité l'égal de ceux qui ont mieux fait que lui. La pensée que cette infériorité ne le déshérite pas à tout jamais du bien suprême, et qu'il pourra la conquérir par de nouveaux efforts, le soutient et ranime son courage. Quel est celui qui, au terme de sa carrière, ne regrette pas d'avoir acquis trop tard une expérience dont il ne peut plus profiter ? Cette expérience tardive n'est point perdue ; il la mettra à profit dans une nouvelle vie.

Incarnation dans les différents mondes.

172. Nos différentes existences corporelles s'accomplissent-elles toutes sur la terre ?

« Non, pas toutes, mais dans les différents mondes : celle d'ici-bas n'est ni la première ni la dernière, et c'est une des plus matérielles et des plus éloignées de la perfection. »

173. L'âme, à chaque nouvelle existence corporelle, passe-t-elle d'un monde à l'autre, ou bien peut-elle en accomplir plusieurs sur le même globe ?

« Elle peut revivre plusieurs fois sur le même globe, si elle n'est pas assez avancée pour passer dans un monde supérieur. »

- Ainsi nous pouvons reparaître plusieurs fois sur la terre ?

« Certainement. »

- Pouvons-nous y revenir après avoir vécu dans d'autres mondes ?

« Assurément ; vous avez déjà pu vivre ailleurs et sur la terre. »

174. Est-ce une nécessité de revivre sur la terre ?

« Non ; mais si vous n'avancez pas, vous pouvez aller dans un autre monde qui ne vaut pas mieux, et qui peut être pire. »

175. Y a-t-il un avantage à revenir habiter sur la terre ?

« Aucun avantage particulier, à moins d'y être en mission ; alors on avance, là comme ailleurs. »

- Ne serait-on pas plus heureux de rester Esprit ?

« Non, non ! On serait stationnaire, et l'on veut avancer vers Dieu. »

176. Les Esprits, après avoir été incarnés dans d'autres mondes, peuvent-ils l'être dans celui-ci sans y avoir jamais paru ?

« Oui, comme vous dans les autres. Tous les mondes sont solidaires : ce qui ne s'accomplit pas dans l'un s'accomplit dans un autre. »

- Ainsi, il y a des hommes qui sont sur la terre pour la première fois ?

« Il y en a beaucoup, et à divers degrés. »

- Peut-on reconnaître à un signe quelconque quand un Esprit en est à sa première apparition sur la terre ?

« Cela n'aurait aucune utilité. »

177. Pour arriver à la perfection et au bonheur suprême qui est le but final de tous les hommes, l'Esprit doit-il passer par la filière de tous les mondes qui existent dans l'univers ?

« Non, car il y a beaucoup de mondes qui sont au même degré, et où l'Esprit n'apprendrait rien de nouveau. »

- Comment alors expliquer la pluralité de ses existences sur le même globe ?

« Il peut s'y trouver chaque fois dans des positions bien différentes qui sont pour lui autant d'occasions d'acquérir de l'expérience. »

178. Les Esprits peuvent-ils revivre corporellement dans un monde relativement inférieur à celui où ils ont déjà vécu ?

« Oui, quand ils ont à remplir une mission pour aider au progrès, et alors ils acceptent avec joie les tribulations de cette existence, parce qu'elles leur fournissent un moyen d'avancer. »

- Cela ne peut-il pas aussi avoir lieu par expiation, et Dieu ne peut-il envoyer des Esprits rebelles dans des mondes inférieurs ?

« Les Esprits peuvent rester stationnaires, mais ils ne rétrogradent pas, et alors leur punition est de ne pas avancer et de recommencer les existences mal employées dans le milieu qui convient à leur nature. »

- Quels sont ceux qui doivent recommencer la même existence ?

« Ceux qui faillissent à leur mission ou à leurs épreuves. »

179. Les êtres qui habitent chaque monde sont-ils tous arrivés au même degré de perfection ?

« Non ; c'est comme sur la terre : il y en a de plus ou moins avancés. »

180. En passant de ce monde dans un autre, l'Esprit conserve-t-il l'intelligence qu'il avait dans celui-ci ?

« Sans doute, l'intelligence ne se perd pas, mais il peut n'avoir pas les mêmes moyens de la manifester ; cela dépend de sa supériorité et de l'état du corps qu'il prendra. » (Voir Influence de l'organisme).

181. Les êtres qui habitent les différents mondes ont-ils des corps semblables aux nôtres ?

« Sans doute ils ont des corps, parce qu'il faut bien que l'Esprit soit revêtu de matière pour agir sur la matière ; mais cette enveloppe est plus ou moins matérielle selon le degré de pureté où sont arrivés les Esprits, et c'est ce qui fait la différence des mondes que nous devons parcourir ; car il y a plusieurs demeures chez notre Père et pour lors plusieurs degrés. Les uns le savent et en ont conscience sur cette terre, et d'autres ne sont nullement de même. »

182. Pouvons-nous connaître exactement l'état physique et moral des différents mondes ?

« Nous, Esprits, nous ne pouvons répondre que suivant le degré dans lequel vous êtes ; c'est-à-dire que nous ne devons pas révéler ces choses à tous, parce que tous ne sont pas en état de les comprendre et cela les troublerait. »

A mesure que l'Esprit se purifie, le corps qu'il revêt se rapproche également de la nature spirite. La matière est moins dense, il ne rampe plus péniblement à la surface du sol, les besoins physiques sont moins grossiers, les êtres vivants n'ont plus besoin de s'entre-détruire pour se nourrir. L'Esprit est plus libre, et a pour les choses éloignées des perceptions qui nous sont inconnues ; il voit par les yeux du corps ce que nous ne voyons que par la pensée.

L'épuration des Esprits amène chez les êtres dans lesquels ils sont incarnés le perfectionnement moral. Les passions animales s'affaiblissent, et l'égoïsme fait place au sentiment fraternel. C'est ainsi que, dans les mondes supérieurs à la terre, les guerres sont inconnues ; les haines et les discordes y sont sans objet, parce que nul ne songe à faire du tort à son semblable. L'intuition qu'ils ont de leur avenir, la sécurité que leur donne une conscience exempte de remords, font que la mort ne leur cause aucune appréhension ; ils la voient venir sans crainte et comme une simple transformation.

La durée de la vie, dans les différents mondes, paraît être proportionnée au degré de supériorité physique et morale de ces mondes, et cela est parfaitement rationnel. Moins le corps est matériel, moins il est sujet aux vicissitudes qui le désorganisent ; plus l'Esprit est pur, moins il a de passions qui le minent. C'est encore là un bienfait de la Providence qui veut ainsi abréger les souffrances.

183. En passant d'un monde à l'autre, l'Esprit passe-t-il par une nouvelle enfance ?

« L'enfance est partout une transition nécessaire, mais elle n'est pas partout aussi stupide que chez vous. »

184. L'Esprit a-t-il le choix du nouveau monde qu'il doit habiter ?

« Pas toujours, mais il peut le demander, et il peut l'obtenir s'il le mérite ; car les mondes ne sont accessibles aux Esprits que selon le degré de leur élévation. »

- Si l'Esprit ne demande rien, qu'est-ce qui détermine le monde où il sera réincarné ?

« Le degré de son élévation. »

185. L'état physique et moral des êtres vivants est-il perpétuellement le même dans chaque globe ?

« Non ; les mondes aussi sont soumis à la loi du progrès. Tous ont commencé comme le vôtre par être dans un état inférieur, et la terre elle-même subira une transformation semblable ; elle deviendra un paradis terrestre lorsque les hommes seront devenus bons. »

C'est ainsi que les races qui peuplent aujourd'hui la terre disparaîtront un jour et seront remplacées par des êtres de plus en plus parfaits ; ces races transformées succéderont à la race actuelle, comme celle-ci a succédé à d'autres plus grossières encore.

186. Y a-t-il des mondes où l'Esprit, cessant d'habiter un corps matériel, n'a plus pour enveloppe que le périsprit ?

« Oui, et cette enveloppe même devient tellement éthérée, que pour vous c'est comme si elle n'existait pas ; c'est alors l'état des purs Esprits. »

- Il semble résulter de là qu'il n'y a pas une démarcation tranchée entre l'état des dernières incarnations et celui de pur Esprit ?

« Cette démarcation n'existe pas ; la différence s'effaçant peu à peu devient insensible comme la nuit qui s'efface devant les premières clartés du jour. »

187. La substance du périsprit est-elle la même dans tous les globes ?

« Non ; elle est plus ou moins éthérée. En passant d'un monde à l'autre, l'Esprit se revêt de la matière propre de chacun ; c'est d'aussi peu de durée que l'éclair. »

188. Les purs Esprits habitent-ils des mondes spéciaux, ou bien sont-ils dans l'espace universel sans être attachés à un globe plutôt qu'à un autre ?

« Les purs Esprits habitent certains mondes, mais ils n'y sont pas confinés comme les hommes sur la terre ; ils peuvent mieux que les autres être partout[6]. »

Transmigration progressive.

189. Dès le principe de sa formation, l'Esprit jouit-il de la plénitude de ses facultés ?

« Non, car l'Esprit, comme l'homme, a aussi son enfance. A leur origine, les Esprits n'ont qu'une existence instinctive et ont à peine conscience d'eux-mêmes et de leurs actes ; ce n'est que peu à peu que l'intelligence se développe. »

190. Quel est l'état de l'âme à sa première incarnation ?

« L'état de l'enfance à la vie corporelle ; son intelligence éclôt à peine : elle s'essaye à la vie. »

191. Les âmes de nos sauvages sont-elles des âmes à l'état d'enfance ?

« Enfance relative ; mais ce sont des âmes déjà développées ; ils ont des passions. »

- Les passions sont donc un signe de développement ?

« De développement, oui, mais non de perfection ; elles sont un signe d'activité et de la conscience du moi ; tandis que dans l'âme primitive l'intelligence et la vie sont à l'état de germe. »

La vie de l'Esprit, dans son ensemble, parcourt les mêmes phases que nous voyons dans la vie corporelle ; il passe graduellement de l'état d'embryon à celui de l'enfance, pour arriver par une succession de périodes à l'état d'adulte, qui est celui de la perfection, avec cette différence qu'il n'a pas de déclin et de décrépitude comme dans la vie corporelle ; que sa vie, qui a eu un commencement, n'aura pas de fin ; qu'il lui faut un temps immense, à notre point de vue, pour passer de l'enfance spirite à un développement complet, et son progrès s'accomplit, non sur une seule sphère, mais en passant par des mondes divers. La vie de l'Esprit se compose ainsi d'une série d'existences corporelles dont chacune est pour lui une occasion de progrès, comme chaque existence corporelle se compose d'une série de jours à chacun desquels l'homme acquiert un surcroît d'expérience et d'instruction. Mais, de même que, dans la vie de l'homme, il y a des jours qui ne portent aucun fruit, dans celle de l'Esprit il y a des existences corporelles qui sont sans résultat, parce qu'il n'a pas su les mettre à profit.

192. Peut-on, dès cette vie, par une conduite parfaite, franchir tous les degrés et devenir pur Esprit sans passer par d'autres intermédiaires ?

« Non, car ce que l'homme croit parfait est loin de la perfection ; il y a des qualités qui lui sont inconnues et qu'il ne peut comprendre. Il peut être aussi parfait que le comporte sa nature terrestre, mais ce n'est pas la perfection absolue. De même un enfant, quelque précoce qu'il soit, doit passer par la jeunesse avant d'arriver à l'age mûr ; de même aussi le malade passe par la convalescence avant de recouvrer toute sa santé. Et puis, l'Esprit doit avancer en science et en moralité ; s'il n'a progressé que dans un sens, il faut qu'il progresse dans un autre pour atteindre le haut de l'échelle ; mais plus l'homme avance dans sa vie présente, moins les épreuves suivantes sont longues et pénibles. »

- L'homme peut-il au moins s'assurer dès cette vie une existence future moins remplie d'amertume ?

« Oui, sans doute, il peut abréger la longueur et les difficultés de la route. L'insouciant seul se trouve toujours au même point. »

193. Un homme, dans ses nouvelles existences, peut-il descendre plus bas qu'il n'était ?

« Comme position sociale, oui ; comme Esprit, non. »

194. L'âme d'un homme de bien peut-elle, dans une nouvelle incarnation, animer le corps d'un scélérat ?

« Non, puisqu'elle ne peut dégénérer. »

- L'âme d'un homme pervers peut-elle devenir celle d'un homme de bien ?

« Oui, s'il s'est repenti, et alors c'est une récompense. »

La marche des Esprits est progressive et jamais rétrograde ; ils s'élèvent graduellement dans la hiérarchie, et ne descendent point du rang auquel ils sont parvenus. Dans leurs différentes existences corporelles ils peuvent descendre comme hommes, mais non comme Esprits. Ainsi l'âme d'un puissant de la terre peut plus tard animer le plus humble artisan, et vice versa ; car les rangs parmi les hommes sont souvent en raison inverse de l'élévation des sentiments moraux. Hérode était roi, et Jésus charpentier.

195. La possibilité de s'améliorer dans une autre existence ne peut-elle pas porter certaines personnes à persévérer dans une mauvaise voie par la pensée qu'elles pourront toujours se corriger plus tard ?

« Celui qui pense ainsi ne croit à rien, et l'idée d'un châtiment éternel ne le retient pas davantage, parce que sa raison le repousse, et cette idée conduit à l'incrédulité sur toutes choses. Si l'on n'avait employé que des moyens rationnels pour conduire les hommes, il n'y aurait pas autant de sceptiques. Un Esprit imparfait peut, en effet, penser comme tu le dis pendant sa vie corporelle ; mais une fois dégagé de la matière, il pense autrement, car il s'aperçoit bientôt qu'il a fait un faux calcul, et c'est alors qu'il apporte un sentiment contraire dans une nouvelle existence. C'est ainsi que s'accomplit le progrès, et voilà pourquoi vous avez sur la terre des hommes plus avancés les uns que les autres ; les uns ont déjà une expérience que d'autres n'ont pas encore, mais qu'ils acquerront peu à peu. Il dépend d'eux d'avancer leur progrès ou de le retarder indéfiniment. »

L'homme qui a une mauvaise position désire en changer le plus tôt possible. Celui qui est persuadé que les tribulations de cette vie sont la conséquence de ses imperfections, cherchera à s'assurer une nouvelle existence moins pénible ; et cette pensée le détournera plus de la voie du mal que celle du feu éternel auquel il ne croit pas.

196. Les Esprits ne pouvant s'améliorer qu'en subissant les tribulations de l'existence corporelle, il s'ensuivrait que la vie matérielle serait une sorte d'étamine ou d'épuratoire, par où doivent passer les êtres du monde spirite pour arriver à la perfection ?

« Oui, c'est bien cela. Ils s'améliorent dans ces épreuves en évitant le mal et en pratiquant le bien. Mais ce n'est qu'après plusieurs incarnations ou épurations successives qu'ils atteignent, dans un temps plus ou moins long, selon leurs efforts, le but auquel ils tendent. »

- Est-ce le corps qui influe sur l'Esprit pour l'améliorer, ou l'Esprit qui influe sur le corps ?

« Ton Esprit est tout ; ton corps est un vêtement qui se pourrit : voilà tout. »

Nous trouvons une comparaison matérielle des différents degrés de l'épuration de l'âme dans le suc de la vigne. Il contient la liqueur appelée esprit ou alcool, mais affaiblie par une foule de matières étrangères qui en altèrent l'essence ; elle n'arrive à la pureté absolue qu'après plusieurs distillations, à chacune desquelles elle se dépouille de quelque impureté. L'alambic est le corps dans lequel elle doit entrer pour s'épurer ; les matières étrangères sont comme le périsprit qui s'épure lui-même à mesure que l'Esprit approche de la perfection.

Sort des enfants après la mort.

197. L'Esprit d'un enfant mort en bas âge est-il aussi avancé que celui de l'adulte ?

« Quelquefois beaucoup plus, car il peut avoir beaucoup plus vécu et avoir plus d'expérience, si surtout il a progressé. »

- L'Esprit d'un enfant peut ainsi être plus avancé que celui de son père ?

« Cela est très fréquent ; ne le voyez-vous pas souvent vous-mêmes sur la terre ? »

198. L'enfant qui meurt en bas âge n'ayant pu faire de mal, son Esprit appartient-il aux degrés supérieurs ?

« S'il n'a point fait de mal, il n'a pas fait de bien, et Dieu ne l'affranchit pas des épreuves qu'il doit subir. S'il est pur, ce n'est pas parce qu'il était enfant, mais parce qu'il était plus avancé. »

199. Pourquoi la vie est-elle souvent interrompue dès l'enfance ?

« La durée de la vie de l'enfant peut être pour l'Esprit qui est incarné en lui le complément d'une existence interrompue avant le terme voulu, et sa mort est souvent une épreuve ou une expiation pour les parents. »

- Que devient l'Esprit d'un enfant qui meurt en bas âge ?

« Il recommence une nouvelle existence. »

Si l'homme n'avait qu'une seule existence, et si après cette existence son sort futur était fixé pour l'éternité, quel serait le mérite de la moitié de l'espèce humaine qui meurt en bas âge, pour jouir sans efforts du bonheur éternel, et de quel droit serait-elle affranchie des conditions souvent si dures imposées à l'autre moitié ? Un tel ordre de choses ne saurait être selon la justice de Dieu. Par la réincarnation, l'égalité est pour tous ; l'avenir appartient à tous sans exception et sans faveur pour aucun ; ceux qui arrivent les derniers ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes. L'homme doit avoir le mérite de ses actes, comme il en a la responsabilité.

Il n'est d'ailleurs pas rationnel de considérer l'enfance comme un état normal d'innocence. Ne voit-on pas des enfants doués des plus mauvais instincts à un âge où l'éducation n'a point encore pu exercer son influence ? N'en voit-on pas qui semblent apporter en naissant l'astuce, la fausseté, la perfidie, l'instinct même du vol et du meurtre, et cela nonobstant les bons exemples dont ils sont entourés ? La loi civile absout leurs méfaits, parce que, dit-elle, ils ont agi sans discernement ; elle a raison, parce qu'en effet ils agissent plus instinctivement que de propos délibéré ; mais d'où peuvent provenir ces instincts si différents chez des enfants du même âge, élevés dans les mêmes conditions et soumis aux mêmes influences ? D'où vient cette perversité précoce, si ce n'est de l'infériorité de l'Esprit, puisque l'éducation n'y est pour rien ? Ceux qui sont vicieux, c'est que leur esprit a moins progressé, et alors il en subit les conséquences, non pour ses actes d'enfant, mais pour ceux de ses existences antérieures, et c'est ainsi que la loi est la même pour tous, et que la justice de Dieu atteint tout le monde.

Sexes chez les Esprits.

200. Les Esprits ont-ils des sexes ?

« Non point comme vous l'entendez, car les sexes dépendent de l'organisation. Il y a entre eux amour et sympathie, mais fondés sur la similitude des sentiments. »

201. L'Esprit qui a animé le corps d'un homme peut-il, dans une nouvelle existence, animer celui d'une femme, et réciproquement ?

« Oui, ce sont les mêmes Esprits qui animent les hommes et les femmes. »

202. Quand on est Esprit, préfère-t-on être incarné dans le corps d'un homme ou d'une femme ?

« Cela importe peu à l'Esprit ; c'est suivant les épreuves qu'il doit subir. »

Les Esprits s'incarnent hommes ou femmes, parce qu'ils n'ont pas de sexe ; comme ils doivent progresser en tout, chaque sexe, comme chaque position sociale, leur offre des épreuves et des devoirs spéciaux et l'occasion d'acquérir de l'expérience. Celui qui serait toujours homme ne saurait que ce que savent les hommes.

Parenté, filiation.

203. Les parents transmettent-ils à leurs enfants une portion de leur âme, ou bien ne font-ils que leur donner la vie animale à laquelle une âme nouvelle vient plus tard ajouter la vie morale ?

« La vie animale seule, car l'âme est indivisible. Un père stupide peut avoir des enfants d'esprit, et vice versa. »

204. Puisque nous avons eu plusieurs existences, la parenté remonte-t-elle au-delà de notre existence actuelle ?

« Cela ne peut être autrement. La succession des existences corporelles établit entre les Esprits des liens qui remontent à vos existences antérieures ; de là souvent des causes de sympathie entre vous et certains Esprits qui vous paraissent étrangers. »

205. Aux yeux de certaines personnes, la doctrine de la réincarnation semble détruire les liens de famille en les faisant remonter au-delà de l'existence actuelle.

« Elle les étend, mais elle ne les détruit pas. La parenté étant fondée sur des affections antérieures, les liens qui unissent les membres d'une même famille sont moins précaires. Elle augmente les devoirs de la fraternité, puisque, dans votre voisin, ou dans votre serviteur, peut se trouver un Esprit qui a tenu à vous par les liens du sang. »

- Elle diminue cependant l'importance que quelques-uns attachent à leur filiation, puisqu'on peut avoir eu pour père un Esprit ayant appartenu à une tout autre race, ou ayant vécu dans une condition tout autre.

« C'est vrai, mais cette importance est fondée sur l'orgueil ; ce que la plupart honorent dans leurs ancêtres, ce sont les titres, le rang, la fortune. Tel rougirait d'avoir eu pour aïeul un cordonnier honnête homme, qui se vantera de descendre d'un gentilhomme débauché. Mais quoi qu'ils disent ou fassent, ils n'empêcheront pas les choses d'être ce qu'elles sont, car Dieu n'a pas réglé les lois de la nature sur leur vanité. »

206. De ce qu'il n'y a pas de filiation entre les Esprits des descendants d'une même famille, s'ensuit-il que le culte des ancêtres soit une chose ridicule ?

« Assurément non, car on doit être heureux d'appartenir à une famille dans laquelle des Esprits élevés se sont incarnés. Quoique les Esprits ne procèdent pas les uns des autres, ils n'en ont pas moins d'affection pour ceux qui tiennent à eux par les liens de la famille, car ces Esprits sont souvent attirés dans telle ou telle famille par des causes de sympathie ou par des liens antérieurs ; mais croyez bien que les Esprits de vos ancêtres ne sont nullement honorés du culte que vous leur rendez par orgueil ; leur mérite ne rejaillit sur vous qu'autant que vous vous efforcez de suivre les bons exemples qu'ils vous ont donnés, et c'est alors seulement que votre souvenir peut non seulement leur être agréable, mais même leur être utile. »

Similitudes physiques et morales.

207. Les parents transmettent souvent à leurs enfants une ressemblance physique. Leur transmettent-ils aussi une ressemblance morale ?

« Non, puisqu'ils ont des âmes ou des Esprits différents. Le corps procède du corps, mais l'Esprit ne procède pas de l'Esprit. Entre les descendants des races, il n'y a que consanguinité. »

- D'où viennent les ressemblances morales qui existent quelquefois entre les parents et leurs enfants ?

« Ce sont des Esprits sympathiques attirés par la similitude de leurs penchants. »

208. L'Esprit des parents est-il sans influence sur celui de l'enfant après sa naissance ?

« Il en a une très grande ; comme nous l'avons dit, les Esprits doivent concourir au progrès les uns des autres. Eh bien ! L'Esprit des parents a pour mission de développer celui de leurs enfants par l'éducation ; c'est pour lui une tâche : s'il y faillit, il est coupable. »

209. Pourquoi des parents bons et vertueux donnent-ils naissance à des enfants d'une nature perverse ? Autrement dit, pourquoi les bonnes qualités des parents n'attirent-elles pas toujours, par sympathie, un bon Esprit pour animer leur enfant ?

« Un mauvais Esprit peut demander de bons parents, dans l'espérance que leurs conseils le dirigeront dans une voie meilleure, et souvent Dieu le leur confie. »

210. Les parents peuvent-ils, par leurs pensées et leurs prières, attirer dans le corps de l'enfant un bon Esprit plutôt qu'un Esprit inférieur ?

« Non, mais ils peuvent améliorer l'Esprit de l'enfant qu'ils ont fait naître et qui leur est confié : c'est leur devoir ; de mauvais enfants sont une épreuve pour les parents. »

211. D'où vient la similitude de caractère qui existe souvent entre deux frères, surtout chez les jumeaux ?

« Esprits sympathiques qui se rapprochent par la similitude de leurs sentiments et qui sont heureux d'être ensemble. »

212. Dans les enfants dont les corps sont soudés et qui ont certains organes communs, y a-t-il deux Esprits, autrement dit deux âmes ?

« Oui, mais leur similitude n'en fait souvent qu'un à vos yeux. »

213. Puisque les Esprits s'incarnent dans les jumeaux par sympathie, d'où vient l'aversion que l'on voit quelquefois entre ces derniers ?

« Ce n'est pas une règle que les jumeaux n'ont que des Esprits sympathiques ; des Esprits mauvais peuvent vouloir lutter ensemble sur le théâtre de la vie. »

214. Que penser des histoires d'enfants se battant dans le sein de la mère ?

« Figure ! Pour peindre que leur haine était invétérée, on la fait remonter avant leur naissance. Généralement, vous ne tenez pas assez compte des figures poétiques. »

215. D'où vient le caractère distinctif que l'on remarque dans chaque peuple ?

« Les Esprits ont aussi des familles formées par la similitude de leurs penchants plus ou moins épurés selon leur élévation. Eh bien ! Un peuple est une grande famille où se rassemblent des Esprits sympathiques. La tendance qu'ont les membres de ces familles à s'unir est la source de la ressemblance qui existe dans le caractère distinctif de chaque peuple. Crois-tu que des Esprits bons et humains rechercheront un peuple dur et grossier ? Non ; les Esprits sympathisent avec les masses, comme ils sympathisent avec les individus ; là, ils sont dans leur milieu. »

216. L'homme conserve-t-il, dans ses nouvelles existences, des traces du caractère moral de ses existences antérieures ?

« Oui, cela peut arriver ; mais en s'améliorant, il change. Sa position sociale peut aussi n'être plus la même ; si de maître, il devient esclave, ses goûts seront tout différents et vous auriez de la peine à le reconnaître. L'Esprit étant le même dans les diverses incarnations, ses manifestations peuvent avoir de l'une à l'autre certaines analogies, modifiées, toutefois, par les habitudes de sa nouvelle position, jusqu'à ce qu'un perfectionnement notable ait complètement changé son caractère, car d'orgueilleux et méchant, il peut devenir humble et humain s'il s'est repenti. »

217. L'homme, dans ses différentes incarnations, conserve-t-il des traces du caractère physique des existences antérieures ?

« Le corps est détruit et le nouveau n'a aucun rapport avec l'ancien. Cependant, l'Esprit se reflète sur le corps ; certes, le corps n'est que matière, mais malgré cela il est modelé sur les capacités de l'Esprit qui lui imprime un certain caractère, principalement sur la figure, et c'est avec vérité qu'on a désigné les yeux comme le miroir de l'âme ; c'est-à-dire que la figure, plus particulièrement, reflète l'âme ; car telle personne excessivement laide a pourtant quelque chose qui plaît quand elle est l'enveloppe d'un Esprit bon, sage, humain, tandis qu'il y a des figures très belles qui ne te font rien éprouver, pour lesquelles même tu as de la répulsion. Tu pourrais croire qu'il n'y a que les corps bien faits qui soient l'enveloppe des Esprits les plus parfaits, tandis que tu rencontres tous les jours des hommes de bien sous des dehors difformes. Sans avoir une ressemblance prononcée, la similitude des goûts et des penchants peut donc donner ce qu'on appelle un air de famille. »

Le corps que revêt l'âme dans une nouvelle incarnation n'ayant aucun rapport nécessaire avec celui qu'elle a quitté, puisqu'elle peut le tenir d'une tout autre souche, il serait absurde de conclure une succession d'existences d'une ressemblance qui n'est que fortuite. Cependant les qualités de l'Esprit modifient souvent les organes qui servent à leurs manifestations et impriment sur la figure, et même à l'ensemble des manières, un cachet distinct. C'est ainsi que sous l'enveloppe la plus humble, on peut trouver l'expression de la grandeur et de la dignité, tandis que sous l'habit du grand seigneur on voit quelquefois celle de la bassesse et de l'ignominie. Certaines personnes sorties de la position la plus infime prennent sans efforts les habitudes et les manières du grand monde. Il semble qu'elles y retrouvent leur élément, tandis que d'autres, malgré leur naissance et leur éducation, y sont toujours déplacées. Comment expliquer ce fait autrement que comme un reflet de ce qu'a été l'Esprit ?

Idées innées.

218. L'Esprit incarné ne conserve-t-il aucune trace des perceptions qu'il a eues et des connaissances qu'il a acquises dans ses existences antérieures ?

« Il lui reste un vague souvenir qui lui donne ce qu'on appelle des idées innées. »

- La théorie des idées innées n'est donc pas une chimère ?

« Non, les connaissances acquises dans chaque existence ne se perdent pas ; l'Esprit, dégagé de la matière, s'en souvient toujours. Pendant l'incarnation, il peut les oublier en partie momentanément, mais l'intuition qui lui en reste aide à son avancement ; sans cela, ce serait toujours à recommencer. A chaque existence nouvelle, l'Esprit prend son point de départ de celui où il était resté dans sa précédente existence. »

- Il doit ainsi y avoir une grande connexion entre deux existences successives ?

« Pas toujours aussi grande que tu pourrais le croire, car les positions sont souvent bien différentes, et dans l'intervalle l'Esprit a pu progresser. » (216).

219. Quelle est l'origine des facultés extraordinaires des individus qui, sans étude préalable, semblent avoir l'intuition de certaines connaissances comme les langues, le calcul, etc. ?

« Souvenir du passé ; progrès antérieur de l'âme, mais dont lui-même n'a pas la conscience. D'où veux-tu qu'elles viennent ? Le corps change, mais l'Esprit ne change pas, quoiqu'il change de vêtement. »

220. En changeant de corps, peut-on perdre certaines facultés intellectuelles, ne plus avoir, par exemple, le goût des arts ?

« Oui, si l'on a souillé cette intelligence, ou si l'on en a fait un mauvais emploi. Une faculté peut, en outre, sommeiller pendant une existence, parce que l'Esprit veut en exercer une autre qui n'y a pas de rapport ; alors, elle reste à l'état latent pour reparaître plus tard. »

221. Est-ce à un souvenir rétrospectif que l'homme doit, même à l'état sauvage, le sentiment instinctif de l'existence de Dieu et le pressentiment de la vie future ?

« C'est un souvenir qu'il a conservé de ce qu'il savait comme Esprit avant d'être incarné ; mais l'orgueil étouffe souvent ce sentiment. »

- Est-ce à ce même souvenir que sont dues certaines croyances relatives à la doctrine spirite, et que l'on retrouve chez tous les peuples ?

« Cette doctrine est aussi ancienne que le monde ; c'est pourquoi on la retrouve partout, et c'est là une preuve qu'elle est vraie. L'Esprit incarné, conservant l'intuition de son état d'Esprit, a la conscience instinctive du monde invisible, mais souvent elle est faussée par les préjugés et l'ignorance y mêle la superstition. »


CHAPITRE V


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CONSIDERATIONS SUR LA PLURALITE


DES EXISTENCES

222. Le dogme de la réincarnation, disent certaines personnes, n'est point nouveau ; il est ressuscité de Pythagore. Nous n'avons jamais dit que la doctrine spirite fût d'invention moderne ; le spiritisme étant une loi de nature, a dû exister dès l'origine des temps, et nous nous sommes toujours efforcés de prouver qu'on en retrouve les traces dans la plus haute antiquité. Pythagore, comme on le sait, n'est pas l'auteur du système de la métempsycose ; il l'a puisée chez les philosophes indiens et chez les Egyptiens, où elle existait de temps immémorial. L'idée de la transmigration des âmes était donc une croyance vulgaire, admise par les hommes les plus éminents. Par quelle voie leur est-elle venue ? Est-ce par révélation ou par intuition ? Nous ne le savons pas ; mais, quoi qu'il en soit, une idée ne traverse pas les âges et n'est pas acceptée par les intelligences d'élite, sans avoir un côté sérieux. L'antiquité de cette doctrine serait donc plutôt une preuve qu'une objection. Toutefois, comme on le sait également, il y a, entre la métempsycose des anciens et la doctrine moderne de la réincarnation, cette grande différence que les Esprits rejettent de la manière la plus absolue la transmigration de l'homme dans les animaux, et réciproquement.

Les Esprits, en enseignant le dogme de la pluralité des existences corporelles, renouvellent donc une doctrine qui a pris naissance dans les premiers âges du monde, et qui s'est conservée jusqu'à nos jours dans la pensée intime de beaucoup de personnes ; seulement, ils la présentent sous un point de vue plus rationnel, plus conforme aux lois progressives de la nature et plus en harmonie avec la sagesse du Créateur, en la dépouillant de tous les accessoires de la superstition. Une circonstance digne de remarque, c'est que ce n'est pas dans ce livre seul qu'ils l'ont enseignée dans ces derniers temps : dès avant sa publication, de nombreuses communications de même nature ont été obtenues, en diverses contrées, et se sont considérablement multipliées depuis. Ce serait peut-être ici le cas d'examiner pourquoi tous les Esprits ne paraissent pas d'accord sur ce point ; nous y reviendrons plus tard.

Examinons la chose sous un autre point de vue, et abstraction faite de toute intervention des Esprits, mettons ceux-ci de côté pour un instant ; supposons que cette théorie ne soit pas leur fait ; supposons même qu'il n'ait jamais été question d'Esprits. Plaçons-nous donc momentanément sur un terrain neutre, admettant au même degré de probabilité l'une et l'autre hypothèse, savoir : la pluralité et l'unité des existences corporelles, et voyons de quel côté nous portera la raison et notre propre intérêt.

Certaines personnes repoussent l'idée de la réincarnation par ce seul motif qu'elle ne leur convient pas, disant qu'elles ont bien assez d'une existence et qu'elles n'en voudraient pas recommencer une pareille ; nous en connaissons que la seule pensée de reparaître sur la terre fait bondir de fureur. Nous n'avons qu'une chose à leur demander, c'est si elles pensent que Dieu ait pris leur avis et consulté leur goût pour régler l'univers. Or, de deux choses l'une, ou la réincarnation existe, ou elle n'existe pas ; si elle existe, elle a beau les contrarier, il leur faudra la subir, Dieu ne leur en demandera pas la permission. Il nous semble entendre un malade dire : « J'ai assez souffert aujourd'hui, je ne veux plus souffrir demain. » Quelle que soit sa mauvaise humeur, il ne lui faudra pas moins souffrir le lendemain et les jours suivants, jusqu'à ce qu'il soit guéri ; donc, s'ils doivent revivre corporellement, ils revivront, ils se réincarneront ; ils auront beau se mutiner, comme un enfant qui ne veut pas aller à l'école, ou un condamné en prison, il faudra qu'ils en passent par là. De pareilles objections sont trop puériles pour mériter un plus sérieux examen. Nous leur dirons cependant, pour les rassurer, que la doctrine spirite sur la réincarnation n'est pas aussi terrible qu'ils le croient, et s'ils l'avaient étudiée à fond ils n'en seraient pas si effrayés ; ils sauraient que la condition de cette nouvelle existence dépend d'eux : elle sera heureuse ou malheureuse selon ce qu'ils auront fait ici-bas, et ils peuvent dès cette vie s'élever si haut, qu'ils n'auront plus à craindre de retomber dans le bourbier.

Nous supposons que nous parlons à des gens qui croient à un avenir quelconque après la mort, et non à ceux qui se donnent le néant pour perspective, ou qui veulent noyer leur âme dans un tout universel, sans individualité, comme les gouttes de pluie dans l'Océan, ce qui revient à peu près au même. Si donc vous croyez à un avenir quelconque, vous n'admettez pas, sans doute, qu'il soit le même pour tous, autrement où serait l'utilité du bien ? Pourquoi se contraindre ? Pourquoi ne pas satisfaire toutes ses passions, tous ses désirs, fût-ce même aux dépens d'autrui, puisqu'il n'en serait ni plus ni moins ? Vous croyez que cet avenir sera plus ou moins heureux ou malheureux selon ce que nous aurons fait pendant la vie ; vous avez alors le désir d'y être aussi heureux que possible, puisque ce doit être pour l'éternité ? Auriez-vous, par hasard, la prétention d'être un des hommes les plus parfaits qui aient existé sur la terre, et d'avoir ainsi droit d'emblée à la félicité suprême des élus ? Non. Vous admettez ainsi qu'il y a des hommes qui valent mieux que vous et qui ont droit à une meilleure place, sans pour cela que vous soyez parmi les réprouvés. Eh bien ! Placez-vous un instant par la pensée dans cette situation moyenne qui sera la vôtre, puisque vous venez d'en convenir, et supposez que quelqu'un vienne vous dire : « Vous souffrez, vous n'êtes pas aussi heureux que vous pourriez l'être, tandis que vous avez devant vous des êtres qui jouissent d'un bonheur sans mélange ; voulez-vous changer votre position contre la leur ? » - Sans doute, direz-vous ; que faut-il faire ? - Moins que rien ; recommencer ce que vous avez mal fait et tâcher de faire mieux. - Hésiteriez-vous à accepter fût-ce même au prix de plusieurs existences d'épreuve ? Prenons une comparaison plus prosaïque. Si, à un homme qui, sans être dans la dernière des misères, éprouve néanmoins des privations par suite de la médiocrité de ses ressources, on venait dire : « Voilà une immense fortune, vous pouvez en jouir, il faut pour cela travailler rudement pendant une minute. » Fût-il le plus paresseux de la terre, il dira sans hésiter : « Travaillons une minute, deux minutes, une heure, un jour, s'il le faut ; qu'est-ce que cela pour finir ma vie dans l'abondance ? » Or, qu'est la durée de la vie corporelle par rapport à l'éternité ? Moins qu'une minute, moins qu'une seconde.

Nous avons entendu faire ce raisonnement : Dieu, qui est souverainement bon, ne peut imposer à l'homme de recommencer une série de misères et de tribulations. Trouverait-on, par hasard, qu'il y a plus de bonté à condamner l'homme à une souffrance perpétuelle pour quelques moments d'erreur, plutôt qu'à lui donner les moyens de réparer ses fautes ? « Deux fabricants avaient chacun un ouvrier qui pouvait aspirer à devenir l'associé du chef. Or il arriva que ces deux ouvriers employèrent une fois très mal leur journée et méritèrent d'être renvoyés. L'un des deux fabricants chassa son ouvrier malgré ses supplications, et celui-ci n'ayant pas trouvé d'ouvrage mourut de misère. L'autre dit au sien : Vous avez perdu un jour, vous m'en devez un en compensation ; vous avez mal fait votre ouvrage, vous m'en devez la réparation ; je vous permets de le recommencer ; tâchez de bien faire et je vous conserverai, et vous pourrez toujours aspirer à la position supérieure que je vous ai promise ». Est-il besoin de demander quel est celui des deux fabricants qui a été le plus humain ? Dieu, la clémence même, serait-il plus inexorable qu'un homme ? La pensée que notre sort est à jamais fixé par quelques années d'épreuve, alors même qu'il n'a pas toujours dépendu de nous d'atteindre à la perfection sur la terre, a quelque chose de navrant, tandis que l'idée contraire est éminemment consolante : elle nous laisse l'espérance. Ainsi, sans nous prononcer pour ou contre la pluralité des existences, sans admettre une hypothèse plutôt que l'autre, nous disons que, si nous avions le choix, il n'est personne qui préférât un jugement sans appel. Un philosophe a dit que si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer pour le bonheur du genre humain ; on pourrait en dire autant de la pluralité des existences. Mais, comme nous l'avons dit, Dieu ne nous demande pas notre permission ; il ne consulte pas notre goût ; cela est ou cela n'est pas ; voyons de quel côté sont les probabilités, et prenons la chose à un autre point de vue, toujours abstraction faite de l'enseignement des Esprits, et uniquement comme étude philosophique.

S'il n'y a pas de réincarnation, il n'y a qu'une existence corporelle, cela est évident ; si notre existence corporelle actuelle est la seule, l'âme de chaque homme est créée à sa naissance, à moins que l'on admette l'antériorité de l'âme, auquel cas on se demanderait ce qu'était l'âme avant la naissance, et si cet état ne constituait pas une existence sous une forme quelconque. Il n'y a pas de milieu : ou l'âme existait, ou elle n'existait pas avant le corps ; si elle existait, quelle était sa situation ? Avait-elle ou non conscience d'elle-même ; si elle n'en avait pas conscience, c'est à peu près comme si elle n'existait pas ; si elle avait son individualité, elle était progressive ou stationnaire ; dans l'un et l'autre cas, à quel degré est-elle arrivée dans le corps ? En admettant, selon la croyance vulgaire, que l'âme prend naissance avec le corps, ou, ce qui revient au même, qu'antérieurement à son incarnation elle n'a que des facultés négatives, nous posons les questions suivantes :

1. Pourquoi l'âme montre-t-elle des aptitudes si diverses et indépendantes des idées acquises par l'éducation ?

2. D'où vient l'aptitude extra-normale de certains enfants en bas âge pour tel art ou telle science, tandis que d'autres restent inférieurs ou médiocres toute leur vie ?

3. D'où viennent chez les uns, les idées innées ou intuitives qui n'existent pas chez d'autres ?

4. D'où viennent, chez certains enfants, ces instincts précoces de vices ou de vertus, ces sentiments innés de dignité ou de bassesse qui contrastent avec le milieu dans lequel ils sont nés ?

5. Pourquoi certains hommes, abstraction faite de l'éducation, sont-ils plus avancés les uns que les autres ?

6. Pourquoi y a-t-il des sauvages et des hommes civilisés ? Si vous prenez un enfant hottentot à la mamelle, et si vous l'élevez dans nos lycées les plus renommés, en ferez-vous jamais un Laplace ou un Newton ?

Nous demandons quelle est la philosophie ou la théosophie qui peut résoudre ces problèmes ? Ou les âmes à leur naissance sont égales, ou elles sont inégales, cela n'est pas douteux. Si elles sont égales, pourquoi ces aptitudes si diverses ? Dira-t-on que cela dépend de l'organisme ? Mais alors c'est la doctrine la plus monstrueuse et la plus immorale. L'homme n'est plus qu'une machine, le jouet de la matière ; il n'a plus la responsabilité de ses actes ; il peut tout rejeter sur ses imperfections physiques. Si elles sont inégales, c'est que Dieu les a créées ainsi ; mais alors pourquoi cette supériorité innée accordée à quelques-uns ? Cette partialité est-elle conforme à sa justice et à l'égal amour qu'il porte à toutes ses créatures ?

Admettons, au contraire, une succession d'existences antérieures progressives, et tout est expliqué. Les hommes apportent en naissant l'intuition de ce qu'ils ont acquis ; ils sont plus ou moins avancés, selon le nombre d'existences qu'ils ont parcourues, selon qu'ils sont plus ou moins éloignés du point de départ : absolument comme dans une réunion d'individus de tous âges, chacun aura un développement proportionné au nombre d'années qu'il aura vécu ; les existences successives seront, pour la vie de l'âme, ce que les années sont pour la vie du corps. Rassemblez un jour mille individus, depuis un an jusqu'à quatre-vingts ; supposez qu'un voile soit jeté sur tous les jours qui ont précédé, et que, dans votre ignorance, vous les croyiez ainsi tous nés le même jour : vous vous demanderez naturellement comment il se fait que les uns soient grands et les autres petits, les uns vieux et les autres jeunes, les uns instruits et les autres encore ignorants ; mais si le nuage qui vous cache le passé vient à se lever, si vous apprenez qu'ils ont tous vécu plus ou moins longtemps, tout vous sera expliqué. Dieu, dans sa justice, n'a pu créer des âmes plus ou moins parfaites ; mais, avec la pluralité des existences, l'inégalité que nous voyons n'a plus rien de contraire à l'équité la plus rigoureuse : c'est que nous ne voyons que le présent et non le passé. Ce raisonnement repose-t-il sur un système, une supposition gratuite ? Non ; nous partons d'un fait patent, incontestable : l'inégalité des aptitudes et du développement intellectuel et moral, et nous trouvons ce fait inexplicable par toutes les théories qui ont cours ; tandis que l'explication en est simple, naturelle, logique, par une autre théorie. Est-il rationnel de préférer celle qui n'explique pas à celle qui explique ?

A l'égard de la sixième question, on dira sans doute que le Hottentot est d'une race inférieure : alors nous demanderons si le Hottentot est un homme ou non. Si c'est un homme, pourquoi Dieu l'a-t-il, lui et sa race, déshérité des privilèges accordés à la race caucasique ? Si ce n'est pas un homme, pourquoi chercher à le faire chrétien ? La doctrine spirite est plus large que tout cela ; pour elle, il n'y a pas plusieurs espèces d'hommes, il n'y a que des hommes dont l'esprit est plus ou moins arriéré, mais susceptible de progresser : cela n'est-il pas plus conforme à la justice de Dieu ?

Nous venons de voir l'âme dans son passé et dans son présent ; si nous la considérons dans son avenir, nous trouvons les mêmes difficultés.

1. Si notre existence actuelle doit seule décider de notre sort à venir, quelle est, dans la vie future, la position respective du sauvage et de l'homme civilisé ? Sont-ils au même niveau, ou sont-ils distancés dans la somme du bonheur éternel ?

2. L'homme qui a travaillé toute sa vie à s'améliorer est-il au même rang que celui qui est resté inférieur, non par sa faute, mais parce qu'il n'a eu ni le temps, ni la possibilité de s'améliorer ?

3. L'homme qui fait mal, parce qu'il n'a pu s'éclairer, est-il passible d'un état de choses qui n'a pas dépendu de lui ?

4. On travaille à éclairer les hommes, à les moraliser, à les civiliser ; mais, pour un que l'on éclaire, il y en a des millions qui meurent chaque jour avant que la lumière soit parvenue jusqu'à eux ; quel est le sort de ceux-ci ? Sont-ils traités comme des réprouvés ? Dans le cas contraire, qu'ont-ils fait pour mériter d'être sur le même rang que les autres ?

5. Quel est le sort des enfants qui meurent en bas âge avant d'avoir pu faire ni bien ni mal ? S'ils sont parmi les élus, pourquoi cette faveur sans avoir rien fait pour la mériter ? Par quel privilège sont-ils affranchis des tribulations de la vie ?

Y a-t-il une doctrine qui puisse résoudre ces questions ? Admettez des existences consécutives, et tout est expliqué conformément à la justice de Dieu. Ce que l'on n'a pu faire dans une existence, on le fait dans une autre ; c'est ainsi que personne n'échappe à la loi du progrès, que chacun sera récompensé selon son mérite réel, et que nul n'est exclu de la félicité suprême, à laquelle il peut prétendre, quels que soient les obstacles qu'il ait rencontrés sur sa route.

Ces questions pourraient être multipliées à l'infini, car les problèmes psychologiques et moraux qui ne trouvent leur solution que dans la pluralité des existences sont innombrables ; nous nous sommes borné aux plus généraux. Quoi qu'il en soit, dira-t-on peut-être, la doctrine de la réincarnation n'est point admise par l'Eglise ; ce serait donc le renversement de la religion. Notre but n'est pas de traiter cette question en ce moment ; il nous suffit d'avoir démontré qu'elle est éminemment morale et rationnelle. Or, ce qui est moral et rationnel ne peut être contraire à une religion qui proclame Dieu la bonté et la raison par excellence. Que serait-il advenu de la religion si, contre l'opinion universelle et le témoignage de la science, elle se fût raidie contre l'évidence et eût rejeté de son sein quiconque n'eût pas cru au mouvement du soleil ou aux six jours de la création ? Quelle créance eût méritée, et quelle autorité aurait eue, chez des peuples éclairés, une religion fondée sur des erreurs manifestes données comme articles de foi ? Quand l'évidence a été démontrée, l'Eglise s'est sagement rangée du côté de l'évidence. S'il est prouvé que des choses qui existent sont impossibles sans la réincarnation, si certains points du dogme ne peuvent être expliqués que par ce moyen, il faudra bien l'admettre et reconnaître que l'antagonisme de cette doctrine et de ces dogmes n'est qu'apparent. Plus tard, nous montrerons que la religion en est peut-être moins éloignée qu'on ne le pense, et qu'elle n'en souffrirait pas plus qu'elle n'a souffert de la découverte du mouvement de la terre et des périodes géologiques qui, au premier abord, ont paru donner un démenti aux textes sacrés. Le principe de la réincarnation ressort d'ailleurs de plusieurs passages des Ecritures et se trouve notamment formulé d'une manière explicite dans l'Evangile :

« Lorsqu'ils descendaient de la montagne (après la transfiguration). Jésus fit ce commandement et leur dit : Ne parlez à personne de ce que vous venez de voir, jusqu'à ce que le fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. Ses disciples l'interrogèrent alors, et lui dirent : Pourquoi donc les Scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant ? Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu'Elie doit venir et qu'il rétablira toutes choses. Mais je vous déclare qu'Elie est déjà venu, et ils ne l'ont point connu, mais l'ont fait souffrir comme ils ont voulu. C'est ainsi qu'ils feront mourir le fils de l'homme. Alors ses disciples comprirent que c'était de Jean-Baptiste qu'il leur avait parlé. » (Saint Matthieu, chap. XVII).

Puisque Jean-Baptiste était Elie, il y a donc eu réincarnation de l'Esprit ou de l'âme d'Elie dans le corps de Jean-Baptiste.

Quelle que soit, du reste, l'opinion que l'on se fasse sur la réincarnation, qu'on l'accepte ou qu'on ne l'accepte pas, il n'en faut pas moins la subir si elle existe, nonobstant toute croyance contraire ; le point essentiel, c'est que l'enseignement des Esprits est éminemment chrétien ; il s'appuie sur l'immortalité de l'âme, les peines et les récompenses futures, la justice de Dieu, le libre arbitre de l'homme, la morale du Christ ; donc il n'est pas anti-religieux.

Nous avons raisonné, comme nous l'avons dit, abstraction faite de tout enseignement spirite qui, pour certaines personnes, n'est pas une autorité. Si nous, et tant d'autres, avons adopté l'opinion de la pluralité des existences, ce n'est pas seulement parce qu'elle nous vient des Esprits, c'est parce qu'elle nous a paru la plus logique, et qu'elle seule résout des questions jusqu'alors insolubles. Elle nous serait venue d'un simple mortel que nous l'aurions adoptée de même, et que nous n'aurions pas hésité davantage à renoncer à nos propres idées ; du moment qu'une erreur est démontrée, l'amour-propre a plus à perdre qu'à gagner à s'entêter dans une idée fausse. De même, nous l'eussions repoussée, quoique venant des Esprits, si elle nous eût semblé contraire à la raison, comme nous en avons repoussé bien d'autres ; car nous savons par expérience qu'il ne faut pas accepter en aveugle tout ce qui vient de leur part, pas plus que ce qui vient de la part des hommes. Son premier titre à nos yeux est donc avant tout d'être logique ; elle en a un autre, c'est d'être confirmée par les faits : faits positifs et pour ainsi dire matériels, qu'une étude attentive et raisonnée peut révéler à quiconque se donne la peine d'observer avec patience et persévérance, et en présence desquels le doute n'est plus permis. Quand ces faits seront popularisés comme ceux de la formation et du mouvement de la terre, il faudra bien se rendre à l'évidence, et les opposants en auront été pour leurs frais de contradiction.

Reconnaissons donc, en résumé, que la doctrine de la pluralité des existences explique seule ce qui, sans elle, est inexplicable ; qu'elle est éminemment consolante et conforme à la justice la plus rigoureuse, et qu'elle est pour l'homme l'ancre de salut que Dieu lui a donnée dans sa miséricorde.

Les paroles mêmes de Jésus ne peuvent laisser de doute sous ce rapport. Voici ce qu'on lit dans l'Evangile selon saint Jean, chapitre III :

« 3. Jésus répondant à Nicodème, dit : En vérité, en vérité, je te le dis, que si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu.

4. Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le ventre de sa mère, et naître une seconde fois ?

5. Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te dis que si un homme ne naît d'eau et d'esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit. Ne t'étonne point de ce que je t'ai dit : il faut que vous naissiez de nouveau. » (Voir, ci-après, l'article Résurrection de la chair, n° 1010).


CHAPITRE VI


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VIE SPIRITE

1. Esprits errants. - 2. Mondes transitoires. - 3. Perceptions, sensations et souffrances des Esprits. - 4. Essai théorique sur la sensation chez les Esprits.


5. Choix des épreuves. - 6. Relations d'outre-tombe. - 7. Rapports sympathiques et antipathiques des Esprits. - 8. Souvenir de l'existence corporelle. - 9. Commémoration des morts. Funérailles.

Esprits errants.

223. L'âme se réincarne-t-elle immédiatement après sa séparation du corps ?

« Quelquefois immédiatement, mais le plus souvent après des intervalles plus ou moins longs. Dans les mondes supérieurs la réincarnation est presque toujours immédiate ; la matière corporelle étant moins grossière, l'Esprit incarné y jouit presque de toutes ses facultés d'Esprit ; son état normal est celui de vos somnambules lucides. »

224. Que devient l'âme dans l'intervalle des incarnations ?

« Esprit errant qui aspire après sa nouvelle destinée ; il attend. »

- Quelle peut être la durée de ces intervalles ?

« De quelques heures à quelques milliers de siècles. Au reste, il n'y a point, à proprement parler, de limite extrême assignée à l'état errant, qui peut se prolonger fort longtemps, mais qui cependant n'est jamais perpétuel ; l'Esprit trouve toujours tôt ou tard à recommencer une existence qui sert à la purification de ses existences précédentes. »

- Cette durée est-elle subordonnée à la volonté de l'Esprit, ou peut-elle être imposée comme expiation ?

« C'est une conséquence du libre arbitre ; les Esprits savent parfaitement ce qu'ils font, mais il y en a aussi pour qui c'est une punition infligée par Dieu ; d'autres demandent à la prolonger pour suivre des études qui ne peuvent se faire avec fruit qu'à l'état d'Esprit. »

225. L'erraticité est-elle, par elle-même, un signe d'infériorité chez les Esprits ?

« Non, car il y a des Esprits errants de tous les degrés. L'incarnation est un état transitoire, nous l'avons dit : dans son état normal, l'Esprit est dégagé de la matière. »

226. Peut-on dire que tous les Esprits qui ne sont pas incarnés sont errants ?

« Ceux qui doivent se réincarner, oui ; mais les purs Esprits qui sont arrivés à la perfection ne sont pas errants : leur état est définitif. »

Sous le rapport des qualités intimes, les Esprits sont de différents ordres ou degrés qu'ils parcourent successivement à mesure qu'ils s'épurent. Comme état, ils peuvent être : incarnés, c'est-à-dire unis à un corps ; errants, c'est-à-dire dégagés du corps matériel et attendant une nouvelle incarnation pour s'améliorer ; purs Esprits, c'est-à-dire parfaits et n'ayant plus besoin d'incarnation.

227. De quelle manière les Esprits errants s'instruisent-ils ; ils ne le font sans doute pas de la même manière que nous ?

« Ils étudient leur passé et cherchent les moyens de s'élever. Ils voient, observent ce qui se passe dans les lieux qu'ils parcourent ; ils écoutent les discours des hommes éclairés et les avis des Esprits plus élevés qu'eux, et cela leur donne des idées qu'ils n'avaient pas. »

228. Les Esprits conservent-ils quelques-unes des passions humaines ?

« Les Esprits élevés, en perdant leur enveloppe, laissent les mauvaises passions et ne gardent que celle du bien ; mais les Esprits inférieurs les conservent ; autrement, ils seraient du premier ordre. »

229. Pourquoi les Esprits en quittant la terre n'y laissent-ils pas toutes leurs mauvaises passions, puisqu'ils en voient les inconvénients ?

« Tu as dans ce monde des gens qui sont excessivement jaloux ; crois-tu que dès qu'ils le quittent ils perdent ce défaut ? Il reste après le départ d'ici, surtout à ceux qui ont eu des passions bien tranchées, une sorte d'atmosphère qui les enveloppe et leur laisse toutes ces mauvaises choses, car l'Esprit n'est pas dégagé entièrement ; ce n'est que par moments qu'il entrevoit la vérité, comme pour lui montrer le bon chemin. »

230. L'Esprit progresse-t-il à l'état errant ?

« Il peut s'améliorer beaucoup, toujours selon sa volonté et son désir ; mais c'est dans l'existence corporelle qu'il met en pratique les nouvelles idées qu'il a acquises. »

231. Les Esprits errants sont-ils heureux ou malheureux ?

« Plus ou moins selon leur mérite. Ils souffrent des passions dont ils ont conservé le principe, ou bien ils sont heureux selon qu'ils sont plus ou moins dématérialisés. Dans l'état errant, l'Esprit entrevoit ce qui lui manque pour être plus heureux ; c'est alors qu'il cherche les moyens d'y atteindre ; mais il ne lui est pas toujours permis de se réincarner à son gré, et c'est alors une punition. »

232. A l'état errant, les Esprits peuvent-ils aller dans tous les mondes ?

« C'est selon ; lorsque l'Esprit a quitté le corps, il n'est pas, pour cela, complètement dégagé de la matière, et il appartient encore au monde où il a vécu, ou à un monde du même degré, à moins que, pendant sa vie, il ne se soit élevé, et c'est là le but auquel il doit tendre, sans cela il ne se perfectionnerait jamais. Il peut cependant aller dans certains mondes supérieurs, mais alors il y est comme étranger ; il ne fait pour ainsi dire que les entrevoir, et c'est ce qui lui donne le désir de s'améliorer pour être digne de la félicité dont on y jouit, et pouvoir les habiter plus tard. »

233. Les Esprits déjà épurés viennent-ils dans les mondes inférieurs ?

« Ils y viennent souvent afin de les aider à progresser ; sans cela ces mondes seraient livrés à eux-mêmes sans guides pour les diriger. »

Mondes transitoires.

234. Existe-t-il, comme cela a été dit, des mondes qui servent aux Esprits errants de stations et de points de repos ?

« Oui, il y a des mondes particulièrement affectés aux êtres errants, mondes dans lesquels ils peuvent habiter temporairement ; sortes de bivouacs, de camps pour se reposer d'une trop longue erraticité, état toujours un peu pénible. Ce sont des positions intermédiaires parmi les autres mondes, graduées suivant la nature des Esprits qui peuvent s'y rendre, et ceux-ci jouissent d'un bien-être plus ou moins grand. »

- Les Esprits qui habitent ces mondes peuvent-ils les quitter à volonté ?

« Oui, les Esprits qui se trouvent dans ces mondes peuvent s'en détacher pour aller où ils doivent se rendre. Figurez-vous des oiseaux de passage s'abattant sur une île, en attendant d'avoir repris des forces pour se rendre à leur destination. »

235. Les Esprits progressent-ils pendant leurs stations dans les mondes transitoires ?

« Certainement ; ceux qui se réunissent ainsi, c'est dans le but de s'instruire et de pouvoir plus facilement obtenir la permission de se rendre dans des lieux meilleurs, et parvenir à la position qu'obtiennent les élus. »

236. Les mondes transitoires sont-ils perpétuellement, et par leur nature spéciale, affectés aux Esprits errants ?

« Non, leur position n'est que temporaire. »

- Sont-ils en même temps habités par des êtres corporels ?

« Non, la surface est stérile. Ceux qui les habitent n'ont besoin de rien. »

- Cette stérilité est-elle permanente et tient-elle à leur nature spéciale ?

« Non, ils sont stériles par transition. »

- Ces mondes doivent alors être dépourvus de beautés naturelles ?

« La nature se traduit par les beautés de l'immensité qui ne sont pas moins admirables que ce que vous appelez les beautés naturelles. »

- Puisque l'état de ces mondes est transitoire, notre terre sera-t-elle un jour de ce nombre ?

« Elle l'a été. »

- A quelle époque ?

« Pendant sa formation. »

Rien n'est inutile dans la nature ; chaque chose a son but, sa destination ; rien n'est vide, tout est habité, la vie est partout. Ainsi pendant la longue série des siècles qui se sont écoulés avant l'apparition de l'homme sur la terre, durant ces lentes périodes de transition attestées par les couches géologiques, avant même la formation des premiers êtres organiques, sur cette masse informe, dans cet aride chaos où les éléments étaient confondus, il n'y avait pas absence de vie ; des êtres qui n'avaient ni nos besoins, ni nos sensations physiques y trouvaient un refuge. Dieu a voulu que, même dans cet état imparfait, elle servit à quelque chose. Qui donc oserait dire que, parmi ces milliards de mondes qui circulent dans l'immensité, un seul, un des plus petits, perdu dans la foule, eût le privilège exclusif d'être peuplé ? Quelle serait donc l'utilité des autres ? Dieu ne les aurait-il fait qu'en vue de récréer nos yeux ? Supposition absurde, incompatible avec la sagesse qui éclate dans toutes ses oeuvres, et inadmissible quand on songe à tous ceux que nous ne pouvons apercevoir. Personne ne contestera qu'il y a dans cette idée des mondes encore impropres à la vie matérielle, et pourtant peuplés d'êtres vivants appropriés à ce milieu, quelque chose de grand et de sublime, où se trouve peut-être la solution de plus d'un problème.

Perceptions, sensations et souffrances des Esprits.

237. L'âme, une fois dans le monde des Esprits, a-t-elle encore les perceptions qu'elle avait de son vivant ?

« Oui, et d'autres qu'elle ne possédait pas, parce que son corps était comme un voile qui les obscurcissait. L'intelligence est un attribut de l'Esprit, mais qui se manifeste plus librement quand il n'a pas d'entraves. »

238. Les perceptions et les connaissances des Esprits sont-elles indéfinies ; en un mot, savent-ils toutes choses ?

« Plus ils approchent de la perfection, plus ils savent ; s'ils sont supérieurs, ils savent beaucoup ; les Esprits inférieurs sont plus ou moins ignorants sur toutes choses. »

239. Les Esprits connaissent-ils le principe des choses ?

« C'est selon leur élévation et leur pureté ; les Esprits inférieurs n'en savent pas plus que les hommes. »

240. Les Esprits comprennent-ils la durée comme nous?

« Non, et c'est ce qui fait que vous ne nous comprenez pas toujours quand il s'agit de fixer des dates ou des époques. »

Les Esprits vivent en dehors du temps tel que nous le comprenons ; la durée, pour eux, s'annule pour ainsi dire, et les siècles, si longs pour nous, ne sont à leurs yeux que des instants qui s'effacent dans l'éternité, de même que les inégalités du sol s'effacent et disparaissent pour celui qui s'élève dans l'espace.

241. Les Esprits ont-ils du présent une idée plus précise et plus juste que nous ?

« A peu près comme celui qui voit clair a une idée plus juste des choses que l'aveugle. Les Esprits voient ce que vous ne voyez pas ; ils jugent donc autrement que vous ; mais encore une fois cela dépend de leur élévation. »

242. Comment les Esprits ont-ils la connaissance du passé, et cette connaissance est-elle sans limite pour eux ?

« Le passé, quand nous nous en occupons, est un présent, absolument comme toi tu te rappelles une chose qui t'a frappé dans le cours de ton exil. Seulement, comme nous n'avons plus le voile matériel qui obscurcit ton intelligence, nous nous rappelons des choses qui sont effacées pour toi, mais tout n'est pas connu des Esprits : leur création d'abord. »

243. Les Esprits connaissent-ils l'avenir ?

« Cela dépend encore de la perfection ; souvent ils ne font que l'entrevoir, mais il ne leur est pas toujours permis de le révéler ; quand ils le voient, il leur semble présent. L'Esprit voit l'avenir plus clairement à mesure qu'il se rapproche de Dieu. Après la mort, l'âme voit et embrasse d'un coup d'oeil ses émigrations passées, mais elle ne peut voir ce que Dieu lui prépare ; il faut pour cela qu'elle soit tout entière en lui après bien des existences. »

- Les Esprits arrivés à la perfection absolue ont-ils une connaissance complète de l'avenir ?

« Complète n'est pas le mot, car Dieu seul est le souverain maître, et nul ne peut l'égaler. »

244. Les Esprits voient-ils Dieu ?

« Les Esprits supérieurs seuls le voient et le comprennent ; les Esprits inférieurs le sentent et le devinent. »

- Quand un Esprit inférieur dit que Dieu lui défend ou lui permet une chose, comment sait-il que cela vient de lui ?

« Il ne voit pas Dieu, mais il sent sa souveraineté et, lorsqu'une chose ne doit pas être faite ou une parole dite, il ressent comme une intuition, un avertissement invisible qui lui défend de le faire. Vous-mêmes n'avez-vous pas des pressentiments qui sont pour vous comme des avertissements secrets de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose ? Il en est de même pour nous, seulement à un degré supérieur, car tu comprends que l'essence des Esprits étant plus subtile que la vôtre, ils peuvent mieux recevoir les avertissements divins. »

- L'ordre lui est-il transmis directement par Dieu, ou par l'intermédiaire d'autres Esprits ?

« Il ne lui vient pas directement de Dieu ; pour communiquer avec lui, il faut en être digne. Dieu lui transmet ses ordres par des Esprits qui se trouvent plus élevés en perfection et en instruction. »

245. La vue, chez les Esprits, est-elle circonscrite, comme dans les êtres corporels ?

« Non, elle réside en eux. »

246. Les Esprits ont-ils besoin de la lumière pour voir ?

« Ils voient par eux-mêmes et n'ont pas besoin de la lumière extérieure ; pour eux, point de ténèbres, hormis celles dans lesquelles ils peuvent se trouver par expiation. »

247. Les Esprits ont-ils besoin de se transporter pour voir sur deux points différents ? Peuvent-ils, par exemple, voir simultanément sur deux hémisphères du globe ?

« Comme l'Esprit se transporte avec la rapidité de la pensée, on peut dire qu'il voit partout à la fois ; sa pensée peut rayonner et se porter en même temps sur plusieurs points différents, mais cette faculté dépend de sa pureté : moins il est épuré, plus sa vue est bornée ; les Esprits supérieurs seuls peuvent embrasser un ensemble. »

La faculté de voir, chez les Esprits, est une propriété inhérente à leur nature, et qui réside dans tout leur être, comme la lumière réside dans toutes les parties d'un corps lumineux ; c'est une sorte de lucidité universelle qui s'étend à tout, embrasse à la fois l'espace, les temps et les choses, et pour laquelle il n'y a ni ténèbres, ni obstacles matériels. On comprend qu'il doit en être ainsi ; chez l'homme, la vue s'opérant par le jeu d'un organe frappé par la lumière, sans lumière il est dans l'obscurité ; chez l'Esprit, la faculté de voir étant un attribut de lui-même, abstraction faite de tout agent extérieur, la vue est indépendante de la lumière. (Voy. Ubiquité, n° 92).

248. L'Esprit voit-il les choses aussi distinctement que nous ?

« Plus distinctement, car sa vue pénètre ce que vous ne pouvez pénétrer ; rien ne l'obscurcit. »

249. L'Esprit perçoit-il les sons ?

« Oui, et il en perçoit que vos sens obtus ne peuvent percevoir. »

- La faculté d'entendre est-elle dans tout son être, comme celle de voir ?

« Toutes les perceptions sont des attributs de l'Esprit et font partie de son être ; lorsqu'il est revêtu d'un corps matériel, elles ne lui arrivent que par le canal des organes ; mais à l'état de liberté elles ne sont plus localisées. »

250. Les perceptions étant des attributs de l'Esprit lui-même, lui est-il possible de s'y soustraire ?

« L'Esprit ne voit et n'entend que ce qu'il veut. Ceci est dit en général, et surtout pour les Esprits élevés, car pour ceux qui sont imparfaits, ils entendent et voient souvent malgré eux ce qui peut être utile pour leur amélioration. »

251. Les Esprits sont-ils sensibles à la musique ?

« Veux-tu parler de votre musique ? Qu'est-elle auprès de la musique céleste ? de cette harmonie dont rien sur la terre ne peut vous donner une idée ? L'une est à l'autre ce qu'est le chant du sauvage à la suave mélodie. Cependant, des Esprits vulgaires peuvent éprouver un certain plaisir à entendre votre musique, parce qu'il ne leur est pas encore donné d'en comprendre une plus sublime. La musique a pour les Esprits des charmes infinis, en raison de leurs qualités sensitives très développées ; j'entends la musique céleste, qui est tout ce que l'imagination spirituelle peut concevoir de plus beau et de plus suave. »

252. Les Esprits sont-ils sensibles aux beautés de la nature ?

« Les beautés de la nature des globes sont si différentes, qu'on est loin de les connaître. Oui, ils y sont sensibles selon leur aptitude à les apprécier et à les comprendre ; pour les Esprits élevés il y a des beautés d'ensemble devant lesquelles s'effacent, pour ainsi dire, les beautés de détail. »

253. Les Esprits éprouvent-ils nos besoins et nos souffrances physiques ?

« Ils les connaissent, parce qu'ils les ont subis, mais ils ne les éprouvent pas comme vous matériellement : ils sont Esprits. »

254. Les Esprits éprouvent-ils la fatigue et le besoin du repos ?

« Ils ne peuvent ressentir la fatigue telle que vous l'entendez, et par conséquent ils n'ont pas besoin de votre repos corporel, puisqu'ils n'ont pas des organes dont les forces doivent être réparées ; mais l'Esprit se repose en ce sens qu'il n'est pas dans une activité constante ; il n'agit pas d'une manière matérielle ; son action est tout intellectuelle et son repos tout moral ; c'est-à-dire qu'il y a des moments où sa pensée cesse d'être aussi active et ne se porte pas sur un objet déterminé ; c'est un véritable repos, mais qui n'est pas comparable à celui du corps. L'espèce de fatigue que peuvent éprouver les Esprits est en raison de leur infériorité ; car plus ils sont élevés, moins le repos leur est nécessaire. »

255. Lorsqu'un Esprit dit qu'il souffre, quelle nature de souffrance éprouve-t-il ?

« Angoisses morales qui le torturent plus douloureusement que les souffrances physiques. »

256. D'où vient alors que des Esprits se sont plaints de souffrir du froid ou de la chaleur ?

« Souvenir de ce qu'ils avaient enduré pendant la vie, aussi pénible quelquefois que la réalité ; c'est souvent une comparaison par laquelle, faute de mieux, ils expriment leur situation. Lorsqu'ils se souviennent de leur corps, ils éprouvent une sorte d'impression, comme lorsqu'on quitte un manteau, et qu'on croit encore le porter quelque temps après. »

Essai théorique sur la sensation chez les Esprits.

257. Le corps est l'instrument de la douleur ; c'est sinon la cause première, au moins la cause immédiate. L'âme a la perception de cette douleur : cette perception est l'effet. Le souvenir qu'elle en conserve peut être très pénible, mais ne peut avoir d'action physique. En effet, le froid ni la chaleur ne peuvent désorganiser les tissus de l'âme ; l'âme ne peut ni se geler, ni brûler. Ne voyons-nous pas tous les jours le souvenir ou l'appréhension d'un mal physique produire l'effet de la réalité ? Occasionner même la mort ? Tout le monde sait que les personnes amputées ressentent de la douleur dans le membre qui n'existe plus. Assurément ce n'est point ce membre qui est le siège, ni même le point de départ de la douleur ; le cerveau en a conservé l'impression, voilà tout. On peut donc croire qu'il y a quelque chose d'analogue dans les souffrances de l'Esprit après la mort. Une étude plus approfondie du périsprit, qui joue un rôle si important dans tous les phénomènes spirites, les apparitions vaporeuses ou tangibles, l'état de l'Esprit au moment de la mort, l'idée si fréquente chez lui qu'il est encore vivant, le tableau si saisissant des suicidés, des suppliciés, des gens qui se sont absorbés dans les jouissances matérielles, et tant d'autres faits sont venus jeter la lumière sur cette question, et ont donné lieu à des explications dont nous donnons ici le résumé.

Le périsprit est le lien qui unit l'Esprit à la matière du corps ; il est puisé dans le milieu ambiant, dans le fluide universel ; il tient à la fois de l'électricité, du fluide magnétique et, jusqu'à un certain point, de la matière inerte. On pourrait dire que c'est la quintessence de la matière ; c'est le principe de la vie organique, mais ce n'est pas celui de la vie intellectuelle : la vie intellectuelle est dans l'Esprit. C'est, en outre, l'agent des sensations extérieures. Dans le corps, ces sensations sont localisées par les organes qui leur servent de canaux. Le corps détruit, les sensations sont générales. Voilà pourquoi l'Esprit ne dit pas qu'il souffre plutôt de la tête que des pieds. Il faut, du reste, se garder de confondre les sensations du périsprit, rendu indépendant, avec celles du corps : nous ne pouvons prendre ces dernières que comme terme de comparaison et non comme analogie. Dégagé du corps, l'Esprit peut souffrir, mais cette souffrance n'est pas celle du corps : ce n'est cependant pas une souffrance exclusivement morale, comme le remords, puisqu'il se plaint du froid et du chaud ; il ne souffre pas plus en hiver qu'en été : nous en avons vu passer à travers les flammes sans rien éprouver de pénible ; la température ne fait donc sur eux aucune impression. La douleur qu'ils ressentent n'est donc pas une douleur physique proprement dite : c'est un vague sentiment intime dont l'Esprit lui-même ne se rend pas toujours un compte parfait, précisément parce que la douleur n'est pas localisée et qu'elle n'est pas produite par les agents extérieurs : c'est plutôt un souvenir qu'une réalité, mais un souvenir tout aussi pénible. Il y a cependant quelquefois plus qu'un souvenir, comme nous allons le voir.

L'expérience nous apprend qu'au moment de la mort le périsprit se dégage plus ou moins lentement du corps ; pendant les premiers instants, l'Esprit ne s'explique pas sa situation ; il ne croit pas être mort, il se sent vivre ; il voit son corps d'un côté, il sait qu'il est à lui, et il ne comprend pas qu'il en soit séparé ; cet état dure aussi longtemps qu'il existe un lien entre le corps et le périsprit. Un suicidé nous disait : Non, je ne suis pas mort, et il ajoutait : et cependant je sens les vers qui me rongent. Or, assurément, les vers ne rongeaient pas le périsprit, et encore moins l'Esprit, ils ne rongeaient que le corps. Mais comme la séparation du corps et du périsprit n'était pas complète, il en résultait une sorte de répercussion morale qui lui transmettait la sensation de ce qui se passait dans le corps. Répercussion n'est peut-être pas le mot, il pourrait faire croire à un effet trop matériel ; c'est plutôt la vue de ce qui se passait dans son corps auquel le rattachait son périsprit, qui produisait en lui une illusion qu'il prenait pour une réalité. Ainsi ce n'était pas un souvenir, puisque, pendant sa vie, il n'avait pas été rongé par les vers : c'était le sentiment de l'actualité. On voit par là les déductions que l'on peut tirer des faits, lorsqu'ils sont observés attentivement. Pendant la vie, le corps reçoit les impressions extérieures et les transmet à l'Esprit par l'intermédiaire du périsprit qui constitue, probablement, ce que l'on appelle fluide nerveux. Le corps étant mort ne ressent plus rien, parce qu'il n'y a plus en lui ni Esprit ni périsprit. Le périsprit, dégagé du corps, éprouve la sensation ; mais comme elle ne lui arrive plus par un canal limité, elle est générale. Or, comme il n'est, en réalité, qu'un agent de transmission, puisque c'est l'Esprit qui a la conscience, il en résulte que s'il pouvait exister un périsprit sans Esprit, il ne ressentirait pas plus que le corps lorsqu'il est mort ; de même que si l'Esprit n'avait point de périsprit, il serait inaccessible à toute sensation pénible ; c'est ce qui a lieu pour les Esprits complètement épurés. Nous savons que plus ils s'épurent, plus l'essence du périsprit devient éthérée ; d'où il suit que l'influence matérielle diminue à mesure que l'Esprit progresse, c'est-à-dire à mesure que le périsprit lui-même devient moins grossier.

Mais, dira-t-on, les sensations agréables sont transmises à l'Esprit par le périsprit, comme les sensations désagréables ; or, si l'Esprit pur est inaccessible aux unes, il doit l'être également aux autres. Oui, sans doute, pour celles qui proviennent uniquement de l'influence de la matière que nous connaissons ; le son de nos instruments, le parfum de nos fleurs ne lui font aucune impression, et pourtant il y a chez lui des sensations intimes, d'un charme indéfinissable dont nous ne pouvons nous faire aucune idée, parce que nous sommes, à cet égard, comme des aveugles de naissance à l'égard de la lumière ; nous savons que cela existe ; mais par quel moyen ? Là s'arrête pour nous la science. Nous savons qu'il y a perception, sensation, audition, vision ; que ces facultés sont des attributs de tout l'être, et non, comme chez l'homme, d'une partie de l'être ; mais encore une fois, par quel intermédiaire ? C'est ce que nous ne savons pas. Les Esprits eux-mêmes ne peuvent nous en rendre compte, parce que notre langue n'est pas faite pour exprimer des idées que nous n'avons pas, pas plus que dans la langue des sauvages il n'y a des termes pour exprimer nos arts, nos sciences et nos doctrines philosophiques.

En disant que les Esprits sont inaccessibles aux impressions de notre matière, nous voulons parler des Esprits très élevés dont l'enveloppe éthérée n'a pas d'analogue ici-bas. Il n'en est pas de même de ceux dont le périsprit est plus dense ; ceux-là perçoivent nos sons et nos odeurs, mais non pas par une partie limitée de leur individu, comme de leur vivant. On pourrait dire que les vibrations moléculaires se font sentir dans tout leur être et arrivent ainsi à leur sensorium commune, qui est l'Esprit lui-même, quoique d'une manière différente, et peut-être aussi avec une impression différente, ce qui produit une modification dans la perception. Ils entendent le son de notre voix, et pourtant ils nous comprennent sans le secours de la parole, par la seule transmission de la pensée ; et ce qui vient à l'appui de ce que nous disons, c'est que cette pénétration est d'autant plus facile que l'Esprit est plus dématérialisé. Quant à la vue, elle est indépendante de notre lumière. La faculté de voir est un attribut essentiel de l'âme : pour elle, il n'y a pas d'obscurité ; mais elle est plus étendue, plus pénétrante chez ceux qui sont plus épurés. L'âme, ou l'Esprit, a donc en elle-même la faculté de toutes les perceptions ; dans la vie corporelle, elles sont oblitérées par la grossièreté de leurs organes ; dans la vie extra-corporelle, elles le sont de moins en moins à mesure que s'éclaircit l'enveloppe semi-matérielle.

Cette enveloppe, puisée dans le milieu ambiant, varie suivant la nature des mondes. En passant d'un monde à l'autre, les Esprits changent d'enveloppe comme nous changeons d'habit en passant de l'hiver à l'été, ou du pôle à l'équateur. Les Esprits les plus élevés, lorsqu'ils viennent nous visiter, revêtent donc le périsprit terrestre, et dès lors leurs perceptions s'opèrent comme chez nos Esprits vulgaires ; mais tous, inférieurs comme supérieurs, n'entendent et ne sentent que ce qu'ils veulent entendre ou sentir. Sans avoir des organes sensitifs, ils peuvent rendre à volonté leurs perceptions actives ou nulles ; il n'y a qu'une chose qu'ils sont forcés d'entendre, ce sont les conseils des bons Esprits. La vue est toujours active, mais ils peuvent réciproquement se rendre invisibles les uns pour les autres. Selon le rang qu'ils occupent, ils peuvent se cacher de ceux qui leur sont inférieurs, mais non de ceux qui leur sont supérieurs. Dans les premiers moments qui suivent la mort, la vue de l'Esprit est toujours trouble et confuse ; elle s'éclaircit à mesure qu'il se dégage, et peut acquérir la même clarté que pendant la vie, indépendamment de sa pénétration à travers les corps qui sont opaques pour nous. Quant à son extension à travers l'espace indéfini, dans l'avenir et dans le passé, elle dépend du degré de pureté et d'élévation de l'Esprit.

Toute cette théorie, dira-t-on, n'est guère rassurante. Nous pensions qu'une fois débarrassés de notre grossière enveloppe, instrument de nos douleurs, nous ne souffrions plus, et voilà que vous nous apprenez que nous souffrons encore ; que ce soit d'une manière ou d'une autre, ce n'en est pas moins souffrir. Hélas ! oui, nous pouvons encore souffrir, et beaucoup, et longtemps, mais nous pouvons aussi ne plus souffrir, même dès l'instant où nous quittons cette vie corporelle.

Les souffrances d'ici-bas sont quelquefois indépendantes de nous, mais beaucoup sont les conséquences de notre volonté. Qu'on remonte à la source, et l'on verra que le plus grand nombre est la suite de causes que nous aurions pu éviter. Que de maux, que d'infirmités, l'homme ne doit-il pas à ses excès, à son ambition, à ses passions en un mot ? L'homme qui aurait toujours vécu sobrement, qui n'aurait abusé de rien, qui aurait toujours été simple dans ses goûts, modeste dans ses désirs, s'épargnerait bien des tribulations. Il en est de même de l'Esprit ; les souffrances qu'il endure sont toujours la conséquence de la manière dont il a vécu sur la terre ; il n'aura plus sans doute la goutte et les rhumatismes, mais il aura d'autres souffrances qui ne valent pas mieux. Nous avons vu que ses souffrances sont le résultat des liens qui existent encore entre lui et la matière ; que plus il est dégagé de l'influence de la matière, autrement dit plus il est dématérialisé, moins il a de sensations pénibles ; or, il dépend de lui de s'affranchir de cette influence dès cette vie ; il a son libre arbitre, et par conséquent le choix entre faire et ne pas faire ; qu'il dompte ses passions animales, qu'il n'ait ni haine, ni envie, ni jalousie, ni orgueil ; qu'il ne soit pas dominé par l'égoïsme ; qu'il purifie son âme par les bons sentiments ; qu'il fasse le bien ; qu'il n'attache aux choses de ce monde que l'importance qu'elles méritent, alors, même sous son enveloppe corporelle, il est déjà épuré, il est déjà dégagé de la matière, et quand il quitte cette enveloppe, il n'en subit plus l'influence ; les souffrances physiques qu'il a éprouvées ne lui laissent aucun souvenir pénible ; il ne lui en reste aucune impression désagréable, parce qu'elles n'ont affecté que le corps et non l'Esprit ; il est heureux d'en être délivré, et le calme de sa conscience l'affranchit de toute souffrance morale. Nous en avons interrogé des milliers, ayant appartenu à tous les rangs de la société, à toutes les positions sociales ; nous les avons étudiés à toutes les périodes de leur vie spirite, depuis l'instant où ils ont quitté leur corps ; nous les avons suivis pas à pas dans cette vie d'outre-tombe pour observer les changements qui s'opéraient en eux, dans leurs idées, dans leurs sensations, et sous ce rapport les hommes les plus vulgaires ne sont pas ceux qui nous ont fourni les sujets d'étude les moins précieux. Or, nous avons toujours vu que les souffrances sont en rapport avec la conduite dont ils subissent les conséquences, et que cette nouvelle existence est la source d'un bonheur ineffable pour ceux qui ont suivi la bonne route ; d'où il suit que ceux qui souffrent, c'est qu'ils l'ont bien voulu, et qu'ils ne doivent s'en prendre qu'à eux, tout aussi bien dans l'autre monde que dans celui-ci.

Choix des épreuves.

258. A l'état errant, et avant de prendre une nouvelle existence corporelle, l'Esprit a-t-il la conscience et la prévision des choses qui lui arriveront pendant la vie ?

« Il choisit lui-même le genre d'épreuves qu'il veut subir, et c'est en cela que consiste son libre arbitre. »

- Ce n'est donc point Dieu qui lui impose les tribulations de la vie comme châtiment ?

« Rien n'arrive sans la permission de Dieu, car c'est lui qui a établi toutes les lois qui régissent l'univers. Demandez donc pourquoi il a fait telle loi plutôt que telle autre. En donnant à l'Esprit la liberté du choix, il lui laisse toute la responsabilité de ses actes et de leurs conséquences ; rien n'entrave son avenir ; la route du bien est à lui comme celle du mal. Mais s'il succombe, il lui reste une consolation, c'est que tout n'est pas fini pour lui, et que Dieu, dans sa bonté, le laisse libre de recommencer ce qu'il a mal fait. Il faut d'ailleurs distinguer ce qui est l'oeuvre de la volonté de Dieu, et ce qui est celle de l'homme. Si un danger vous menace, ce n'est pas vous qui avez créé ce danger, c'est Dieu ; mais vous avez la volonté de vous y exposer, parce que vous y avez vu un moyen d'avancement, et Dieu l'a permis. »

259. Si l'Esprit a le choix du genre d'épreuve qu'il doit subir, s'ensuit-il que toutes les tribulations que nous éprouvons dans la vie ont été prévues et choisies par nous ?

« Toutes n'est pas le mot, car ce n'est pas à dire que vous avez choisi et prévu tout ce qui vous arrive dans le monde, jusque dans les moindres choses ; vous avez choisi le genre d'épreuve, les faits de détail sont la conséquence de la position, et souvent de vos propres actions. Si l'Esprit a voulu naître parmi des malfaiteurs, par exemple, il savait à quels entraînements il s'exposait, mais non chacun des actes qu'il accomplirait ; ces actes sont l'effet de sa volonté ou de son libre arbitre. L'Esprit sait qu'en choisissant telle route il aura tel genre de lutte à subir ; il sait donc la nature des vicissitudes qu'il rencontrera, mais il ne sait pas si ce sera plutôt tel événement que tel autre. Les événements de détail naissent des circonstances et de la force des choses. Il n'y a que les grands événements, ceux qui influent sur la destinée, qui sont prévus. Si tu prends une route remplie d'ornières, tu sais que tu as de grandes précautions à prendre, parce que tu as chance de tomber, mais tu ne sais pas dans quel endroit tu tomberas, et il se peut que tu ne tombes pas, si tu es assez prudent. Si en passant dans la rue il te tombe une tuile sur la tête, ne crois pas que c'était écrit, comme on le dit vulgairement. »

260. Comment l'Esprit peut-il vouloir naître parmi des gens de mauvaise vie ?

« Il faut bien qu'il soit envoyé dans un milieu où il puisse subir l'épreuve qu'il a demandée. Eh bien ! il faut donc qu'il y ait de l'analogie ; pour lutter contre l'instinct du brigandage, il faut qu'il se trouve avec des gens de cette sorte. »

- S'il n'y avait pas des gens de mauvaise vie sur la terre, l'Esprit ne pourrait donc y trouver le milieu nécessaire à certaines épreuves ?

« Est-ce qu'il faudrait s'en plaindre ? C'est ce qui a lieu dans les mondes supérieurs où le mal n'a pas accès ; c'est pourquoi il n'y a que de bons Esprits. Faites qu'il en soit bientôt de même sur votre terre. »

261. L'Esprit, dans les épreuves qu'il doit subir pour arriver à la perfection, doit-il éprouver tous les genres de tentations ; doit-il passer par toutes les circonstances qui peuvent exciter en lui l'orgueil, la jalousie, l'avarice, la sensualité, etc. ?

« Certainement non, puisque vous savez qu'il y en a qui prennent, dès le début, une route qui les affranchit de bien des épreuves ; mais celui qui se laisse entraîner dans la mauvaise route, court tous les dangers de cette route. Un Esprit, par exemple, peut demander la richesse, et cela peut lui être accordé ; alors, suivant son caractère, il pourra devenir avare ou prodigue, égoïste ou généreux, ou bien il se livrera à toutes les jouissances de la sensualité ; mais ce n'est pas à dire qu'il devra passer forcément par la filière de tous ces penchants. »

262. Comment l'Esprit qui, à son origine, est simple, ignorant et sans expérience, peut-il choisir une existence en connaissance de cause, et être responsable de ce choix ?

« Dieu supplée à son inexpérience en lui traçant la route qu'il doit suivre, comme tu le fais pour un enfant dès le berceau ; mais il le laisse peu à peu maître de choisir à mesure que son libre arbitre se développe, et c'est alors que souvent il se fourvoie en prenant le mauvais chemin s'il n'écoute pas les conseils des bons Esprits ; c'est là ce qu'on peut appeler la chute de l'homme. »

- Lorsque l'Esprit jouit de son libre arbitre, le choix de l'existence corporelle dépend-il toujours exclusivement de sa volonté, ou bien cette existence peut-elle lui être imposée par la volonté de Dieu comme expiation ?

« Dieu sait attendre : il ne hâte pas l'expiation ; cependant, Dieu peut imposer une existence à un Esprit, lorsque celui-ci, par son infériorité ou son mauvais vouloir, n'est pas apte à comprendre ce qui pourrait lui être le plus salutaire, et lorsqu'il voit que cette existence peut servir à sa purification et à son avancement, en même temps qu'il y trouve une expiation. »

263. L'Esprit fait-il son choix immédiatement après la mort ?

« Non, plusieurs croient à l'éternité des peines ; on vous l'a dit : c'est un châtiment. »

264. Qu'est-ce qui dirige l'Esprit dans le choix des épreuves qu'il veut subir ?

« Il choisit celles qui peuvent être pour lui une expiation, par la nature de ses fautes, et le faire avancer plus vite. Les uns peuvent donc s'imposer une vie de misère et de privations pour essayer de la supporter avec courage ; d'autres vouloir s'éprouver par les tentations de la fortune et de la puissance, bien plus dangereuses par l'abus et le mauvais usage que l'on en peut faire, et par les mauvaises passions qu'elles développent ; d'autres, enfin, veulent s'éprouver par les luttes qu'ils ont à soutenir dans le contact du vice. »

265. Si certains Esprits choisissent le contact du vice comme épreuve, y en a-t-il qui le choisissent par sympathie et par le désir de vivre dans un milieu conforme à leurs goûts, ou pour pouvoir se livrer matériellement à des penchants matériels ?

« Il y en a, cela est certain, mais ce n'est que chez ceux dont le sens moral est encore peu développé ; l'épreuve vient d'elle-même et ils la subissent plus longtemps. Tôt ou tard, ils comprennent que l'assouvissement des passions brutales a pour eux des conséquences déplorables qu'ils subiront pendant un temps qui leur semblera éternel ; et Dieu pourra les laisser dans cet état, jusqu'à ce qu'ils aient compris leur faute, et qu'ils demandent eux-mêmes à la racheter par des épreuves profitables. »

266. Ne semble-t-il pas naturel de choisir les épreuves les moins pénibles ?

« Pour vous, oui ; pour l'Esprit, non ; lorsqu'il est dégagé de la matière, l'illusion cesse, et il pense autrement. »

L'homme, sur la terre, et placé sous l'influence des idées charnelles, ne voit dans ces épreuves que le côté pénible ; c'est pourquoi il lui semble naturel de choisir celles qui, à son point de vue, peuvent s'allier aux jouissances matérielles ; mais dans la vie spirituelle, il compare ces jouissances fugitives et grossières avec la félicité inaltérable qu'il entrevoit, et dès lors que lui font quelques souffrances passagères ? L'Esprit peut donc choisir l'épreuve la plus rude, et par conséquent l'existence la plus pénible dans l'espoir d'arriver plus vite à un état meilleur, comme le malade choisit souvent le remède le plus désagréable pour se guérir plus tôt. Celui qui veut attacher son nom à la découverte d'un pays inconnu ne choisit pas une route fleurie ; il sait les dangers qu'il court, mais il sait aussi la gloire qui l'attend s'il réussit.

La doctrine de la liberté dans le choix de nos existences et des épreuves que nous devons subir cesse de paraître extraordinaire si l'on considère que les Esprits, dégagés de la matière, apprécient les choses d'une manière différente que nous ne le faisons nous-mêmes. Ils aperçoivent le but, bien autrement sérieux pour eux que les jouissances fugitives du monde ; après chaque existence, ils voient le pas qu'ils ont fait, et comprennent ce qui leur manque encore en pureté pour l'atteindre : voilà pourquoi ils se soumettent volontairement à toutes les vicissitudes de la vie corporelle en demandant eux-mêmes celles qui peuvent les faire arriver le plus promptement. C'est donc à tort que l'on s'étonne de ne pas voir l'Esprit donner la préférence à l'existence la plus douce. Cette vie exempte d'amertume, il ne peut en jouir dans son état d'imperfection ; il l'entrevoit, et c'est pour y arriver qu'il cherche à s'améliorer.

N'avons-nous pas, d'ailleurs, tous les jours sous les yeux l'exemple de choix pareils ? L'homme qui travaille une partie de sa vie sans trêve ni relâche pour amasser de quoi se procurer le bien-être, qu'est-ce que c'est, sinon une tâche qu'il s'impose en vue d'un avenir meilleur ? Le militaire qui s'offre pour une mission périlleuse, le voyageur qui brave les dangers non moins grands dans l'intérêt de la science ou de sa fortune, qu'est-ce que c'est encore, sinon des épreuves volontaires qui doivent leur procurer honneur et profit s'ils en reviennent ? A quoi l'homme ne se soumet-il pas et ne s'expose-t-il pas pour son intérêt ou pour sa gloire ? Tous les concours ne sont-ils pas aussi des épreuves volontaires auxquelles on se soumet en vue de s'élever dans la carrière que l'on a choisie ? On n'arrive à une position sociale transcendante quelconque dans les sciences, les arts, l'industrie, qu'en passant par la filière des positions inférieures qui sont autant d'épreuves. La vie humaine est ainsi le calque de la vie spirituelle ; nous y retrouvons en petit toutes les mêmes péripéties. Si donc, dans la vie, nous choisissons souvent les épreuves les plus rudes en vue d'un but plus élevé, pourquoi l'Esprit qui voit plus loin que le corps, et pour qui la vie du corps n'est qu'un incident fugitif, ne ferait-il pas choix d'une existence pénible et laborieuse, si elle doit le conduire à une éternelle félicité ? Ceux qui disent que, si l'homme a le choix de son existence, ils demanderont à être princes ou millionnaires, sont comme les myopes qui ne voient que ce qu'ils touchent, ou comme ces enfants gourmands à qui l'on demande l'état qu'ils préfèrent, et qui répondent : pâtissier ou confiseur.

Tel est le voyageur qui, dans le fond de la vallée obscurcie par le brouillard, ne voit ni la longueur ni les points extrêmes de sa route ; arrivé au faîte de la montagne, il embrasse le chemin qu'il a parcouru, et ce qui lui reste à parcourir ; il voit son but, les obstacles qu'il a encore à franchir, et peut alors combiner plus sûrement les moyens d'arriver. L'Esprit incarné est comme le voyageur au bas de la montagne ; débarrassé des liens terrestres, il domine comme celui qui est au sommet. Pour le voyageur, le but est le repos après la fatigue ; pour l'Esprit, c'est le bonheur suprême après les tribulations et les épreuves.

Tous les Esprits disent qu'à l'état errant ils cherchent, étudient, observent pour faire leur choix. N'avons-nous pas un exemple de ce fait dans la vie corporelle ? Ne cherchons-nous pas souvent pendant des années la carrière sur laquelle nous fixons librement notre choix, parce que nous la croyons la plus propre à nous faire faire notre chemin ? Si nous échouons dans l'une, nous en cherchons une autre. Chaque carrière que nous embrassons est une phase, une période de la vie. Chaque jour n'est-il pas employé à chercher ce que nous ferons le lendemain ? Or, que sont les différentes existences corporelles pour l'Esprit, sinon des phases, des périodes, des jours pour sa vie spirite, qui est, comme nous le savons, sa vie normale, la vie corporelle n'étant que transitoire et passagère ?

267. L'Esprit pourrait-il faire son choix pendant l'état corporel ?

« Son désir peut avoir de l'influence ; cela dépend de l'intention ; mais quand il est Esprit il voit souvent les choses bien différemment. Ce n'est que l'Esprit qui fait ce choix ; mais encore une fois il peut le faire dans cette vie matérielle, car l'Esprit a toujours de ces moments où il est indépendant de la matière qu'il habite. »

- Beaucoup de gens désirent les grandeurs et les richesses, et ce n'est assurément ni comme expiation, ni comme épreuve ?

« Sans doute, c'est la matière qui désire cette grandeur pour en jouir, et c'est l'Esprit qui la désire pour en connaître les vicissitudes. »

268. Jusqu'à ce qu'il arrive à l'état de pureté parfaite, l'Esprit a-t-il constamment des épreuves à subir ?

« Oui, mais elles ne sont pas telles que vous l'entendez ; vous appelez épreuves les tribulations matérielles ; or, l'Esprit, arrivé à un certain degré, sans être parfait, n'en a plus à subir ; mais il a toujours des devoirs qui l'aident à se perfectionner, et n'ont rien de pénible pour lui, ne fût-ce que d'aider aux autres à se perfectionner eux-mêmes. »

269. L'Esprit peut-il se tromper sur l'efficacité de l'épreuve qu'il choisit ?

« Il peut en choisir une qui soit au-dessus de ses forces, et alors il succombe ; il peut aussi en choisir une qui ne lui profite nullement, comme s'il cherche un genre de vie oisive et inutile ; mais alors, une fois rentré dans le monde des Esprits, il s'aperçoit qu'il n'a rien gagné et il demande à réparer le temps perdu. »

270. A quoi tiennent les vocations de certaines personnes, et leur volonté de suivre une carrière plutôt qu'une autre ?

« Il me semble que vous pouvez répondre vous-mêmes à cette question. N'est-ce pas la conséquence de tout ce que nous avons dit sur le choix des épreuves et sur le progrès accompli dans une existence antérieure ? »

271. Dans l'état errant, l'Esprit étudiant les diverses conditions dans lesquelles il pourra progresser, comment pense-t-il pouvoir le faire en naissant, par exemple, parmi les peuples cannibales ?

« Ce ne sont pas les Esprits déjà avancés qui naissent parmi les cannibales, mais des Esprits de la nature de ceux des cannibales ou qui leur sont inférieurs. »

Nous savons que nos anthropophages ne sont pas au dernier degré de l'échelle, et qu'il y a des mondes où l'abrutissement et la férocité n'ont pas d'analogue sur la terre. Ces Esprits sont donc encore inférieurs aux plus inférieurs de notre monde, et venir parmi nos sauvages, c'est pour eux un progrès, comme ce serait un progrès pour nos anthropophages d'exercer parmi nous une profession qui les obligerait à verser le sang. S'ils ne visent pas plus haut, c'est que leur infériorité morale ne leur permet pas de comprendre un progrès plus complet. L'Esprit ne peut avancer que graduellement ; il ne peut franchir d'un bond la distance qui sépare la barbarie de la civilisation, et c'est en cela que nous voyons une des nécessités de la réincarnation, qui est bien véritablement selon la justice de Dieu ; autrement, que deviendraient ces millions d'êtres qui meurent chaque jour dans le dernier état de dégradation, s'ils n'avaient les moyens d'atteindre à la supériorité ? Pourquoi Dieu les aurait-il déshérités des faveurs accordées aux autres hommes ?

272. Des Esprits venant d'un monde inférieur à la terre, ou d'un peuple très arriéré, comme les cannibales, par exemple, pourraient-ils naître parmi nos peuples civilisés ?

« Oui, il y en a qui se fourvoient en voulant monter trop haut ; mais alors ils sont déplacés parmi vous, parce qu'ils ont des moeurs et des instincts qui jurent avec les vôtres. »

Ces êtres nous donnent le triste spectacle de la férocité au milieu de la civilisation ; en retournant parmi les cannibales, ce ne sera pas une déchéance, ils ne feront que reprendre leur place et ils y gagneront peut-être encore.

273. Un homme appartenant à une race civilisée pourrait-il, par expiation, être réincarné dans une race sauvage ?

« Oui, mais cela dépend du genre d'expiation ; un maître qui aura été dur pour ses esclaves pourra devenir esclave à son tour et subir les mauvais traitements qu'il aura fait endurer. Celui qui a commandé à une époque peut, dans une nouvelle existence, obéir à ceux-là mêmes qui se courbaient sous sa volonté. C'est une expiation s'il a abusé de son pouvoir, et Dieu peut la lui imposer. Un bon Esprit peut aussi, pour les faire avancer, choisir une existence influente parmi ces peuples, et alors c'est une mission. »

Relations d'outre-tombe.

274. Les différents ordres d'Esprits établissent-ils entre ceux-ci une hiérarchie de pouvoirs ; y a-t-il parmi eux subordination et autorité ?

« Oui, très grande ; les Esprits ont les uns sur les autres une autorité relative à leur supériorité, et qu'ils exercent par un ascendant moral irrésistible. »

- Les Esprits inférieurs peuvent-ils se soustraire à l'autorité de ceux qui leur sont supérieurs ?

« J'ai dit : irrésistible. »

275. La puissance et la considération dont un homme a joui sur la terre lui donnent-elles une suprématie dans le monde des Esprits ?

« Non ; car les petits seront élevés et les grands abaissés. Lis les psaumes. »

- Comment devons-nous entendre cette élévation et cet abaissement ?

« Ne sais-tu pas que les Esprits sont de différents ordres selon leur mérite ? Eh bien ! le plus grand de la terre peut être au dernier rang parmi les Esprits, tandis que son serviteur sera au premier. Comprends-tu cela ? Jésus n'a-t-il pas dit : Quiconque s'abaisse sera élevé, et quiconque s'élève sera abaissé ? »

276. Celui qui a été grand sur la terre et qui se trouve inférieur parmi les Esprits, en éprouve-t-il de l'humiliation ?

« Souvent une bien grande, surtout s'il était orgueilleux et jaloux. »

277. Le soldat qui, après la bataille, retrouve son général dans le monde des Esprits, le reconnaît-il encore pour son supérieur ?

« Le titre n'est rien, la supériorité réelle est tout. »

278. Les Esprits des différents ordres sont-ils confondus ?

« Oui et non ; c'est-à-dire qu'ils se voient, mais ils se distinguent les uns des autres. Ils se fuient ou se rapprochent, selon l'analogie ou l'antipathie de leurs sentiments, comme cela a lieu parmi vous. C'est tout un monde dont le vôtre est le reflet obscurci. Ceux du même rang se réunissent par une sorte d'affinité et forment des groupes ou familles d'Esprits unis par la sympathie et le but qu'ils se proposent : les bons par le désir de faire le bien, les mauvais par le désir de faire le mal, la honte de leurs fautes et le besoin de se trouver parmi des êtres semblables à eux. »

Telle une grande cité où les hommes de tous rangs et de toutes conditions se voient et se rencontrent sans se confondre ; où les sociétés se forment par l'analogie des goûts ; où le vice et la vertu se coudoient sans se rien dire.

279. Tous les Esprits ont-ils réciproquement accès les uns parmi les autres ?

« Les bons vont partout, et il faut qu'il en soit ainsi pour qu'ils puissent exercer leur influence sur les mauvais ; mais les régions habitées par les bons sont interdites aux Esprits imparfaits, afin que ceux-ci ne puissent y apporter le trouble des mauvaises passions. »

280. Quelle est la nature des relations entre les bons et les mauvais Esprits ?

« Les bons tâchent de combattre les mauvais penchants des autres afin de les aider à monter ; c'est une mission. »

281. Pourquoi les Esprits inférieurs se plaisent-ils à nous porter au mal ?

« Par jalousie de n'avoir pas mérité d'être parmi les bons. Leur désir est d'empêcher autant qu'il est en eux les Esprits encore inexpérimentés d'arriver au bien suprême ; ils veulent faire éprouver aux autres ce qu'ils éprouvent eux-mêmes. Ne voyez-vous pas aussi cela parmi vous ? »

282. Comment les Esprits se communiquent-ils entre eux ?

« Ils se voient et se comprennent ; la parole est matérielle : c'est le reflet de l'Esprit. Le fluide universel établit entre eux une communication constante ; c'est le véhicule de la transmission de la pensée, comme pour vous l'air est le véhicule du son ; une sorte de télégraphe universel qui relie tous les mondes, et permet aux Esprits de correspondre d'un monde à l'autre. »

283. Les Esprits peuvent-ils se dissimuler réciproquement leurs pensées ; peuvent-ils se cacher les uns des autres ?

« Non, pour eux tout est à découvert, surtout lorsqu'ils sont parfaits. Ils peuvent s'éloigner, mais ils se voient toujours. Ceci n'est point cependant une règle absolue, car certains Esprits peuvent très bien se rendre invisibles pour d'autres Esprits, s'ils jugent utile de le faire. »

284. Comment les Esprits, qui n'ont plus de corps, peuvent-ils constater leur individualité et se distinguer des autres êtres spirituels qui les entourent ?

« Ils constatent leur individualité par le périsprit qui en fait des êtres distincts les uns pour les autres, comme le corps parmi les hommes. »

285. Les Esprits se reconnaissent-ils pour avoir cohabité la terre ? Le fils reconnaît-il son père, l'ami son ami ?

« Oui, et ainsi de génération en génération. »

- Comment les hommes qui se sont connus sur terre se reconnaissent-ils dans le monde des Esprits ?

« Nous voyons notre vie passée et nous y lisons comme dans un livre ; en voyant le passé de nos amis et de nos ennemis nous voyons leur passage de la vie à la mort. »

286. L'âme, en quittant sa dépouille mortelle, voit-elle immédiatement ses parents et ses amis qui l'ont précédée dans le monde des Esprits ?

« Immédiatement n'est pas toujours le mot ; car, comme nous l'avons dit, il lui faut quelque temps pour se reconnaître et secouer le voile matériel. »

287. Comment l'âme est-elle accueillie à son retour dans le monde des Esprits ?

« Celle du juste, comme un frère bien-aimé attendu depuis longtemps ; celle du méchant, comme un être que l'on méprise. »

288. Quel sentiment éprouvent les Esprits impurs à la vue d'un autre mauvais Esprit qui leur arrive ?

« Les méchants sont satisfaits de voir des êtres à leur image et privés, comme eux, du bonheur infini, comme l'est, sur la terre, un fripon parmi ses pareils. »

289. Nos parents et nos amis viennent-ils quelquefois à notre rencontre quand nous quittons la terre ?

« Oui, ils viennent au-devant de l'âme qu'ils affectionnent ; ils la félicitent comme au retour d'un voyage, si elle a échappé aux dangers de la route, et l'aident à se dégager des liens corporels. C'est une faveur pour les bons Esprits quand ceux qui les ont affectionnés viennent à leur rencontre, tandis que celui qui est souillé reste dans l'isolement, ou n'est entouré que d'Esprits semblables à lui : c'est une punition. »

290. Les parents et les amis sont-ils toujours réunis après leur mort ?

« Cela dépend de leur élévation et de la route qu'ils suivent pour leur avancement. Si l'un d'eux est plus avancé et marche plus vite que l'autre, ils ne pourront rester ensemble ; ils pourront se voir quelquefois, mais ils ne seront pour toujours réunis que quand ils pourront marcher de front, ou quand ils auront atteint l'égalité dans la perfection. Et puis, la privation de la vue de ses parents et de ses amis est quelquefois une punition. »

Rapports sympathiques et antipathiques des Esprits.


Moitiés éternelles.

291. Outre la sympathie générale de similitude, les Esprits ont-ils entre eux des affections particulières ?

« Oui, comme les hommes ; mais le lien qui unit les Esprits est plus fort quand le corps est absent, parce qu'il n'est plus exposé aux vicissitudes des passions. »

292. Les Esprits ont-ils entre eux des haines ?

« Il n'y a de haines que parmi les Esprits impurs, et ce sont ceux qui soufflent parmi vous les inimitiés et les dissensions. »

293. Deux êtres qui auront été ennemis sur terre conserveront-ils du ressentiment l'un contre l'autre dans le monde des Esprits ?

« Non, ils comprendront que leur haine était stupide et le sujet puéril. Les Esprits imparfaits conservent seuls une sorte d'animosité jusqu'à ce qu'ils se soient épurés. Si ce n'est qu'un intérêt matériel qui les a divisés, ils n'y songeront plus, pour peu qu'ils soient dématérialisés. S'il n'y a pas antipathie entre eux, le sujet de discussion n'existant plus, ils peuvent se revoir avec plaisir. »

Tels deux écoliers parvenus à l'âge de raison, reconnaissent la puérilité des querelles qu'ils ont eues dans leur enfance et cessent de s'en vouloir.

294. Le souvenir des mauvaises actions que deux hommes ont pu commettre à l'égard l'un de l'autre est-il un obstacle à leur sympathie ?

« Oui, il les porte à s'éloigner. »

295. Quel sentiment éprouvent après la mort ceux à qui nous avons fait du mal ici-bas ?

« S'ils sont bons, ils pardonnent selon votre repentir. S'ils sont mauvais, ils peuvent en conserver du ressentiment, et quelquefois vous poursuivre jusque dans une autre existence. Dieu peut le permettre comme châtiment. »

296. Les affections individuelles des Esprits sont elles susceptibles d'altération ?

« Non, car ils ne peuvent se tromper ; ils n'ont plus le masque sous lequel se cachent les hypocrites ; c'est pourquoi leurs affections sont inaltérables quand ils sont purs. L'amour qui les unit est pour eux la source d'une suprême félicité. »

297. L'affection que deux êtres se sont portée sur la terre se continue-t-elle toujours dans le monde des Esprits ?

« Oui, sans doute, si elle est fondée sur une sympathie véritable ; mais si les causes physiques y ont plus de part que la sympathie, elle cesse avec la cause. Les affections parmi les Esprits sont plus solides et plus durables que sur la terre, parce qu'elles ne sont point subordonnées au caprice des intérêts matériels et de l'amour-propre. »

298. Les âmes qui doivent s'unir sont-elles prédestinées à cette union dès leur origine, et chacun de nous a-t-il quelque part dans l'univers sa moitié à laquelle il sera un jour fatalement réuni ?

« Non ; il n'existe pas d'union particulière et fatale entre deux âmes. L'union existe entre tous les Esprits, mais à des degrés différents selon le rang qu'ils occupent, c'est-à-dire selon la perfection qu'ils ont acquise : plus ils sont parfaits, plus ils sont unis. De la discorde naissent tous les maux des humains ; de la concorde résulte le bonheur complet. »

299. Dans quel sens doit-on entendre le mot moitié dont certains Esprits se servent pour désigner les Esprits sympathiques ?

« L'expression est inexacte ; si un Esprit était la moitié d'un autre, séparé de celui-ci, il serait incomplet. »

300. Deux Esprits parfaitement sympathiques, une fois réunis, le sont-ils pour l'éternité, ou bien peuvent-ils se séparer et s'unir à d'autres Esprits ?

« Tous les Esprits sont unis entre eux ; je parle de ceux arrivés à la perfection. Dans les sphères inférieures, lorsqu'un Esprit s'élève, il n'a plus la même sympathie pour ceux qu'il a quittés. »

301. Deux Esprits sympathiques sont-ils le complément l'un de l'autre, ou bien cette sympathie est-elle le résultat d'une identité parfaite ?

« La sympathie qui attire un Esprit vers un autre est le résultat de la parfaite concordance de leurs penchants, de leurs instincts ; si l'un devait compléter l'autre, il perdrait son individualité. »

302. L'identité nécessaire pour la sympathie parfaite ne consiste-t-elle que dans la similitude de pensées et de sentiments, ou bien encore dans l'uniformité des connaissances acquises ?

« Dans l'égalité des degrés d'élévation. »

303. Les Esprits qui ne sont pas sympathiques aujourd'hui, peuvent-ils le devenir plus tard ?

« Oui, tous le seront. Ainsi l'Esprit qui est aujourd'hui dans telle sphère inférieure, en se perfectionnant parviendra dans la sphère ou réside tel autre. Leur rencontre aura lieu plus promptement, si l'Esprit plus élevé, supportant mal les épreuves auxquelles il s'est soumis, est demeuré dans le même état. »

- Deux Esprits sympathiques peuvent-ils cesser de l'être ?

« Certes, si l'un est paresseux. »

La théorie des moitiés éternelles est une figure qui peint l'union de deux Esprits sympathiques ; c'est une expression usitée même dans le langage vulgaire et qu'il ne faut point prendre à la lettre ; les Esprits qui s'en sont servis n'appartiennent assurément point à l'ordre le plus élevé ; la sphère de leurs idées est nécessairement bornée, et ils ont pu rendre leurs pensées par les termes dont ils se seraient servis pendant leur vie corporelle. Il faut donc rejeter cette idée que deux Esprits créés l'un pour l'autre doivent un jour fatalement se réunir dans l'éternité, après avoir été séparés pendant un laps de temps plus ou moins long.

Souvenir de l'existence corporelle.

304. L'Esprit se souvient-il de son existence corporelle ?

« Oui, c'est-à-dire qu'ayant vécu plusieurs fois comme homme, il se rappelle ce qu'il a été, et je t'assure que, parfois, il rit de pitié de lui-même. »

Comme l'homme qui a atteint l'âge de raison rit des folies de sa jeunesse ou des puérilités de son enfance.

305. Le souvenir de l'existence corporelle se présente-t-il à l'Esprit d'une manière complète et inopinée après la mort ?

« Non, il lui revient peu à peu, comme quelque chose qui sort du brouillard, et à mesure qu'il y fixe son attention. »

306. L'Esprit se souvient-il, en détail, de tous les événements de sa vie ; en embrasse-t-il l'ensemble d'un coup d'oeil rétrospectif ?

« Il se souvient des choses en raison des conséquences qu'elles ont sur son état d'Esprit ; mais tu conçois qu'il y a des circonstances de sa vie auxquelles il n'attache aucune importance, et dont il ne cherche même pas à se souvenir. »

- Pourrait-il s'en souvenir s'il le voulait ?

« Il peut se souvenir des détails et des incidents les plus minutieux, soit des événements, soit même de ses pensées ; mais quand c'est sans utilité il ne le fait pas. »

- Entrevoit-il le but de la vie terrestre par rapport à la vie future ?

« Assurément il le voit et le comprend bien mieux que du vivant de son corps ; il comprend le besoin d'épuration pour arriver à l'infini, et il sait qu'à chaque existence il laisse quelques impuretés. »

307. Comment la vie passée se retrace-t-elle à la mémoire de l'Esprit ? Est-ce par un effort de son imagination ou comme un tableau qu'il a devant les yeux ?

« L'un et l'autre ; tous les actes dont il a intérêt à se souvenir sont pour lui comme s'ils étaient présents ; les autres sont plus ou moins dans le vague de la pensée, ou tout à fait oubliés. Plus il est dématérialisé, moins il attache d'importance aux choses matérielles. Tu fais souvent l'évocation d'un Esprit errant qui vient de quitter la terre et qui ne se rappelle pas les noms des personnes qu'il aimait, ni bien des détails qui, pour toi, paraissent importants ; il s'en soucie peu et cela tombe dans l'oubli. Ce dont il se rappelle très bien, ce sont les faits principaux qui l'aident à s'améliorer. »

308. L'Esprit se souvient-il de toutes les existences qui ont précédé la dernière qu'il vient de quitter ?

« Tout son passé se déroule devant lui, comme les étapes qu'a parcourues le voyageur ; mais, nous l'avons dit, il ne se souvient pas d'une manière absolue de tous les actes ; il s'en souvient en raison de l'influence qu'ils ont sur son état présent. Quant aux premières existences, celles qu'on peut regarder comme l'enfance de l'Esprit, elles se perdent dans le vague et disparaissent dans la nuit de l'oubli. »

309. Comment l'Esprit considère-t-il le corps qu'il vient de quitter ?

« Comme un mauvais habit qui le gênait et dont il est heureux d'être débarrassé. »

- Quel sentiment lui fait éprouver la vue de son corps en décomposition ?

« Presque toujours de l'indifférence, comme pour une chose à laquelle il ne tient plus. »

310. Au bout d'un certain laps de temps, l'Esprit reconnaît-il des ossements ou autres objets comme lui ayant appartenu ?

« Quelquefois ; cela dépend du point de vue plus ou moins élevé sous lequel il considère les choses terrestres. »

311. Le respect que l'on a pour les choses matérielles qui restent de l'Esprit attire-t-il son attention sur ces mêmes objets, et voit-il ce respect avec plaisir ?

« L'Esprit est toujours heureux du souvenir qu'on a de lui ; les choses que l'on conserve de lui le rappellent à la mémoire, mais c'est la pensée qui l'attire vers vous, et non ces objets. »

312. Les Esprits conservent-ils le souvenir des souffrances qu'ils ont endurées pendant leur dernière existence corporelle ?

« Souvent ils le conservent, et ce souvenir leur fait mieux sentir le prix de la félicité dont ils peuvent jouir comme Esprits. »

313. L'homme qui a été heureux ici-bas regrette-t-il ses jouissances quand il a quitté la terre ?

« Les Esprits inférieurs seuls peuvent regretter des joies qui sympathisent avec l'impureté de leur nature et qu'ils expient par leurs souffrances. Pour les Esprits élevés, le bonheur éternel est mille fois préférable aux plaisirs éphémères de la terre. »

Tel l'homme adulte qui méprise ce qui faisait les délices de son enfance.

314. Celui qui a commencé de grands travaux dans un but utile, et qu'il voit interrompus par la mort, regrette-t-il, dans l'autre monde, de les avoir laissés inachevés ?

« Non, parce qu'il voit que d'autres sont destinés à les terminer. Au contraire, il tâche d'influencer d'autres Esprits humains à les continuer. Son but, sur la terre, était le bien de l'humanité ; ce but est le même dans le monde des Esprits. »

315. Celui qui a laissé des travaux d'art ou de littérature conserve-t-il pour ses oeuvres l'amour qu'il avait de son vivant ?

« Selon son élévation, il les juge à un autre point de vue, et souvent il blâme ce qu'il admirait le plus. »

316. L'Esprit s'intéresse-t-il encore aux travaux qui se font sur la terre, au progrès des arts et des sciences ?

« Cela dépend de son élévation ou de la mission qu'il peut avoir à remplir. Ce qui vous paraît magnifique est souvent bien peu de choses pour certains Esprits ; ils l'admirent, comme le savant admire l'ouvrage d'un écolier. Il examine ce qui peut prouver l'élévation des Esprits incarnés et leurs progrès. »

317. Les Esprits, après la mort, conservent-ils l'amour de la patrie ?

« C'est toujours le même principe : pour les Esprits élevés la patrie c'est l'univers ; sur la terre, elle est où ils ont le plus de personnes sympathiques. »

La situation des Esprits et leur manière de voir les choses varient à l'infini en raison du degré de leur développement moral et intellectuel. Les Esprits d'un ordre élevé ne font généralement sur la terre que des séjours de courte durée ; tout ce qui s'y fait est si mesquin en comparaison des grandeurs de l'infini, les choses auxquelles les hommes attachent le plus d'importance sont si puériles à leurs yeux, qu'ils y trouvent peu d'attraits, à moins qu'ils n'y soient appelés en vue de concourir au progrès de l'humanité. Les Esprits d'un ordre moyen y séjournent plus fréquemment, quoiqu'ils considèrent les choses d'un point de vue plus élevé que de leur vivant. Les Esprits vulgaires y sont en quelque sorte sédentaires, et constituent la masse de la population ambiante du monde invisible ; ils ont conservé à peu de chose près les mêmes idées, les mêmes goûts et les mêmes penchants qu'ils avaient sous leur enveloppe corporelle ; ils se mêlent à nos réunions, à nos affaires, à nos amusements, auxquels ils prennent une part plus ou moins active, selon leur caractère. Ne pouvant satisfaire leurs passions, ils jouissent de ceux qui s'y abandonnent et les y excitent. Dans le nombre, il en est de plus sérieux qui voient et observent pour s'instruire et se perfectionner.

318. Les idées des Esprits se modifient-elles dans l'état d'esprit ?

« Beaucoup ; elles subissent de très grandes modifications à mesure que l'Esprit se dématérialise ; il peut quelquefois rester longtemps dans les mêmes idées, mais peu à peu l'influence de la matière diminue, et il voit les choses plus clairement ; c'est alors qu'il cherche les moyens de s'améliorer. »

319. Puisque l'Esprit a déjà vécu de la vie spirite avant son incarnation, d'où vient son étonnement en rentrant dans le monde des Esprits ?

« Ce n'est que l'effet du premier moment et du trouble qui suit le réveil ; plus tard il se reconnaît parfaitement à mesure que le souvenir du passé lui revient, et que s'efface l'impression de la vie terrestre. » (163 et suiv.)

Commémoration des morts. Funérailles.

320. Les Esprits sont-ils sensibles au souvenir de ceux qu'ils ont aimés sur la terre ?

« Beaucoup plus que vous ne pouvez le croire ; ce souvenir ajoute à leur bonheur s'ils sont heureux ; et s'ils sont malheureux, il est pour eux un adoucissement. »

321. Le jour de la commémoration des morts a-t-il quelque chose de plus solennel pour les Esprits ? Se préparent-ils à venir visiter ceux qui doivent aller prier sur leurs dépouilles ?

« Les Esprits viennent à l'appel de la pensée ce jour-là comme les autres jours. »

- Ce jour est-il pour eux un rendez-vous auprès de leurs sépultures ?

« Ils y sont plus nombreux ce jour-là, parce qu'il y a plus de personnes qui les appellent ; mais chacun d'eux n'y vient que pour ses amis, et non pour la foule des indifférents. »

- Sous quelle forme y viennent-ils et comment les verrait-on s'ils pouvaient se rendre visibles ?

« Celle sous laquelle on les a connus de leur vivant. »

322. Les Esprits oubliés et dont personne ne va visiter les tombes y viennent-ils malgré cela, et éprouvent-ils un regret de ne voir aucun ami se rappeler à leur mémoire ?

« Que leur fait la terre ? On n'y tient que par le coeur. Si l'amour n'y est pas, il n'y a plus rien qui y rattache l'Esprit : il a tout l'univers à lui. »

323. La visite au tombeau procure-t-elle plus de satisfaction à l'Esprit qu'une prière faite chez soi ?

« La visite au tombeau est une manière de manifester qu'on pense à l'Esprit absent : c'est l'image. Je vous l'ai dit, c'est la prière qui sanctifie l'acte du souvenir ; peu importe le lieu, si elle est dite par le coeur. »

324. Les Esprits des personnes auxquelles on élève des statues ou des monuments assistent-ils à ces sortes d'inauguration, et les voient-ils avec plaisir ?

« Beaucoup y viennent lorsqu'ils le peuvent, mais ils sont moins sensibles à l'honneur qu'on leur fait qu'au souvenir. »

325. D'où peut venir à certaines personnes le désir d'être enterrées dans un endroit plutôt que dans un autre ? Y reviennent-elles plus volontiers après leur mort ; et cette importance attachée à une chose matérielle est-elle un signe d'infériorité chez l'Esprit ?

« Affection de l'Esprit pour certains lieux ; infériorité morale. Que fait un coin de terre plutôt qu'un autre pour l'Esprit élevé ? Ne sait-il pas que son âme sera réunie à ceux qu'il aime, quand même leurs os sont séparés ?

- La réunion des dépouilles mortelles de tous les membres d'une même famille doit-elle être considérée comme une chose futile ?

« Non ; c'est un pieux usage et un témoignage de sympathie pour ceux que l'on a aimés ; si cette réunion importe peu aux Esprits, elle est utile aux hommes : les souvenirs sont plus recueillis. »

326. L'âme, rentrant dans la vie spirituelle, est-elle sensible aux honneurs rendus à sa dépouille mortelle ?

« Quand l'Esprit est arrivé déjà à un certain degré de perfection, il n'a plus de vanité terrestre et comprend la futilité de toutes ces choses ; mais sache bien souvent il y a des Esprits qui, au premier moment de leur mort matérielle, goûtent un grand plaisir des honneurs qu'on leur rend, ou un ennui du délaissement de leur enveloppe ; car ils conservent encore quelques-uns des préjugés d'ici-bas. »

327. L'Esprit assiste-t-il à son convoi ?

« Très souvent il y assiste, mais quelquefois il ne se rend pas compte de ce qui s'y passe, s'il est encore dans le trouble. »

- Est-il flatté du concours des assistants à son convoi ?

« Plus ou moins selon le sentiment qui les amène. »

328. L'Esprit de celui qui vient de mourir assiste-t-il aux réunions de ses héritiers ?

« Presque toujours ; Dieu le veut pour sa propre instruction et le châtiment des coupables ; c'est là qu'il juge ce que valaient leurs protestations ; pour lui tous les sentiments sont à découvert, et la déception qu'il éprouve en voyant la rapacité de ceux qui se partagent ses dépouilles l'éclaire sur leurs sentiments ; mais leur tour viendra. »

329. Le respect instinctif que l'homme, dans tous les temps et chez tous les peuples, témoigne pour les morts est-il un effet de l'intuition qu'il a de l'existence future ?

« C'en est la conséquence naturelle ; sans cela ce respect serait sans objet. »


CHAPITRE VII


-


RETOUR A LA VIE CORPORELLE

1. Préludes du retour. - 2. Union de l'âme et du corps. Avortement.


3. Facultés morales et intellectuelles de l'homme. - 4. Influence de l'organisme.


5. Idiotisme, folie. - 6. De l'enfance. - 7. Sympathies et antipathies terrestres.


8. Oubli du passé.

Préludes du retour.

330. Les Esprits connaissent-ils l'époque à laquelle ils seront réincarnés ?

« Ils la pressentent, comme un aveugle sent le feu dont il s'approche. Ils savent qu'ils doivent reprendre un corps, comme vous savez que vous devez mourir un jour, mais sans savoir quand cela arrivera. » (166).

- La réincarnation est donc une nécessité de la vie spirite, comme la mort est une nécessité de la vie corporelle ?

« Assurément, il en est ainsi. »

331. Tous les Esprits se préoccupent-ils de leur réincarnation ?

« Il en est qui n'y songent nullement, qui même ne la comprennent pas ; cela dépend de leur nature plus ou moins avancée. Pour quelques-uns l'incertitude où ils sont de leur avenir est une punition. »

332. L'Esprit peut-il rapprocher ou retarder le moment de sa réincarnation ?

« Il peut le rapprocher en l'appelant de ses voeux ; il peut aussi l'éloigner s'il recule devant l'épreuve, car parmi les Esprits il y a aussi des lâches et des indifférents, mais il ne le fait pas impunément ; il en souffre comme celui qui recule devant le remède salutaire qui peut le guérir. »

333. Si un Esprit se trouvait assez heureux d'une condition moyenne parmi les Esprits errants, et qu'il n'eût pas l'ambition de monter, pourrait-il prolonger cet état indéfiniment ?

« Non, pas indéfiniment ; l'avancement est un besoin que l'Esprit éprouve tôt ou tard ; tous doivent monter, c'est leur destinée. »

334. L'union de l'âme avec tel ou tel corps est-elle prédestinée, ou bien n'est-ce qu'au dernier moment que le choix se fait ?

« L'Esprit est toujours désigné d'avance. L'Esprit, en choisissant l'épreuve qu'il veut subir, demande à s'incarner ; or Dieu, qui sait tout et voit tout, a su et vu d'avance que telle âme s'unirait à tel corps. »

335. L'Esprit a-t-il le choix du corps dans lequel il doit entrer, ou seulement du genre de vie qui doit lui servir d'épreuve ?

« Il peut aussi choisir le corps, car les imperfections de ce corps sont pour lui des épreuves qui aident à son avancement s'il dompte les obstacles qu'il y rencontre, mais le choix ne dépend pas toujours de lui ; il peut demander. »

- L'Esprit pourrait-il, au dernier moment, refuser d'entrer dans le corps choisi par lui ?

« S'il refusait, il en souffrirait beaucoup plus que celui qui n'aurait tenté aucune épreuve. »

336. Pourrait-il arriver qu'un enfant qui doit naître ne trouvât pas d'Esprit qui voulût s'incarner en lui ?

« Dieu y pourvoirait. L'enfant, lorsqu'il doit naître viable, est toujours prédestiné à avoir une âme ; rien n'a été créé sans dessein. »

337. L'union de l'Esprit avec tel corps peut-elle être imposée par Dieu ?

« Elle peut être imposée, de même que les différentes épreuves, surtout lorsque l'Esprit n'est pas encore apte à faire un choix avec connaissance de cause. Comme expiation, l'Esprit peut être contraint de s'unir au corps de tel enfant qui, par sa naissance et la position qu'il aura dans le monde, pourra devenir pour lui un sujet de châtiment. »

338. S'il arrivait que plusieurs Esprits se présentassent pour un même corps qui doit naître, qu'est-ce qui déciderait entre eux ?

« Plusieurs peuvent le demander ; c'est Dieu qui juge en pareil cas celui qui est le plus capable de remplir la mission à laquelle l'enfant est destiné ; mais, je l'ai dit, l'Esprit est désigné avant l'instant où il doit s'unir au corps. »

339. Le moment de l'incarnation est-il accompagné d'un trouble semblable à celui qui a lieu à la sortie du corps ?

« Beaucoup plus grand et surtout plus long. A la mort, l'Esprit sort de l'esclavage ; à la naissance, il y rentre. »

340. L'instant où un Esprit doit s'incarner est-il pour lui un instant solennel ? Accomplit-il cet acte comme une chose grave et importante pour lui ?

« Il est comme un voyageur qui s'embarque pour une traversée périlleuse, et qui ne sait s'il ne doit pas trouver la mort dans les vagues qu'il affronte. »

Le voyageur qui s'embarque sait à quels périls il s'expose, mais il ne sait s'il fera naufrage ; il en est ainsi de l'Esprit : il connaît le genre des épreuves auxquelles il se soumet, mais il ne sait s'il succombera.

De même que la mort du corps est une sorte de renaissance pour l'Esprit, la réincarnation est pour celui-ci une sorte de mort, ou plutôt d'exil et de claustration. Il quitte le monde des Esprits pour le monde corporel, comme l'homme quitte le monde corporel pour le monde des Esprits. L'Esprit sait qu'il se réincarnera, comme l'homme sait qu'il mourra ; mais, comme celui-ci, il n'en a conscience qu'au dernier moment, quand le temps voulu est arrivé ; alors, à ce moment suprême, le trouble s'empare de lui, comme chez l'homme qui est à l'agonie, et ce trouble persiste jusqu'à ce que la nouvelle existence soit nettement formée. Les approches de la réincarnation sont une sorte d'agonie pour l'Esprit.

341. L'incertitude où se trouve l'Esprit sur l'éventualité du succès des épreuves qu'il va subir dans la vie, est-elle pour lui une cause d'anxiété avant son incarnation ?

« Une anxiété bien grande, puisque les épreuves de son existence le retarderont ou l'avanceront selon qu'il les aura bien ou mal supportées. »

342. Au moment de sa réincarnation, l'Esprit est-il accompagné par d'autres Esprits de ses amis qui viennent assister à son départ du monde spirite, comme ils viennent le recevoir lorsqu'il y rentre ?

« Cela dépend de la sphère que l'Esprit habite. S'il est dans les sphères où règne l'affection, les Esprits qui l'aiment l'accompagnent jusqu'au dernier moment, l'encouragent, et souvent même le suivent dans la vie. »

343. Les Esprits amis qui nous suivent dans la vie sont-ils parfois ceux que nous voyons en songe, qui nous témoignent de l'affection, et qui se présentent à nous sous des traits inconnus ?

« Très souvent ce sont eux ; ils viennent vous visiter, comme vous allez voir un prisonnier sous les verrous. »

Union de l'âme et du corps.

344. A quel moment l'âme s'unit-elle au corps ?

« L'union commence à la conception, mais elle n'est complète qu'au moment de la naissance. Du moment de la conception, l'Esprit désigné pour habiter tel corps y tient par un lien fluidique qui va se resserrant de plus en plus jusqu'à l'instant où l'enfant voit le jour ; le cri qui s'échappe alors de l'enfant annonce qu'il fait nombre parmi les vivants et les serviteurs de Dieu. »

345. L'union entre l'Esprit et le corps est-elle définitive du moment de la conception ? Pendant cette première période, l'Esprit pourrait-il renoncer à habiter le corps désigné ?

« L'union est définitive, en ce sens qu'un autre Esprit ne pourrait remplacer celui qui est désigné pour ce corps ; mais comme les liens qui l'y tiennent sont très faibles, ils sont facilement rompus, et ils peuvent l'être par la volonté de l'Esprit qui recule devant l'épreuve qu'il a choisie ; mais alors l'enfant ne vit pas. »

346. Qu'arrive-t-il, pour l'Esprit, si le corps qu'il a choisi vient à mourir avant de naître ?

« Il en choisit un autre. »

- Quelle peut être l'utilité de ces morts prématurées ?

« Ce sont les imperfections de la matière qui sont le plus souvent la cause de ces morts. »

347. De quelle utilité peut être pour un Esprit son incarnation dans un corps qui meurt peu de jours après sa naissance ?

« L'être n'a pas la conscience de son existence assez développée ; l'importance de la mort est presque nulle ; c'est souvent, comme nous l'avons dit, une épreuve pour les parents. »

348. L'Esprit sait-il d'avance que le corps qu'il choisit n'a pas de chance de vie ?

« Il le sait quelquefois, mais s'il le choisit pour ce motif, c'est qu'il recule devant l'épreuve. »

349. Lorsqu'une incarnation est manquée pour l'Esprit, par une cause quelconque, y est-il suppléé immédiatement par une autre existence ?

« Pas toujours immédiatement ; il faut à l'Esprit le temps de choisir de nouveau, à moins que la réincarnation instantanée ne provienne d'une détermination antérieure. »

350. L'Esprit une fois uni au corps de l'enfant, et alors qu'il n'y a plus à s'en dédire, regrette-t-il quelquefois le choix qu'il a fait ?

« Veux-tu dire si, comme homme, il se plaint de la vie qu'il a ? S'il la voudrait autre ? Oui ; s'il regrette le choix qu'il a fait ? Non ; il ne sait pas qu'il l'a choisie. L'Esprit, une fois incarné, ne peut regretter un choix dont il n'a pas conscience ; mais il peut trouver la charge trop lourde, et s'il la croit au-dessus de ses forces, c'est alors qu'il a recours au suicide. »

351. Dans l'intervalle de la conception à la naissance, l'Esprit jouit-il de toutes ses facultés ?

« Plus ou moins suivant l'époque, car il n'est pas encore incarné, mais attaché. Dès l'instant de la conception, le trouble commence à saisir l'Esprit averti par là que le moment est venu de prendre une nouvelle existence ; ce trouble va croissant jusqu'à la naissance ; dans cet intervalle, son état est à peu près celui d'un Esprit incarné pendant le sommeil du corps ; à mesure que le moment de la naissance approche, ses idées s'effacent ainsi que le souvenir du passé, dont il n'a plus conscience, comme homme, une fois entré dans la vie ; mais ce souvenir lui revient peu à peu à la mémoire dans son état d'Esprit. »

352. Au moment de la naissance, l'Esprit recouvre-t-il immédiatement la plénitude de ses facultés ?

« Non, elles se développent graduellement avec les organes. C'est pour lui une nouvelle existence ; il faut qu'il apprenne à se servir de ses instruments ; les idées lui reviennent peu à peu comme chez un homme qui sort du sommeil et qui se trouve dans une position différente de celle qu'il avait la veille. »

353. L'union de l'Esprit et du corps n'étant complète et définitivement consommée qu'après la naissance, peut-on considérer le foetus comme ayant une âme ?

« L'Esprit qui doit l'animer existe en quelque sorte en dehors de lui ; il n'a donc pas, à proprement parler, une âme, puisque l'incarnation est seulement en voie de s'opérer ; mais il est lié à celle qu'il doit posséder. »

354. Comment expliquer la vie intra-utérine ?

« C'est celle de la plante qui végète. L'enfant vit de la vie animale. L'homme possède en lui la vie animale et la vie végétale, qu'il complète à la naissance par la vie spirituelle. »

355. Y a-t-il, comme l'indique la science, des enfants qui, dès le sein de la mère, ne sont pas nés viables ; et dans quel but cela a-t-il lieu ?

« Ceci arrive souvent, Dieu le permet comme épreuve, soit pour les parents, soit pour l'Esprit désigné à prendre place. »

356. Y a-t-il des enfants mort-nés qui n'ont point été destinés à l'incarnation d'un Esprit ?

« Oui, il y en a qui n'eurent jamais un Esprit destiné pour leur corps : rien ne devait s'accomplir pour eux. C'est alors seulement pour les parents que cet enfant est venu. »

- Un être de cette nature peut-il venir à terme ?

« Oui, quelquefois, mais alors il ne vit pas. »

- Tout enfant qui survit à sa naissance a donc nécessairement un Esprit incarné en lui ?

« Que serait-il sans cela ? Ce ne serait pas un être humain. »

357. Quelles sont, pour l'Esprit, les conséquences de l'avortement ?

« C'est une existence nulle et à recommencer. »

358. L'avortement volontaire est-il un crime, quelle que soit l'époque de la conception ?

« Il y a toujours crime du moment que vous transgressez la loi de Dieu. La mère, ou tout autre, commettra toujours un crime en ôtant la vie à l'enfant avant sa naissance, car c'est empêcher l'âme de supporter les épreuves dont le corps devait être l'instrument. »

359. Dans le cas où la vie de la mère serait en danger par la naissance de l'enfant, y a-t-il crime à sacrifier l'enfant pour sauver la mère ?

« Il vaut mieux sacrifier l'être qui n'existe pas à l'être qui existe. »

360. Est-il rationnel d'avoir pour le foetus les mêmes égards que pour le corps d'un enfant qui aurait vécu ?

« Dans tout ceci, voyez la volonté de Dieu et son ouvrage ; ne traitez donc pas légèrement des choses que vous devez respecter. Pourquoi ne pas respecter les ouvrages de la création, qui sont incomplets quelquefois par la volonté du Créateur ? Ceci entre dans ses desseins que personne n'est appelé à juger. »

Facultés morales et intellectuelles.

361. D'où viennent à l'homme ses qualités morales, bonnes ou mauvaises ?

« Ce sont celles de l'Esprit qui est incarné en lui ; plus cet Esprit est pur, plus l'homme est porté au bien. »

- Il semble résulter de là que l'homme de bien est l'incarnation d'un bon Esprit, et l'homme vicieux celle d'un mauvais Esprit ?

« Oui, mais dis plutôt que c'est un Esprit imparfait, autrement on pourrait croire à des Esprits toujours mauvais, à ce que vous appelez démons. »

362. Quel est le caractère des individus dans lesquels s'incarnent les Esprits follets et légers ?

« Des étourdis, des espiègles, et quelquefois des êtres malfaisants. »

363. Les Esprits ont-ils des passions qui n'appartiennent pas à l'humanité ?

« Non, autrement ils vous les auraient communiquées. »

364. Est-ce le même Esprit qui donne à l'homme les qualités morales et celles de l'intelligence ?

« Assurément c'est le même, et cela en raison du degré auquel il est parvenu. L'homme n'a pas deux Esprits en lui. »

365. Pourquoi des hommes très intelligents, ce qui annonce en eux un Esprit supérieur, sont-ils quelquefois, en même temps, profondément vicieux ?

« C'est que l'Esprit incarné n'est pas assez pur, et l'homme cède à l'influence d'autres Esprits plus mauvais. L'Esprit progresse par une marche ascendante insensible, mais le progrès ne s'accomplit pas simultanément en tous sens ; dans une période, il peut avancer en science, dans une autre en moralité. »

366. Que penser de l'opinion d'après laquelle les différentes facultés intellectuelles et morales de l'homme seraient le produit d'autant d'Esprits divers incarnés en lui, et ayant chacun une aptitude spéciale ?

« En réfléchissant, on reconnaît qu'elle est absurde. L'Esprit doit avoir toutes les aptitudes ; pour pouvoir progresser, il lui faut une volonté unique ; si l'homme était un amalgame d'Esprits, cette volonté n'existerait pas, et il n'y aurait point pour lui d'individualité, puisqu'à sa mort tous ces Esprits seraient comme une volée d'oiseaux échappés d'une cage. L'homme se plaint souvent de ne pas comprendre certaines choses, et il est curieux de voir comme il multiplie les difficultés, tandis qu'il a sous la main une explication toute simple et toute naturelle. C'est encore là prendre l'effet pour la cause ; c'est faire pour l'homme ce que les païens faisaient pour Dieu. Ils croyaient à autant de dieux qu'il y a de phénomènes dans l'univers, mais parmi eux les gens sensés ne voyaient dans ces phénomènes que des effets ayant pour cause un Dieu unique. »

Le monde physique et le monde moral nous offrent sur ce sujet de nombreux points de comparaison. On a cru à l'existence multiple de la matière, tant qu'on s'est arrêté à l'apparence des phénomènes ; aujourd'hui on comprend que ces phénomènes si variés peuvent très bien n'être que des modifications d'une matière élémentaire unique. Les diverses facultés sont des manifestations d'une même cause qui est l'âme, ou de l'Esprit incarné, et non de plusieurs âmes, comme les différents sons de l'orgue sont le produit d'une même espèce d'air, et non d'autant de sortes d'airs qu'il y a de sons. Il résulterait de ce système que lorsqu'un homme perd ou acquiert certaines aptitudes, certains penchants, ce serait le fait d'autant d'Esprits qui viennent ou qui s'en vont, ce qui ferait de lui un être multiple sans individualité, et par conséquent sans responsabilité. Il est en outre contredit par les exemples si nombreux de manifestations par lesquels les Esprits prouvent leur personnalité et leur identité.

Influence de l'organisme.

367. L'Esprit, en s'unissant au corps, s'identifie-t-il avec la matière ?

« La matière n'est que l'enveloppe de l'Esprit, comme l'habit est l'enveloppe du corps. L'Esprit, en s'unissant au corps, conserve les attributs de la nature spirituelle. »

368. Les facultés de l'Esprit s'exercent-elles en toute liberté après son union avec le corps ?

« L'exercice des facultés dépend des organes qui leur servent d'instrument ; elles sont affaiblies par la grossièreté de la matière. »

- D'après cela, l'enveloppe matérielle serait un obstacle à la libre manifestation des facultés de l'Esprit, comme un verre opaque s'oppose à la libre émission de la lumière ?

« Oui, et très opaque. »

On peut encore comparer l'action de la matière grossière du corps sur l'Esprit à celle d'une eau bourbeuse qui ôte la liberté des mouvements au corps qui s'y trouve plongé.

369. Le libre exercice des facultés de l'âme est-il subordonné au développement des organes ?

« Les organes sont les instruments de la manifestation des facultés de l'âme ; cette manifestation se trouve subordonnée au développement et au degré de perfection de ces mêmes organes, comme la bonté d'un travail à la bonté de l'outil. »

370. Peut-on induire de l'influence des organes un rapport entre le développement des organes cérébraux et celui des facultés morales et intellectuelles ?

« Ne confondez pas l'effet avec la cause. L'Esprit a toujours les facultés qui lui sont propres ; or, ce ne sont pas les organes qui donnent les facultés, mais les facultés qui poussent au développement des organes. »

- D'après cela, la diversité des aptitudes chez l'homme tient uniquement à l'état de l'Esprit ?

« Uniquement n'est pas tout à fait exact ; les qualités de l'Esprit, qui peut être plus ou moins avancé, c'est là le principe ; mais il faut tenir compte de l'influence de la matière qui entrave plus ou moins l'exercice de ses facultés. »

L'Esprit, en s'incarnant, apporte certaines prédispositions, et si l'on admet pour chacune un organe correspondant dans le cerveau, le développement de ces organes sera un effet et non une cause. Si les facultés avaient leur principe dans les organes, l'homme serait une machine sans libre arbitre et sans responsabilité de ses actes. Il faudrait admettre que les plus grands génies, savants, poètes, artistes, ne sont des génies que parce que le hasard leur a donné des organes spéciaux, d'où il suit que, sans ces organes, ils n'auraient pas été des génies, et que le dernier imbécile aurait pu être un Newton, un Virgile ou un Raphaël s'il avait été pourvu de certains organes ; supposition plus absurde encore quand on l'applique aux qualités morales. Ainsi d'après ce système, saint Vincent de Paul, doué par la nature de tel ou tel organe, aurait pu être un scélérat, et il ne manquerait au plus grand scélérat qu'un organe pour être un saint Vincent de Paul. Admettez au contraire que les organes spéciaux, si tant est qu'ils existent, sont consécutifs, qu'ils se développent par l'exercice de la faculté, comme les muscles par le mouvement, et vous n'aurez rien d'irrationnel. Prenons une comparaison triviale à force de vérité. A certains signes physiognomoniques, vous reconnaissez l'homme adonné à la boisson ; sont-ce ces signes qui le rendent ivrogne, ou l'ivrognerie qui fait naître ces signes ? On peut dire que les organes reçoivent l'empreinte des facultés.

Idiotisme, folie.

371. L'opinion selon laquelle les crétins et les idiots auraient une âme d'une nature inférieure est-elle fondée ?

« Non, ils ont une âme humaine, souvent plus intelligente que vous ne pensez, et qui souffre de l'insuffisance des moyens qu'elle a pour se communiquer, comme le muet souffre de ne pouvoir parler. »

372. Quel est le but de la Providence en créant des êtres disgraciés comme les crétins et les idiots ?

« Ce sont des Esprits en punition qui habitent des corps d'idiots. Ces Esprits souffrent de la contrainte qu'ils éprouvent et de l'impuissance où ils sont de se manifester par des organes non développés ou détraqués. »

- Il n'est donc pas exact de dire que les organes sont sans influence sur les facultés ?

« Nous n'avons jamais dit que les organes fussent sans influence ; ils en ont une très grande sur la manifestation des facultés, mais ils ne donnent pas les facultés ; là est la différence. Un bon musicien avec un mauvais instrument ne fera pas de bonne musique, et cela ne l'empêchera pas d'être un bon musicien. »

Il faut distinguer l'état normal de l'état pathologique. Dans l'état normal, le moral surmonte l'obstacle que lui oppose la matière ; mais il est des cas où la matière offre une résistance telle que les manifestations sont entravées ou dénaturées, comme dans l'idiotie et la folie ; ce sont des cas pathologiques, et dans cet état l'âme ne jouissant pas de toute sa liberté, la loi humaine elle-même l'affranchit de la responsabilité de ses actes.

373. Quel peut être le mérite de l'existence pour des êtres qui, comme les idiots et les crétins, ne pouvant faire ni bien ni mal, ne peuvent progresser ?

« C'est une expiation imposée à l'abus que l'on a pu faire de certaines facultés ; c'est un temps d'arrêt. »

- Un corps d'idiot peut ainsi renfermer un Esprit qui aurait animé un homme de génie dans une précédente existence ?

« Oui, le génie devient parfois un fléau quand on en abuse. »

La supériorité morale n'est pas toujours en raison de la supériorité intellectuelle, et les plus grands génies peuvent avoir beaucoup à expier ; de là souvent pour eux une existence inférieure à celle qu'ils ont déjà accomplie, et une cause de souffrances ; les entraves que l'Esprit éprouve dans ses manifestations sont pour lui comme les chaînes qui compriment les mouvements d'un homme vigoureux. On peut dire que le crétin et l'idiot sont estropiés par le cerveau, comme le boiteux l'est par les jambes, l'aveugle par les yeux.

374. L'idiot, à l'état d'Esprit, a-t-il la conscience de son état mental ?

« Oui, très souvent ; il comprend que les chaînes qui entravent son essor sont une épreuve et une expiation. »

375. Quelle est la situation de l'Esprit dans la folie ?

« L'Esprit, à l'état de liberté, reçoit directement ses impressions et exerce directement son action sur la matière ; mais, incarné, il se trouve dans des conditions toutes différentes, et dans la nécessité de ne le faire qu'à l'aide d'organes spéciaux. Qu'une partie ou l'ensemble de ces organes soit altéré, son action ou ses impressions, en ce qui concerne ces organes, sont interrompues. S'il perd les yeux, il devient aveugle ; si c'est l'ouïe, il devient sourd, etc.. Imagine maintenant que l'organe qui préside aux effets de l'intelligence et de la volonté soit partiellement ou entièrement attaqué ou modifié, il te sera facile de comprendre que l'Esprit n'ayant plus à son service que des organes incomplets ou dénaturés, il en doit résulter une perturbation dont l'Esprit, par lui-même et dans son for intérieur, a parfaite conscience, mais dont il n'est pas maître d'arrêter le cours. »

- C'est alors toujours le corps et non l'Esprit qui est désorganisé ?

« Oui, mais il ne faut pas perdre de vue que, de même que l'Esprit agit sur la matière, celle-ci réagit sur lui dans une certaine mesure, et que l'Esprit peut se trouver momentanément impressionné par l'altération des organes par lesquels il se manifeste et reçoit ses impressions. Il peut arriver qu'à la longue, quand la folie a duré longtemps, la répétition des mêmes actes finisse par avoir sur l'Esprit une influence dont il n'est délivré qu'après sa complète séparation de toute impression matérielle. »

376. D'où vient que la folie porte quelquefois au suicide ?

« L'Esprit souffre de la contrainte qu'il éprouve et de l'impuissance où il est de se manifester librement, c'est pourquoi il cherche dans la mort un moyen de briser ses liens. »

377. L'Esprit de l'aliéné se ressent-il après la mort du dérangement de ses facultés ?

« Il peut s'en ressentir quelque temps après la mort jusqu'à ce qu'il soit complètement dégagé de la matière, comme l'homme qui s'éveille se ressent quelque temps du trouble où le sommeil l'a plongé. »

378. Comment l'altération du cerveau peut-elle réagir sur l'Esprit après la mort ?

« C'est un souvenir ; un poids pèse sur l'Esprit, et comme il n'a pas eu l'intelligence de tout ce qui s'est passé durant sa folie, il lui faut toujours un certain temps pour se remettre au courant ; c'est pour cela que plus a duré la folie pendant la vie, plus longtemps dure la gêne, la contrainte après la mort. L'Esprit dégagé du corps se ressent quelque temps de l'impression de ses liens. »

De l'enfance.

379. L'Esprit qui anime le corps d'un enfant est-il aussi développé que celui d'un adulte ?

« Il peut l'être davantage s'il a plus progressé ; ce ne sont que les organes imparfaits qui l'empêchent de se manifester. Il agit en raison de l'instrument à l'aide duquel il peut se produire. »

380. Dans un enfant en bas âge, l'Esprit, en dehors de l'obstacle que l'imperfection des organes oppose à sa libre manifestation, pense-t-il comme un enfant ou comme un adulte ?

« Lorsqu'il est enfant, il est naturel que les organes de l'intelligence, n'étant pas développés, ne peuvent pas lui donner toute l'intuition d'un adulte ; il a, en effet, l'intelligence très bornée, en attendant que l'âge ait mûri sa raison. Le trouble qui accompagne l'incarnation ne cesse pas subitement au moment de la naissance ; il ne se dissipe que graduellement avec le développement des organes. »

Une observation vient à l'appui de cette réponse : c'est que les rêves chez un enfant n'ont pas le caractère de ceux d'un adulte ; leur objet est presque toujours puéril, ce qui est un indice de la nature des préoccupations de l'Esprit.

381. A la mort de l'enfant, l'Esprit reprend-il immédiatement sa vigueur première ?

« Il le doit, puisqu'il est débarrassé de son enveloppe charnelle ; cependant il ne reprend sa lucidité première que lorsque la séparation est complète, c'est-à-dire lorsqu'il n'existe plus aucun lien entre l'Esprit et le corps. »

382. L'Esprit incarné souffre-t-il, pendant l'enfance, de la contrainte que lui impose l'imperfection de ses organes ?

« Non ; cet état est une nécessité, il est dans la nature et selon les vues de la Providence ; c'est un temps de repos pour l'Esprit. »

383. Quelle est, pour l'Esprit, l'utilité de passer par l'état d'enfance ?

« L'Esprit s'incarnant en vue de se perfectionner, est plus accessible, pendant ce temps, aux impressions qu'il reçoit et qui peuvent aider à son avancement, auquel doivent contribuer ceux qui sont chargés de son éducation. »

384. Pourquoi les premiers cris de l'enfant sont-ils des pleurs ?

« Pour exciter l'intérêt de la mère et provoquer les soins qui lui sont nécessaires. Ne comprends-tu pas que s'il n'avait que des cris de joie, alors qu'il ne sait pas encore parler, on s'inquiéterait peu de ce dont il a besoin ? Admirez donc en tout la sagesse de la Providence. »

385. D'où vient le changement qui s'opère dans le caractère à un certain âge, et particulièrement au sortir de l'adolescence ; est-ce l'Esprit qui se modifie ?

« C'est l'Esprit qui reprend sa nature et se montre ce qu'il était.

Vous ne connaissez pas le secret que cachent les enfants dans leur innocence ; vous ne savez ce qu'ils sont, ni ce qu'ils ont été, ni ce qu'ils seront ; et pourtant vous les aimez, vous les chérissez comme s'ils étaient une partie de vous-mêmes, tellement que l'amour d'une mère pour ses enfants est réputé le plus grand amour qu'un être puisse avoir pour un autre être. D'où vient cette douce affection, cette tendre bienveillance que les étrangers eux-mêmes éprouvent envers un enfant ? Le savez-vous ? Non ; c'est cela que je vais vous expliquer.

Les enfants sont les êtres que Dieu envoie dans de nouvelles existences ; et pour qu'ils ne puissent pas lui reprocher une sévérité trop grande, il leur donne toutes les apparences de l'innocence ; même chez un enfant d'un mauvais naturel, on couvre ses méfaits de la non-conscience de ses actes. Cette innocence n'est pas une supériorité réelle sur ce qu'ils étaient avant ; non, c'est l'image de ce qu'ils devraient être, et s'ils ne le sont pas, c'est sur eux seuls qu'en retombe la peine.

Mais ce n'est pas seulement pour eux que Dieu leur a donné cet aspect, c'est aussi et surtout pour leurs parents dont l'amour est nécessaire à leur faiblesse, et cet amour serait singulièrement affaibli par la vue d'un caractère acariâtre et revêche, tandis que, croyant leurs enfants bons et doux, ils leur donnent toute leur affection, et les entourent des soins les plus délicats. Mais lorsque les enfants n'ont plus besoin de cette protection, de cette assistance qui leur a été donnée pendant quinze à vingt années, leur caractère réel et individuel reparaît dans toute sa nudité : il reste bon s'il était fondamentalement bon ; mais il s'irise toujours de nuances qui étaient cachées par la première enfance.

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