Vous voyez que les voies de Dieu sont toujours les meilleures, et que lorsqu'on a le coeur pur, l'explication en est facile à concevoir.

En effet, songez bien que l'Esprit des enfants qui naissent parmi vous peut venir d'un monde où il a pris des habitudes toutes différentes ; comment voudriez-vous que fût au milieu de vous ce nouvel être qui vient avec des passions tout autres que celles que vous possédez, avec des inclinations, des goûts entièrement opposés aux vôtres ; comment voudriez-vous qu'il s'incorporât dans vos rangs autrement que comme Dieu l'a voulu, c'est-à-dire par le tamis de l'enfance ? Là viennent se confondre toutes les pensées, tous les caractères, toutes les variétés d'êtres engendrés par cette foule de mondes dans lesquels grandissent les créatures. Et vous-mêmes, en mourant, vous vous trouverez dans une sorte d'enfance, au milieu de nouveaux frères ; et dans votre nouvelle existence non terrestre, vous ignorerez les habitudes, les moeurs, les rapports de ce monde nouveau pour vous ; vous manierez avec peine une langue que vous ne serez pas habitués à parler, langue plus vive que n'est aujourd'hui votre pensée. (319).

L'enfance a encore une autre utilité : les Esprits n'entrent dans la vie corporelle que pour se perfectionner, s'améliorer ; la faiblesse du jeune âge les rend flexibles, accessibles aux conseils de l'expérience et de ceux qui doivent les faire progresser ; c'est alors qu'on peut réformer leur caractère et réprimer leurs mauvais penchants ; tel est le devoir que Dieu a confié à leurs parents, mission sacrée dont ils auront à répondre.

C'est ainsi que l'enfance est non seulement utile, nécessaire, indispensable, mais encore qu'elle est la suite naturelle des lois que Dieu a établies et qui régissent l'univers. »

Sympathies et antipathies terrestres.

386. Deux êtres qui se sont connus et aimés peuvent-ils se retrouver dans une autre existence corporelle et se reconnaître ?

« Se reconnaître, non ; mais être attirés l'un vers l'autre, oui ; et souvent des liaisons intimes fondées sur une affection sincère n'ont pas d'autre cause. Deux êtres sont rapprochés l'un de l'autre par des circonstances fortuites en apparence, mais qui sont le fait de l'attraction des deux Esprits qui se cherchent à travers la foule. »

- Ne serait-il pas plus agréable pour eux de se reconnaître ?

« Pas toujours ; le souvenir des existences passées aurait des inconvénients plus grands que vous ne croyez. Après la mort, ils se reconnaîtront, ils sauront le temps qu'ils ont passé ensemble. » (392).

387. La sympathie a-t-elle toujours pour principe une connaissance antérieure ?

« Non ; deux Esprits qui se conviennent se recherchent naturellement sans qu'ils se soient connus comme hommes. »

388. Les rencontres que l'on fait quelquefois de certaines personnes et que l'on attribue au hasard, ne seraient-elles pas l'effet d'une sorte de rapports sympathiques ?

« Il y a entre les êtres pensants des liens que vous ne connaissez pas encore. Le magnétisme est le pilote de cette science que vous comprendrez mieux plus tard. »

389. D'où vient la répulsion instinctive que l'on éprouve pour certaines personnes à la première vue ?

« Esprits antipathiques qui se devinent et se reconnaissent sans se parler. »

390. L'antipathie instinctive est-elle toujours un signe de mauvaise nature ?

« Deux Esprits ne sont pas nécessairement mauvais, parce qu'ils ne sont pas sympathiques ; l'antipathie peut naître d'un manque de similitude dans la pensée ; mais à mesure qu'ils s'élèvent, les nuances s'effacent et l'antipathie disparaît. »

391. L'antipathie de deux personnes naît-elle en premier lieu chez celle dont l'Esprit est le plus mauvais ou le meilleur ?

« Chez l'une et chez l'autre, mais les causes et les effets sont différents. Un Esprit mauvais a de l'antipathie contre quiconque peut le juger et le démasquer ; en voyant une personne pour la première fois, il sait qu'il va être désapprouvé ; son éloignement se change en haine, en jalousie et lui inspire le désir de faire le mal. Le bon Esprit a de la répulsion pour le mauvais, parce qu'il sait qu'il n'en sera pas compris et qu'ils ne partagent pas les mêmes sentiments ; mais, fort de sa supériorité, il n'a contre l'autre ni haine, ni jalousie : il se contente de l'éviter et de le plaindre. »

Oubli du passé.

392. Pourquoi l'Esprit incarné perd-il le souvenir de son passé ?

« L'homme ne peut ni ne doit tout savoir ; Dieu le veut ainsi dans sa sagesse. Sans le voile qui lui couvre certaines choses, l'homme serait ébloui, comme celui qui passe sans transition de l'obscurité à la lumière. Par l'oubli du passé il est plus lui-même. »

393. Comment l'homme peut-il être responsable d'actes et racheter des fautes dont il n'a pas le souvenir ? Comment peut-il profiter de l'expérience acquise dans des existences tombées dans l'oubli ? On concevrait que les tribulations de la vie fussent une leçon pour lui s'il se rappelait ce qui a pu les lui attirer ; mais du moment qu'il ne s'en souvient pas, chaque existence est pour lui comme si elle était la première, et c'est ainsi toujours à recommencer. Comment concilier cela avec la justice de Dieu ?

« A chaque existence nouvelle, l'homme a plus d'intelligence et peut mieux distinguer le bien et le mal. Où serait le mérite, s'il se rappelait tout le passé ? Lorsque l'Esprit rentre dans sa vie primitive (la vie spirite), toute sa vie passée se déroule devant lui ; il voit les fautes qu'il a commises et qui sont cause de sa souffrance, et ce qui aurait pu l'empêcher de les commettre ; il comprend que la position qui lui est donnée est juste, et cherche alors l'existence qui pourrait réparer celle qui vient de s'écouler. Il cherche des épreuves analogues à celles par lesquelles il a passé, ou les luttes qu'il croit propres à son avancement, et demande à des Esprits qui lui sont supérieurs de l'aider dans cette nouvelle tâche qu'il entreprend, car il sait que l'Esprit qui lui sera donné pour guide dans cette nouvelle existence cherchera à lui faire réparer ses fautes en lui donnant une espèce d'intuition de celles qu'il a commises. Cette même intuition est la pensée, le désir criminel qui vous vient souvent, et auquel vous résistez instinctivement, attribuant la plupart du temps votre résistance aux principes que vous avez reçus de vos parents, tandis que c'est la voix de la conscience qui vous parle, et cette voix est le souvenir du passé, voix qui vous avertit de ne pas retomber dans les fautes que vous avez déjà commises. L'Esprit entré dans cette nouvelle existence, s'il subit ces épreuves avec courage et s'il résiste, s'élève et monte dans la hiérarchie des Esprits, lorsqu'il revient parmi eux. »

Si nous n'avons pas, pendant la vie corporelle, un souvenir précis de ce que nous avons été, et de ce que nous avons fait de bien ou de mal dans nos existences antérieures, nous en avons l'intuition, et nos tendances instinctives sont une réminiscence de notre passé, auxquelles notre conscience, qui est le désir que nous avons conçu de ne plus commettre les mêmes fautes, nous avertit de résister.

394. Dans les mondes plus avancés que le nôtre, où l'on n'est point en proie à tous nos besoins physiques, à nos infirmités, les hommes comprennent-ils qu'ils sont plus heureux que nous ? Le bonheur, en général, est relatif ; on le sent par comparaison avec un état moins heureux. Comme en définitive quelques-uns de ces mondes, quoique meilleurs que le nôtre, ne sont pas à l'état de perfection, les hommes qui les habitent doivent avoir des sujets d'ennui dans leur genre. Parmi nous, le riche, de ce qu'il n'a pas les angoisses des besoins matériels comme le pauvre, n'en a pas moins des tribulations qui rendent sa vie amère. Or, je demande si, dans leur position, les habitants de ces mondes ne se croient pas aussi malheureux que nous et ne se plaignent pas de leur sort, n'ayant pas le souvenir d'une existence inférieure pour comparaison ?

« A cela, il faut faire deux réponses différentes. Il y a des mondes, parmi ceux dont tu parles, dont les habitants ont un souvenir très net et très précis de leurs existences passées ; ceux-là, tu le comprends, peuvent et savent apprécier le bonheur que Dieu leur permet de savourer ; mais il y en a d'autres où les habitants placés, comme tu le dis, dans de meilleures conditions que vous, n'en ont pas moins de grands ennuis, des malheurs même ; ceux-là n'apprécient pas leur bonheur par cela même qu'ils n'ont pas le souvenir d'un état encore plus malheureux. S'ils ne l'apprécient pas comme hommes, ils l'apprécient comme Esprits. »

N'y a-t-il pas dans l'oubli de ces existences passées, alors surtout qu'elles ont été pénibles, quelque chose de providentiel, et où se révèle la sagesse divine ? C'est dans les mondes supérieurs, lorsque le souvenir des existences malheureuses n'est plus qu'un mauvais rêve, qu'elles se présentent à la mémoire. Dans les mondes inférieurs, les malheurs présents ne seraient-ils pas aggravés par le souvenir de tous ceux que l'on a pu endurer ? Concluons donc de là que tout ce que Dieu a fait est bien fait, et qu'il ne nous appartient pas de critiquer ses oeuvres, et de dire comment il aurait dû régler l'univers.

Le souvenir de nos individualités antérieures aurait des inconvénients très graves ; il pourrait, dans certains cas, nous humilier étrangement ; dans d'autres, exalter notre orgueil, et, par cela même, entraver notre libre arbitre. Dieu nous a donné, pour nous améliorer, juste ce qui nous est nécessaire et peut nous suffire : la voix de la conscience et nos tendances instinctives ; il nous ôte ce qui pourrait nous nuire. Ajoutons encore que si nous avions le souvenir de nos actes antérieurs personnels, nous aurions également celui des actes d'autrui, et que cette connaissance pourrait avoir les plus fâcheux effets sur les relations sociales ; n'ayant pas toujours lieu de nous glorifier de notre passé, il est souvent heureux qu'un voile soit jeté dessus. Ceci concorde parfaitement avec la doctrine des Esprits sur les mondes supérieurs au nôtre. Dans ces mondes, où ne règne que le bien, le souvenir du passé n'a rien de pénible ; voilà pourquoi on s'y souvient de son existence précédente comme nous nous souvenons de ce que nous avons fait la veille. Quant au séjour qu'on a pu faire dans les mondes inférieurs, ce n'est plus, comme nous l'avons dit, qu'un mauvais rêve.

395. Pouvons-nous avoir quelques révélations sur nos existences antérieures ?

« Pas toujours. Plusieurs savent cependant ce qu'ils ont été et ce qu'ils faisaient ; s'il leur était permis de le dire hautement, ils feraient de singulières révélations sur le passé. »

396. Certaines personnes croient avoir un vague souvenir d'un passé inconnu qui se présente à elles comme l'image fugitive d'un songe que l'on cherche en vain à saisir. Cette idée n'est-elle qu'une illusion ?

« C'est quelquefois réel ; mais souvent aussi c'est une illusion contre laquelle il faut se mettre en garde, car cela peut être l'effet d'une imagination surexcitée. »

397. Dans les existences corporelles d'une nature plus élevée que la nôtre, le souvenir des existences antérieures est-il plus précis ?

« Oui, à mesure que le corps est moins matériel on se souvient mieux. Le souvenir du passé est plus clair pour ceux qui habitent les mondes d'un ordre supérieur. »

398. Les tendances instinctives de l'homme étant une réminiscence de son passé, s'ensuit-il que, par l'étude de ces tendances, il puisse connaître les fautes qu'il a commises ?

« Sans doute, jusqu'à un certain point ; mais il faut tenir compte de l'amélioration qui a pu s'opérer dans l'Esprit et des résolutions qu'il a prises à l'état errant ; l'existence actuelle peut être de beaucoup meilleure que la précédente. »

- Peut-elle être plus mauvaise ; c'est-à-dire l'homme peut-il commettre dans une existence des fautes qu'il n'a pas commises dans l'existence précédente ?

« Cela dépend de son avancement ; s'il ne sait pas résister aux épreuves, il peut être entraîné à de nouvelles fautes qui sont la conséquence de la position qu'il a choisie ; mais en général, ces fautes accusent plutôt un état stationnaire qu'un état rétrograde, car l'Esprit peut avancer ou s'arrêter, mais il ne recule pas. »

399. Les vicissitudes de la vie corporelle étant à la fois une expiation pour les fautes passées et des épreuves pour l'avenir, s'ensuit-il que, de la nature de ces vicissitudes on puisse en induire le genre de l'existence antérieure ?

« Très souvent, puisque chacun est puni par où il a péché ; cependant, il ne faudrait pas en faire une règle absolue ; les tendances instinctives sont un indice plus certain, car les épreuves que subit l'Esprit sont autant pour l'avenir que pour le passé. »

Arrivé au terme marqué par la Providence pour sa vie errante, l'Esprit choisit lui-même les épreuves auxquelles il veut se soumettre pour hâter son avancement, c'est-à-dire le genre d'existence qu'il croit le plus propre à lui en fournir les moyens, et ces épreuves sont toujours en rapport avec les fautes qu'il doit expier. S'il en triomphe, il s'élève ; s'il succombe, c'est à recommencer.

L'Esprit jouit toujours de son libre arbitre ; c'est en vertu de cette liberté qu'à l'état d'Esprit il choisit les épreuves de la vie corporelle, et qu'à l'état d'incarnation il délibère s'il fera ou s'il ne fera pas, et choisit entre le bien et le mal. Dénier à l'homme le libre arbitre, serait le réduire à l'état de machine.

Rentré dans la vie corporelle, l'Esprit perd momentanément le souvenir de ses existences antérieures, comme si un voile les lui dérobait ; toutefois, il en a quelquefois une vague conscience, et elles peuvent même lui être révélées en certaines circonstances ; mais alors ce n'est que par la volonté des Esprits supérieurs qui le font spontanément, dans un but utile, et jamais pour satisfaire une vaine curiosité.

Les existences futures ne peuvent être révélées dans aucun cas, par la raison qu'elles dépendent de la manière dont on accomplit l'existence présente, et du choix ultérieur de l'Esprit.

L'oubli des fautes commises n'est pas un obstacle à l'amélioration de l'Esprit, car s'il n'en a pas un souvenir précis, la connaissance qu'il en avait à l'état errant et le désir qu'il a conçu de les réparer, le guident par intuition et lui donnent la pensée de résister au mal ; cette pensée est la voix de la conscience, dans laquelle il est secondé par les Esprits qui l'assistent s'il écoute les bonnes inspirations qu'ils lui suggèrent.

Si l'homme ne connaît pas les actes mêmes qu'il a commis dans ses existences antérieures, il peut toujours savoir de quel genre de fautes il s'est rendu coupable et quel était son caractère dominant. Il lui suffit de s'étudier lui-même, et il peut juger de ce qu'il a été, non par ce qu'il est, mais par ses tendances.

Les vicissitudes de la vie corporelle sont à la fois une expiation pour les fautes passées et des épreuves pour l'avenir. Elles nous épurent et nous élèvent, selon que nous les subissons avec résignation et sans murmure.

La nature des vicissitudes et des épreuves que nous subissons peut aussi nous éclairer sur ce que nous avons été et sur ce que nous avons fait, comme ici-bas nous jugeons les faits d'un coupable par le châtiment que lui inflige la loi. Ainsi, tel sera châtié dans son orgueil par l'humiliation d'une existence subalterne ; le mauvais riche et l'avare, par la misère ; celui qui a été dur pour les autres, par les duretés qu'il subira ; le tyran, par l'esclavage ; le mauvais fils, par l'ingratitude de ses enfants ; le paresseux, par un travail forcé, etc..


CHAPITRE VIII


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EMANCIPATION DE L'AME

1. Le sommeil et les rêves. - 2. Visites spirites entre personnes vivantes.


3. Transmission occulte de la pensée. - 4. Léthargie, catalepsie. Morts apparentes. - 5. Somnambulisme. - 6. Extase. - 7. Seconde vue.


8. Résumé théorique du somnambulisme, de l'extase et de la seconde vue.

Le sommeil et les rêves.

400. L'Esprit incarné demeure-t-il volontiers sous son enveloppe corporelle ?

« C'est comme si tu demandais si le prisonnier se plaît sous les verrous. L'Esprit incarné aspire sans cesse à la délivrance, et plus l'enveloppe est grossière, plus il désire en être débarrassé. »

401. Pendant le sommeil, l'âme se repose-t-elle comme le corps ?

« Non, l'Esprit n'est jamais inactif. Pendant le sommeil, les liens qui l'unissent au corps sont relâchés, et le corps n'ayant pas besoin de lui, il parcourt l'espace, et entre en relation plus directe avec les autres Esprits. »

402. Comment pouvons-nous juger de la liberté de l'Esprit pendant le sommeil ?

« Par les rêves. Crois bien que lorsque le corps repose, l'Esprit a plus de facultés que dans la veille ; il a le souvenir du passé et quelquefois prévision de l'avenir ; il acquiert plus de puissance et peut entrer en communication avec les autres Esprits, soit dans ce monde, soit dans un autre. Souvent, tu dis : J'ai fait un rêve bizarre, un rêve affreux, mais qui n'a aucune vraisemblance ; tu te trompes ; c'est souvent un souvenir des lieux et des choses que tu as vus ou que tu verras dans une autre existence ou à un autre moment. Le corps étant engourdi, l'Esprit tâche de briser sa chaîne en cherchant dans le passé ou dans l'avenir.

Pauvres hommes, que vous connaissez peu les phénomènes les plus ordinaires de la vie ! Vous croyez être bien savants, et les choses les plus vulgaires vous embarrassent ; à cette question de tous les enfants : qu'est-ce que nous faisons quand nous dormons ? Qu'est-ce que c'est que les rêves ? Vous restez interdits.

Le sommeil délivre en partie l'âme du corps. Quand on dort, on est momentanément dans l'état où l'on se trouve d'une manière fixe après la mort. Les Esprits qui sont tôt dégagés de la matière à leur mort ont eu des sommeils intelligents ; ceux-là, quand ils dorment, rejoignent la société des autres êtres supérieurs à eux : ils voyagent, causent et s'instruisent avec eux ; ils travaillent même à des ouvrages qu'ils trouvent tout faits en mourant. Ceci doit vous apprendre une fois de plus à ne pas craindre la mort, puisque vous mourez tous les jours selon la parole d'un saint.

Voilà pour les Esprits élevés ; mais pour la masse des hommes qui, à la mort, doivent rester de longues heures dans ce trouble, dans cette incertitude dont ils vous ont parlé, ceux-là vont, soit dans des mondes inférieurs à la terre, où d'anciennes affections les rappellent, soit chercher des plaisirs peut-être encore plus bas que ceux qu'ils ont ici ; ils vont puiser des doctrines encore plus viles, plus ignobles, plus nuisibles que celles qu'ils professent au milieu de vous. Et ce qui engendre la sympathie sur la terre n'est pas autre chose que ce fait qu'on se sent, au réveil, rapproché par le coeur de ceux avec qui on vient de passer huit à neuf heures de bonheur ou de plaisir. Ce qui explique aussi ces antipathies invincibles, c'est qu'on sait au fond de son coeur que ces gens-là ont une autre conscience que la nôtre, parce qu'on les connaît sans les avoir jamais vus avec les yeux. C'est encore ce qui explique l'indifférence, puisqu'on ne tient pas à faire de nouveaux amis, lorsqu'on sait qu'on en a d'autres qui nous aiment et nous chérissent. En un mot, le sommeil influe plus que vous ne pensez sur votre vie.

Par l'effet du sommeil, les Esprits incarnés sont toujours en rapport avec le monde des Esprits, et c'est ce qui fait que les Esprits supérieurs consentent, sans trop de répulsion, à s'incarner parmi vous. Dieu a voulu que pendant leur contact avec le vice, ils pussent aller se retremper à la source du bien, pour ne pas faillir eux-mêmes, eux qui venaient instruire les autres. Le sommeil est la porte que Dieu leur a ouverte vers leurs amis du ciel ; c'est la récréation après le travail, en attendant la grande délivrance, la libération finale qui doit les rendre à leur vrai milieu.

Le rêve est le souvenir de ce que votre Esprit a vu pendant le sommeil ; mais remarquez que vous ne rêvez pas toujours, parce que vous ne vous souvenez pas toujours de ce que vous avez vu, ou de tout ce que vous avez vu. Ce n'est pas votre âme dans tout son développement ; ce n'est souvent que le souvenir du trouble qui accompagne votre départ ou votre rentrée, auquel se joint celui de ce que vous avez fait ou de ce qui vous préoccupe dans l'état de veille ; sans cela, comment expliqueriez-vous ces rêves absurdes que font les plus savants comme les plus simples ? Les mauvais Esprits se servent aussi des rêves pour tourmenter les âmes faibles et pusillanimes.

Au reste, vous verrez dans peu se développer une autre espèce de rêves ; elle est aussi ancienne que celle que vous connaissez, mais vous l'ignorez. Le rêve de Jeanne, le rêve de Jacob, le rêve des prophètes juifs et de quelques devins indiens : ce rêve-là est le souvenir de l'âme entièrement dégagée du corps, le souvenir de cette seconde vie dont je vous parlais tout à l'heure.

Cherchez bien à distinguer ces deux sortes de rêves dans ceux dont vous vous souviendrez ; sans cela vous tomberiez dans des contradictions et dans des erreurs qui seraient funestes à votre foi. »

Les rêves sont le produit de l'émancipation de l'âme rendue plus indépendante par la suspension de la vie active et de relation. De là une sorte de clairvoyance indéfinie qui s'étend aux lieux les plus éloignés ou que l'on n'a jamais vus, et quelquefois même à d'autres mondes. De là encore le souvenir qui retrace à la mémoire les événements accomplis dans l'existence présente ou dans les existences antérieures ; l'étrangeté des images de ce qui se passe ou s'est passé dans des mondes inconnus, entremêlées des choses du monde actuel, forment ces ensembles bizarres et confus qui semblent n'avoir ni sens ni liaison.

L'incohérence des rêves s'explique encore par les lacunes que produit le souvenir incomplet de ce qui nous est apparu en songe. Tel serait un récit dont on aurait tronqué au hasard des phrases ou des parties de phrases : les fragments qui resteraient étant réunis perdraient toute signification raisonnable.

403. Pourquoi ne se rappelle-t-on pas toujours les rêves ?

« Dans ce que tu appelles le sommeil, ce n'est que le repos du corps, car l'Esprit est toujours en mouvement ; là, il recouvre un peu de sa liberté, et correspond avec ceux qui lui sont chers, soit dans ce monde, soit dans d'autres ; mais comme le corps est une matière lourde et grossière, il conserve difficilement les impressions qu'a reçues l'Esprit, parce que l'Esprit ne les a pas perçues par les organes du corps. »

404. Que penser de la signification attribuée aux rêves ?

« Les rêves ne sont point vrais comme l'entendent les diseurs de bonne aventure, car il est absurde de croire que rêver de telle chose annonce telle chose. Ils sont vrais en ce sens qu'ils présentent des images réelles pour l'Esprit, mais qui souvent n'ont pas de rapport avec ce qui se passe dans la vie corporelle ; souvent aussi, comme nous l'avons dit, c'est un souvenir ; ce peut être enfin quelquefois un pressentiment de l'avenir, si Dieu le permet, ou la vue de ce qui se passe à ce moment dans un autre lieu et où l'âme se transporte. N'avez-vous pas de nombreux exemples que des personnes apparaissent en songe et viennent avertir leurs parents ou leurs amis de ce qui leur arrive ? Qu'est-ce que c'est que ces apparitions, sinon l'âme ou l'Esprit de ces personnes qui vient communiquer avec le vôtre ? Quand vous acquérez la certitude que ce que vous avez vu a réellement eu lieu, n'est-ce pas une preuve que l'imagination n'y est pour rien, si surtout cette chose n'était nullement dans votre pensée pendant la veille ? »

405. On voit souvent en rêve des choses qui semblent des pressentiments et qui ne s'accomplissent pas ; d'où cela vient-il ?

« Elles peuvent s'accomplir pour l'Esprit, sinon pour le corps, c'est-à-dire que l'Esprit voit la chose qu'il désire parce qu'il va la trouver. Il ne faut pas oublier que, pendant le sommeil, l'âme est toujours plus ou moins sous l'influence de la matière, et que, par conséquent, elle ne s'affranchit jamais complètement des idées terrestres ; il en résulte que les préoccupations de la veille peuvent donner à ce que l'on voit l'apparence de ce que l'on désire ou de ce que l'on craint ; c'est là véritablement ce que l'on peut appeler un effet de l'imagination. Lorsqu'on est fortement préoccupé d'une idée, on y rattache tout ce que l'on voit. »

406. Lorsque nous voyons en rêve des personnes vivantes, que nous connaissons parfaitement, accomplir des actes auxquels elles ne songent nullement, n'est-ce pas un effet de pure imagination ?

« Auxquels elles ne songent nullement, qu'en sais-tu ? Leur Esprit peut venir visiter le tien, comme le tien peut visiter le leur, et tu ne sais pas toujours à quoi il pense. Et puis souvent aussi vous appliquez à des personnes que vous connaissez, et selon vos désirs, ce qui s'est passé ou se passe dans d'autres existences. »

407. Le sommeil complet est-il nécessaire pour l'émancipation de l'Esprit ?

« Non l'Esprit recouvre sa liberté quand les sens s'engourdissent ; il profite, pour s'émanciper, de tous les instants de répit que lui laisse le corps. Dès qu'il y a prostration des forces vitales, l'Esprit se dégage, et plus le corps est faible, plus l'Esprit est libre. »

C'est ainsi que le demi-sommeil, ou un simple engourdissement des sens, présente souvent les mêmes images que le rêve.

408. Il nous semble quelquefois entendre en nous-mêmes des mots prononcés distinctement et qui n'ont aucun rapport avec ce qui nous préoccupe, d'où cela vient-il ?

« Oui, et même des phrases tout entières, surtout quand les sens commencent à s'engourdir. C'est quelquefois un faible écho d'un Esprit qui veut communiquer avec toi. »

409. Souvent, dans un état qui n'est pas encore le demi-sommeil, lorsque nous avons les yeux fermés, nous voyons des images distinctes, des figures dont nous saisissons les plus minutieux détails ; est-ce un effet de vision ou d'imagination ?

« Le corps étant engourdi, l'Esprit cherche à briser sa chaîne : il se transporte et voit ; si le sommeil était complet, ce serait un rêve. »

410. On a quelquefois pendant le sommeil ou le demi-sommeil des idées qui semblent très bonnes, et qui, malgré les efforts que l'on fait pour se les rappeler, s'effacent de la mémoire ; d'où viennent ces idées ?

« Elles sont le résultat de la liberté de l'Esprit qui s'émancipe et jouit de plus de facultés pendant ce moment. Ce sont souvent aussi des conseils que donnent d'autres Esprits. »

- A quoi servent ces idées et ces conseils, puisqu'on en perd le souvenir et qu'on ne peut en profiter ?

« Ces idées appartiennent quelquefois plus au monde des Esprits qu'au monde corporel ; mais le plus souvent si le corps oublie, l'Esprit se souvient, et l'idée revient au moment nécessaire comme une inspiration du moment. »

411. L'Esprit incarné, dans les moments où il est dégagé de la matière et agit comme Esprit, sait-il l'époque de sa mort ?

« Souvent il la pressent ; quelquefois il en a la conscience très nette, et c'est ce qui, dans l'état de veille, lui en donne l'intuition ; de là vient que certaines personnes prévoient quelquefois leur mort avec une grande exactitude. »

412. L'activité de l'Esprit pendant le repos ou le sommeil du corps, peut-elle faire éprouver de la fatigue à ce dernier ?

« Oui, car l'Esprit tient au corps, comme le ballon captif tient au poteau ; or, de même que les secousses du ballon ébranlent le poteau, l'activité de l'Esprit réagit sur le corps, et peut lui faire éprouver de la fatigue. »

Visites spirites entre personnes vivantes.

413. Du principe de l'émancipation de l'âme pendant le sommeil, il semble résulter que nous avons une double existence simultanée : celle du corps qui nous donne la vie de relation extérieure, et celle de l'âme qui nous donne la vie de relation occulte ; cela est-il exact ?

« Dans l'état d'émancipation la vie du corps cède à la vie de l'âme ; mais ce ne sont pas, à proprement parler, deux existences ; ce sont plutôt deux phases de la même existence, car l'homme ne vit pas doublement. »

414. Deux personnes qui se connaissent peuvent-elles se visiter pendant le sommeil ?

« Oui, et beaucoup d'autres qui croient ne pas se connaître se réunissent et se parlent. Tu peux avoir, sans t'en douter, des amis dans un autre pays. Le fait d'aller voir, pendant le sommeil, des amis, des parents, des connaissances, des gens qui peuvent vous être utiles, est tellement fréquent, que vous l'accomplissez vous-mêmes presque toutes les nuits. »

415. Quelle peut être l'utilité de ces visites nocturnes, puisqu'on ne s'en souvient pas ?

« Il en reste ordinairement une intuition au réveil, et c'est souvent l'origine de certaines idées qui viennent spontanément sans qu'on se les explique, et qui ne sont autres que celles que l'on a puisées dans ces entretiens. »

416. L'homme peut-il provoquer les visites spirites par sa volonté ? Peut-il, par exemple, dire en s'endormant : Cette nuit je veux me rencontrer en Esprit avec telle personne, lui parler et lui dire telle chose ?

« Voici ce qui se passe. L'homme s'endort, son Esprit se réveille, et ce que l'homme avait résolu, l'Esprit est souvent bien loin de le suivre, car la vie de l'homme intéresse peu l'Esprit quand il est dégagé de la matière. Ceci est pour les hommes déjà assez élevés, les autres passent tout autrement leur existence spirituelle ; ils s'adonnent à leurs passions ou restent dans l'inactivité. Il peut donc se faire que, selon le motif qu'on se propose, l'Esprit aille visiter les personnes qu'il désire ; mais de ce qu'il en a la volonté étant éveillé, ce n'est pas une raison pour qu'il le fasse. »

417. Un certain nombre d'Esprits incarnés peuvent-ils se réunir ainsi et former des assemblées ?

« Sans aucun doute ; les liens de l'amitié, anciens ou nouveaux, réunissent souvent ainsi divers Esprits heureux de se trouver ensemble. »

Par le mot ancien, il faut entendre les liens d'amitié que l'on avait contractés dans d'autres existences antérieures. Nous rapportons au réveil une intuition des idées que nous avons puisées dans ces entretiens occultes, mais dont nous ignorons la source.

418. Une personne qui croirait un de ses amis mort, tandis qu'il ne le serait pas, pourrait-elle se rencontrer avec lui en Esprit et savoir ainsi qu'il est vivant ? Pourrait-elle, dans ce cas, en avoir l'intuition au réveil ?

« Comme Esprit elle peut certainement le voir et connaître son sort ; s'il ne lui est pas imposé comme épreuve de croire à la mort de son ami, elle aura un pressentiment de son existence, comme elle pourra avoir celui de sa mort. »

Transmission occulte de la pensée.

419. D'où vient que la même idée, celle d'une découverte, par exemple, se produit sur plusieurs points à la fois ?

« Nous avons déjà dit que pendant le sommeil les Esprits se communiquent entre eux ; eh bien ! quand le corps se réveille, l'Esprit se rappelle ce qu'il a appris, et l'homme croit l'avoir inventé. Ainsi plusieurs peuvent trouver la même chose à la fois. Quand vous dites qu'une idée est dans l'air, c'est une figure plus juste que vous ne croyez ; chacun contribue à la propager sans s'en douter. »

Notre Esprit révèle ainsi souvent lui-même à d'autres Esprits, et à notre insu, ce qui faisait l'objet de nos préoccupations pendant la veille.

420. Les Esprits peuvent-ils se communiquer si le corps est complètement éveillé ?

« L'Esprit n'est pas renfermé dans le corps comme dans une boîte : il rayonne tout alentour ; c'est pourquoi il peut se communiquer à d'autres Esprits, même dans l'état de veille, quoiqu'il le fasse plus difficilement. »

421. D'où vient que deux personnes, parfaitement éveillées, ont souvent instantanément la même pensée ?

« Ce sont deux Esprits sympathiques qui se communiquent et voient réciproquement leur pensée, même quand le corps ne dort pas. »

Il y a entre les Esprits qui se rencontrent une communication de pensées qui fait que deux personnes se voient et se comprennent sans avoir besoin des signes extérieurs du langage. On pourrait dire qu'elles se parlent le langage des Esprits.

Léthargie, catalepsie, morts apparentes.

422. Les léthargiques et les cataleptiques voient et entendent généralement ce qui se passe autour d'eux, mais ne peuvent le manifester ; est-ce par les yeux et les oreilles du corps ?

« Non, c'est par l'Esprit ; l'Esprit se reconnaît, mais il ne peut se communiquer. »

- Pourquoi ne peut-il pas se communiquer ?

« L'état du corps s'y oppose ; cet état particulier des organes vous donne la preuve qu'il y a en l'homme autre chose que le corps, puisque le corps ne fonctionne plus et que l'Esprit agit. »

423. Dans la léthargie, l'Esprit peut-il se séparer entièrement du corps, de manière à donner à celui-ci toutes les apparences de la mort et y revenir ensuite ?

« Dans la léthargie, le corps n'est pas mort, puisqu'il y a des fonctions qui s'accomplissent ; la vitalité y est à l'état latent, comme dans la chrysalide, mais elle n'est point anéantie ; or, l'Esprit est uni au corps tant que celui-ci vit ; une fois les liens rompus par la mort réelle et la désagrégation des organes, la séparation est complète et l'Esprit n'y revient plus. Quand un homme qui a les apparences de la mort revient à la vie, c'est que la mort n'était pas complète. »

424. Peut-on, par des soins donnés en temps utile, renouer des liens prêts à se rompre et rendre à la vie un être qui, faute de secours, serait mort définitivement ?

« Oui, sans doute, et vous en avez tous les jours la preuve. Le magnétisme est souvent, dans ce cas, un puissant moyen, parce qu'il rend au corps le fluide vital qui lui manque et qui était insuffisant pour entretenir le jeu des organes. »

La léthargie et la catalepsie ont le même principe, qui est la perte momentanée de la sensibilité et du mouvement par une cause physiologique encore inexpliquée ; elles diffèrent en ce que, dans la léthargie, la suspension des forces vitales est générale et donne au corps toutes les apparences de la mort ; dans la catalepsie, elle est localisée et peut affecter une partie plus ou moins étendue du corps, de manière à laisser l'intelligence libre de se manifester, ce qui ne permet pas de la confondre avec la mort. La léthargie est toujours naturelle ; la catalepsie est quelquefois spontanée, mais elle peut être provoquée et détruite artificiellement par l'action magnétique.

Somnambulisme.

425. Le somnambulisme naturel a-t-il du rapport avec les rêves ? Comment peut-on l'expliquer ?

« C'est une indépendance de l'âme plus complète que dans le rêve, et alors ses facultés sont plus développées ; elle a des perceptions qu'elle n'a pas dans le rêve, qui est un état de somnambulisme imparfait.

Dans le somnambulisme, l'Esprit est tout entier à lui-même ; les organes matériels, étant en quelque sorte en catalepsie, ne reçoivent plus les impressions extérieures. Cet état se manifeste surtout pendant le sommeil ; c'est le moment où l'Esprit peut quitter provisoirement le corps, celui-ci étant livré au repos indispensable à la matière. Quand les faits de somnambulisme se produisent, c'est que l'Esprit, préoccupé d'une chose ou d'une autre, se livre à une action quelconque qui nécessite l'usage de son corps, dont il se sert alors d'une façon analogue à l'emploi qu'il fait d'une table ou de tout autre objet matériel dans le phénomène des manifestations physiques, ou même de votre main dans celui des communications écrites. Dans les rêves dont on a conscience, les organes, y compris ceux de la mémoire, commencent à s'éveiller ; ceux-ci reçoivent imparfaitement les impressions produites par les objets ou les causes extérieures et les communiquent à l'Esprit qui, en repos alors lui-même, n'en perçoit que des sensations confuses et souvent décousues, et sans aucune raison d'être apparente, mélangées qu'elles sont de vagues souvenirs, soit de cette existence, soit d'existences antérieures. Il est alors facile de comprendre pourquoi les somnambules n'ont aucun souvenir, et pourquoi les rêves, dont on conserve la mémoire, n'ont le plus souvent aucun sens. Je dis le plus souvent, car il arrive qu'ils sont la conséquence d'un souvenir précis d'événements d'une vie antérieure, et quelquefois même une sorte d'intuition de l'avenir. »

426. Le somnambulisme appelé magnétique a-t-il du rapport avec le somnambulisme naturel ?

« C'est la même chose, si ce n'est qu'il est provoqué. »

427. Quelle est la nature de l'agent appelé fluide magnétique ?

« Fluide vital, électricité animalisée, qui sont des modifications du fluide universel. »

428. Quelle est la cause de la clairvoyance somnambulique ?

« Nous l'avons dit : c'est l'âme qui voit. »

429. Comment le somnambule peut-il voir à travers les corps opaques ?

« Il n'y a de corps opaques que pour vos organes grossiers ; n'avons-nous pas dit que, pour l'Esprit, la matière n'est point un obstacle, puisqu'il la traverse librement. Souvent il vous dit qu'il voit par le front, par le genou, etc., parce que vous, entièrement dans la matière, vous ne comprenez pas qu'il puisse voir sans le secours des organes ; lui-même, par le désir que vous avez, croit avoir besoin de ces organes, mais si vous le laissiez libre, il comprendrait qu'il voit par toutes les parties de son corps, ou, pour mieux dire, c'est en dehors de son corps qu'il voit. »

430. Puisque la clairvoyance du somnambule est celle de son âme ou de son Esprit, pourquoi ne voit-il pas tout, et pourquoi se trompe-t-il souvent ?

« D'abord il n'est pas donné aux Esprits imparfaits de tout voir et de tout connaître ; tu sais bien qu'ils participent encore de vos erreurs et de vos préjugés ; et puis, quand ils sont attachés à la matière, ils ne jouissent pas de toutes leurs facultés d'Esprit. Dieu a donné à l'homme cette faculté dans un but utile et sérieux, et non pour lui apprendre ce qu'il ne doit pas savoir ; voilà pourquoi les somnambules ne peuvent pas tout dire. »

431. Quelle est la source des idées innées du somnambule, et comment peut-il parler avec exactitude de choses qu'il ignore à l'état de veille, qui sont même au-dessus de sa capacité intellectuelle ?

« Il arrive que le somnambule possède plus de connaissances que tu ne lui en connais ; seulement elles sommeillent, parce que son enveloppe est trop imparfaite pour qu'il puisse s'en souvenir. Mais en définitive, qu'est-il ? Comme nous, Esprit qui est incarné dans la matière pour accomplir sa mission, et l'état dans lequel il entre le réveille de cette léthargie. Nous t'avons dit bien souvent que nous revivons plusieurs fois ; c'est ce changement qui lui fait perdre matériellement ce qu'il a pu apprendre dans une existence précédente ; en entrant dans l'état que tu appelles crise, il se rappelle, mais pas toujours d'une manière complète ; il sait, mais ne pourrait pas dire d'où il sait, ni comment il possède ces connaissances. La crise passée, tout souvenir s'efface et il rentre dans l'obscurité. »

L'expérience montre que les somnambules reçoivent aussi des communications d'autres Esprits qui leur transmettent ce qu'ils doivent dire, et suppléent à leur insuffisance ; cela se voit surtout dans les prescriptions médicales : l'Esprit du somnambule voit le mal, un autre lui indique le remède. Cette double action est quelquefois patente, et se révèle, en outre, par ces expressions assez fréquentes : on me dit de dire, ou l'on me défend de dire telle chose. Dans ce dernier cas, il y a toujours du danger à insister pour obtenir une révélation refusée, parce qu'alors on donne prise aux Esprits légers qui parlent de tout sans scrupule et sans se soucier de la vérité.

432. Comment expliquer la vue à distance chez certains somnambules ?

« L'âme ne se transporte-t-elle pas pendant le sommeil ? C'est la même chose dans le somnambulisme. »

433. Le développement plus ou moins grand de la clairvoyance somnambulique tient-il à l'organisation physique ou à la nature de l'Esprit incarné ?

« A l'une et à l'autre ; il y a des dispositions physiques qui permettent à l'Esprit de se dégager plus ou moins facilement de la matière. »

434. Les facultés dont jouit le somnambule sont-elles les mêmes que celles de l'Esprit après la mort ?

« Jusqu'à un certain point, car il faut tenir compte de l'influence de la matière à laquelle il est encore lié. »

435. Le somnambule peut-il voir les autres Esprits ?

« La plupart les voient très bien ; cela dépend du degré et de la nature de leur lucidité ; mais quelquefois ils ne s'en rendent pas compte tout d'abord, et les prennent pour des êtres corporels ; cela arrive surtout à ceux qui n'ont aucune connaissance du spiritisme ; ils ne comprennent pas encore l'essence des Esprits ; cela les étonne, et c'est pourquoi ils croient voir des vivants. »

Le même effet se produit au moment de la mort chez ceux qui se croient encore vivants. Rien autour d'eux ne leur paraît changé, les Esprits leur semblent avoir des corps pareils aux nôtres, et ils prennent l'apparence de leur propre corps pour un corps réel.

436. Le somnambule qui voit à distance, voit-il du point où est son corps, ou de celui où est son âme ?

« Pourquoi cette question, puisque c'est l'âme qui voit et non pas le corps ? »

437. Puisque c'est l'âme qui se transporte, comment le somnambule peut-il éprouver dans son corps les sensations de chaud ou de froid du lieu où se trouve son âme, et qui est quelquefois très loin de son corps ?

« L'âme n'a point quitté entièrement le corps ; elle y tient toujours par le lien qui l'unit à lui ; c'est ce lien qui est le conducteur des sensations. Quand deux personnes correspondent d'une ville à l'autre par l'électricité, c'est l'électricité qui est le lien entre leurs pensées ; c'est pourquoi elles se communiquent comme si elles étaient l'une à côté de l'autre. »

438. L'usage qu'un somnambule fait de sa faculté influe-t-il sur l'état de son Esprit après sa mort ?

« Beaucoup, comme l'usage bon ou mauvais de toutes les facultés que Dieu a données à l'homme. »

Extase.

439. Quelle différence y a-t-il entre l'extase et le somnambulisme ?

« C'est un somnambulisme plus épuré ; l'âme de l'extatique est encore plus indépendante. »

440. L'Esprit de l'extatique pénètre-t-il réellement dans les mondes supérieurs ?

« Oui, il les voit et comprend le bonheur de ceux qui y sont ; c'est pourquoi il voudrait y rester ; mais il est des mondes inaccessibles aux Esprits qui ne sont pas assez épurés. »

441. Lorsque l'extatique exprime le désir de quitter la terre, parle-t-il sincèrement, et n'est-il pas retenu par l'instinct de conservation ?

« Cela dépend du degré d'épuration de l'Esprit ; s'il voit sa position future meilleure que sa vie présente, il fait des efforts pour rompre les liens qui l'attachent à la terre. »

442. Si l'on abandonnait l'extatique à lui-même, son âme pourrait-elle définitivement quitter son corps ?

« Oui, il peut mourir ; c'est pourquoi il faut le rappeler par tout ce qui peut le rattacher ici-bas, et surtout en lui faisant entrevoir que s'il brisait la chaîne qui le retient ici, ce serait le vrai moyen de ne pas rester là où il voit qu'il serait heureux. »

443. Il est des choses que l'extatique prétend voir, et qui sont évidemment le produit d'une imagination frappée par les croyances et les préjugés terrestres. Tout ce qu'il voit n'est donc pas réel ?

« Ce qu'il voit est réel pour lui ; mais comme son Esprit est toujours sous l'influence des idées terrestres, il peut le voir à sa manière, ou, pour mieux dire, l'exprimer dans un langage approprié à ses préjugés et aux idées dont il a été bercé, ou aux vôtres, afin de mieux se faire comprendre ; c'est en ce sens surtout qu'il peut errer. »

444. Quel degré de confiance peut-on ajouter aux révélations des extatiques ?

« L'extatique peut très souvent se tromper, surtout quand il veut pénétrer ce qui doit rester un mystère pour l'homme, car alors il s'abandonne à ses propres idées, ou bien il est le jouet d'Esprits trompeurs qui profitent de son enthousiasme pour le fasciner. »

445. Quelles conséquences peut-on tirer des phénomènes du somnambulisme et de l'extase ? Ne seraient-ils pas une sorte d'initiation à la vie future ?

« Ou pour mieux dire, c'est la vie passée et la vie future que l'homme entrevoit. Qu'il étudie ces phénomènes, et il y trouvera la solution de plus d'un mystère que sa raison cherche inutilement à pénétrer. »

446. Les phénomènes du somnambulisme et de l'extase pourraient-ils s'accorder avec le matérialisme ?

« Celui qui les étudie de bonne foi et sans prévention ne peut être ni matérialiste, ni athée. »

Seconde vue.

447. Le phénomène désigné sous le nom de seconde vue a-t-il du rapport avec le rêve et le somnambulisme ?

« Tout cela n'est qu'une même chose ; ce que tu appelles seconde vue, c'est encore l'Esprit qui est plus libre, quoique le corps ne soit pas endormi. La seconde vue est la vue de l'âme. »

448. La seconde vue est-elle permanente ?

« La faculté, oui ; l'exercice, non. Dans les mondes moins matériels que le vôtre, les Esprits se dégagent plus facilement et entrent en communication par la seule pensée, sans exclure, toutefois, le langage articulé ; aussi la double vue y est-elle pour la plupart une faculté permanente ; leur état normal peut être comparé à celui de vos somnambules lucides, et c'est aussi la raison pour laquelle ils se manifestent à vous plus aisément que ceux qui sont incarnés dans des corps plus grossiers. »

449. La seconde vue se développe-t-elle spontanément ou à la volonté de celui qui en est doué ?

« Le plus souvent, elle est spontanée, mais souvent aussi la volonté y joue un grand rôle. Ainsi, prends pour exemple certaines gens que l'on appelle diseurs de bonne aventure et dont quelques-uns ont cette puissance, et tu verras que c'est la volonté qui les aide à entrer dans cette seconde vue, et dans ce que tu appelles vision. »

450. La seconde vue est-elle susceptible de se développer par l'exercice ?

« Oui, le travail amène toujours le progrès, et le voile qui couvre les choses s'éclaircit. »

- Cette faculté tient-elle à l'organisation physique ?

« Certes, l'organisation y joue un rôle ; il y a des organisations qui y sont rebelles. »

451. D'où vient que la seconde vue semble héréditaire dans certaines familles ?

« Similitude d'organisation qui se transmet comme les autres qualités physiques ; et puis développement de la faculté par une sorte d'éducation qui se transmet aussi de l'un à l'autre. »

452. Est-il vrai que certaines circonstances développent la seconde vue ?

« La maladie, l'approche d'un danger, une grande commotion peuvent la développer. Le corps est quelquefois dans un état particulier qui permet à l'Esprit de voir ce que vous ne pouvez voir avec les yeux du corps. »

Les temps de crise et de calamités, les grandes émotions, toutes les causes qui surexcitent le moral, provoquent quelquefois le développement de la seconde vue. Il semble que la Providence, en présence du danger, nous donne le moyen de le conjurer. Toutes les sectes et tous les partis persécutés en offrent de nombreux exemples.

453. Les personnes douées de la seconde vue en ont-elles toujours conscience ?

« Pas toujours ; c'est pour elles une chose toute naturelle, et beaucoup croient que si tout le monde s'observait, chacun devrait être de même. »

454. Pourrait-on attribuer à une sorte de seconde vue la perspicacité de certaines personnes qui, sans rien avoir d'extraordinaire, jugent les choses avec plus de précision que d'autres ?

« C'est toujours l'âme qui rayonne plus librement et qui juge mieux que sous le voile de la matière. »

- Cette faculté peut-elle, dans certains cas, donner la prescience des choses ?

« Oui ; elle donne aussi les pressentiments, car il y a plusieurs degrés dans cette faculté, et le même sujet peut avoir tous les degrés, ou n'en avoir que quelques-uns. »

Résumé théorique du somnambulisme,


de l'extase et de la seconde vue.

455. Les phénomènes du somnambulisme naturel se produisent spontanément et sont indépendants de toute cause extérieure connue ; mais chez certaines personnes douées d'une organisation spéciale, ils peuvent être provoqués artificiellement par l'action de l'agent magnétique.

L'état désigné sous le nom de somnambulisme magnétique ne diffère du somnambulisme naturel que parce que l'un est provoqué, tandis que l'autre est spontané.

Le somnambulisme naturel est un fait notoire que personne ne songe à révoquer en doute, malgré le merveilleux des phénomènes qu'il présente. Qu'a donc de plus extraordinaire ou de plus irrationnel le somnambulisme magnétique, parce qu'il est produit artificiellement, comme tant d'autres choses ? Des charlatans, dit-on, l'ont exploité ; raison de plus pour ne pas le laisser entre leurs mains. Quand la science se le sera approprié, le charlatanisme aura bien moins de crédit sur les masses ; mais en attendant, comme le somnambulisme naturel ou artificiel est un fait, et que contre un fait il n'y a pas de raisonnement possible, il s'accrédite malgré le mauvais vouloir de quelques-uns, et cela dans la science même où il entre par une multitude de petites portes au lieu de passer par la grande ; quand il y sera en plein, il faudra bien lui accorder droit de cité.

Pour le spiritisme, le somnambulisme est plus qu'un phénomène physiologique, c'est une lumière jetée sur la psychologie ; c'est là qu'on peut étudier l'âme, parce qu'elle s'y montre à découvert ; or, un des phénomènes par lesquels elle se caractérise, c'est la clairvoyance indépendante des organes ordinaires de la vue. Ceux qui contestent ce fait se fondent sur ce que le somnambule ne voit pas toujours, et à la volonté de l'expérimentateur, comme avec les yeux. Faut-il s'étonner que les moyens étant différents, les effets ne soient plus les mêmes ? Est-il rationnel de demander des effets identiques quand l'instrument n'existe plus ? L'âme a ses propriétés comme l'oeil a les siennes ; il faut les juger en elles-mêmes, et non par analogie.

La cause de la clairvoyance du somnambule magnétique et du somnambule naturel est identiquement la même : c'est un attribut de l'âme, une faculté inhérente à toutes les parties de l'être incorporel qui est en nous, et qui n'a de limites que celles qui sont assignées à l'âme elle-même. Il voit partout où son âme peut se transporter, quelle que soit la distance.

Dans la vue à distance, le somnambule ne voit pas les choses du point où est son corps, et comme par un effet télescopique. Il les voit présentes et comme s'il était sur le lieu où elles existent, parce que son âme y est en réalité ; c'est pourquoi son corps est comme anéanti et semble privé de sentiment, jusqu'au moment où l'âme vient en reprendre possession. Cette séparation partielle de l'âme et du corps est un état anormal qui peut avoir une durée plus ou moins longue, mais non indéfinie ; c'est la cause de la fatigue que le corps éprouve après un certain temps, surtout quand l'âme se livre à un travail actif.

La vue de l'âme ou de l'Esprit n'étant pas circonscrite et n'ayant pas de siège déterminé, c'est ce qui explique pourquoi les somnambules ne peuvent lui assigner d'organe spécial ; ils voient parce qu'ils voient, sans savoir ni pourquoi ni comment, la vue n'ayant pas de foyer propre pour eux comme Esprit. S'ils se reportent à leur corps, ce foyer leur semble être dans les centres où l'activité vitale est la plus grande, principalement au cerveau, dans la région épigastrique, ou dans l'organe qui, pour eux, est le point de liaison le plus tenace entre l'Esprit et le corps.

La puissance de la lucidité somnambulique n'est point indéfinie. L'Esprit, même complètement libre, est borné dans ses facultés et dans ses connaissances selon le degré de perfection auquel il est parvenu ; il l'est plus encore quand il est lié à la matière dont il subit l'influence. Telle est la cause pour laquelle la clairvoyance somnambulique n'est ni universelle, ni infaillible. On peut d'autant moins compter sur son infaillibilité qu'on la détourne du but que s'est proposé la nature, et qu'on en fait un objet de curiosité et d'expérimentation.

Dans l'état de dégagement où se trouve l'Esprit du somnambule, il entre en communication plus facile avec les autres Esprits incarnés ou non incarnés ; cette communication s'établit par le contact des fluides qui composent les périsprits et servent de transmission à la pensée comme le fil électrique. Le somnambule n'a donc pas besoin que la pensée soit articulée par la parole : il la sent et la devine ; c'est ce qui le rend éminemment impressionnable et accessible aux influences de l'atmosphère morale dans laquelle il se trouve placé. C'est aussi pourquoi un concours nombreux de spectateurs, et surtout de curieux plus ou moins malveillants, nuit essentiellement au développement de ses facultés qui se replient pour ainsi dire sur elles-mêmes, et ne se déploient en toute liberté que dans l'intimité et dans un milieu sympathique. La présence de personnes malveillantes ou antipathiques produit sur lui l'effet du contact de la main sur la sensitive.

Le somnambule voit à la fois son propre Esprit et son corps ; ce sont, pour ainsi dire, deux êtres qui lui représentent la double existence spirituelle et corporelle, et pourtant se confondent par les liens qui les unissent. Le somnambule ne se rend pas toujours compte de cette situation, et cette dualité fait que souvent il parle de lui comme s'il parlait d'une personne étrangère ; c'est que tantôt c'est l'être corporel qui parle à l'être spirituel, tantôt c'est l'être spirituel qui parle à l'être corporel.

L'Esprit acquiert un surcroît de connaissance et d'expérience à chacune de ses existences corporelles. Il les oublie en partie pendant son incarnation dans une matière trop grossière, mais il s'en souvient comme Esprit. C'est ainsi que certains somnambules révèlent des connaissances supérieures au degré de leur instruction et même de leurs capacités intellectuelles apparentes. L'infériorité intellectuelle et scientifique du somnambule à l'état de veille ne préjuge donc rien sur les connaissances qu'il peut révéler à l'état lucide. Selon les circonstances et le but qu'on se propose, il peut les puiser dans sa propre expérience, dans la clairvoyance des choses présentes, ou dans les conseils qu'il reçoit d'autres Esprits ; mais comme son propre Esprit peut être plus ou moins avancé, il peut dire des choses plus ou moins justes.

Par les phénomènes du somnambulisme, soit naturel, soit magnétique, la Providence nous donne la preuve irrécusable de l'existence et de l'indépendance de l'âme, et nous fait assister au spectacle sublime de son émancipation ; par là elle nous ouvre le livre de notre destinée. Lorsque le somnambule décrit ce qui se passe à distance, il est évident qu'il le voit, et cela non pas par les yeux du corps ; il s'y voit lui-même, et s'y sent transporté ; il y a donc là-bas quelque chose de lui, et ce quelque chose, n'étant pas son corps, ne peut être que son âme ou son Esprit. Tandis que l'homme s'égare dans les subtilités d'une métaphysique abstraite et inintelligible pour courir à la recherche des causes de notre existence morale, Dieu met journellement sous ses yeux et sous sa main les moyens les plus simples et les plus patents pour l'étude de la psychologie expérimentale.

L'extase est l'état dans lequel l'indépendance de l'âme et du corps se manifeste de la manière la plus sensible et devient en quelque sorte palpable.

Dans le rêve et le somnambulisme, l'âme erre dans les mondes terrestres ; dans l'extase, elle pénètre dans un monde inconnu, dans celui des Esprits éthérés avec lesquels elle entre en communication, sans toutefois pouvoir dépasser certaines limites qu'elle ne saurait franchir sans briser totalement les liens qui l'attachent au corps. Un état resplendissant tout nouveau l'environne, des harmonies inconnues sur la terre la ravissent, un bien-être indéfinissable la pénètre : elle jouit par anticipation de la béatitude céleste, et l'on peut dire qu'elle pose un pied sur le seuil de l'éternité.

Dans l'état d'extase, l'anéantissement du corps est presque complet ; il n'a plus, pour ainsi dire, que la vie organique, et l'on sent que l'âme n'y tient plus que par un fil qu'un effort de plus ferait rompre sans retour.

Dans cet état, toutes les pensées terrestres disparaissent pour faire place au sentiment épuré qui est l'essence même de notre être immatériel. Tout entier à cette contemplation sublime, l'extatique n'envisage la vie que comme une halte momentanée ; pour lui les biens et les maux, les joies grossières et les misères d'ici-bas ne sont que les incidents futiles d'un voyage dont il est heureux de voir le terme.

Il en est des extatiques comme des somnambules : leur lucidité peut être plus ou moins parfaite, et leur propre Esprit, selon qu'il est plus ou moins élevé, est aussi plus ou moins apte à connaître et à comprendre les choses. Il y a quelquefois chez eux plus d'exaltation que de véritable lucidité, ou, pour mieux dire, leur exaltation nuit à leur lucidité ; c'est pourquoi leurs révélations sont souvent un mélange de vérités et d'erreurs, de choses sublimes et de choses absurdes ou même ridicules. Des Esprits inférieurs profitent souvent de cette exaltation, qui est toujours une cause de faiblesse quand on ne sait pas la maîtriser, pour dominer l'extatique, et à cet effet, ils revêtent à ses yeux des apparences qui l'entretiennent dans ses idées ou préjugés de la veille. C'est là un écueil, mais tous ne sont pas de même ; c'est à nous de juger froidement, et de peser leurs révélations dans la balance de la raison.

L'émancipation de l'âme se manifeste quelquefois à l'état de veille et produit le phénomène désigné sous le nom de seconde vue qui donne à ceux qui en sont doués la faculté de voir, d'entendre et de sentir au-delà des limites de nos sens. Ils perçoivent les choses absentes partout où l'âme étend son action ; ils les voient pour ainsi dire à travers la vue ordinaire et comme par une sorte de mirage.

Dans le moment où se produit le phénomène de la seconde vue, l'état physique est sensiblement modifié ; l'oeil a quelque chose de vague : il regarde sans voir ; toute la physionomie reflète une sorte d'exaltation. On constate que les organes de la vue y sont étrangers, en ce que la vision persiste, malgré l'occlusion des yeux.

Cette faculté paraît à ceux qui en jouissent naturelle comme celle de voir ; c'est pour eux un attribut de leur être qui ne leur semble pas faire exception. L'oubli suit le plus souvent cette lucidité passagère dont le souvenir, de plus en plus vague, finit par disparaître comme celui d'un songe.

La puissance de la seconde vue varie depuis la sensation confuse jusqu'à la perception claire et nette des choses présentes ou absentes. A l'état rudimentaire, elle donne à certaines gens le tact, la perspicacité, une sorte de sûreté dans leurs actes qu'on peut appeler la justesse du coup d'oeil moral. Plus développée, elle éveille les pressentiments ; plus développée encore, elle montre les événements accomplis ou sur le point de s'accomplir.

Le somnambulisme naturel et artificiel, l'extase et la seconde vue ne sont que des variétés ou modifications d'une même cause ; ces phénomènes, de même que les rêves, sont dans la nature ; c'est pourquoi ils ont existé de tout temps ; l'histoire nous montre qu'ils ont été connus, et même exploités dès la plus haute antiquité, et l'on y trouve l'explication d'une foule de faits que les préjugés ont fait regarder comme surnaturels.


CHAPITRE IX


-


INTERVENTION DES ESPRITS


DANS LE MONDE CORPOREL

1. Pénétration de notre pensée par les Esprits. - 2. Influence occulte des Esprits sur nos pensées et sur nos actions. - 3. Des possédés. - 4. Convulsionnaires. - 5. Affection des Esprits pour certaines personnes. - 6. Anges gardiens ; Esprits protecteurs, familiers ou sympathiques. - 7. Influence des Esprits sur les événements de la vie. - 8. Action des Esprits sur les phénomènes de la nature. - 9. Les Esprits pendant les combats. - 10. Des pactes. - 11. Pouvoir occulte. Talismans. Sorciers. - 12. Bénédiction et malédiction.

Pénétration de notre pensée par les Esprits.

456. Les Esprits voient-ils tout ce que nous faisons ?

« Ils peuvent le voir, puisque vous en êtes sans cesse entourés ; mais chacun ne voit que les choses sur lesquelles il porte son attention ; car pour celles qui lui sont indifférentes, il ne s'en occupe pas. »

457. Les Esprits peuvent-ils connaître nos plus secrètes pensées ?

« Souvent, ils connaissent ce que vous voudriez vous cacher à vous-mêmes ; ni actes, ni pensées ne peuvent leur être dissimulés. »

- D'après cela, il semblerait plus facile de cacher une chose à une personne vivante, que nous ne pouvons le faire à cette même personne après sa mort ?

« Certainement, et quand vous vous croyez bien cachés, vous avez souvent une foule d'Esprits à côté de vous qui vous voient.

458. Que pensent de nous les Esprits qui sont autour de nous et qui nous observent ?

« Cela dépend. Les Esprits follets se rient des petites tracasseries qu'ils vous suscitent et se moquent de vos impatiences. Les Esprits sérieux vous plaignent de vos travers et tâchent de vous aider. »

Influence occulte des Esprits sur nos pensées et sur nos actions.

459. Les Esprits influent-ils sur nos pensées et sur nos actions ?

« Sous ce rapport leur influence est plus grande que vous ne croyez, car bien souvent ce sont eux qui vous dirigent. »

460. Avons-nous des pensées qui nous sont propres, et d'autres qui nous sont suggérées ?

« Votre âme est un Esprit qui pense ; vous n'ignorez pas que plusieurs pensées vous arrivent à la fois sur un même sujet, et souvent bien contraires les unes aux autres ; eh bien ! il y en a toujours de vous et de nous ; c'est ce qui vous met dans l'incertitude, parce que vous avez en vous deux idées qui se combattent. »

461. Comment distinguer les pensées qui nous sont propres de celles qui nous sont suggérées ?

« Lorsqu'une pensée est suggérée, c'est comme une voix qui vous parle. Les pensées propres sont en général celles du premier mouvement. Du reste, il n'y a pas un grand intérêt pour vous dans cette distinction, et il est souvent utile de ne pas le savoir : l'homme agit plus librement ; s'il se décide pour le bien, il le fait plus volontiers ; s'il prend le mauvais chemin, il n'en a que plus de responsabilité. »

462. Les hommes d'intelligence et de génie puisent-ils toujours leurs idées dans leur propre fonds ?

« Quelquefois, les idées viennent de leur propre Esprit, mais souvent elles leur sont suggérées par d'autres Esprits qui les jugent capables de les comprendre et dignes de les transmettre. Quand ils ne les trouvent pas en eux, ils font appel à l'inspiration ; c'est une évocation qu'ils font sans s'en douter. »

S'il eût été utile que nous puissions distinguer clairement nos pensées propres de celles qui nous sont suggérées, Dieu nous en eût donné le moyen, comme il nous donne celui de distinguer le jour et la nuit. Quand une chose est dans le vague, c'est que cela doit être pour le bien.

463. On dit quelquefois que le premier mouvement est toujours bon ; cela est-il exact ?

« Il peut être bon ou mauvais selon la nature de l'Esprit incarné. Il est toujours bon chez celui qui écoute les bonnes inspirations. »

464. Comment distinguer si une pensée suggérée vient d'un bon ou d'un mauvais Esprit ?

« Etudiez la chose ; les bons Esprits ne conseillent que le bien ; c'est à vous de distinguer. »

465. Dans quel but les Esprits imparfaits nous poussent-ils au mal ?

« Pour vous faire souffrir comme eux. »

- Cela diminue-t-il leurs souffrances ?

« Non, mais ils le font par jalousie de voir des êtres plus heureux. »

- Quelle nature de souffrance veulent-ils faire éprouver ?

« Celles qui résultent d'être d'un ordre inférieur et éloigné de Dieu. »

466. Pourquoi Dieu permet-il que des Esprits nous excitent au mal ?

« Les Esprits imparfaits sont des instruments destinés à éprouver la foi et la constance des hommes dans le bien. Toi, étant Esprit, tu dois progresser dans la science de l'infini, c'est pour cela que tu passes par les épreuves du mal pour arriver au bien. Notre mission est de te mettre dans le bon chemin, et quand de mauvaises influences agissent sur toi, c'est que tu les appelles par le désir du mal, car les Esprits inférieurs viennent à ton aide dans le mal quand tu as la volonté de le commettre ; ils ne peuvent t'aider dans le mal que quand tu veux le mal. Si tu es enclin au meurtre, eh bien ! tu auras une nuée d'Esprits qui entretiendront cette pensée en toi ; mais aussi tu en as d'autres qui tâcheront de t'influencer en bien, ce qui fait que cela rétablit la balance et te laisse le maître. »

C'est ainsi que Dieu laisse à notre conscience le choix de la route que nous devons suivre, et la liberté de céder à l'une ou à l'autre des influences contraires qui s'exercent sur nous.

467. Peut-on s'affranchir de l'influence des Esprits qui sollicitent au mal ?

« Oui, car ils ne s'attachent qu'à ceux qui les sollicitent par leurs désirs ou les attirent par leurs pensées. »

468. Les Esprits dont l'influence est repoussée par la volonté renoncent-ils à leurs tentatives ?

« Que veux-tu qu'ils fassent ? Quand il n'y a rien à faire, ils cèdent la place ; cependant, ils guettent le moment favorable, comme le chat guette la souris. »

469. Par quel moyen peut-on neutraliser l'influence des mauvais Esprits ?

« En faisant le bien, et en mettant toute votre confiance en Dieu, vous repoussez l'influence des Esprits inférieurs et vous détruisez l'empire qu'ils voulaient prendre sur vous. Gardez-vous d'écouter les suggestions des Esprits qui suscitent en vous de mauvaises pensées, qui soufflent la discorde entre vous, et qui excitent en vous toutes les mauvaises passions. Défiez-vous surtout de ceux qui exaltent votre orgueil, car ils vous prennent par votre faible. Voilà pourquoi Jésus vous fait dire dans l'oraison dominicale : Seigneur ! ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. »

470. Les Esprits qui cherchent à nous induire au mal, et qui mettent ainsi à l'épreuve notre fermeté dans le bien, ont-ils reçu mission de le faire, et si c'est une mission qu'ils accomplissent en ont-ils la responsabilité ?

« Nul Esprit ne reçoit la mission de faire le mal ; quand il le fait, c'est de sa propre volonté, et par conséquent il en subit les conséquences. Dieu peut le lui laisser faire pour vous éprouver, mais il ne le lui commande pas, et c'est à vous de le repousser. »

471. Lorsque nous éprouvons un sentiment d'angoisse, d'anxiété indéfinissable ou de satisfaction intérieure sans cause connue, cela tient-il uniquement à une disposition physique ?

« C'est presque toujours un effet des communications que vous avez à votre insu avec les Esprits, ou que vous avez eues avec eux pendant le sommeil. »

472. Les Esprits qui veulent nous exciter au mal ne font-ils que profiter des circonstances où nous nous trouvons, ou peuvent-ils faire naître ces circonstances ?

« Ils profitent de la circonstance, mais souvent ils la provoquent en vous poussant à votre insu vers l'objet de votre convoitise. Ainsi, par exemple, un homme trouve sur son chemin une somme d'argent : ne crois pas que ce sont les Esprits qui ont apporté l'argent en cet endroit, mais ils peuvent donner à l'homme la pensée de se diriger de ce côté, et alors la pensée lui est suggérée par eux de s'en emparer, tandis que d'autres lui suggèrent celle de rendre cet argent à celui à qui il appartient. Il en est de même de toutes les autres tentations. »

Possédés.

473. Un Esprit peut-il momentanément revêtir l'enveloppe d'une personne vivante, c'est-à-dire s'introduire dans un corps animé et agir au lieu et place de celui qui s'y trouve incarné ?

« L'Esprit n'entre pas dans un corps comme tu entres dans une maison ; il s'assimile avec un Esprit incarné qui a les mêmes défauts et les mêmes qualités pour agir conjointement ; mais c'est toujours l'Esprit incarné qui agit comme il veut sur la matière dont il est revêtu. Un Esprit ne peut se substituer à celui qui est incarné, car l'Esprit et le corps sont liés jusqu'au temps marqué pour le terme de l'existence matérielle. »

474. S'il n'y a pas possession proprement dite, c'est-à-dire cohabitation de deux Esprits dans le même corps, l'âme peut-elle se trouver dans la dépendance d'un autre Esprit, de manière à en être subjuguée ou obsédée, au point que sa volonté en soit en quelque sorte paralysée ?

« Oui, et ce sont là les vrais possédés ; mais sache bien que cette domination ne se fait jamais sans la participation de celui qui la subit, soit par sa faiblesse, soit par son désir. On a souvent pris pour des possédés des épileptiques ou des fous qui avaient plus besoin de médecin que d'exorcisme. »

Le mot possédé, dans son acception vulgaire, suppose l'existence de démons, c'est-à-dire d'une catégorie d'êtres de mauvaise nature, et la cohabitation de l'un de ces êtres avec l'âme dans le corps d'un individu. Puisqu'il n'y a pas de démons dans ce sens, et que deux Esprits ne peuvent habiter simultanément le même corps, il n'y a pas de possédés selon l'idée attachée à ce mot. Le mot possédé ne doit s'entendre que de la dépendance absolue où l'âme peut se trouver à l'égard d'Esprits imparfaits qui la subjuguent.

475. Peut-on soi-même éloigner les mauvais Esprits et s'affranchir de leur domination ?

« On peut toujours secouer un joug quand on en a la ferme volonté. »

476. Ne peut-il arriver que la fascination exercée par le mauvais Esprit soit telle que la personne subjuguée ne s'en aperçoive pas ; alors, une tierce personne peut-elle faire cesser la sujétion, et dans ce cas, quelle condition doit-elle remplir ?

« Si c'est un homme de bien, sa volonté peut aider en appelant le concours des bons Esprits, car plus on est homme de bien, plus on a de pouvoir sur les Esprits imparfaits pour les éloigner et sur les bons pour les attirer. Cependant, il serait impuissant si celui qui est subjugué ne s'y prête pas ; il y a des gens qui se plaisent dans une dépendance qui flatte leurs goûts et leurs désirs. Dans tous les cas, celui dont le coeur n'est pas pur ne peut avoir aucune influence ; les bons Esprits le méprisent, et les mauvais ne le craignent pas. »

477. Les formules d'exorcisme ont-elles quelque efficacité sur les mauvais Esprits ?

« Non ; quand ces Esprits voient quelqu'un prendre la chose au sérieux, ils en rient et s'obstinent. »

478. Il y a des personnes animées de bonnes intentions et qui n'en sont pas moins obsédées ; quel est le meilleur moyen de se délivrer des Esprits obsesseurs ?

« Lasser leur patience, ne tenir aucun compte de leurs suggestions, leur montrer qu'ils perdent leur temps ; alors, quand ils voient qu'ils n'ont rien à faire, ils s'en vont. »

479. La prière est-elle un moyen efficace pour guérir de l'obsession ?

« La prière est d'un puissant secours en tout ; mais croyez bien qu'il ne suffit pas de murmurer quelques paroles pour obtenir ce qu'on désire. Dieu assiste ceux qui agissent, et non ceux qui se bornent à demander. Il faut donc que l'obsédé fasse de son côté ce qui est nécessaire pour détruire en lui-même la cause qui attire les mauvais Esprits. »

480. Que faut-il penser de l'expulsion des démons dont il est parlé dans l'Evangile ?

« Cela dépend de l'interprétation. Si vous appelez démon un mauvais Esprit qui subjugue un individu, quand son influence sera détruite, il sera véritablement chassé. Si vous attribuez une maladie au démon, quand vous aurez guéri la maladie, vous direz aussi que vous avez chassé le démon. Une chose peut être vraie ou fausse suivant le sens qu'on attache aux mots. Les plus grandes vérités peuvent paraître absurdes quand on ne regarde que la forme, et quand on prend l'allégorie pour la réalité. Comprenez bien ceci, et retenez-le ; c'est d'une application générale. »

Convulsionnaires.

481. Les Esprits jouent-ils un rôle dans les phénomènes qui se produisent chez les individus désignés sous le nom de convulsionnaires ?

« Oui, un très grand, ainsi que le magnétisme qui en est la première source ; mais le charlatanisme a souvent exploité et exagéré ces effets, ce qui les a fait tourner en ridicule. »

- De quelle nature sont, en général, les Esprits qui concourent à ces sortes de phénomènes ?

« Peu élevée ; croyez-vous que des Esprits supérieurs s'amusent à de pareilles choses ? »

482. Comment l'état anormal des convulsionnaires et des crisiaques peut-il se développer subitement dans toute une population ?

« Effet sympathique ; les dispositions morales se communiquent très facilement dans certains cas ; vous n'êtes pas assez étranger aux effets magnétiques pour ne pas comprendre cela et la part que certains Esprits doivent y prendre par sympathie pour ceux qui les provoquent. »

Parmi les facultés étranges que l'on remarque chez les convulsionnaires, on en reconnaît sans peine dont le somnambulisme et le magnétisme offrent de nombreux exemples : telles sont, entre autres, l'insensibilité physique, la connaissance de la pensée, la transmission sympathique des douleurs, etc.. On ne peut donc douter que ces crisiaques ne soient dans une sorte d'état de somnambulisme éveillé, provoqué par l'influence qu'ils exercent les uns sur les autres. Ils sont à la fois magnétiseurs et magnétisés à leur insu.

483. Quelle est la cause de l'insensibilité physique que l'on remarque soit chez certains convulsionnaires, soit chez d'autres individus soumis aux tortures les plus atroces ?

« Chez quelques-uns c'est un effet exclusivement magnétique qui agit sur le système nerveux de la même manière que certaines substances. Chez d'autres, l'exaltation de la pensée émousse la sensibilité parce que la vie semble s'être retirée du corps pour se porter dans l'Esprit. Ne savez-vous pas que lorsque l'Esprit est fortement préoccupé d'une chose, le corps ne sent, ne voit et n'entend rien ?

L'exaltation fanatique et l'enthousiasme offrent souvent, dans les supplices, l'exemple d'un calme et d'un sang-froid qui ne sauraient triompher d'une douleur aiguë, si l'on n'admettait que la sensibilité se trouve neutralisée par une sorte d'effet anesthésique. On sait que dans la chaleur du combat on ne s'aperçoit souvent pas d'une blessure grave, tandis que, dans les circonstances ordinaires, une égratignure ferait tressaillir.

Puisque ces phénomènes dépendent d'une cause physique et de l'action de certains Esprits, on peut se demander comment il a pu dépendre de l'autorité de les faire cesser dans certains cas. La raison en est simple. L'action des Esprits n'est ici que secondaire ; ils ne font que profiter d'une disposition naturelle. L'autorité n'a pas supprimé cette disposition, mais la cause qui l'entretenait et l'exaltait ; d'active, elle l'a rendue latente, et elle a eu raison d'agir ainsi, parce qu'il en résultait abus et scandale. On sait, du reste, que cette intervention est impuissante quand l'action des Esprits est directe et spontanée.

Affection des Esprits pour certaines personnes.

484. Les Esprits affectionnent-ils de préférence certaines personnes ?

« Les bons Esprits sympathisent avec les hommes de bien, ou susceptibles de s'améliorer ; les Esprits inférieurs avec les hommes vicieux ou qui peuvent le devenir ; de là leur attachement, suite de la ressemblance des sensations. »

485. L'affection des Esprits pour certaines personnes est-elle exclusivement morale ?

« L'affection véritable n'a rien de charnel ; mais lorsqu'un Esprit s'attache à une personne, ce n'est pas toujours par affection, et il peut s'y mêler un souvenir des passions humaines. »

486. Les Esprits s'intéressent-ils à nos malheurs et à notre prospérité ? Ceux qui nous veulent du bien s'affligent-ils des maux que nous éprouvons pendant la vie ?

« Les bons Esprits font autant de bien que possible et sont heureux de toutes vos joies. Ils s'affligent de vos maux lorsque vous ne les supportez pas avec résignation, parce que ces maux sont sans résultat pour vous ; car alors vous êtes comme le malade qui rejette le breuvage amer qui doit le guérir. »

487. De quelle nature de mal les Esprits s'affligent-ils le plus pour nous ; est-ce le mal physique ou le mal moral ?

« Votre égoïsme et votre dureté de coeur : de là dérive tout ; ils se rient de tous ces maux imaginaires qui naissent de l'orgueil et de l'ambition ; ils se réjouissent de ceux qui ont pour effet d'abréger votre temps d'épreuve. »

Les Esprits, sachant que la vie corporelle n'est que transitoire et que les tribulations qui l'accompagnent sont des moyens d'arriver à un état meilleur, s'affligent plus pour nous des causes morales qui nous en éloignent que des maux physiques qui ne sont que passagers.

Les Esprits prennent peu de souci des malheurs qui n'affectent que nos idées mondaines, comme nous faisons des chagrins puérils de l'enfance.

L'Esprit, qui voit dans les afflictions de la vie un moyen d'avancement pour nous, les considère comme la crise momentanée qui doit sauver le malade. Il compatit à nos souffrances comme nous compatissons à celles d'un ami ; mais voyant les choses à un point de vue plus juste, il les apprécie autrement que nous, et tandis que les bons relèvent notre courage dans l'intérêt de notre avenir, les autres nous excitent au désespoir en vue de le compromettre.

488. Nos parents et nos amis qui nous ont précédés dans l'autre vie ont-ils pour nous plus de sympathie que les Esprits qui nous sont étrangers ?

« Sans doute et souvent ils vous protègent comme Esprits, selon leur pouvoir. »

- Sont-ils sensibles à l'affection que nous leur conservons ?

« Très sensibles, mais ils oublient ceux qui les oublient. »

Anges gardiens ; Esprits protecteurs, familiers ou sympathiques.

489. Y a-t-il des Esprits qui s'attachent à un individu en particulier pour le protéger ?

« Oui, le frère spirituel ; c'est ce que vous appelez le bon Esprit ou le bon génie. »

490. Que doit-on entendre par ange gardien ?

« L'Esprit protecteur d'un ordre élevé. »

491. Quelle est la mission de l'Esprit protecteur ?

« Celle d'un père sur ses enfants ; conduire son protégé dans la bonne voie, l'aider de ses conseils, le consoler de ses afflictions, soutenir son courage dans les épreuves de la vie. »

492. L'Esprit protecteur est-il attaché à l'individu depuis sa naissance ?

« Depuis la naissance jusqu'à la mort, et souvent il le suit après la mort dans la vie spirite, et même dans plusieurs existences corporelles, car ces existences ne sont que des phases bien courtes par rapport à la vie de l'Esprit. »

493. La mission de l'Esprit protecteur est-elle volontaire ou obligatoire ?

« L'Esprit est obligé de veiller sur vous parce qu'il a accepté cette tâche, mais il a le choix des êtres qui lui sont sympathiques. Pour les uns c'est un plaisir, pour d'autres une mission ou un devoir. »

- En s'attachant à une personne, l'Esprit renonce-t-il à protéger d'autres individus ?

« Non, mais il le fait moins exclusivement. »

494. L'Esprit protecteur est-il fatalement attaché à l'être confié à sa garde ?

« Il arrive souvent que certains Esprits quittent leur position pour remplir diverses missions ; mais alors l'échange se fait. »

495. L'Esprit protecteur abandonne-t-il quelquefois son protégé quand celui-ci est rebelle à ses avis ?

« Il s'éloigne quand il voit ses conseils inutiles, et que la volonté de subir l'influence des Esprits inférieurs est plus forte ; mais il ne l'abandonne point complètement et se fait toujours entendre ; c'est alors l'homme qui ferme les oreilles. Il revient dès qu'on l'appelle.

Il est une doctrine qui devrait convertir les plus incrédules par son charme et par sa douceur : celle des anges gardiens. Penser qu'on a toujours près de soi des êtres qui vous sont supérieurs, qui sont toujours là pour vous conseiller, vous soutenir, pour vous aider à gravir l'âpre montagne du bien, qui sont des amis plus sûrs et plus dévoués que les plus intimes liaisons que l'on puisse contracter sur cette terre, n'est-ce pas une idée bien consolante ? Ces êtres sont là par l'ordre de Dieu ; c'est lui qui les a mis près de vous, ils sont là pour l'amour de lui, et ils accomplissent auprès de vous une belle mais pénible mission. Oui, quelque part que vous soyez, il sera avec vous : les cachots, les hôpitaux, les lieux de débauche, la solitude, rien ne vous sépare de cet ami que vous ne pouvez voir, mais dont votre âme sent les plus douces impulsions et entend les sages conseils.

Que ne connaissez-vous mieux cette vérité ! Combien de fois elle vous aiderait dans les moments de crise ; combien de fois elle vous sauverait des mauvais Esprits ! Mais au grand jour, cet ange de bien aura souvent à vous dire : « Ne t'ai-je pas dit cela, et tu ne l'as pas fait ; ne t'ai-je pas montré l'abîme, et tu t'y es précipité ; ne t'ai-je pas fait entendre dans ta conscience la voix de la vérité, et n'as-tu pas suivi les conseils du mensonge ? » Ah ! questionnez vos anges gardiens ; établissez entre eux et vous cette tendre intimité qui règne entre les meilleurs amis. Ne pensez pas à leur rien cacher, car ils ont l'oeil de Dieu, et vous ne pouvez les tromper. Songez à l'avenir ; cherchez à avancer dans cette vie, vos épreuves en seront plus courtes, vos existences plus heureuses. Allons ! hommes, du courage ; rejetez loin de vous, une fois pour toutes, préjugés et arrière-pensées ; entrez dans la nouvelle voie qui s'ouvre devant vous ; marchez ! marchez ! vous avez des guides, suivez-les : le but ne peut vous manquer, car ce but, c'est Dieu lui-même.

A ceux qui penseraient qu'il est impossible à des Esprits vraiment élevés de s'astreindre à une tâche si laborieuse et de tous les instants, nous dirons que nous influençons vos âmes tout en étant à plusieurs millions de lieues de vous : pour nous l'espace n'est rien, et tout en vivant dans un autre monde, nos Esprits conservent leur liaison avec le vôtre. Nous jouissons de qualités que vous ne pouvez comprendre, mais soyez sûrs que Dieu ne nous a pas imposé une tâche au-dessus de nos forces, et qu'il ne vous a pas abandonnés seuls sur la terre sans amis et sans soutiens. Chaque ange gardien a son protégé sur lequel il veille, comme un père veille sur son enfant ; il est heureux quand il le voit dans le bon chemin ; il gémit quand ses conseils sont méconnus.

Ne craignez pas de nous fatiguer de vos questions ; soyez, au contraire, toujours en rapport avec nous : vous serez plus forts et plus heureux. Ce sont ces communications de chaque homme avec son Esprit familier qui font tous les hommes médiums, médiums ignorés aujourd'hui, mais qui se manifesteront plus tard, et qui se répandront comme un océan sans bornes pour refouler l'incrédulité et l'ignorance. Hommes instruits, instruisez ; hommes de talents, élevez vos frères. Vous ne savez pas quelle oeuvre vous accomplissez ainsi : c'est celle du Christ, celle que Dieu vous impose. Pourquoi Dieu vous a-t-il donné l'intelligence et la science, si ce n'est pour en faire part à vos frères, pour les avancer dans la voie du bonheur et de la félicité éternelle ? »

SAINT LOUIS, SAINT AUGUSTIN.

La doctrine des anges gardiens, veillant sur leurs protégés malgré la distance qui sépare les mondes, n'a rien qui doive surprendre ; elle est au contraire grande et sublime. Ne voyons-nous pas sur la terre un père veiller sur son enfant, quoiqu'il en soit éloigné, l'aider de ses conseils par correspondance ? Qu'y aurait-il donc d'étonnant à ce que les Esprits pussent guider ceux qu'ils prennent sous leur protection, d'un monde à l'autre, puisque pour eux la distance qui sépare les mondes est moindre que celle qui, sur la terre sépare les continents ? N'ont-ils pas en outre le fluide universel qui relie tous les mondes et les rend solidaires ; véhicule immense de la transmission des pensées, comme l'air est pour nous le véhicule de la transmission du son ?

496. L'Esprit qui abandonne son protégé, ne lui faisant plus de bien, peut-il lui faire du mal ?

« Les bons Esprits ne font jamais de mal ; ils le laissent faire à ceux qui prennent leur place ; alors vous accusez le sort des malheurs qui vous accablent, tandis que c'est votre faute. »

497. L'Esprit protecteur peut-il laisser son protégé à la merci d'un Esprit qui pourrait lui vouloir du mal ?

« Il y a union des mauvais Esprits pour neutraliser l'action des bons ; mais si le protégé le veut, il rendra toute force à son bon Esprit. Le bon Esprit trouve peut-être une bonne volonté à aider ailleurs ; il en profite en attendant son retour auprès de son protégé. »

498. Quand l'Esprit protecteur laisse son protégé se fourvoyer dans la vie, est-ce impuissance de sa part à lutter contre d'autres Esprits malveillants ?

« Ce n'est pas parce qu'il ne peut pas, mais parce qu'il ne veut pas ; son protégé sort des épreuves plus parfait et plus instruit ; il l'assiste de ses conseils par les bonnes pensées qu'il lui suggère, mais qui malheureusement ne sont pas toujours écoutées. Ce n'est que la faiblesse, l'insouciance ou l'orgueil de l'homme qui donne de la force aux mauvais Esprits ; leur puissance sur vous ne vient que de ce que vous ne leur opposez pas de résistance. »

499. L'Esprit protecteur est-il constamment avec son protégé ? N'y a-t-il aucune circonstance où, sans l'abandonner, il le perde de vue ?

« Il est des circonstances où la présence de l'Esprit protecteur n'est pas nécessaire auprès de son protégé. »

500. Arrive-t-il un moment où l'Esprit n'a plus besoin d'ange gardien ?

« Oui, quand il est arrivé au degré de pouvoir se conduire lui-même, comme il arrive un moment où l'écolier n'a plus besoin de maître ; mais ce n'est pas sur votre terre. »

501. Pourquoi l'action des Esprits sur notre existence est-elle occulte, et pourquoi, lorsqu'ils nous protègent, ne le font-ils pas d'une manière ostensible ?

« Si vous comptiez sur leur appui, vous n'agiriez pas par vous-même, et votre Esprit ne progresserait pas. Pour qu'il puisse avancer, il lui faut de l'expérience, et il faut souvent qu'il l'acquière à ses dépens ; il faut qu'il exerce ses forces, sans cela il serait comme un enfant qu'on ne laisse pas marcher seul. L'action des Esprits qui vous veulent du bien est toujours réglée de manière à vous laisser votre libre arbitre, car si vous n'aviez pas de responsabilité, vous n'avanceriez pas dans la voie qui doit vous conduire vers Dieu. L'homme, ne voyant pas son soutien, se livre à ses propres forces ; son guide, cependant, veille sur lui, et de temps en temps lui crie de se méfier du danger. »

502. L'Esprit protecteur qui réussit à amener son protégé dans la bonne voie en éprouve-t-il un bien quelconque pour lui-même ?

« C'est un mérite dont il lui est tenu compte, soit pour son propre avancement, soit pour son bonheur. Il est heureux quand il voit ses soins couronnés de succès ; il en triomphe comme un précepteur triomphe des succès de son élève. »

- Est-il responsable, s'il ne réussit pas ?

« Non, puisqu'il a fait ce qui dépendait de lui. »

503. L'Esprit protecteur qui voit son protégé suivre une mauvaise route malgré ses avis, en éprouve-t-il de la peine, et n'est-ce pas pour lui une cause de trouble pour sa félicité ?

« Il gémit de ses erreurs, et le plaint ; mais cette affliction n'a pas les angoisses de la paternité terrestre, parce qu'il sait qu'il y a remède au mal, et que ce qui ne se fait pas aujourd'hui se fera demain. »

504. Pouvons-nous toujours savoir le nom de notre Esprit protecteur ou ange gardien ?

« Comment voulez-vous savoir des noms qui n'existent pas pour vous ? Croyez-vous donc qu'il n'y ait parmi les Esprits que ceux que vous connaissez ? »

- Comment alors l'invoquer si on ne le connaît pas ?

« Donnez-lui le nom que vous voudrez, celui d'un Esprit supérieur pour qui vous avez de la sympathie ou de la vénération ; votre Esprit protecteur viendra à cet appel ; car tous les bons Esprits sont frères et s'assistent entre eux. »

505. Les Esprits protecteurs qui prennent des noms connus sont-ils toujours réellement ceux des personnes qui portaient ces noms ?

« Non, mais des Esprits qui leur sont sympathiques et qui souvent viennent par leur ordre. Il vous faut des noms ; alors ils en prennent un qui vous inspire de la confiance. Quand vous ne pouvez pas remplir une mission en personne, vous envoyez un autre vous-même qui agit en votre nom. »

506. Quand nous serons dans la vie spirite, reconnaîtrons-nous notre Esprit protecteur ?

« Oui, car souvent vous le connaissiez avant d'être incarnés. »

507. Les Esprits protecteurs appartiennent-ils tous à la classe des Esprits supérieurs ? Peut-il s'en trouver parmi les moyens ? Un père, par exemple, peut-il devenir l'Esprit protecteur de son enfant ?

« Il le peut, mais la protection suppose un certain degré d'élévation, et un pouvoir ou une vertu de plus accordée par Dieu. Le père qui protège son enfant peut être lui-même assisté par un Esprit plus élevé. »

508. Les Esprits qui ont quitté la terre dans de bonnes conditions peuvent-ils toujours protéger ceux qu'ils aiment et qui leur survivent ?

« Leur pouvoir est plus ou moins restreint ; la position où ils se trouvent ne leur laisse pas toujours toute liberté d'agir. »

509. Les hommes dans l'état sauvage ou d'infériorité morale, ont-ils également leurs Esprits protecteurs ; et dans ce cas, ces Esprits sont-ils d'un ordre aussi élevé que ceux des hommes très avancés ?

« Chaque homme a un Esprit qui veille sur lui, mais les missions sont relatives à leur objet. Vous ne donnez pas à un enfant qui apprend à lire un professeur de philosophie. Le progrès de l'Esprit familier suit celui de l'Esprit protégé. Tout en ayant vous-même un Esprit supérieur qui veille sur vous, vous pouvez à votre tour devenir le protecteur d'un Esprit qui vous est inférieur, et les progrès que vous l'aiderez à faire contribueront à votre avancement. Dieu ne demande pas à l'Esprit plus que ne comportent sa nature et le degré auquel il est parvenu. »

510. Lorsque le père qui veille sur son enfant vient à se réincarner, veille-t-il encore sur lui ?

« C'est plus difficile, mais il prie, dans un moment de dégagement, un Esprit sympathique de l'assister dans cette mission. D'ailleurs, les Esprits n'acceptent que des missions qu'ils peuvent accomplir jusqu'au bout.

L'Esprit incarné, surtout dans les mondes où l'existence est matérielle, est trop assujetti à son corps pour pouvoir être entièrement dévoué, c'est-à-dire assister personnellement ; c'est pourquoi ceux qui ne sont pas assez élevés sont eux-mêmes assistés par des Esprits qui leur sont supérieurs, de telle sorte que si l'un fait défaut par une cause quelconque, il est suppléé par un autre. »

511. Outre l'Esprit protecteur, un mauvais Esprit est-il attaché à chaque individu en vue de le pousser au mal et de lui fournir une occasion de lutter entre le bien et le mal ?

« Attaché n'est pas le mot. Il est bien vrai que les mauvais Esprits cherchent à détourner du bon chemin quand ils en trouvent l'occasion ; mais quand l'un d'eux s'attache à un individu, il le fait de lui-même, parce qu'il espère en être écouté ; alors il y a lutte entre le bon et le mauvais, et celui-là l'emporte auquel l'homme laisse prendre l'empire sur lui. »

512. Pouvons-nous avoir plusieurs Esprits protecteurs ?

« Chaque homme a toujours des Esprits sympathiques plus ou moins élevés qui l'affectionnent et s'intéressent à lui, comme il en a aussi qui l'assistent dans le mal. »

513. Les Esprits sympathiques agissent-ils en vertu d'une mission ?

« Quelquefois, ils peuvent avoir une mission temporaire, mais le plus souvent ils ne sont sollicités que par la similitude de pensées et de sentiments dans le bien comme dans le mal. »

- Il semble résulter de là que les Esprits sympathiques peuvent être bons ou mauvais ?

« Oui, l'homme trouve toujours des Esprits qui sympathisent avec lui, quel que soit son caractère. »

514. Les Esprits familiers sont-ils les mêmes que les Esprits sympathiques ou les Esprits protecteurs ?

« Il y a bien des nuances dans la protection et dans la sympathie ; donnez-leur les noms que vous voulez. L'Esprit familier est plutôt l'ami de la maison. »

Des explications ci-dessus et des observations faites sur la nature des Esprits qui s'attachent à l'homme, on peut déduire ce qui suit :

L'Esprit protecteur, ange gardien ou bon génie, est celui qui a pour mission de suivre l'homme dans la vie et de l'aider à progresser. Il est toujours d'une nature supérieure relativement à celle du protégé.

Les Esprits familiers s'attachent à certaines personnes par des liens plus ou moins durables en vue de leur être utiles dans la limite de leur pouvoir souvent assez borné ; ils sont bons, mais quelquefois peu avancés et même un peu légers ; ils s'occupent volontiers des détails de la vie intime et n'agissent que par l'ordre ou avec la permission des Esprits protecteurs.

Les Esprits sympathiques sont ceux qu'attirent à nous des affections particulières et une certaine similitude de goûts et de sentiments dans le bien comme dans le mal. La durée de leurs relations est presque toujours subordonnée aux circonstances.

Le mauvais génie est un Esprit imparfait ou pervers qui s'attache à l'homme en vue de le détourner du bien ; mais il agit de son propre mouvement et non en vertu d'une mission. Sa ténacité est en raison de l'accès plus ou moins facile qu'il trouve. L'homme est toujours libre d'écouter sa voix ou de le repousser.

515. Que doit-on penser de ces personnes qui semblent s'attacher à certains individus pour les pousser fatalement à leur perte, ou pour les guider dans la bonne voie ?

« Certaines personnes exercent, en effet, sur d'autres une espèce de fascination qui semble irrésistible. Quand cela a lieu pour le mal, ce sont de mauvais Esprits dont se servent d'autres mauvais Esprits pour mieux subjuguer, Dieu peut le permettre pour vous éprouver. »

516. Notre bon et notre mauvais génie pourraient-ils s'incarner pour nous accompagner dans la vie d'une manière plus directe ?

« Cela a lieu quelquefois ; mais souvent aussi ils chargent de cette mission d'autres Esprits incarnés qui leur sont sympathiques. »

517. Y a-t-il des Esprits qui s'attachent à toute une famille pour la protéger ?

« Certains Esprits s'attachent aux membres d'une même famille qui vivent ensemble et qui sont unis par l'affection, mais ne croyez pas à des Esprits protecteurs de l'orgueil des races. »

518. Les Esprits étant attirés vers les individus par leurs sympathies, le sont-ils également vers les réunions d'individus par des causes particulières ?

« Les Esprits vont de préférence où sont leurs pareils ; là ils sont plus à leur aise et plus sûrs d'être écoutés. L'homme attire à lui les Esprits en raison de ses tendances, qu'il soit seul ou qu'il forme un tout collectif, comme une société, une ville ou un peuple. Il y a donc des sociétés, des villes et des peuples qui sont assistés par des Esprits plus ou moins élevés selon le caractère et les passions qui y dominent. Les Esprits imparfaits s'éloignent de ceux qui les repoussent ; il en résulte que le perfectionnement moral des touts collectifs, comme celui des individus, tend à écarter les mauvais Esprits et à attirer les bons qui excitent et entretiennent le sentiment du bien dans les masses, comme d'autres peuvent y souffler les mauvaises passions. »

519. Les agglomérations d'individus, comme les sociétés, les villes, les nations ont-elles leurs Esprits protecteurs spéciaux ?

« Oui, car ces réunions sont des individualités collectives qui marchent dans un but commun et qui ont besoin d'une direction supérieure. »

520. Les Esprits protecteurs des masses sont-ils d'une nature plus élevée que ceux qui s'attachent aux individus ?

« Tout est relatif au degré d'avancement des masses comme des individus. »

521. Certains Esprits peuvent-ils aider au progrès des arts en protégeant ceux qui s'en occupent ?

« Il y a des Esprits protecteurs spéciaux, et qui assistent ceux qui les invoquent quand ils les en jugent dignes ; mais que voulez-vous qu'ils fassent avec ceux qui croient être ce qu'ils ne sont pas ? Ils ne font pas voir les aveugles ni entendre les sourds. »

Les Anciens en avaient fait des divinités spéciales ; les Muses n'étaient autres que la personnification allégorique des Esprits protecteurs des sciences et des arts, comme ils désignaient sous le nom de lares et de pénates les Esprits protecteurs de la famille. Chez les Modernes, les arts, les différentes industries, les villes, les contrées ont aussi leurs patrons protecteurs, qui ne sont autres que des Esprits supérieurs, mais sous d'autres noms.

Chaque homme ayant ses Esprits sympathiques, il en résulte que, dans les touts collectifs, la généralité des Esprits sympathiques est en rapport avec la généralité des individus ; que les Esprits étrangers y sont attirés par l'identité des goûts et des pensées ; en un mot, que ces réunions aussi bien que les individus, sont plus ou moins bien entourées, assistées, influencées selon la nature des pensées de la multitude.

Chez les peuples, les causes d'attraction des Esprits sont les moeurs, les habitudes, le caractère dominant, les lois surtout, parce que le caractère de la nation se reflète dans ses lois. Les hommes qui font régner la justice entre eux combattent l'influence des mauvais Esprits. Partout où les lois consacrent des choses injustes, contraires à l'humanité, les bons Esprits sont en minorité, et la masse des mauvais qui affluent entretient la nation dans ses idées et paralyse les bonnes influences partielles perdues dans la foule, comme un épi isolé au milieu des ronces. En étudiant les moeurs des peuples ou de toute réunion d'hommes, il est donc aisé de se faire une idée de la population occulte qui s'immisce dans leurs pensées et dans leurs actions.

Pressentiments.

522. Le pressentiment est-il toujours un avertissement de l'Esprit protecteur ?

« Le pressentiment est le conseil intime et occulte d'un Esprit qui vous veut du bien. Il est aussi dans l'intuition du choix que l'on a fait ; c'est la voix de l'instinct. L'Esprit, avant de s'incarner, a connaissance des principales phases de son existence, c'est-à-dire du genre d'épreuves dans lesquelles il s'engage ; lorsque celles-ci ont un caractère saillant, il en conserve une sorte d'impression dans son for intérieur, et cette impression, qui est la voix de l'instinct, se réveillant lorsque le moment approche, devient pressentiment. »

523. Les pressentiments et la voix de l'instinct ont toujours quelque chose de vague ; que devons-nous faire dans l'incertitude ?

« Quand tu es dans le vague, invoque ton bon Esprit, ou prie notre maître à tous, Dieu, qu'il t'envoie un de ses messagers, l'un de nous. »

524. Les avertissements de nos Esprits protecteurs ont-ils pour objet unique la conduite morale, ou bien aussi la conduite à tenir dans les choses de la vie privée ?

« Tout ; ils essayent de vous faire vivre le mieux possible ; mais souvent vous fermez l'oreille aux bons avertissements, et vous êtes malheureux par votre faute. »

Les Esprits protecteurs nous aident de leurs conseils par la voix de la conscience qu'ils font parler en nous ; mais comme nous n'y attachons pas toujours l'importance nécessaire, ils nous en donnent de plus directs en se servant des personnes qui nous entourent. Que chacun examine les diverses circonstances heureuses ou malheureuses de sa vie, et il verra qu'en maintes occasions il a reçu des conseils dont il n'a pas toujours profité et qui lui eussent épargné bien des désagréments s'il les eût écoutés.

Influence des Esprits sur les événements de la vie.

525. Les Esprits exercent-ils une influence sur les événements de la vie ?

« Assurément, puisqu'ils te conseillent. »

- Exercent-ils cette influence autrement que par les pensées qu'ils suggèrent, c'est-à-dire ont-ils une action directe sur l'accomplissement des choses ?

« Oui, mais ils n'agissent jamais en dehors des lois de la nature. »

Nous nous figurons à tort que l'action des Esprits ne doit se manifester que par des phénomènes extraordinaires ; nous voudrions qu'ils nous vinssent en aide par des miracles, et nous nous les représentons toujours armés d'une baguette magique. Il n'en est point ainsi ; voilà pourquoi leur intervention nous paraît occulte, et ce qui se fait par leur concours nous semble tout naturel. Ainsi, par exemple, ils provoqueront la réunion de deux personnes qui paraîtront se rencontrer par hasard ; ils inspireront à quelqu'un la pensée de passer par tel endroit ; ils appelleront son attention sur tel point, si cela doit amener le résultat qu'ils veulent obtenir ; de telle sorte que l'homme, ne croyant suivre que sa propre impulsion, conserve toujours son libre arbitre.

526. Les Esprits ayant une action sur la matière peuvent-ils provoquer certains effets en vue de faire accomplir un événement ? Par exemple, un homme doit périr : il monte à une échelle, l'échelle se brise et l'homme se tue ; sont-ce les Esprits qui ont fait briser l'échelle pour accomplir la destinée de cet homme ?

« Il est bien vrai que les Esprits ont une action sur la matière, mais pour l'accomplissement des lois de la nature et non pour y déroger en faisant surgir à point nommé un événement inattendu et contraire à ces lois. Dans l'exemple que tu cites, l'échelle s'est rompue parce qu'elle était vermoulue ou n'était pas assez forte pour supporter le poids de l'homme ; s'il était dans la destinée de cet homme de périr de cette manière, ils lui inspireront la pensée de monter à cette échelle qui devra se rompre sous son poids, et sa mort aura lieu par un effet naturel et sans qu'il soit besoin de faire un miracle pour cela. »

527. Prenons un autre exemple où l'état naturel de la matière ne soit pour rien ; un homme doit périr par la foudre ; il se réfugie sous un arbre, la foudre éclate et il est tué. Les Esprits ont-ils pu provoquer la foudre et la diriger sur lui ?

« C'est encore la même chose. La foudre a éclaté sur cet arbre et à ce moment, parce qu'il était dans les lois de la nature qu'il en fût ainsi ; elle n'a point été dirigée sur cet arbre parce que l'homme était dessous, mais il a été inspiré à l'homme la pensée de se réfugier sous un arbre sur lequel elle devait éclater ; car l'arbre n'en aurait pas moins été frappé, que l'homme fût ou ne fût pas dessous. »

528. Un homme malintentionné lance sur quelqu'un un projectile qui l'effleure et ne l'atteint pas. Un Esprit bienveillant peut-il l'avoir détourné ?

« Si l'individu ne doit pas être atteint, l'Esprit bienveillant lui inspirera la pensée de se détourner, ou bien il pourra éblouir son ennemi de manière à le faire mal viser ; car le projectile une fois lancé suit la ligne qu'il doit parcourir. »

529. Que doit-on penser des balles enchantées dont il est question dans certaines légendes, et qui atteignent fatalement un but ?

« Pure imagination ; l'homme aime le merveilleux et ne se contente pas des merveilles de la nature. »

- Les Esprits qui dirigent les événements de la vie peuvent-ils être contrecarrés par des Esprits qui voudraient le contraire ?

« Ce que Dieu veut doit être ; s'il y a retard ou empêchement, c'est par sa volonté. »

530. Les Esprits légers et moqueurs ne peuvent-ils susciter ces petits embarras qui viennent à la traverse de nos projets et dérouter nos prévisions ; en un mot, sont-ils les auteurs de ce que l'on appelle vulgairement les petites misères de la vie humaine ?

« Ils se plaisent à ces tracasseries qui sont pour vous des épreuves afin d'exercer votre patience ; mais ils se lassent quand ils voient qu'ils ne réussissent pas. Cependant, il ne serait ni juste, ni exact de les charger de tous vos mécomptes, dont vous-mêmes êtes les premiers artisans par votre étourderie ; car crois bien que si ta vaisselle se casse, c'est plutôt le fait de ta maladresse que celui des Esprits. »

- Les Esprits qui suscitent des tracasseries agissent-ils par suite d'une animosité personnelle, ou bien s'attaquent-ils au premier venu, sans motif déterminé, uniquement par malice ?

« L'un et l'autre ; quelquefois ce sont des ennemis que l'on s'est fait pendant cette vie ou dans une autre, et qui vous poursuivent ; d'autres fois, il n'y a pas de motifs. »

531. La malveillance des êtres qui nous ont fait du mal sur la terre s'éteint-elle avec leur vie corporelle ?

« Souvent ils reconnaissent leur injustice et le mal qu'ils ont fait ; mais souvent aussi, ils vous poursuivent de leur animosité, si Dieu le permet, pour continuer de vous éprouver. »

- Peut-on y mettre un terme et par quel moyen ?

« Oui, on peut prier pour eux, et en leur rendant le bien pour le mal, ils finissent par comprendre leurs torts ; du reste, si l'on sait se mettre au-dessus de leurs machinations, ils cessent en voyant qu'ils n'y gagnent rien. »

L'expérience prouve que certains Esprits poursuivent leur vengeance d'une existence à l'autre, et que l'on expie ainsi tôt ou tard les torts que l'on peut avoir eus envers quelqu'un.

532. Les Esprits ont-ils le pouvoir de détourner les maux de dessus certaines personnes, et d'attirer sur elles la prospérité ?

« Pas entièrement, car il est des maux qui sont dans les décrets de la Providence ; mais ils amoindrissent vos douleurs en vous donnant la patience et la résignation.

Sachez aussi qu'il dépend souvent de vous de détourner ces maux, ou tout au moins de les atténuer ; Dieu vous a donné l'intelligence pour vous en servir, et c'est en cela surtout que les Esprits vous viennent en aide en vous suggérant des pensées propices ; mais ils n'assistent que ceux qui savent s'assister eux-mêmes ; c'est le sens de ces paroles : Cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira.

Sachez bien encore que ce qui vous paraît un mal n'est pas toujours un mal ; souvent, un bien doit en sortir qui sera plus grand que le mal, et c'est ce que vous ne comprenez pas, parce que vous ne pensez qu'au moment présent ou à votre personne. »

533. Les Esprits peuvent-ils faire obtenir les dons de la fortune, si on les sollicite à cet effet ?

« Quelquefois comme épreuve, mais souvent ils refusent, comme on refuse à un enfant qui fait une demande inconsidérée. »

- Sont-ce les bons ou les mauvais Esprits qui accordent ces faveurs ?

« Les uns et les autres ; cela dépend de l'intention ; mais plus souvent ce sont les Esprits qui veulent vous entraîner au mal et qui y trouvent un moyen facile dans les jouissances que procure la fortune. »

534. Lorsque des obstacles semblent venir fatalement s'opposer à nos projets, serait-ce par l'influence de quelque Esprit ?

« Quelquefois les Esprits ; d'autres fois, et le plus souvent, c'est que vous vous y prenez mal. La position et le caractère influent beaucoup. Si vous vous obstinez dans une voie qui n'est pas la vôtre, les Esprits n'y sont pour rien ; c'est vous qui êtes votre propre mauvais génie. »

535. Quand il nous arrive quelque chose d'heureux, est-ce notre Esprit protecteur que nous devons remercier ?

« Remerciez surtout Dieu, sans la permission de qui rien ne se fait, puis les bons Esprits qui ont été ses agents. »

- Qu'arriverait-il si on négligeait de le remercier ?

« Ce qui arrive aux ingrats. »

- Cependant, il y a des gens qui ne prient, ni ne remercient, et à qui tout réussit ?

« Oui, mais il faut voir la fin ; ils payeront bien cher ce bonheur passager qu'ils ne méritent pas, car plus ils auront reçu, plus ils auront à rendre. »

Action des Esprits sur les phénomènes de la nature.

536. Les grands phénomènes de la nature, ceux que l'on considère comme une perturbation des éléments, sont-ils dus à des causes fortuites, ou bien ont-ils tous un but providentiel ?

« Tout a une raison d'être, et rien n'arrive sans la permission de Dieu. »

- Ces phénomènes ont-ils toujours l'homme pour objet ?

« Quelquefois, ils ont une raison d'être directe pour l'homme, mais souvent aussi ils n'ont pas d'autre objet que le rétablissement de l'équilibre et de l'harmonie des forces physiques de la nature. »

- Nous concevons parfaitement que la volonté de Dieu soit la cause première, en cela comme en toutes choses, mais comme nous savons que les Esprits ont une action sur la matière, et qu'ils sont les agents de la volonté de Dieu, nous demandons si certains d'entre eux n'exerceraient pas une influence sur les éléments pour les agiter, les calmer ou les diriger.

« Mais c'est évident ; cela ne peut être autrement ; Dieu ne se livre pas à une action directe sur la matière ; il a ses agents dévoués à tous les degrés de l'échelle des mondes. »

537. La mythologie des Anciens est entièrement fondée sur les idées spirites, avec cette différence qu'ils regardaient les Esprits comme des divinités ; or, ils nous représentent ces dieux ou ces Esprits avec des attributions spéciales ; ainsi, les uns étaient chargés des vents, d'autres de la foudre, d'autres de présider à la végétation, etc. ; cette croyance est-elle dénuée de fondement ?

« Elle est si peu dénuée de fondement, qu'elle est encore bien au-dessous de la vérité. »

- Par la même raison, il pourrait donc y avoir des Esprits habitant l'intérieur de la terre et présidant aux phénomènes géologiques ?

« Ces Esprits n'habitent pas positivement la terre, mais ils président et dirigent selon leurs attributions. Un jour, vous aurez l'explication de tous ces phénomènes et vous les comprendrez mieux. »

538. Les Esprits qui président aux phénomènes de la nature forment-ils une catégorie spéciale dans le monde spirite ? Sont-ce des êtres à part ou des Esprits qui ont été incarnés comme nous ?

« Qui le seront ou qui l'ont été. »

- Ces Esprits appartiennent-ils aux ordres supérieurs ou inférieurs de la hiérarchie spirite ?

« C'est selon que leur rôle est plus ou moins matériel ou intelligent ; les uns commandent, les autres exécutent ; ceux qui exécutent les choses matérielles sont toujours d'un ordre inférieur, chez les Esprits, comme chez les hommes. »

539. Dans la production de certains phénomènes, des orages par exemple, est-ce un seul Esprit qui agit, ou se réunissent-ils en masse ?

« En masses innombrables. »

540. Les Esprits qui exercent une action sur les phénomènes de la nature agissent-ils avec connaissance de cause, en vertu de leur libre arbitre, ou par une impulsion instinctive ou irréfléchie ?

« Les uns oui, les autres non. Je prends une comparaison ; figure-toi ces myriades d'animaux qui, peu à peu, font sortir de la mer des îles et des archipels ; crois-tu qu'il n'y ait pas là un but providentiel, et que cette transformation de la surface du globe ne soit pas nécessaire à l'harmonie générale ? Ce ne sont pourtant que des animaux du dernier degré qui accomplissent ces choses tout en pourvoyant à leurs besoins et sans se douter qu'ils sont les instruments de Dieu. Eh bien ! de même, les Esprits les plus arriérés sont utiles à l'ensemble ; tandis qu'ils s'essayent à la vie, et avant d'avoir la pleine conscience de leurs actes et leur libre arbitre, ils agissent sur certains phénomènes dont ils sont les agents à leur insu ; ils exécutent d'abord ; plus tard, quand leur intelligence sera plus développée, ils commanderont et dirigeront les choses du monde matériel ; plus tard encore, ils pourront diriger les choses du monde moral. C'est ainsi que tout sert, tout s'enchaîne dans la nature, depuis l'atome primitif jusqu'à l'archange, qui lui-même a commencé par l'atome ; admirable loi d'harmonie dont votre esprit borné ne peut encore saisir l'ensemble. »

Les Esprits pendant les combats.

541. Dans une bataille y a-t-il des Esprits qui assistent et soutiennent chaque parti ?

« Oui, et qui stimulent leur courage. »

Tels, jadis, les Anciens nous représentaient les dieux prenant parti pour tel ou tel peuple. Ces dieux n'étaient autres que des Esprits représentés sous des figures allégoriques.

542. Dans une guerre, la justice est toujours d'un côté ; comment des Esprits prennent-ils parti pour celui qui a tort ?

« Vous savez bien qu'il y a des Esprits qui ne cherchent que la discorde et la destruction ; pour eux, la guerre, c'est la guerre : la justice de la cause les touche peu. »

543. Certains Esprits peuvent-ils influencer le général dans la conception de ses plans de campagne ?

« Sans aucun doute, les Esprits peuvent influencer pour cet objet comme pour toutes les conceptions. »

544. De mauvais Esprits pourraient-ils lui susciter de mauvaises combinaisons en vue de le perdre ?

« Oui ; mais n'a-t-il pas son libre arbitre ? Si son jugement ne lui permet pas de distinguer une idée juste d'une idée fausse, il en subit les conséquences, et il ferait mieux d'obéir que de commander. »

545. Le général peut-il, quelquefois, être guidé par une sorte de seconde vue, une vue intuitive qui lui montre d'avance le résultat de ses combinaisons ?

« Il en est souvent ainsi chez l'homme de génie ; c'est ce qu'il appelle l'inspiration, et fait qu'il agit avec une sorte de certitude ; cette inspiration lui vient des Esprits qui le dirigent et mettent à profit les facultés dont il est doué. »

546. Dans le tumulte du combat, que deviennent les Esprits qui succombent ? S'y intéressent-ils encore après leur mort ?

« Quelques-uns s'y intéressent, d'autres s'en éloignent. »

Dans les combats, il arrive ce qui a lieu dans tous les cas de mort violente : au premier moment l'Esprit est surpris et comme étourdi, et ne croit pas être mort ; il lui semble encore prendre part à l'action ; ce n'est que peu à peu que la réalité lui apparaît.

547. Les Esprits qui se combattaient étant vivants, une fois morts se reconnaissent-ils pour ennemis et sont-ils encore acharnés les uns contre les autres ?

« L'Esprit, dans ces moments-là, n'est jamais de sang-froid ; au premier moment il peut encore en vouloir à son ennemi et même le poursuivre ; mais quand les idées lui sont revenues, il voit que son animosité n'a plus d'objet ; cependant, il peut encore en conserver les traces plus ou moins selon son caractère. »

- Perçoit-il encore le bruit des armes ?

« Oui, parfaitement. »

548. L'Esprit qui assiste de sang-froid à un combat, comme spectateur, est-il témoin de la séparation de l'âme et du corps, et comment ce phénomène se présente-t-il à lui ?

« Il y a peu de morts tout à fait instantanées. La plupart du temps, l'Esprit dont le corps vient d'être frappé mortellement n'en a pas conscience sur le moment ; quand il commence à se reconnaître, c'est alors qu'on peut distinguer l'Esprit qui se meut à côté du cadavre ; cela paraît si naturel que la vue du corps mort ne produit aucun effet désagréable ; toute la vie étant transportée dans l'Esprit, lui seul attire l'attention ; c'est avec lui qui l'on converse, ou à lui que l'on commande. »

Des pactes.

549. Y a-t-il quelque chose de vrai dans les pactes avec les mauvais Esprits ?

« Non, il n'y a pas de pactes, mais une mauvaise nature sympathisant avec de mauvais Esprits. Par exemple : tu veux tourmenter ton voisin, et tu ne sais comment t'y prendre ; alors tu appelles à toi des Esprits inférieurs qui, comme toi, ne veulent que le mal et pour t'aider veulent que tu les serves dans leurs mauvais desseins ; mais il ne s'ensuit pas que ton voisin ne puisse se débarrasser d'eux par une conjuration contraire et par sa volonté. Celui qui veut commettre une mauvaise action appelle par cela même de mauvais Esprits à son aide ; il est alors obligé de les servir comme eux le font pour lui, car eux aussi ont besoin de lui pour le mal qu'ils veulent faire. C'est seulement en cela que consiste le pacte. »

La dépendance où l'homme se trouve quelquefois à l'égard des Esprits inférieurs provient de son abandon aux mauvaises pensées qu'ils lui suggèrent, et non de stipulations quelconques entre eux et lui. Le pacte, dans le sens vulgaire attaché à ce mot, est une allégorie qui peint une mauvaise nature sympathisant avec des Esprits malfaisants.

550. Quel est le sens des légendes fantastiques d'après lesquelles des individus auraient vendu leur âme à Satan pour en obtenir certaines faveurs ?

« Toutes les fables renferment un enseignement et un sens moral ; votre tort est de les prendre à la lettre. Celle-ci est une allégorie qui peut s'expliquer ainsi : celui qui appelle à son aide les Esprits pour en obtenir les dons de la fortune ou toute autre faveur murmure contre la Providence ; il renonce à la mission qu'il a reçue et aux épreuves qu'il doit subir ici-bas, et il en subira les conséquences dans la vie à venir. Ce n'est pas à dire que son âme soit à jamais vouée au malheur ; mais puisque au lieu de se détacher de la matière, il s'y enfonce de plus en plus, ce qu'il aura eu en joie sur la terre, il ne l'aura pas dans le monde des Esprits, jusqu'à ce qu'il l'ait racheté par de nouvelles épreuves, peut-être plus grandes et plus pénibles. Par son amour des jouissances matérielles, il se met sous la dépendance des Esprits impurs ; c'est entre eux et lui un pacte tacite qui le conduit à sa perte, mais qu'il lui est toujours facile de rompre avec l'assistance des bons Esprits, s'il en a la ferme volonté. »

Pouvoir occulte. Talismans. Sorciers.

551. Un homme méchant peut-il, à l'aide d'un mauvais Esprit qui lui est dévoué, faire du mal à son prochain ?

« Non, Dieu ne le permettrait pas. »

552. Que penser de la croyance au pouvoir qu'auraient certaines personnes de jeter des sorts ?

« Certaines personnes ont un pouvoir magnétique très grand dont elles peuvent faire un mauvais usage si leur propre Esprit est mauvais, et dans ce cas elles peuvent être secondées par d'autres mauvais Esprits ; mais ne croyez pas à ce prétendu pouvoir magique qui n'est que dans l'imagination des gens superstitieux, ignorants des véritables lois de la nature. Les faits que l'on cite sont des faits naturels mal observés et surtout mal compris. »

553. Quel peut-être l'effet des formules et pratiques à l'aide desquelles certaines personnes prétendent disposer de la volonté des Esprits ?

« Cet effet est de les rendre ridicules si elles sont de bonne foi ; dans le cas contraire, ce sont des fripons qui méritent un châtiment. Toutes les formules sont de la jonglerie ; il n'y a aucune parole sacramentelle, aucun signe cabalistique, aucun talisman qui ait une action quelconque sur les Esprits, car ceux-ci ne sont attirés que par la pensée et non par les choses matérielles. »

- Certains Esprits n'ont-ils pas eux-mêmes quelquefois dicté des formules cabalistiques ?

« Oui, vous avez des Esprits qui vous indiquent des signes, des mots bizarres ou qui vous prescrivent certains actes à l'aide desquels vous faites ce que vous appelez des conjurations ; mais soyez bien assurés que ce sont des Esprits qui se moquent de vous et abusent de votre crédulité. »

554. Celui qui, à tort ou à raison, a confiance dans ce qu'il appelle la vertu d'un talisman, ne peut-il par cette confiance même, attirer un Esprit ; car alors c'est la pensée qui agit : le talisman n'est qu'un signe qui aide à diriger la pensée ?

« C'est vrai ; mais la nature de l'Esprit attiré dépend de la pureté de l'intention et de l'élévation des sentiments ; or, il est rare que celui qui est assez simple pour croire à la vertu d'un talisman n'ait pas un but plus matériel que moral ; dans tous les cas, cela annonce une petitesse et une faiblesse d'idées qui donne prise aux Esprits imparfaits et moqueurs. »

555. Quel sens doit-on attacher à la qualification de sorcier ?

« Ceux que vous appelez sorciers sont des gens, quand ils sont de bonne foi, qui sont doués de certaines facultés, comme la puissance magnétique ou la seconde vue ; et alors, comme ils font des choses que vous ne comprenez pas, vous les croyez doués d'une puissance surnaturelle. Vos savants n'ont-ils pas souvent passé pour des sorciers aux yeux des gens ignorants ? »

Le spiritisme et le magnétisme nous donnent la clef d'une foule de phénomènes sur lesquels l'ignorance a brodé une infinité de fables où les faits sont exagérés par l'imagination. La connaissance éclairée de ces deux sciences, qui n'en font qu'une pour ainsi dire, en montrant la réalité des choses et leur véritable cause, est le meilleur préservatif contre les idées superstitieuses, parce qu'elle montre ce qui est possible et ce qui est impossible, ce qui est dans les lois de la nature, et ce qui n'est qu'une croyance ridicule.

556. Certaines personnes ont-elles véritablement le don de guérir par le simple attouchement ?

« La puissance magnétique peut aller jusque là quand elle est secondée par la pureté des sentiments et un ardent désir de faire le bien, car alors les bons Esprits viennent en aide ; mais il faut se défier de la manière dont les choses sont racontées par des personnes trop crédules ou trop enthousiastes, toujours disposées à voir du merveilleux dans les choses les plus simples et les plus naturelles. Il faut aussi se défier des récits intéressés de la part de gens qui exploitent la crédulité à leur profit. »

Bénédiction et malédiction.

557. La bénédiction et la malédiction peuvent-elles attirer le bien et le mal sur ceux qui en sont l'objet ?

« Dieu n'écoute point une malédiction injuste, et celui qui la prononce est coupable à ses yeux. Comme nous avons les deux génies opposés, le bien et le mal, il peut y avoir une influence momentanée, même sur la matière ; mais cette influence n'a toujours lieu que par la volonté de Dieu, et comme surcroît d'épreuve pour celui qui en est l'objet. Du reste, le plus souvent on maudit les méchants et l'on bénit les bons. La bénédiction et la malédiction ne peuvent jamais détourner la Providence de la voie de la justice ; elle ne frappe le maudit que s'il est méchant, et sa protection ne couvre que celui qui la mérite. »


CHAPITRE X


-


OCCUPATIONS ET MISSIONS DES ESPRITS

558. Les Esprits ont-ils autre chose à faire qu'à s'améliorer personnellement ?

« Ils concourent à l'harmonie de l'univers en exécutant les volontés de Dieu dont ils sont les ministres. La vie spirite est une occupation continuelle, mais qui n'a rien de pénible comme sur la terre, parce qu'il n'y a ni la fatigue corporelle, ni les angoisses du besoin. »

559. Les Esprits inférieurs et imparfaits remplissent-ils aussi un rôle utile dans l'univers ?

« Tous ont des devoirs à remplir. Est-ce que le dernier maçon ne concourt pas à bâtir l'édifice aussi bien que l'architecte ? » (540).

560. Les Esprits ont-ils chacun des attributs spéciaux ?

« C'est-à-dire que tous nous devons habiter partout, et acquérir la connaissance de toutes choses en présidant successivement à toutes les parties de l'univers. Mais, comme il est dit dans l'Ecclésiaste, il y a un temps pour tout ; ainsi, tel accomplit aujourd'hui sa destinée en ce monde, tel l'accomplira ou l'a accomplie dans un autre temps, sur la terre, dans l'eau, dans l'air, etc.. »

561. Les fonctions que remplissent les Esprits dans l'ordre des choses sont-elles permanentes pour chacun, et sont-elles dans les attributions exclusives de certaines classes ?

« Tous doivent parcourir les différents degrés de l'échelle pour se perfectionner. Dieu, qui est juste, n'a pu vouloir donner aux uns la science sans travail, tandis que d'autres ne l'acquièrent qu'avec peine. »

De même, parmi les hommes, nul n'arrive au suprême degré d'habileté dans un art quelconque sans avoir puisé les connaissances nécessaires dans la pratique des parties les plus infimes de cet art.

562. Les Esprits de l'ordre le plus élevé n'ayant plus rien à acquérir sont-ils dans un repos absolu, ou bien ont-ils aussi des occupations ?

« Que voudrais-tu qu'ils fissent pendant l'éternité ? L'oisiveté éternelle serait un supplice éternel. »

- Quelle est la nature de leurs occupations ?

« Recevoir directement les ordres de Dieu, les transmettre dans tout l'univers et veiller à leur exécution. »

563. Les occupations des Esprits sont-elles incessantes ?

« Incessantes, oui, si l'on entend que leur pensée est toujours active, car ils vivent par la pensée. Mais il ne faut pas assimiler les occupations des Esprits aux occupations matérielles des hommes ; cette activité même est une jouissance, par la conscience qu'ils ont d'être utiles. »

- Cela se conçoit pour les bons Esprits ; mais en est-il de même des Esprits inférieurs ?

« Les Esprits inférieurs ont des occupations appropriées à leur nature. Confiez-vous au manoeuvre et à l'ignorant les travaux de l'homme d'intelligence ? »

564. Parmi les Esprits en est-il qui sont oisifs, ou qui ne s'occupent d'aucune chose utile ?

« Oui, mais cet état est temporaire, et subordonné au développement de leur intelligence. Certes, il y en a, comme parmi les hommes, qui ne vivent que pour eux-mêmes ; mais cette oisiveté leur pèse, et tôt ou tard le désir d'avancer leur fait éprouver le besoin de l'activité, et ils sont heureux de pouvoir se rendre utiles. Nous parlons des Esprits arrivés au point d'avoir la conscience d'eux-mêmes et leur libre arbitre ; car, à leur origine, ils sont comme des enfants qui viennent de naître, et qui agissent plus par instinct que par une volonté déterminée. »

565. Les Esprits examinent-ils nos travaux d'art et s'y intéressent-ils ?

« Ils examinent ce qui peut prouver l'élévation des Esprits et leur progrès. »

566. Un Esprit qui a eu une spécialité sur la terre, un peintre, un architecte, par exemple, s'intéresse-t-il de préférence aux travaux qui ont fait l'objet de sa prédilection pendant sa vie ?

« Tout se confond dans un but général. S'il est bon, il s'y intéresse tout autant que cela lui permet de s'occuper d'aider les âmes à monter vers Dieu. Vous oubliez d'ailleurs qu'un Esprit qui a pratiqué un art dans l'existence que vous lui connaissez, peut en avoir pratiqué un autre dans une autre existence, car il faut qu'il sache tout pour être parfait ; ainsi, suivant son degré d'avancement, il peut n'y avoir pas de spécialité pour lui ; c'est ce que j'entendais en disant que tout cela se confond dans un but général. Notez encore ceci : ce qui est sublime pour vous, dans votre monde arriéré, n'est que de l'enfantillage auprès des mondes plus avancés. Comment voulez-vous que les Esprits qui habitent ces mondes où il existe des arts inconnus pour vous, admirent ce qui, pour eux, n'est qu'un ouvrage d'écolier ? Je l'ai dit : ils examinent ce qui peut prouver le progrès. »

- Nous concevons qu'il doit en être ainsi pour des Esprits très avancés ; mais nous parlons des Esprits plus vulgaires et qui ne sont point encore élevés au-dessus des idées terrestres ?

« Pour ceux-là, c'est différent ; leur point de vue est plus borné, et ils peuvent admirer ce que vous admirez vous-mêmes. »

567. Les Esprits se mêlent-ils quelquefois à nos occupations et à nos plaisirs ?

« Les Esprits vulgaires, comme tu le dis, oui ; ceux-là sont sans cesse autour de vous et prennent à ce que vous faites une part quelquefois très active, selon leur nature ; et il le faut bien pour pousser les hommes dans les différents sentiers de la vie, exciter ou modérer leurs passions. »

Les Esprits s'occupent des choses de ce monde en raison de leur élévation ou de leur infériorité. Les Esprits supérieurs ont sans doute la faculté de les considérer dans les plus petits détails, mais ils ne le font qu'autant que cela est utile au progrès ; les Esprits inférieurs seuls y attachent une importance relative aux souvenirs qui sont encore présents à leur mémoire, et aux idées matérielles qui ne sont point encore éteintes.

568. Les Esprits qui ont des missions à remplir les accomplissent-ils à l'état errant ou à l'état d'incarnation ?

« Ils peuvent en avoir dans l'un et l'autre état ; pour certains Esprits errants, c'est une grande occupation. »

569. En quoi consistent les missions dont peuvent être chargés les Esprits errants ?

« Elles sont si variées qu'il serait impossible de les décrire ; il en est d'ailleurs que vous ne pouvez comprendre. Les Esprits exécutent les volontés de Dieu, et vous ne pouvez pénétrer tous ses desseins. »

Les missions des Esprits ont toujours le bien pour objet. Soit comme Esprits, soit comme hommes, ils sont chargés d'aider au progrès de l'humanité, des peuples ou des individus, dans un cercle d'idées plus ou moins larges, plus ou moins spéciales, de préparer les voies pour certains événements, de veiller à l'accomplissement de certaines choses. Quelques-uns ont des missions plus restreintes et en quelque sorte personnelles ou tout à fait locales, comme d'assister les malades, les agonisants, les affligés, de veiller sur ceux dont ils deviennent les guides et les protecteurs, de les diriger par leurs conseils ou par les bonnes pensées qu'ils suggèrent. On peut dire qu'il y a autant de genres de missions qu'il y a de sortes d'intérêts à surveiller, soit dans le monde physique, soit dans le monde moral. L'Esprit avance selon la manière dont il accomplit sa tâche.

570. Les Esprits pénètrent-ils toujours les desseins qu'ils sont chargés d'exécuter ?

« Non ; il y en a qui sont des instruments aveugles, mais d'autres savent très bien dans quel but ils agissent. »

571. N'y a-t-il que les Esprits élevés qui remplissent des missions ?

« L'importance des missions est en rapport avec les capacités et l'élévation de l'Esprit. L'estafette qui porte une dépêche remplit aussi une mission mais qui n'est pas celle du général. »

572. La mission d'un Esprit lui est-elle imposée, ou dépend-elle de sa volonté ?

« Il la demande, et il est heureux de l'obtenir. »

- La même mission peut-elle être demandée par plusieurs Esprits ?

« Oui, il y a souvent plusieurs candidats, mais tous ne sont pas acceptés. »

573. En quoi consiste la mission des Esprits incarnés ?

« Instruire les hommes, aider à leur avancement ; améliorer leurs institutions par des moyens directs et matériels ; mais les missions sont plus ou moins générales et importantes ; celui qui cultive la terre accomplit une mission, comme celui qui gouverne ou celui qui instruit. Tout s'enchaîne dans la nature ; en même temps que l'Esprit s'épure par l'incarnation, il concourt, sous cette forme, à l'accomplissement des vues de la Providence. Chacun a sa mission ici-bas, parce que chacun peut être utile à quelque chose. »

574. Quelle peut être la mission des gens volontairement inutiles sur la terre ?

« Il y a effectivement des gens qui ne vivent que pour eux-mêmes et ne savent se rendre utiles à rien. Ce sont de pauvres êtres qu'il faut plaindre, car ils expieront cruellement leur inutilité volontaire, et leur châtiment commence souvent dès ici-bas par l'ennui et le dégoût de la vie. »

- Puisqu'ils avaient le choix, pourquoi ont-ils préféré une vie qui ne pouvait leur profiter en rien ?

« Parmi les Esprits il y a aussi des paresseux qui reculent devant une vie de labeur. Dieu les laisse faire ; ils comprendront plus tard et à leurs dépens les inconvénients de leur inutilité et ils seront les premiers à demander de réparer le temps perdu. Peut-être aussi ont-ils choisi une vie plus utile, mais une fois à l'oeuvre ils reculent et se laissent entraîner aux suggestions des Esprits qui les encouragent dans leur oisiveté. »

575. Les occupations vulgaires nous semblent plutôt des devoirs que des missions proprement dites. La mission, selon l'idée attachée à ce mot, a un caractère d'importance moins exclusif et surtout moins personnel. A ce point de vue, comment peut-on reconnaître qu'un homme a une mission réelle sur la terre ?

« Aux grandes choses qu'il accomplit, aux progrès qu'il fait faire à ses semblables. »

576. Les hommes qui ont une mission importante y sont-ils prédestinés avant leur naissance, et en ont-ils connaissance ?

« Quelquefois, oui ; mais le plus souvent, ils l'ignorent. Ils n'ont qu'un but vague en venant sur la terre ; leur mission se dessine après leur naissance et selon les circonstances. Dieu les pousse dans la voie où ils doivent accomplir ses desseins. »

577. Quand un homme fait une chose utile, est-ce toujours en vertu d'une mission antérieure et prédestinée, ou peut-il recevoir une mission non prévue ?

« Tout ce qu'un homme fait n'est pas le résultat d'une mission prédestinée ; il est souvent l'instrument dont un Esprit se sert pour faire exécuter une chose qu'il croit utile. Par exemple, un Esprit juge qu'il serait bon d'écrire un livre qu'il ferait lui-même s'il était incarné ; il cherche l'écrivain qui est le plus apte à comprendre sa pensée et à l'exécuter ; il lui en donne l'idée et le dirige dans l'exécution. Ainsi, cet homme n'est point venu sur la terre avec la mission de faire cet ouvrage. Il en est de même de certains travaux d'art ou de découvertes. Il faut dire encore que pendant le sommeil de son corps, l'Esprit incarné communique directement avec l'Esprit errant et qu'ils s'entendent pour l'exécution. »

578. L'Esprit peut-il faillir à sa mission par sa faute ?

« Oui, si ce n'est pas un Esprit supérieur. »

- Quelles en sont pour lui les conséquences ?

« Il lui faut renouveler sa tâche : c'est là sa punition ; et puis il subira les conséquences du mal dont il aura été cause. »

579. Puisque l'Esprit reçoit sa mission de Dieu, comment Dieu peut-il confier une mission importante et d'un intérêt général à un Esprit qui pourrait y faillir ?

« Dieu ne sait-il pas si son général remportera la victoire ou sera vaincu ? Il le sait, soyez-en sûrs, et ses plans, quand ils sont importants, ne reposent point sur ceux qui doivent abandonner leur oeuvre au milieu de leur travail. Toute la question est, pour vous, dans la connaissance de l'avenir que Dieu possède, mais qui ne vous est pas donnée. »

580. L'Esprit qui s'incarne pour accomplir une mission a-t-il la même appréhension que celui qui le fait comme épreuve ?

« Non ; il a l'expérience. »

581. Les hommes qui sont le flambeau du genre humain, qui l'éclairent par leur génie, ont certainement une mission ; mais dans le nombre, il y en a qui se trompent et qui, à côté de grandes vérités, répandent de grandes erreurs. Comment doit-on considérer leur mission ?

« Comme faussée par eux-mêmes. Ils sont au-dessous de la tâche qu'ils ont entreprise. Il faut cependant tenir compte des circonstances ; les hommes de génie ont dû parler selon les temps, et tel enseignement qui paraît erroné ou puéril à une époque avancée pouvait être suffisant pour son siècle. »

582. Peut-on considérer la paternité comme une mission ?

« C'est sans contredit une mission ; c'est en même temps un devoir très grand et qui engage, plus que l'homme ne le pense, sa responsabilité pour l'avenir. Dieu a mis l'enfant sous la tutelle de ses parents pour que ceux-ci le dirigent dans la voie du bien, et il a facilité leur tâche en lui donnant une organisation frêle et délicate qui le rend accessible à toutes les impressions ; mais il en est qui s'occupent plus de redresser les arbres de leur jardin et de leur faire rapporter beaucoup de bons fruits que de redresser le caractère de leur enfant. Si celui-ci succombe par leur faute, ils en porteront la peine, et les souffrances de l'enfant dans la vie future retomberont sur eux, car ils n'auront pas fait ce qui dépendait d'eux pour son avancement dans la voie du bien. »

583. Si un enfant tourne mal, malgré les soins de ses parents, ceux-ci sont-ils responsables ?

« Non ; mais plus les dispositions de l'enfant sont mauvaises, plus la tâche est lourde, et plus grand sera le mérite s'ils réussissent à le détourner de la mauvaise voie. »

- Si un enfant devient un bon sujet, malgré la négligence ou les mauvais exemples de ses parents, ceux-ci en retirent-ils quelque fruit ?

« Dieu est juste. »

584. Quelle peut être la nature de la mission du conquérant qui n'a en vue que de satisfaire son ambition et qui, pour atteindre ce but, ne recule devant aucune des calamités qu'il entraîne à sa suite ?

« Il n'est, le plus souvent, qu'un instrument dont Dieu se sert pour l'accomplissement de ses desseins, et ces calamités sont quelquefois un moyen de faire avancer un peuple plus vite. »

- Celui qui est l'instrument de ces calamités passagères est étranger au bien qui peut en résulter, puisqu'il ne s'était proposé qu'un but personnel ; néanmoins, profitera-t-il de ce bien ?

« Chacun est récompensé selon ses oeuvres, le bien qu'il a voulu faire et la droiture de ses intentions. »

Les Esprits incarnés ont des occupations inhérentes à leur existence corporelle. A l'état errant, ou de dématérialisation, ces occupations sont proportionnées au degré de leur avancement.

Les uns parcourent les mondes, s'instruisent et se préparent à une nouvelle incarnation.

D'autres, plus avancés, s'occupent du progrès en dirigeant les événements et en suggérant des pensées propices ; ils assistent les hommes de génie qui concourent à l'avancement de l'humanité.

D'autres s'incarnent avec une mission de progrès.

D'autres prennent sous leur tutelle les individus, les familles, les réunions, les villes et les peuples, dont ils sont les anges gardiens, les génies protecteurs et les Esprits familiers.

D'autres enfin président aux phénomènes de la nature dont ils sont les agents directs.

Les Esprits vulgaires se mêlent à nos occupations et à nos amusements.

Les Esprits impurs ou imparfaits attendent dans les souffrances et les angoisses le moment où il plaira à Dieu de leur procurer les moyens d'avancer. S'ils font le mal, c'est par dépit du bien dont ils ne peuvent encore jouir.


CHAPITRE XI


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LES TROIS REGNES

1. Les minéraux et les plantes. - 2. Les animaux et l'homme.


3. Métempsycose.

Les minéraux et les plantes.

585. Que pensez-vous de la division de la nature en trois règnes, ou bien en deux classes : les êtres organiques et les êtres inorganiques ? Quelques-uns font de l'espèce humaine une quatrième classe. Laquelle de ces divisions est préférable ?

« Elles sont toutes bonnes ; cela dépend du point de vue. Sous le rapport matériel, il n'y a que des êtres organiques et des êtres inorganiques ; au point de vue moral, il y a évidemment quatre degrés. »

Ces quatre degrés ont, en effet, des caractères tranchés, quoique leurs limites semblent se confondre : la matière inerte, qui constitue le règne minéral, n'a en elle qu'une force mécanique ; les plantes, composées de matière inerte, sont douées de vitalité ; les animaux, composés de matière inerte, doués de vitalité, ont de plus une sorte d'intelligence instinctive, limitée, avec la conscience de leur existence et de leur individualité ; l'homme ayant tout ce qu'il y a dans les plantes et dans les animaux, domine toutes les autres classes par une intelligence spéciale, indéfinie, qui lui donne la conscience de son avenir, la perception des choses extra-matérielles et la connaissance de Dieu.

586. Les plantes ont-elles la conscience de leur existence ?

« Non, elles ne pensent pas ; elles n'ont que la vie organique. »

587. Les plantes éprouvent-elles des sensations ? Souffrent-elles quand on les mutile ?

« Les plantes reçoivent des impressions physiques qui agissent sur la matière, mais elles n'ont pas de perceptions ; par conséquent, elles n'ont pas le sentiment de la douleur. »

588. La force qui attire les plantes les unes vers les autres est-elle indépendante de leur volonté ?

« Oui, puisqu'elles ne pensent pas. C'est une force mécanique de la matière qui agit sur la matière : elles ne pourraient pas s'y opposer. »

589. Certaines plantes, telles que la sensitive et la dionée, par exemple, ont des mouvements qui accusent une grande sensibilité, et dans certains cas une sorte de volonté, comme la dernière dont les lobes saisissent la mouche qui vient se poser sur elle pour puiser son suc, et à laquelle elle semble tendre un piège pour ensuite la faire mourir. Ces plantes sont-elles douées de la faculté de penser ? Ont-elles une volonté et forment-elles une classe intermédiaire entre la nature végétale et la nature animale ? Sont-elles une transition de l'une à l'autre ?

« Tout est transition dans la nature, par le fait même que rien n'est semblable, et que pourtant tout se tient. Les plantes ne pensent pas, et par conséquent n'ont pas de volonté. L'huître qui s'ouvre et tous les zoophytes n'ont point la pensée : il n'y a qu'un instinct aveugle et naturel. »

L'organisme humain nous fournit des exemples de mouvements analogues sans la participation de la volonté, comme dans les fonctions digestives et circulatoires ; le pylore se resserre au contact de certains corps pour leur refuser le passage. Il doit en être de même de la sensitive, chez laquelle les mouvements n'impliquent nullement la nécessité d'une perception, et encore moins d'une volonté.

590. N'y a-t-il pas dans les plantes, comme dans les animaux, un instinct de conservation qui les porte à rechercher ce qui peut leur être utile et à fuir ce qui peut leur nuire ?

« C'est, si l'on veut, une sorte d'instinct : cela dépend de l'extension que l'on donne à ce mot ; mais il est purement mécanique. Lorsque, dans les opérations de chimie, vous voyez deux corps se réunir, c'est qu'ils se conviennent, c'est-à-dire qu'il y a entre eux de l'affinité ; vous n'appelez pas cela de l'instinct. »

591. Dans les mondes supérieurs, les plantes sont-elles, comme les autres êtres, d'une nature plus parfaite ?

« Tout est plus parfait ; mais les plantes sont toujours des plantes, comme les animaux sont toujours des animaux et les hommes toujours des hommes. »

Les animaux et l'homme.

592. Si nous comparons l'homme et les animaux sous le rapport de l'intelligence, la ligne de démarcation semble difficile à établir, car certains animaux ont, sous ce rapport, une supériorité notoire sur certains hommes. Cette ligne de démarcation peut-elle être établie d'une manière précise ?

« Sur ce point, vos philosophes ne sont guère d'accord ; les uns veulent que l'homme soit un animal, et d'autres que l'animal soit un homme ; ils ont tous tort ; l'homme est un être à part qui s'abaisse quelquefois bien bas ou qui peut s'élever bien haut. Au physique, l'homme est comme les animaux, et moins bien pourvu que beaucoup d'entre eux ; la nature leur a donné tout ce que l'homme est obligé d'inventer avec son intelligence pour ses besoins et sa conservation ; son corps se détruit comme celui des animaux, c'est vrai, mais son Esprit a une destinée que lui seul peut comprendre, parce que lui seul est complètement libre. Pauvres hommes qui vous abaissez au-dessous de la brute ! ne savez-vous pas vous en distinguer ? Reconnaissez l'homme à la pensée de Dieu. »

593. Peut-on dire que les animaux n'agissent que par instinct?

« C'est encore là un système. Il est bien vrai que l'instinct domine chez la plupart des animaux ; mais n'en vois-tu pas qui agissent avec une volonté déterminée ? C'est de l'intelligence, mais elle est bornée. »

Outre l'instinct, on ne saurait dénier à certains animaux des actes combinés qui dénotent une volonté d'agir dans un sens déterminé et selon les circonstances. Il y a donc en eux une sorte d'intelligence, mais dont l'exercice est plus exclusivement concentré sur les moyens de satisfaire leurs besoins physiques et de pourvoir à leur conservation. Chez eux, nulle création, nulle amélioration ; quel que soit l'art que nous admirons dans leurs travaux, ce qu'ils faisaient jadis, ils le font aujourd'hui, ni mieux, ni plus mal, selon des formes et des proportions constantes et invariables. Le petit, isolé de ceux de son espèce, n'en construit pas moins son nid sur le même modèle sans avoir reçu d'enseignement. Si quelques-uns sont susceptibles d'une certaine éducation, leur développement intellectuel, toujours renfermé dans des bornes étroites, est dû à l'action de l'homme sur une nature flexible, car il n'est aucun progrès qui leur soit propre ; mais ce progrès est éphémère et purement individuel, car l'animal rendu à lui-même ne tarde pas à rentrer dans les limites tracées par la nature.

594. Les animaux ont-ils un langage ?

« Si vous entendez un langage formé de mots et de syllabes, non ; mais un moyen de communiquer entre eux, oui ; ils se disent beaucoup plus de choses que vous ne croyez ; mais leur langage est borné, comme leurs idées, à leurs besoins. »

- Il y a des animaux qui n'ont point de voix ; ceux-là ne paraissent pas avoir de langage ?

« Ils se comprennent par d'autres moyens. Vous autres, hommes, n'avez-vous que la parole pour communiquer ? Et les muets, qu'en dis-tu ? Les animaux étant doués de la vie de relation ont des moyens de s'avertir et d'exprimer les sensations qu'ils éprouvent. Crois-tu que les poissons ne s'entendent pas entre eux ? L'homme n'a donc point le privilège exclusif du langage ; mais celui des animaux est instinctif et limité par le cercle de leurs besoins et de leurs idées, tandis que celui de l'homme est perfectible et se prête à toutes les conceptions de son intelligence. »

Les poissons, en effet, qui émigrent en masse, comme les hirondelles, qui obéissent au guide qui les conduit, doivent avoir des moyens de s'avertir, de s'entendre et de se concerter. Peut-être est-ce par une vue plus perçante qui leur permet de distinguer les signes qu'ils se font ; peut-être aussi l'eau est-elle un véhicule qui leur transmet certaines vibrations. Quel qu'il soit, il est incontestable qu'ils ont un moyen de s'entendre, de même que tous les animaux privés de la voix et qui font des travaux en commun. Doit-on s'étonner, d'après cela, que des Esprits puissent communiquer entre eux sans le secours de la parole articulée ? (282).

595. Les animaux ont-ils le libre arbitre de leurs actes ?

« Ce ne sont pas de simples machines, comme vous le croyez ; mais leur liberté d'action est bornée à leurs besoins, et ne peut se comparer à celle de l'homme. Etant de beaucoup inférieurs à lui, ils n'ont pas les mêmes devoirs. Leur liberté est restreinte aux actes de la vie matérielle. »

596. D'où vient l'aptitude de certains animaux à imiter le langage de l'homme, et pourquoi cette aptitude se trouve-t-elle plutôt chez les oiseaux que chez le singe, par exemple, dont la conformation a le plus d'analogie avec la sienne ?

« Conformation particulière des organes de la voix, secondée par l'instinct d'imitation ; le singe imite les gestes, certains oiseaux imitent la voix. »

597. Puisque les animaux ont une intelligence qui leur donne une certaine liberté d'action, y a-t-il en eux un principe indépendant de la matière ?

« Oui, et qui survit au corps. »

- Ce principe est-il une âme semblable à celle de l'homme ?

« C'est aussi une âme, si vous voulez ; cela dépend du sens que l'on attache à ce mot ; mais elle est inférieure à celle de l'homme. Il y a entre l'âme des animaux et celle de l'homme autant de distance qu'entre l'âme de l'homme et Dieu. »

598. L'âme des animaux conserve-t-elle, après la mort, son individualité et la conscience d'elle-même ?

« Son individualité, oui, mais non la conscience de son moi. La vie intelligente reste à l'état latent. »

599. L'âme des bêtes a-t-elle le choix de s'incarner dans un animal plutôt que dans un autre ?

« Non ; elle n'a pas le libre arbitre. »

600. L'âme de l'animal survivant au corps est-elle après la mort dans un état errant, comme celle de l'homme ?

« C'est une sorte d'erraticité, puisqu'elle n'est pas unie à un corps, mais ce n'est pas un Esprit errant. L'Esprit errant est un être qui pense et agit par sa libre volonté ; celui des animaux n'a pas la même faculté ; c'est la conscience de lui-même qui est l'attribut principal de l'Esprit. L'Esprit de l'animal est classé après sa mort par les Esprits que cela concerne, et presque aussitôt utilisé ; il n'a pas le loisir de se mettre en rapport avec d'autres créatures. »

601. Les animaux suivent-ils une loi progressive comme les hommes ?

« Oui, c'est pourquoi dans les mondes supérieurs où les hommes sont plus avancés, les animaux le sont aussi, ayant des moyens de communication plus développés ; mais ils sont toujours inférieurs et soumis à l'homme ; ils sont pour lui des serviteurs intelligents. »

Il n'y a rien là d'extraordinaire ; supposons nos animaux les plus intelligents, le chien, l'éléphant, le cheval avec une conformation appropriée aux travaux manuels, que ne pourraient-ils pas faire sous la direction de l'homme ?

602. Les animaux progressent-ils, comme l'homme, par le fait de leur volonté ou par la force des choses ?

« Par la force des choses ; c'est pourquoi il n'y a point pour eux d'expiation. »

603. Dans les mondes supérieurs, les animaux connaissent-ils Dieu ?

« Non, l'homme est un dieu pour eux, comme jadis les Esprits ont été des dieux pour les hommes. »

604. Les animaux, même perfectionnés dans les mondes supérieurs, étant toujours inférieurs à l'homme, il en résulterait que Dieu aurait créé des êtres intellectuels perpétuellement voués à l'infériorité, ce qui paraît en désaccord avec l'unité de vues et de progrès que l'on remarque dans toutes ses oeuvres.

« Tout s'enchaîne dans la nature par des liens que vous ne pouvez encore saisir, et les choses les plus disparates en apparence ont des points de contact que l'homme n'arrivera jamais à comprendre dans son état actuel. Il peut les entrevoir par un effort de son intelligence, mais ce n'est que lorsque cette intelligence aura acquis tout son développement et sera affranchie des préjugés de l'orgueil et de l'ignorance qu'elle pourra voir clairement dans l'oeuvre de Dieu ; jusque-là, ses idées bornées lui font voir les choses à un point de vue mesquin et rétréci. Sachez bien que Dieu ne peut se contredire, et que tout, dans la nature, s'harmonise par des lois générales qui ne s'écartent jamais de la sublime sagesse du Créateur. »

- L'intelligence est ainsi une propriété commune, un point de contact, entre l'âme des bêtes et celle de l'homme ?

« Oui, mais les animaux n'ont que l'intelligence de la vie matérielle ; chez l'homme, l'intelligence donne la vie morale. »

605. Si l'on considère tous les points de contact qui existent entre l'homme et les animaux, ne pourrait-on pas penser que l'homme possède deux âmes : l'âme animale et l'âme spirite et que, s'il n'avait pas cette dernière, il pourrait vivre, mais comme la brute ; autrement dit, que l'animal est un être semblable à l'homme, moins l'âme spirite ? Il en résulterait que les bons et les mauvais instincts de l'homme seraient l'effet de la prédominance de l'une de ces deux âmes.

« Non, l'homme n'a pas deux âmes ; mais le corps a ses instincts qui sont le résultat de la sensation des organes. Il n'y a en lui qu'une double nature : la nature animale et la nature spirituelle ; par son corps, il participe de la nature des animaux et de leurs instincts ; par son âme, il participe de la nature des Esprits. »

- Ainsi, outre ses propres imperfections dont l'Esprit doit se dépouiller, il a encore à lutter contre l'influence de la matière ?

« Oui, plus il est inférieur, plus les liens entre l'Esprit et la matière sont resserrés ; ne le voyez-vous pas ? Non, l'homme n'a pas deux âmes ; l'âme est toujours unique dans un seul être. L'âme de l'animal et celle de l'homme sont distinctes l'une de l'autre, de telle sorte que l'âme de l'un ne peut animer le corps créé pour l'autre. Mais si l'homme n'a pas d'âme animale qui le mette, par ses passions, au niveau des animaux, il a son corps qui le rabaisse souvent jusqu'à eux, car son corps est un être doué de vitalité qui a des instincts, mais inintelligents et bornés au soin de sa conservation. »

L'Esprit, en s'incarnant dans le corps de l'homme, lui apporte le principe intellectuel et moral qui le rend supérieur aux animaux. Les deux natures qui sont en l'homme donnent à ses passions deux sources différentes : les unes provenant des instincts de la nature animale, les autres des impuretés de l'Esprit dont il est l'incarnation et qui sympathise plus ou moins avec la grossièreté des appétits animaux. L'Esprit, en se purifiant, s'affranchit peu à peu de l'influence de la matière ; sous cette influence, il se rapproche de la brute ; dégagé de cette influence, il s'élève à sa véritable destination.

606. Où les animaux puisent-ils le principe intelligent qui constitue l'espèce particulière d'âme dont ils sont doués ?

« Dans l'élément intelligent universel. »

- L'intelligence de l'homme et celle des animaux émanent donc d'un principe unique ?

« Sans aucun doute, mais dans l'homme il a reçu une élaboration qui l'élève au-dessus de celui qui anime la brute. »

607. Il a été dit que l'âme de l'homme, à son origine, est l'état de l'enfance à la vie corporelle, que son intelligence éclôt à peine, et qu'elle s'essaye à la vie (190) ; où l'Esprit accomplit-il cette première phase ?

« Dans une série d'existences qui précèdent la période que vous appelez l'humanité. »

- L'âme semblerait ainsi avoir été le principe intelligent des êtres inférieurs de la création ?

« N'avons-nous pas dit que tout s'enchaîne dans la nature et tend à l'unité ? C'est dans ces êtres, que vous êtes loin de tous connaître, que le principe intelligent s'élabore, s'individualise peu à peu, et s'essaye à la vie, comme nous l'avons dit. C'est en quelque sorte un travail préparatoire comme celui de la germination, à la suite duquel le principe intelligent subit une transformation et devient Esprit. C'est alors que commence pour lui la période de l'humanité, et avec elle la conscience de son avenir, la distinction du bien et du mal et la responsabilité de ses actes ; comme après la période de l'enfance vient celle de l'adolescence, puis la jeunesse et enfin l'âge mûr. Il n'y a du reste rien, dans cette origine, qui doive humilier l'homme. Les grands génies sont-ils humiliés pour avoir été d'informes foetus dans le sein de leur mère ? Si quelque chose doit l'humilier, c'est son infériorité devant Dieu, et son impuissance à sonder la profondeur de ses desseins et la sagesse des lois qui règlent l'harmonie de l'univers. Reconnaissez la grandeur de Dieu à cette admirable harmonie qui fait que tout est solidaire dans la nature. Croire que Dieu aurait pu faire quelque chose sans but et créer des êtres intelligents sans avenir, serait blasphémer sa bonté qui s'étend sur toutes ses créatures. »

- Cette période de l'humanité commence-t-elle sur notre terre ?

« La terre n'est pas le point de départ de la première incarnation humaine ; la période de l'humanité commence, en général, dans des mondes encore plus inférieurs ; ceci cependant n'est pas une règle absolue, et il pourrait arriver qu'un Esprit, dès son début humain, fût apte à vivre sur la terre. Ce cas n'est pas fréquent, et serait plutôt une exception. »

608. L'Esprit de l'homme, après sa mort, a-t-il la conscience des existences qui ont précédé pour lui la période de l'humanité ?

« Non, car ce n'est pas de cette période que commence pour lui la vie d'Esprit, et c'est même à peine s'il se souvient de ses premières existences comme homme, absolument comme l'homme ne se souvient plus des premiers temps de son enfance et encore moins du temps qu'il a passé dans le sein de sa mère. C'est pourquoi les Esprits vous disent qu'ils ne savent pas comment ils ont commencé. » (78).

609. L'Esprit, une fois entré dans la période de l'humanité, conserve-t-il des traces de ce qu'il était précédemment, c'est-à-dire de l'état où il était dans la période qu'on pourrait appeler antéhumaine ?

« C'est selon la distance qui sépare les deux périodes et le progrès accompli. Pendant quelques générations, il peut y avoir un reflet plus ou moins prononcé de l'état primitif, car rien dans la nature ne se fait par brusque transition ; il y a toujours des anneaux qui relient les extrémités de la chaîne des êtres et des événements ; mais ces traces s'effacent avec le développement du libre arbitre. Les premiers progrès s'accomplissent lentement, parce qu'ils ne sont pas encore secondés par la volonté ; ils suivent une progression plus rapide à mesure que l'Esprit acquiert une conscience plus parfaite de lui-même. »

610. Les Esprits qui ont dit que l'homme est un être à part dans l'ordre de la création se sont donc trompés ?

« Non, mais la question n'avait pas été développée, et il est d'ailleurs des choses qui ne peuvent venir qu'en leur temps. L'homme est en effet un être à part, car il a des facultés qui le distinguent de tous les autres et il a une autre destinée. L'espèce humaine est celle que Dieu a choisie pour l'incarnation des êtres qui peuvent le connaître. »

Métempsycose.

611. La communauté d'origine dans le principe intelligent des êtres vivants n'est-elle pas la consécration de la doctrine de la métempsycose ?

« Deux choses peuvent avoir une même origine et ne se ressembler nullement plus tard. Qui reconnaîtrait l'arbre, ses feuilles, ses fleurs et ses fruits dans le germe informe contenu dans la graine d'où il est sorti ? Du moment que le principe intelligent atteint le degré nécessaire pour être Esprit et entrer dans la période de l'humanité, il n'a plus de rapport avec son état primitif, et n'est pas plus l'âme des bêtes que l'arbre n'est le pépin. Dans l'homme, il n'y a plus de l'animal que le corps, et les passions qui naissent de l'influence du corps et de l'instinct de conservation inhérent à la matière. On ne peut donc pas dire que tel homme est l'incarnation de l'Esprit de tel animal, et par conséquent la métempsycose, telle qu'on l'entend, n'est pas exacte. »

612. L'Esprit qui a animé le corps d'un homme pourrait-il s'incarner dans un animal ?

« Ce serait rétrograder, et l'Esprit ne rétrograde pas. Le fleuve ne remonte pas à sa source. » (118).

613. Tout erronée que soit l'idée attachée à la métempsycose, ne serait-elle pas le résultat du sentiment intuitif des différentes existences de l'homme ?

« Ce sentiment intuitif se retrouve dans cette croyance comme dans beaucoup d'autres ; mais, comme la plupart de ses idées intuitives, l'homme l'a dénaturé. »

La métempsycose serait vraie si l'on entendait par ce mot la progression de l'âme d'un état inférieur à un état supérieur où elle acquerrait des développements qui transformeraient sa nature ; mais elle est fausse dans le sens de transmigration directe de l'animal dans l'homme et réciproquement, ce qui impliquerait l'idée d'une rétrogradation ou de fusion ; or cette fusion ne pouvant avoir lieu entre les êtres corporels des deux espèces, c'est un indice qu'elles sont à des degrés non assimilables, et qu'il doit en être de même des Esprits qui les animent. Si le même Esprit pouvait les animer alternativement, il s'ensuivrait une identité de nature qui se traduirait par la possibilité de la reproduction matérielle.

La réincarnation enseignée par les Esprits est fondée au contraire sur la marche ascendante de la nature et sur la progression de l'homme dans sa propre espèce, ce qui ne lui ôte rien de sa dignité. Ce qui le rabaisse, c'est le mauvais usage qu'il fait des facultés que Dieu lui a données pour son avancement. Quoi qu'il en soit, l'ancienneté et l'universalité de la doctrine de la métempsycose, et les hommes éminents qui l'ont professée prouvent que le principe de la réincarnation a ses racines dans la nature même ; ce sont donc bien plutôt des arguments en sa faveur qu'ils ne lui sont contraires.

Le point de départ de l'Esprit est une de ces questions qui tiennent au principe des choses, et sont dans le secret de Dieu. Il n'est pas donné à l'homme de les connaître d'une manière absolue, et il ne peut faire, à cet égard, que des suppositions, bâtir des systèmes plus ou moins probables. Les Esprits eux-mêmes sont loin de tout connaître ; sur ce qu'ils ne savent pas ils peuvent aussi avoir des opinions personnelles plus ou moins sensées.

C'est ainsi, par exemple, que tous ne pensent pas de même au sujet des rapports qui existent entre l'homme et les animaux. Selon quelques-uns, l'Esprit n'arrive à la période humaine qu'après s'être élaboré et individualisé dans les différents degrés des êtres inférieurs de la création. Selon d'autres, l'Esprit de l'homme aurait toujours appartenu à la race humaine, sans passer par la filière animale. Le premier de ces systèmes a l'avantage de donner un but à l'avenir des animaux qui formeraient ainsi les premiers anneaux de la chaîne des êtres pensants ; le second est plus conforme à la dignité de l'homme, et peut se résumer ainsi qu'il suit.

Les différentes espèces d'animaux ne procèdent point intellectuellement les unes des autres par voie de progression ; ainsi l'esprit de l'huître ne devient point successivement celui du poisson, de l'oiseau, du quadrupède et du quadrumane ; chaque espèce est un type absolu, physiquement et moralement, dont chaque individu puise à la source universelle la somme du principe intelligent qui lui est nécessaire, selon la perfection de ses organes et l'oeuvre qu'il doit accomplir dans les phénomènes de la nature, et qu'à sa mort il rend à la masse. Ceux des mondes plus avancés que le nôtre (voir n° 188) sont également des races distinctes, appropriées aux besoins de ces mondes et au degré d'avancement des hommes dont ils sont les auxiliaires, mais qui ne procèdent nullement de ceux de la terre, spirituellement parlant. Il n'en est pas de même de l'homme. Au point de vue physique, il forme évidemment un anneau de la chaîne des êtres vivants ; mais au point de vue moral, entre l'animal et l'homme, il y a solution de continuité ; l'homme possède en propre l'âme ou Esprit, étincelle divine qui lui donne le sens moral et une portée intellectuelle qui manquent aux animaux ; c'est en lui l'être principal, préexistant et survivant au corps en conservant son individualité. Quelle est l'origine de l'Esprit ? Où est son point de départ ? Se forme-t-il du principe intelligent individualisé ? C'est là un mystère qu'il serait inutile de chercher à pénétrer et sur lequel, comme nous l'avons dit, on ne peut que bâtir des systèmes. Ce qui est constant, et ce qui ressort à la fois du raisonnement et de l'expérience, c'est la survivance de l'Esprit, la conservation de son individualité après la mort, sa faculté progressive, son état heureux ou malheureux proportionnés à son avancement dans la voie du bien, et toutes les vérités morales qui sont la conséquence de ce principe. Quant aux rapports mystérieux qui existent entre l'homme et les animaux, c'est là, nous le répétons, le secret de Dieu, comme beaucoup d'autres choses dont la connaissance actuelle n'importe point à notre avancement, et sur lesquelles il serait inutile de s'appesantir.


LIVRE TROISIEME


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LOIS MORALES


CHAPITRE PREMIER


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LOI DIVINE OU NATURELLE

1. Caractères de la loi naturelle. - 2. Source et connaissance de la loi naturelle.


3. Le bien et le mal. - 4. Division de la loi naturelle.

Caractères de la loi naturelle.

614. Que doit-on entendre par la loi naturelle ?

« La loi naturelle est la loi de Dieu ; c'est la seule vraie pour le bonheur de l'homme ; elle lui indique ce qu'il doit faire ou ne pas faire, et il n'est malheureux que parce qu'il s'en écarte. »

615. La loi de Dieu est-elle éternelle ?

« Elle est éternelle et immuable comme Dieu même. »

616. Dieu a-t-il pu prescrire aux hommes dans un temps ce qu'il leur aurait défendu dans un autre ?

« Dieu ne peut se tromper ; ce sont les hommes qui sont obligés de changer leurs lois, parce qu'elles sont imparfaites ; mais les lois de Dieu sont parfaites. L'harmonie qui règle l'univers matériel et l'univers moral est fondée sur les lois que Dieu a établies de toute éternité. »

617. Quels objets embrassent les lois divines ? Concernent-elles autre chose que la conduite morale ?

« Toutes les lois de la nature sont des lois divines, puisque Dieu est l'auteur de toutes choses. Le savant étudie les lois de la matière, l'homme de bien étudie celles de l'âme et les pratique. »

- Est-il donné à l'homme d'approfondir les unes et les autres ?

« Oui, mais une seule existence ne suffit pas. »

Que sont, en effet, quelques années pour acquérir tout ce qui constitue l'être parfait, si l'on ne considère même que la distance qui sépare le sauvage de l'homme civilisé ? La plus longue existence possible est insuffisante, à plus forte raison quand elle est abrégée, comme cela a lieu chez un grand nombre.

Parmi les lois divines, les unes règlent le mouvement et les rapports de la matière brute : ce sont les lois physiques ; leur étude est du domaine de la science.

Les autres concernent spécialement l'homme en lui-même et dans ses rapports avec Dieu et avec ses semblables. Elles comprennent les règles de la vie du corps aussi bien que celles de la vie de l'âme : ce sont les lois morales.

618. Les lois divines sont-elles les mêmes pour tous les mondes ?

« La raison dit qu'elles doivent être appropriées à la nature de chaque monde et proportionnées au degré d'avancement des êtres qui les habitent. »

Connaissance de la loi naturelle.

619. Dieu a-t-il donné à tous les hommes les moyens de connaître sa loi ?

« Tous peuvent la connaître, mais tous ne la comprennent pas ; ceux qui la comprennent le mieux sont les hommes de bien et ceux qui veulent la chercher ; cependant, tous la comprendront un jour, car il faut que le progrès s'accomplisse. »

La justice des diverses incarnations de l'homme est une conséquence de ce principe, puisqu'à chaque existence nouvelle son intelligence est plus développée et qu'il comprend mieux ce qui est bien et ce qui est mal. Si tout devait s'accomplir pour lui dans une seule existence, quel serait le sort de tant de millions d'êtres qui meurent chaque jour dans l'abrutissement de la sauvagerie, ou dans les ténèbres de l'ignorance, sans qu'il ait dépendu d'eux de s'éclairer ? (171-222)

620. L'âme, avant son union avec le corps, comprend-elle la loi de Dieu mieux qu'après son incarnation ?

« Elle la comprend selon le degré de perfection auquel elle est arrivée, et en conserve le souvenir intuitif après son union avec le corps ; mais les mauvais instincts de l'homme la lui font souvent oublier. »

621. Où est écrite la loi de Dieu ?

« Dans la conscience. »

- Puisque l'homme porte dans sa conscience la loi de Dieu, quelle nécessité y avait-il de la lui révéler ?

« Il l'avait oubliée et méconnue : Dieu a voulu qu'elle lui fût rappelée. »

622. Dieu a-t-il donné à certains hommes la mission de révéler sa loi ?

« Oui, certainement ; dans tous les temps des hommes ont reçu cette mission. Ce sont des Esprits supérieurs incarnés dans le but de faire avancer l'humanité. »

623. Ceux qui ont prétendu instruire les hommes dans la loi de Dieu ne se sont-ils pas quelquefois trompés et ne les ont-ils pas souvent égarés par de faux principes ?

« Ceux qui n'étaient pas inspirés de Dieu, et qui se sont donné, par ambition, une mission qu'ils n'avaient pas ont certainement pu les égarer ; cependant, comme en définitive c'étaient des hommes de génie, au milieu même des erreurs qu'ils ont enseignées, il se trouve souvent de grandes vérités. »

624. Quel est le caractère du vrai prophète ?

« Le vrai prophète est un homme de bien inspiré de Dieu. On peut le reconnaître à ses paroles et à ses actions. Dieu ne peut se servir de la bouche du menteur pour enseigner la vérité. »

625. Quel est le type le plus parfait que Dieu ait offert à l'homme pour lui servir de guide et de modèle ?

« Voyez Jésus. »

Jésus est pour l'homme le type de la perfection morale à laquelle peut prétendre l'humanité sur la terre. Dieu nous l'offre comme le plus parfait modèle, et la doctrine qu'il a enseignée est la plus pure expression de sa loi, parce qu'il était animé de l'esprit divin, et l'être le plus pur qui ait paru sur la terre.

Si quelques-uns de ceux qui ont prétendu instruire l'homme dans la loi de Dieu l'ont quelquefois égaré par de faux principes, c'est pour s'être laissé dominer eux-mêmes par des sentiments trop terrestres, et pour avoir confondu les lois qui régissent les conditions de la vie de l'âme avec celles qui régissent la vie du corps. Plusieurs ont donné comme lois divines ce qui n'était que des lois humaines créées pour servir les passions et dominer les hommes.

626. Les lois divines et naturelles n'ont-elles été révélées aux hommes que par Jésus, et avant lui n'en ont-ils eu connaissance que par l'intuition ?

« N'avons-nous pas dit qu'elles sont écrites partout ? Tous les hommes qui ont médité sur la sagesse ont donc pu les comprendre et les enseigner dès les siècles les plus reculés. Par leurs enseignements, même incomplets, ils ont préparé le terrain à recevoir la semence. Les lois divines étant inscrites dans le livre de la nature, l'homme a pu les connaître quand il a voulu les chercher ; c'est pourquoi les préceptes qu'elles consacrent ont été proclamés de tout temps par les hommes de bien, et c'est aussi pourquoi on en trouve les éléments dans la doctrine morale de tous les peuples sortis de la barbarie, mais incomplets ou altérés par l'ignorance et la superstition. »

627. Puisque Jésus a enseigné les véritables lois de Dieu, quelle est l'utilité de l'enseignement donné par les Esprits ? Ont-ils à nous apprendre quelque chose de plus ?

« La parole de Jésus était souvent allégorique et en paraboles, parce qu'il parlait selon les temps et les lieux. Il faut maintenant que la vérité soit intelligible pour tout le monde. Il faut bien expliquer et développer ces lois, puisqu'il y a si peu de gens qui les comprennent et encore moins qui les pratiquent. Notre mission est de frapper les yeux et les oreilles pour confondre les orgueilleux et démasquer les hypocrites : ceux qui affectent les dehors de la vertu et de la religion pour cacher leurs turpitudes. L'enseignement des Esprits doit être clair et sans équivoque, afin que personne ne puisse prétexter ignorance et que chacun puisse le juger et l'apprécier avec sa raison. Nous sommes chargés de préparer le règne du bien annoncé par Jésus ; c'est pourquoi il ne faut pas que chacun puisse interpréter la loi de Dieu au gré de ses passions, ni fausser le sens d'une loi toute d'amour et de charité. »

628. Pourquoi la vérité n'a-t-elle pas toujours été mise à la portée de tout le monde ?

« Il faut que chaque chose vienne en son temps. La vérité est comme la lumière : il faut s'y habituer peu à peu, autrement elle éblouit.

Jamais il n'est arrivé que Dieu permît à l'homme de recevoir des communications aussi complètes et aussi instructives que celles qu'il lui est donné de recevoir aujourd'hui. Il y avait bien, comme vous le savez, dans les anciens âges, quelques individus qui étaient en possession de ce qu'ils considéraient comme une science sacrée, et dont ils faisaient mystère aux profanes selon eux. Vous devez comprendre, avec ce que vous connaissez des lois qui régissent ces phénomènes, qu'ils ne recevaient que quelques vérités éparses au milieu d'un ensemble équivoque et, la plupart du temps, emblématique. Cependant, il n'y a pour l'homme d'étude aucun ancien système philosophique, aucune tradition, aucune religion à négliger, car tout renferme des germes de grandes vérités qui, bien que paraissant contradictoires les unes avec les autres, éparses qu'elles sont au milieu d'accessoires sans fondement, sont très faciles à coordonner, grâce à la clef que nous donne le spiritisme d'une foule de choses qui ont pu, jusqu'ici, vous paraître sans raison et dont aujourd'hui la réalité vous est démontrée d'une manière irrécusable. Ne négligez donc pas de puiser dans ces matériaux des sujets d'étude ; ils en sont très riches et peuvent contribuer puissamment à votre instruction. »

Le bien et le mal.

629. Quelle définition peut-on donner de la morale ?

« La morale est la règle pour se bien conduire, c'est-à-dire la distinction entre le bien et le mal. Elle est fondée sur l'observation de la loi de Dieu. L'homme se conduit bien quand il fait tout en vue et pour le bien de tous, car alors il observe la loi de Dieu. »

630. Comment peut-on distinguer le bien et le mal ?

« Le bien est tout ce qui est conforme à la loi de Dieu, et le mal tout ce qui s'en écarte. Ainsi, faire le bien, c'est se conformer à la loi de Dieu ; faire le mal, c'est enfreindre cette loi. »

631. L'homme a-t-il par lui-même les moyens de distinguer ce qui est bien de ce qui est mal ?

« Oui, quand il croit en Dieu et qu'il veut le savoir. Dieu lui a donné l'intelligence pour discerner l'un de l'autre. »

632. L'homme, qui est sujet à l'erreur, ne peut-il se tromper dans l'appréciation du bien et du mal, et croire qu'il fait bien quand en réalité il fait mal ?

« Jésus vous l'a dit : voyez ce que vous voudriez qu'on fît ou ne fît pas pour vous : tout est là. Vous ne vous tromperez pas. »

633. La règle du bien et du mal, qu'on pourrait appeler de réciprocité ou de solidarité, ne peut s'appliquer à la conduite personnelle de l'homme envers lui-même. Trouve-t-il, dans la loi naturelle, la règle de cette conduite et un guide sûr ?

« Quand vous mangez trop, cela vous fait mal. Eh bien ! C'est Dieu qui vous donne la mesure de ce qu'il vous faut. Quand vous la dépassez, vous êtes puni. Il en est de même de tout. La loi naturelle trace à l'homme la limite de ses besoins ; quand il la dépasse, il en est puni par la souffrance. Si l'homme écoutait en toutes choses cette voix qui lui dit assez, il éviterait la plupart des maux dont il accuse la nature. »

634. Pourquoi le mal est-il dans la nature des choses ? Je parle du mal moral. Dieu ne pouvait-il créer l'humanité dans des conditions meilleures ?

« Nous te l'avons déjà dit : les Esprits ont été créés simples et ignorants (115). Dieu laisse à l'homme le choix de la route ; tant pis pour lui s'il prend la mauvaise : son pèlerinage sera plus long. S'il n'y avait pas de montagnes, l'homme ne pourrait pas comprendre que l'on peut monter et descendre, et s'il n'y avait pas de rochers, il ne comprendrait pas qu'il y a des corps durs. Il faut que l'Esprit acquière de l'expérience, et pour cela il faut qu'il connaisse le bien et le mal ; c'est pourquoi il y a union de l'Esprit et du corps. » (119).

635. Les différentes positions sociales créent des besoins nouveaux qui ne sont pas les mêmes pour tous les hommes. La loi naturelle paraîtrait ainsi n'être pas une règle uniforme ?

« Ces différentes positions sont dans la nature et selon la loi du progrès. Cela n'empêche pas l'unité de la loi naturelle qui s'applique à tout. »

Les conditions d'existence de l'homme changent selon les temps et les lieux ; il en résulte pour lui des besoins différents et des positions sociales appropriées à ces besoins. Puisque cette diversité est dans l'ordre des choses, elle est conforme à la loi de Dieu, et cette loi n'en est pas moins une dans son principe. C'est à la raison de distinguer les besoins réels des besoins factices ou de convention.

636. Le bien et le mal sont-ils absolus pour tous les hommes ?

« La loi de Dieu est la même pour tous ; mais le mal dépend surtout de la volonté qu'on a de le faire. Le bien est toujours bien et le mal est toujours mal, quelle que soit la position de l'homme ; la différence est dans le degré de responsabilité. »

637. Le sauvage qui cède à son instinct en se nourrissant de chair humaine est-il coupable ?

« J'ai dit que le mal dépend de la volonté ; eh bien ! l'homme est plus coupable à mesure qu'il sait mieux ce qu'il fait. »

Les circonstances donnent au bien et au mal une gravité relative. L'homme commet souvent des fautes qui, pour être la suite de la position où l'a placé la société, n'en sont pas moins répréhensibles ; mais la responsabilité est en raison des moyens qu'il a de comprendre le bien et le mal. C'est ainsi que l'homme éclairé qui commet une simple injustice est plus coupable aux yeux de Dieu que le sauvage ignorant qui s'abandonne à ses instincts.

638. Le mal semble quelquefois être une conséquence de la force des choses. Telle est, par exemple, dans certains cas, la nécessité de destruction, même sur son semblable. Peut-on dire alors qu'il y ait prévarication à la loi de Dieu ?

« Ce n'en est pas moins le mal, quoique nécessaire ; mais cette nécessité disparaît à mesure que l'âme s'épure en passant d'une existence à l'autre ; et alors l'homme n'en est que plus coupable lorsqu'il le commet, parce qu'il le comprend mieux. »

639. Le mal que l'on commet n'est-il pas souvent le résultat de la position que nous ont faite les autres hommes ; et dans ce cas, quels sont les plus coupables ?

« Le mal retombe sur celui qui en est cause. Ainsi, l'homme qui est conduit au mal par la position qui lui est faite par ses semblables est moins coupable que ceux qui en sont cause ; car chacun portera la peine, non seulement du mal qu'il aura fait, mais de celui qu'il aura provoqué. »

640. Celui qui ne fait pas le mal, mais qui profite du mal fait par un autre, est-il coupable au même degré ?

« C'est comme s'il le commettait ; en profiter c'est y participer. Peut-être aurait-il reculé devant l'action ; mais si, la trouvant toute faite, il en use, c'est donc qu'il l'approuve, et qu'il l'eût faite lui-même s'il eût pu, ou s'il eût osé. »

641. Le désir du mal est-il aussi répréhensible que le mal même ?

« C'est selon ; il y a vertu à résister volontairement au mal dont on éprouve le désir, quand surtout on a la possibilité de satisfaire ce désir ; si ce n'est que l'occasion qui manque, on est coupable. »

642. suffit-il de ne point faire de mal pour être agréable à Dieu et assurer sa position à venir ?

« Non, il faut faire le bien dans la limite de ses forces ; car chacun répondra de tout le mal qui aura été fait à cause du bien qu'il n'aura pas fait. »

643. Y a-t-il des personnes qui, par leur position, n'aient pas la possibilité de faire du bien ?

« Il n'y a personne qui ne puisse faire du bien : l'égoïste seul n'en trouve jamais l'occasion. Il suffit d'être en rapport avec d'autres hommes pour trouver à faire le bien, et chaque jour de la vie en donne la possibilité à quiconque n'est pas aveuglé par l'égoïsme ; car faire le bien, ce n'est pas seulement être charitable, c'est être utile dans la mesure de votre pouvoir toutes les fois que votre secours peut être nécessaire. »

644. Le milieu dans lequel certains hommes se trouvent placés n'est-il pas pour eux la source première de beaucoup de vices et de crimes ?

« Oui, mais c'est encore là une épreuve choisie par l'Esprit à l'état de liberté ; il a voulu s'exposer à la tentation pour avoir le mérite de la résistance. »

645. Quand l'homme est en quelque sorte plongé dans l'atmosphère du vice, le mal ne devient-il pas pour lui un entraînement presque irrésistible ?

« Entraînement, oui ; irrésistible, non ; car, au milieu de cette atmosphère du vice, tu trouves quelquefois de grandes vertus. Ce sont des Esprits qui ont eu la force de résister, et qui ont eu en même temps pour mission d'exercer une bonne influence sur leurs semblables. »

646. Le mérite du bien que l'on fait est-il subordonné à certaines conditions ; autrement dit, y a-t-il différents degrés dans le mérite du bien ?

« Le mérite du bien est dans la difficulté ; il n'y en a point à faire le bien sans peine et quand il ne coûte rien. Dieu tient plus de compte au pauvre qui partage son unique morceau de pain, qu'au riche qui ne donne que son superflu. Jésus l'a dit à propos du denier de la veuve. »

Division de la loi naturelle.

647. Toute la loi de Dieu est-elle renfermée dans la maxime de l'amour du prochain enseignée par Jésus ?

« Certainement, cette maxime renferme tous les devoirs des hommes entre eux ; mais il faut leur en montrer l'application, autrement ils la négligeront comme ils le font aujourd'hui ; d'ailleurs, la loi naturelle comprend toutes les circonstances de la vie, et cette maxime n'en est qu'une partie. Il faut aux hommes des règles précises ; les préceptes généraux et trop vagues laissent trop de portes ouvertes à l'interprétation. »

648. Que pensez-vous de la division de la loi naturelle en dix parties comprenant les lois sur l'adoration, le travail, la reproduction, la conservation, la destruction, la société, le progrès, l'égalité, la liberté, enfin celle de justice, d'amour et de charité ?

« Cette division de la loi de Dieu en dix parties est celle de Moïse, et peut embrasser toutes les circonstances de la vie, ce qui est essentiel ; tu peux donc la suivre sans qu'elle ait pour cela rien d'absolu, pas plus que tous les autres systèmes de classification qui dépendent du point de vue sous lequel on considère une chose. La dernière loi est la plus importante ; c'est par elle que l'homme peut avancer le plus dans la vie spirituelle, car elle les résume toutes. »


CHAPITRE II


-


I. - LOI D'ADORATION

1. But de l'adoration. - 2. Adoration extérieure. - 3. Vie contemplative.


4. De la prière. - 5. Polythéisme. - 6. Sacrifices.

But de l'adoration.

649. En quoi consiste l'adoration ?

« C'est l'élévation de la pensée vers Dieu. Par l'adoration, on rapproche son âme de lui. »

650. L'adoration est-elle le résultat d'un sentiment inné, ou le produit d'un enseignement ?

« Sentiment inné, comme celui de la Divinité. La conscience de sa faiblesse porte l'homme à se courber devant celui qui peut le protéger. »

651. Y a-t-il eu des peuples dépourvus de tout sentiment d'adoration ?

« Non, car il n'y a jamais eu de peuples d'athées. Tous comprennent qu'il y a au-dessus d'eux un être suprême. »

652. Peut-on considérer l'adoration comme ayant sa source dans la loi naturelle ?

« Elle est dans la loi naturelle, puisqu'elle est le résultat d'un sentiment inné chez l'homme ; c'est pourquoi on la retrouve chez tous les peuples, quoique sous des formes différentes. »

Adoration extérieure.

653. L'adoration a-t-elle besoin de manifestations extérieures ?

« La véritable adoration est dans le coeur. Dans toutes vos actions, songez toujours qu'un maître vous regarde. »

- L'adoration extérieure est-elle utile ?

« Oui, si elle n'est pas un vain simulacre. Il est toujours utile de donner un bon exemple ; mais ceux qui ne le font que par affectation et amour-propre, et dont la conduite dément leur piété apparente, donnent un exemple plus mauvais que bon, et font plus de mal qu'ils ne pensent. »

654. Dieu accorde-t-il une préférence à ceux qui l'adorent de telle ou telle façon ?

« Dieu préfère ceux qui l'adorent du fond du coeur, avec sincérité, en faisant le bien et en évitant le mal, à ceux qui croient l'honorer par des cérémonies qui ne les rendent pas meilleurs pour leurs semblables.

Tous les hommes sont frères et enfants de Dieu ; il appelle à lui tous ceux qui suivent ses lois, quelle que soit la forme sous laquelle ils les expriment.

Celui qui n'a que les dehors de la piété est un hypocrite ; celui chez qui l'adoration n'est qu'affectée et en contradiction avec sa conduite, donne un mauvais exemple.

Celui qui fait profession d'adorer le Christ et qui est orgueilleux, envieux et jaloux, qui est dur et implacable pour autrui, ou ambitieux des biens de ce monde, je vous dis que la religion est sur ses lèvres et non dans son coeur ; Dieu, qui voit tout, dira : celui-là qui connaît la vérité est cent fois plus coupable du mal qu'il fait que l'ignorant sauvage du désert, et il sera traité en conséquence, au jour de la justice. Si un aveugle vous renverse en passant, vous l'excusez ; si c'est un homme qui voit clair, vous vous plaignez et vous avez raison.

Ne demandez donc pas s'il y a une forme d'adoration plus convenable, car ce serait demander s'il est plus agréable à Dieu d'être adoré dans une langue plutôt que dans une autre. Je vous dis encore une fois : les chants n'arrivent à lui que par la porte du coeur. »

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