Maixent, le magicien
Les copains, nous sommes invités à goûter chez Maixent, et ça nous a étonnés, parce que Maixent n’invite jamais personne chez lui. Sa maman ne veut pas, mais il nous a expliqué que son oncle, celui qui est marin, mais moi je crois que c’est de la blague et qu’il n’est pas marin du tout, lui a fait cadeau d’une boîte de magie, et faire de la magie ce n’est pas drôle s’il n’y a personne pour regarder, et c’est pour ça que la maman de Maixent lui a permis de nous inviter.
Quand je suis arrivé, tous les copains étaient déjà là, et la maman de Maixent nous a servi le goûter : du thé au lait et des tartines ; pas terrible. Et on regardait tous Alceste, qui mangeait les deux petits pains au chocolat qu’il avait amenés de chez lui, et c’est inutile de lui en demander, parce qu’Alceste, qui est un très bon copain, vous prêtera n’importe quoi, à condition que ça ne se mange pas.
Après le goûter, Maixent nous a fait entrer dans le salon, où il avait mis des chaises en rang, comme chez Clotaire quand son papa nous a fait le guignol ; et Maixent s’est mis derrière une table, et sur la table il y avait la boîte de magie. Maixent a ouvert la boîte ; c’était plein de choses là-dedans, et il a pris une baguette et un gros dé.
— Vous voyez ce dé, a dit Maixent. A part qu’il est très gros, il est comme tous les dés...
— Non, a dit Geoffroy, il est creux, et à l’intérieur il y a un autre dé.
Maixent a ouvert la bouche et il a regardé Geoffroy.
— Qu’est-ce que tu en sais ? a demandé Maixent.
— Je le sais parce que j’ai la même boîte de magie à la maison, a répondu Geoffroy ; c’est mon papa qui me l’a donnée quand j’ai fait douzième en orthographe.
— Alors, il y a un truc ? a demandé Rufus.
— Non, monsieur, il n’y a pas de truc ! a crié Maixent. Ce qu’il y a, c’est que Geoffroy est un sale menteur !
— Parfaitement qu’il est creux, ton dé, a dit Geoffroy, et répète que je suis un sale menteur, et tu auras une baffe !
Mais ils ne se sont pas battus, parce que la maman de Maixent est entrée dans le salon. Elle nous a regardés, elle est restée un moment, et puis elle est partie en faisant un soupir et en emportant un vase qui était sur la cheminée. Moi, le coup du dé creux, ça m’a intéressé, alors je me suis approché de la table pour voir.
— Non ! a crié Maixent. Non ! Retourne à ta place, Nicolas ! tu n’as pas le droit de voir de près !
— Et pourquoi, je vous prie ? j’ai demandé.
— Parce qu’il y a un truc, c’est sûr, a dit Rufus.
— Ben oui, a dit Geoffroy, le dé est creux, alors, quand tu le mets sur la table, le dé qui est dedans...
— Si tu continues, a crié Maixent, tu retournes chez toi !
Et la maman de Maixent est entrée dans le salon, et elle est ressortie avec une petite statue qui était sur le piano.
Alors, Maixent a laissé le dé et il a pris une espèce de petite casserole.
— Cette casserole est vide, a dit Maixent en nous la montrant.
Et il a regardé Geoffroy, mais Geoffroy était occupé à expliquer le coup du dé creux à Clotaire qui n’avait pas compris.
— Je sais, a dit Joachim, la casserole est vide, et tu vas en faire sortir un pigeon tout blanc.
— S’il y arrive, a dit Rufus, c’est qu’il y a un truc.
— Un pigeon ? a dit Maixent, mais non ! D’où est-ce que tu veux que je sorte un pigeon, imbécile ?
— J’ai vu à la télé un magicien, et il sortait des tas de pigeons de partout, imbécile toi-même ! a répondu Joachim.
— D’abord, a dit Maixent, même si je voulais, je n’aurais pas le droit de sortir un pigeon de la casserole ; ma maman ne veut pas que j’aie des animaux à la maison ; la fois où j’ai amené une souris, ça a fait des histoires. Et qui est un imbécile, je vous prie ?
— C’est dommage, a dit Alceste ; c’est chouette, les pigeons ! C’est pas gros, mais avec des petits pois, c’est terrible ! On dirait du poulet.
— C’est toi, l’imbécile, a dit Joachim à Maixent ; voilà qui est l’imbécile.
Et la maman de Maixent est entrée ; moi je me demande si elle n’écoutait pas derrière la porte, et elle nous a dit d’être sages et de faire attention à la lampe qui était dans le coin.
Quand elle est partie, elle avait l’air drôlement inquiète, la maman de Maixent...
— La casserole, a demandé Clotaire, c’est comme le dé, elle est creuse ?
— Pas toute la casserole, a dit Geoffroy, seulement dans le fond.
— C’est un truc, quoi, a dit Rufus.
Alors, Maixent s’est fâché, il nous a dit que nous n’étions pas des copains et il a fermé sa boîte de magie et il nous a dit qu’il ne nous ferait plus de tours. Et il s’est mis à bouder, et plus personne n’a rien dit. Alors, la maman de Maixent est entrée en courant.
— Qu’est-ce qui se passe ici ? elle a crié. Je ne vous entends plus.
— C’est eux, a dit Maixent ; ils ne me laissent pas faire des tours !
— Écoutez, les enfants, a dit la maman de Maixent. Je veux bien que vous vous amusiez, mais il faut que vous soyez sages. Sinon, vous rentrerez chez vous. Maintenant, je dois sortir faire une course, je compte sur vous pour être de grands garçons très raisonnables ; et faites attention à la pendule qui est sur la commode.
Et la maman de Maixent nous a regardés encore un coup, et elle est partie en bougeant la tête comme pour faire non, avec les yeux vers le plafond.
— Bon, a dit Maixent. Vous voyez cette boule blanche ? Eh bien, je vais la faire disparaître.
— C’est un truc ? a demandé Rufus.
— Oui, a dit Geoffroy, il va la cacher et la mettre dans sa poche.
— Non, monsieur ! a crié Maixent ; non, monsieur ! Je vais la faire disparaître. Parfaitement !
— Mais non, a dit Geoffroy, tu ne la feras pas disparaître, puisque je te dis que tu vas la mettre dans ta poche !
— Alors, il va la faire disparaître, ou non, sa boule blanche ? a demandé Eudes.
— Parfaitement que je pourrais la faire disparaître, la boule, a dit Maixent, si je voulais ; mais je ne veux pas, parce que vous n’êtes pas des copains, et voilà tout ! Et maman a raison de dire que vous êtes des tas de vandales !
— Ah ! Qu’est-ce que je disais, a crié Geoffroy ; pour faire disparaître la boule, il faudrait être un vrai magicien, et pas un minable !
Alors, Maixent s’est fâché et il a couru vers Geoffroy pour lui donner une claque, et Geoffroy, ça ne lui a pas plu, alors il a jeté la boîte de magie par terre, il s’est mis très en colère, et avec Maixent ils ont commencé à se donner des tas de baffes. Nous, on rigolait bien, et puis la maman de Maixent est entrée dans le salon. Elle n’avait pas l’air contente du tout.
— Tous chez vous ! Tout de suite ! elle nous a dit la maman de Maixent.
Alors, nous sommes partis, et moi j’étais assez déçu, même si on a passé un chouette après-midi, parce que j’aurais bien aimé voir Maixent faire ses tours de magie.
— Bah ! a dit Clotaire, moi je crois que Rufus a raison ; Maixent, ce n’est pas comme les vrais magiciens de la télé ; lui, ce n’est que des trucs.
Et le lendemain à l’école, Maixent était encore fâché avec nous, parce qu’il paraît que quand il a ramassé sa boîte de magie, il a vu que la boule blanche avait disparu.