Épilogue
Les dernières semaines de l’été apportèrent des nouvelles de cette guerre dont tous disaient qu’elle ne pourrait plus durer longtemps. Maximilian Carver avait inauguré son horlogerie dans un petit local proche de la place de l’église et, en peu de temps, il ne restait plus d’habitant dans le village qui n’eût rendu visite au petit bazar de merveilles du père de Max. Irina était complètement guérie et ne semblait pas se rappeler l’accident dont elle avait été victime dans l’escalier de la maison de la plage. Elle et sa mère avaient l’habitude de faire de longues promenades sur le sable à la recherche de coquillages et de petits fossiles qui, l’automne venu, ne manqueraient pas de faire l’admiration de ses nouvelles camarades de classe.
Max, fidèle au legs du gardien du phare, allait chaque soir à bicyclette allumer le faisceau de lumière qui devait guider les bateaux jusqu’au lever du jour. Il montait jusqu’au couronnement et, de là, contemplait l’océan, tout comme l’avait fait Victor Kray pendant presque toute sa vie.
Durant une de ces soirées au phare, il découvrit que sa sœur Alicia revenait régulièrement sur la plage à l’endroit où s’était élevée la cabane de Roland. Solitaire, elle s’asseyait près du rivage et laissait passer silencieusement les heures. Ils ne se parlaient plus jamais comme ils l’avaient fait au cours des journées qu’ils avaient partagées avec Roland, et Alicia n’évoquait jamais ce qui s’était passé cette nuit-là dans la baie. Max avait respecté son silence dès le premier moment. Quand vinrent les derniers jours de septembre qui annonçaient le début de l’automne, le souvenir du Prince de la Brume paraissait s’être définitivement effacé de leur mémoire comme un rêve à la lumière du jour.
Souvent, lorsque Max observait sa sœur en bas, sur la plage, il pensait aux paroles de Roland, quand son ami lui avait avoué sa crainte que ce ne soit son dernier été au village s’il était appelé à l’armée. Désormais, même si le frère et la sœur n’échangeaient pratiquement pas un mot à ce sujet, Max savait que le souvenir de Roland et de cet été où ils avaient découvert ensemble la magie et ses maléfices ne cesserait de les accompagner et les unirait pour toujours.