Quelques jours plus tard, à Calcutta, un cortège de plusieurs dizaines de milliers de participants a célébré le docteur français Pierre Doisneau et sa famille, disparus tragiquement dans l’incendie du laboratoire. En Europe, on a peu parlé de cette disparition. Le Dr Pierre Doisneau était une légende, mais une légende lointaine et irréelle. D’ailleurs, son œuvre perdure, au-delà de sa mort. Plus que jamais l’organisation Monde Unique se développe et déploie ses bienfaits. Les médias évoquent même la possibilité que Pierre Doisneau obtienne le prix Nobel de la Paix 1992, à titre posthume.
A tout point de vue, Simon Rickiel a mené l’affaire des diamants de main de maître. Le 24 octobre 1991, la police de Cape Town a débusqué Niels van Dötten, vieillard efféminé et craintif, caché dans la banlieue résidentielle de la ville. L’Afrikaner, sans doute rassuré par les disparitions successives de ses associés et du maître, a avoué ses méfaits sans manifester aucune difficulté. Il a révélé les grandes lignes du réseau, donnant les noms, les lieux, les dates. Grâce à Simon Rickiel, j’ai pu moi-même lire ces aveux et constaté que van Dötten avait occulté le rôle de Pierre Sénicier ainsi que le chantage qu’il exerçait sur les trois trafiquants.
Aujourd’hui, Sarah Gabbor est emprisonnée en Israël. Elle est incarcérée dans un camp où les détenues travaillent à ciel ouvert, comme dans les kibboutz. D’une certaine façon, Sarah est donc revenue à la case départ N. Son procès n’a pas encore eu lieu, mais son dossier, à la lumière des dernières révélations de l’enquête, se présente plutôt bien.
J’ai écrit plusieurs fois à la jeune femme des lettres qui sont restées sans réponse. Je soupçonne dans ce silence cet orgueil et cette force de caractère qui m’avaient tant fasciné en terre hébraïque. Personne n’a jamais retrouvé les diamants ni l’argent de la belle kibboutznik.
Quant à l’énigme des cœurs, elle n’est jamais apparue dans aucun document officiel. Seuls Simon Rickiel, Milan Djuric et moi-même connaissons la vérité. Et nous emporterons ce secret dans la tombe.
Milan Djuric m’a quitté en déclarant simplement :
« Nous ne devons plus nous revoir, Louis. Jamais. Notre amitié ne ferait que raviver nos cicatrices. Il a empoigné ma main et l’a serrée de toutes ses forces. Cette poignée d’homme valeureux brisait à jamais le complexe de mon infirmité. »