CONCLUSION

Une heure sonne longuement au beffroi voisin lorsque j’arrive au bureau.

Bérurier, fourbu, repu, dort debout, ce qui est un exploit relativement facile vu la dimension de ses pompes.

— Dire que tout cela s’est déroulé en onze heures, soupiré-je.

Je compte sur mes doigts.

— Deux types assassinés. Un suicide. Un blessé par un lion. Un demi-cinglé… Tu parles d’un tableau de chasse !

Je m’assieds et je décroche le bigophone pour mettre le Vieux au courant. Il n’est pas là, par extraordinaire. Ce ne sera donc que demain que je lui apprendrai que c’est le soleil d’Indochine qui a tué l’arbitre de Colombes…

À peine ai-je raccroché que la sonnerie retentit.

Le standard m’annonce le commissariat de Verneuil-sur-Avre.

— Allô !

— Commissaire San-Antonio ?

— Soi-même.

— Il y a là une demoiselle qui demande après vous. Je vous la passe.

Et comment qu’il me la passe, ma jolie rouquine de Geneviève.

Elle fulmine un peu, la gosse, je vous le dis. Pas à prendre avec des pincettes (d’ailleurs ce serait dommage).

— Espèce de goujat ! M’abandonner dans ce cirque ! Comment vais-je rentrer… Je n’ai pas un sou sur moi ! Ah ! les poulets, vous êtes bien tous pareils… Pas un pour racheter l’autre !

Je la calme.

— Excusez-moi, ma tourterelle. Les événements se sont précipités. Mon enquête est finie…

Ça lui coupe le bec.

— Pas possible ?

— Si. Attendez-moi, je retourne vous chercher…

— Vous voulez que je poireaute une heure dans ce commissariat qui pue ?

— Allez dans un café.

— À ces heures, ils sont tous fermés…

Je réprime un sourire…

— Alors descendez à l’Hôtel de la Gare. Il doit fatalement y avoir un Hôtel de la Gare ! Il y en a partout où il y a des gares.

— Dites donc, s’indigne-t-elle.

— Je n’ai pas une autonomie d’essence suffisante pour faire l’aller-retour, plaidé-je. Prenez une chambre avec un grand lit et ne vous occupez pas de la vue sur la mer, nous laisserons les volets fermés.

Je raccroche.

Bérurier dort dans ses souliers.

FIN
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