Lorsque j’entre dans mon bureau, Magnin est assis, bras croisés. Il met son doigt à la verticale devant ses lèvres et me désigne le fauteuil de cuir où Dora Réveillon dort provisoirement comme une bienheureuse, ses jupes relevées jusqu’au nombril.
Je m’assieds près de Magnin.
— Elle t’a dit pourquoi elle m’a faussé compagnie si rapidement ? je demande.
Il rougit.
— Heu…
— Oui ou non ?
— Oui.
— Pourquoi ?
— Il paraîtrait… Il paraîtrait que vous vous seriez envoyé la bonniche de l’hôtel dans la chambre à côté. Elle a tout entendu et ça l’a choquée…
Je me gondole (comme on dit place San Marco).
— C’était donc ça !
Magnin s’enhardit.
— Entre nous, patron, je comprends pas que vous ayez chargé une bonne alors que vous aviez une femme pareille à portée de… la main.
Je hausse les épaules.
— Elle m’intimidait, mens-je galamment. Mais rassure-toi, Magnin. En régalant la soubrette, c’est à elle que je pensais… à elle qui a mis son mari en boîte.
Magnin louche sur les admirables jambes que nous dévoile l’impudique dormeuse.
Et il rêve à des trucs…
À des machins…
À des choses…
Je tape doucement sur l’épaule de Dora. Elle s’éveille, me reconnaît, et comprend à mon air que je connais le rôle qu’elle a joué.
Allons-y ! C’est peut-être pas marrant, mais le métier a ses exigences. Alors, je commence à parler…