XX

Sans transporter Kerian et Stanach où ils l’espéraient, la magie ne les propulsa pas à Tarsis ou dans la mer de Sirrion... Ils atterrirent au cœur de la forêt de chênes, au nord-est de Qualinost.

— Nous sommes à moins d’une journée de marche de la capitale, annonça Kerian.

Nauséeux, Stanach s’adossa à un arbre, les yeux fermés.

— Parfait...

Kerian attendit qu’il reprenne des couleurs.

— Allons d’abord à la maison de chasse du roi. Son bras droit le préviendra de ta venue.

— Nous marcherons, j’espère ?

Kerian hocha la tête. Le temps que son compagnon récupère, elle planifia leur itinéraire, choisissant des sentiers connus des seuls chasseurs et... de leurs proies.

Ils cheminèrent jusqu’à ce que le soleil atteigne son zénith et ne croisèrent aucun chasseur. Atteignant une vallée, ils ne virent pas de fermiers dans les champs, mais de longues traînées noirâtres, là où s’étaient dressées leurs fermes...

Stanach serra sa hache.

— Ça ne date pas d’aujourd’hui, dit Kerian, amère. (Elle désigna le ciel.) Les corbeaux ont festoyé et sont repartis depuis longtemps...

— À t’entendre, tu as l’habitude.

— Je devrais, en effet... Mais détrompe-toi, Stanach, je ne m’y ferai jamais !

Jusque-là, les chevaliers s’étaient contentés de sévir autour des villes et des villages. La magie de l’Ancienne et les raids des Ombres de la Nuit les avaient tenus éloignés des bois.

Maintenant... Quelque chose avait changé.

Et les deux compagnons n’étaient pas seuls dans la forêt. On les pistait – si discrètement qu’ils auraient pu croire que leur imagination leur jouait des tours...

— Nous sommes suivis, dit Stanach, le premier soir, quand ils bivouaquèrent. Tu le sais.

— Oui. Et je sais qui c’est. Laisse-le tranquille. Il sortira de l’ombre lorsqu’il le décidera. Ou il partira.

— Tu ne le considères pas comme un danger.

Kerian sonda les ombres.

— Oh, si ! N’en doute jamais. Mais pas pour moi. (Stanach leva un sourcil.) Ni pour toi, tant que tu ne me menaces pas.

Cette nuit-là, le sommeil du nain fut un peu agité.


Trois jours après, toujours suivis, Kerian et Stanach se tenaient au sommet d’un amas de rochers jetés pêle-mêle par le Cataclysme face aux vestiges d’un village naguère prospère.

Aujourd’hui, il en restait des cendres.

Les villageois avaient soutenu Kerian... Le sang glacé dans ses veines, elle découvrit leurs têtes plantées sur des piques, le long de la rue principale. Le bétail, les chevaux et les chiens avaient été abattus.

Le teint verdâtre, Stanach retourna en titubant vers la forêt. Assaillie par des relents méphitiques, Kerian resta seule au milieu du carnage...

Après un mois d’absence, elle constatait de terribles changements.

— Kerianseray du Qualinesti...

Elle fit volte-face. Et reconnut à peine Jeratt, tant il avait changé. Où était le demi-elfe orgueilleux qui prenait la tête des Ombres de la Nuit, planifiant leurs attaques et leurs victoires ? Les joues hâves, le regard fébrile...

— Tu n’aurais jamais dû nous quitter, Kerian. (Jeratt se frotta le visage.) Il l’a su. Et il en a profité.

Stanach revint.

Jeratt se retourna en encochant une flèche dans le même mouvement. Le nain empoigna sa hache...

— Arrêtez ! intervint Kerian en posant une main sur l’épaule de Jeratt.

Sous ses doigts, elle sentit trembler ses muscles.

Stanach baissa son arme.

— Jeratt, dis-moi ce qui s’est passé.

— Tu le vois bien... D’un bout à l’autre du royaume, c’est le même spectacle de désolation. Au début, les chevaliers devaient simplement vouloir nous donner une leçon. Aujourd’hui, Thagol continue le massacre, et il se fiche éperdument que nous en retenions quelque chose...

Le demi-elfe eut un sourire amer.

— Il t’attend, Kerian. Tu es partie depuis un mois sans faire davantage de victimes parmi ses sbires. Il te cherche encore et toujours sur le chemin des rêves... Il guette ton retour. Et avec lui, Chance le Bourreau, ses chevaliers et ses draconiens... Il a fait venir des renforts de Néraka.

Jeratt plissa le front.

— À présent, nous sommes tous dispersés. Toi seule nous unissais. Sans toi...

Il fit un ample mouvement du bras.

Oh, dieux..., pensa Kerian.

Mais elle n’avait pas eu le choix !

— L’Ancienne ?

Le demi-elfe secoua la tête.

— Partie !

Le cri résonna comme un coup de tonnerre.

— Partie ? Où ?

— Je l’ignore. Une nuit, elle était près du feu. Au matin... elle avait disparu. Trois jours après ton départ...

— Mais tu as continué.

Jeratt bomba fièrement le torse.

— J’ai aussi fait ce que nous avions prévu : poster des guerriers au sud, puis lancer l’appel aux armes dans les vallées mais je n’ai pas pu tenir tête à Thagol. Il est aussi implacable que l’océan, Kerian. Nous sommes éparpillés aux quatre vents.

Face au demi-elfe dépenaillé et à la jeune guerrière qui, quelques jours plus tôt, s’était adressée à la Cour des Chefs, Stanach siffla tout bas.

— La première fois que je t’ai vue, tu piétinais le cadavre d’un chevalier pour t’enfuir d’une taverne... Ensuite, tu te présentes devant la cour du haut roi de Thorbardin. Et maintenant... (Il secoua la tête.) Par la Forge de Réorx, que comptes-tu faire ?

Kerian eut un sourire sans joie.

— Stanach, je me suis trop longtemps absentée de la forêt. Je vais t’emmener en lieu sûr. Après...

Jeratt pinça les lèvres. Mais dans ses yeux, elle vit l’espoir renaître.


Au camp des rebelles, où tous s’étaient réunis, Kerian reconnut beaucoup de braves...

Certains avaient préféré partir : Rhyl, qui n’était pas fiable, Ayensha – Jeratt avait dit qu’ils en reparleraient plus tard – et l’Ancienne.

Si certains furent ravis de revoir leur chef, d’autres lui en voulaient toujours de son départ soudain. Bueren Rose fit bon accueil à Kerian, mais parmi les nouveaux venus, six furent soupçonneux – les chefs d’autres bandes de voleurs et de bandits que Jeratt avait rassemblés. Ils avaient entendu parler d’elle, mais sans plus... Aucun d’eux n’avait combattu aux côtés de Kerian, ni abattu un chevalier sur le point de la tuer...

Or, c’était cela qui comptait.

Parmi tous ces elfes endurcis et belliqueux, Jeratt et Stanach étaient plutôt mal à l’aise.

Du coin de l’œil, Kerian vit le nain l’observer, ses yeux noirs pailletés de bleu rivés sur elle. Il était venu pour parler au roi, et il comptait remplir sa mission, puis retourner auprès de son chef, cet oncle assailli de doutes qui occupait le trône des Hylars...

Elle devina combien Stanach se sentait loin de chez lui...

Kerian lâcha un rire rauque. Puis elle apostropha une inconnue aux cheveux châtains, qui se tenait à l’écart.

— Toi ! Je ne te connais pas. Qui es-tu ?

Le front bas, la guerrière fit mine d’empoigner son épée, avant de se raviser.

— Vol de la Plume. Je ne te connais pas non plus.

— Aucune importance. Ici, dans mon refuge, avec Éclair... (elle jeta un coup d’œil au nain)... ou Tonnerre pour témoin, je te le demande : es-tu prête à épouser ma cause ?

— Eh bien, je ne sais pas....

— Tu ignores quelle est ma cause ? Tu mens, en tout cas, si tu as combattu avec Jeratt ! La cause de notre souverain injustement décrié est celle de Porthios, que nous honorons tous.

Vol de la Plume grimaça.

— Oui, j’ai combattu avec Jeratt. Mais si je décidais de partir, maintenant ?

— Jure de partir en paix et je te laisserai faire.

Vol de la Plume ne s’y attendait pas. Elle eut soudain tout d’une biche le nez au vent, essayant d’analyser une odeur complexe.

Tu me laisserais partir ! Je vais et je viens à ma guise !

Kerian haussa les épaules.

— Nos amis doivent être dignes de confiance. Si j’avais des doutes à ton sujet, Vol de la Plume, tu serais déjà morte.

— Je représente six bandes de guerriers, rappela l’elfe.

Comprenant qu’elle s’était bien adressée à la porte-parole des nouveaux venus, Kerian réprima un sourire de satisfaction.

— Nous sommes originaires des montagnes de l’Ouest, continua Vol de la Plume. Là-bas aussi, les têtes poussent au bout de piques, tels des fruits maléfiques. Certains d’entre nous connaissaient le prince Porthios, qu’un dragon brûla vif... (Elle se redressa.) J’étais venue avec lui du Silvanesti. Ensemble, nous avions débarrassé les Terres de Silvan des dragons verts. Je ne connais pas son neveu, dont je n’ai jamais entendu dire du bien... Contrairement à toi, Kerianseray.

« Au nom des morts, aujourd’hui, je me joins à toi.

Ses compagnons hochèrent la tête.

Bueren flanqua une claque sur l’épaule de Kerian, et Jeratt sourit. Seul Stanach restait tendu.

L’elfe sauvage lui décocha un clin d’œil.

— Jeratt, notre ami a l’air affamé, et je le suis aussi. Quelqu’un est-il parti chasser, ou avons-nous de la soupe de cailloux au menu ?


Les elfes montaient la garde sur la crête des collines. Dorénavant, plus personne ne comptait sur la magie. L’Ancienne avait emporté ses derniers vestiges avec elle.

Comment conduire Stanach devant Gil, pour qu’il se forge une opinion ?

Kerian y réfléchirait un autre jour... Elle observa Jeratt, qui semblait pensif.

— Tu sais, dit-il, même si tu planifies tes attaques à la perfection, Thagol te retrouvera dès que tu recommenceras à tuer. Il te suit à la trace comme un chien.

Kerian le savait. Distraitement, elle se frotta l’arête du nez. La douleur était revenue. Sa source ? La fatigue.

— Avant de nous séparer, continua Jeratt, nous étions plusieurs bandes à porter des coups à l’ennemi. Le Chevalier du Crâne n’y pouvait rien. (Il secoua tristement la tête.) Alors, en représailles, il a lancé cette campagne de terreur... Du coup, bien sûr, plus personne ne veut nous nourrir ou nous donner des informations. Tout est fichu.

Distraite, Kerian hocha la tête.

Ses bandes de hors-la-loi allaient lancer leur propre campagne. À l’aube, elles se déploieraient dans la forêt, et formeraient un nœud coulant autour de la capitale. Elles attaqueraient au hasard, sans concertations préalables.

Peu importaient les convois, désormais !

Les résistants abattraient les ponts, bloqueraient les routes et dévieraient les cours d’eau.

— Nous attaquerons les hommes qu’il enverra pour reconstruire les ponts et dégager les routes, et nous tuerons les chevaliers chargés de les protéger.

« Nous ne laisserons aucun répit à ce salaud !

Ils frapperaient vite et fort, sans pitié. Et peu à peu, ils attireraient les sbires de Thagol au cœur des bois.

— Jeratt, dit-elle, se caressant toujours l’arête du nez, je ne participerai à aucun raid. Quand je tirerai de nouveau mon épée, ce sera pour tuer Eamutt Thagol. Et si je me joins à une attaque, ce sera pour décapiter le Bourreau !

Kerian marqua une pause.

— Où est mon frère ?

— Je ne sais pas, répondit Jeratt, surpris.

— Allons ! Il n’est jamais loin d’Ayensha. Alors... Où a-t-il pu aller ?

Elle regarda son ami réfléchir, en proie à un cas de conscience. En son absence, il lui était resté loyal. Mieux, il avait préparé ce qui deviendrait – si tout se passait bien – la terreur des chevaliers de Thagol... Pourtant, l’allégeance du demi-elfe allait encore naturellement à Iydahar...

... Iydahar qui se méfiait de sa sœur et détestait le roi.

— Qu’est-il pour toi, Jeratt ? demanda-t-elle.

— Dar ? Mon ami.

— Vraiment ? Il représente plus que ça à tes yeux. J’ai vu comment vous vous comportiez tous avec lui. On dirait une sorte de... prêtre ou de chamane. Je me trompe ?

Le demi-elfe tisonna le feu. Kerian jeta un coup d’œil aux sentinelles, postées sur les collines environnantes.

— Non, Kerian. Il est... était... le bras droit du prince Porthios. À sa mort, quand sa tribu préféra repartir dans la forêt, ton frère resta. Te rappelles-tu l’hiver atroce qui suivit ? De la fenêtre de ta tour, à Qualinost, la neige te semblait peut-être charmante... (Il se tut un instant, le regard dur.) Lorsque tu quittais les draps de soie de ton amant et que ton pied manquait le tapis moelleux, le sol te semblait peut-être froid...

« Dar rassembla les guerriers désemparés du prince, et leur dénicha un abri avant que l’hiver ne les tue. Certains étaient blessés... Oui, nous avions tous le cœur et l’esprit brisés. Alors qu’il aurait pu s’éloigner avec vos parents et les Balbuzards Blancs, il nous soigna et nous guérit. Au printemps, il partit avec Ayensha rejoindre sa tribu, pourtant, il ne nous oublia pas. Jamais il ne se détourna de nous... Et un jour, il nous amena l’Ancienne en nous priant de veiller sur elle...

Un long silence suivit.

Jeratt continua d’attiser le feu. Les braises couvaient.

— Kerian, nous avions juré fidélité au prince, et cela faisait de nous des frères d’armes. Dar ne l’a jamais oublié. Nous lui devons tout, et bien que nous ayons épousé ta cause... Je suis navré. Dar ne veut rien avoir à faire avec toi, et j’ai peur que personne ne le fasse changer d’avis. Je ne m’opposerai pas à sa volonté.

« Ayensha sera de retour au matin. Va dormir. De dures journées nous attendent...

Le lendemain, Ayensha ne reparut pas. Ni le jour suivant... Au quatrième matin, Jeratt annonça qu’elle avait dû recouvrer la raison.

— Ayensha a appris qu’elle attendait un enfant... Elle ne te suivra plus au combat.


Le Chevalier du Crâne était allongé sur un lit de branchages. Ses hommes bivouaquaient dans la forêt, à l’écart de la route de Qualinost. Deux tours de garde étaient passés avant que Chance ne se couche. Il n’autorisait jamais les draconiens à camper près de ses hommes. Ces créatures dégoûtaient les humains, et les Chevaliers Noirs ne faisaient pas exception.

Thagol ferma les yeux. Son esprit discipliné se détacha des soucis de la journée. Il avait planifié l’attaque suivante et déployé ses troupes. L’aube serait rouge sang...

Un tavernier de Gilianost avait donné refuge à un hors-la-loi poursuivi par deux chevaliers... Il le payerait cher.

Thagol n’avait plus dormi dans un vrai lit depuis un mois, mais Qualinost ne lui manquait pas. Il détestait ce terrier grouillant d’elfes, dont l’odeur l’insupportait... Il était couché à même l’humus, sur une terre qui haïssait le contact de son corps et le son de sa voix...

Comme il haïssait le Qualinesti.

Plongeant dans un profond sommeil, le Chevalier du Crâne quitta son enveloppe charnelle pour arpenter les chemins des rêves, comme de coutume...

Il ne décela rien qui sorte de l’ordinaire.

Réveillé dans la grisaille de l’aube, il eut le sentiment que quelque chose avait changé...

Une sensation qui n’était pas sans rappeler un appel aux armes.


Un parfum de tristesse planait partout. Les villages étaient en ruines, les têtes tranchées des suppliciés exposées en guise d’avertissement... Dans les hameaux épargnés par la répression, les habitants fuyaient les rebelles. Nul n’ignorait plus le nom de Kerian – ni le montant de la prime faramineuse qu’on offrait pour sa capture.

Le Chevalier du Crâne, lui, n’offrait ni acier, ni joyaux, ni métal précieux. Il promettait la décapitation à tous ceux qu’il verrait jusqu’à ce qu’on lui amène la jeune femme, morte ou vive.

Dans les fermes où les résistants étaient jadis accueillis à bras ouverts, plus personne n’osait leur ouvrir la porte.

Dans la forêt, on suspectait tous les étrangers d’appartenir aux bandes de hors-la-loi. Et quiconque était soupçonné d’avoir secouru un rebelle y perdait la tête.

— Il ignore où je suis, Jeratt, rappela Kerian.

Grâce à l’habileté de Stanach, ils avaient pris cinq beaux lapins dans leurs collets.

Le nain s’étonnant, Kerian et Jeratt échangèrent un sourire ironique.

— Je le sais, affirma-t-elle en sortant l’héliotrope de sous sa chemise, elle me protège... Mais si je tue un de ses hommes, il apprendra du même coup où je suis. Pour l’instant, je ne sens plus sa présence dans mon esprit. Il ignore donc où me trouver...

Stanach grogna, sceptique.

— Quand m’emmèneras-tu à Qualinost ? Kerian se rapprocha du feu.

— Tu as vu les exactions de Thagol et du Bourreau...

Le nain bougonna.

— Nous irons en temps voulu, promit Kerian.

Jeratt sourit.

— Et tu auras la tête sur les épaules. Stanach sourit à son tour.

— De préférence !

Empoignant sa hache, il se leva pour prendre son tour de garde. Il repensa à la servante qu’il avait rencontrée dans la forêt, deux ans plus tôt... Une jeune elfe aux cheveux parfumés et aux mains douces...

Aujourd’hui, elle était le chef d’une armée secrète, les Ombres de la Nuit. Accroupie près du feu de camp, en tenue masculine, elle ressemblait autant à une créature de la forêt que la chouette qui venait de s’envoler d’un arbre...


L’elfe cria... Hagarde, elle serrait son enfant sur son sein. Épées brandies, cinq Chevaliers Noirs lui tournaient autour comme des vautours...

Elle tomba à genoux, penchée sur son bébé.

— Erathia !

Une épée siffla dans les airs... Erathia comprit que son époux était mort. Sa tête tranchée rejoindrait celles des autres martyrs.

Erathia pria une déesse disparue, Mishakal, que les elfes appelaient Quenesti-Pah.

— Déesse miséricordieuse, épargne mon enfant...

Près du village, les cavaliers firent halte. Erathia n’avait entendu aucun ordre, mais ces hommes obéissaient à un Chevalier du Crâne...

Tremblante, elle se pencha un peu plus sur son enfant.

Elle n’entendait plus les cris et les pleurs de ses compatriotes... Par les dieux, elle était la dernière.

— Dame de lumière...

Elle releva les yeux. Deux hommes avançaient. Malgré leur heaume, Erathia sut lequel était le Chevalier du Crâne, car il émanait de lui un froid mortel...

Tous deux levèrent leur visière.

— Bourreau...

Dans les yeux du Chevalier du Crâne, l’elfe ne lut ni plaisir de tuer, ni haine, ni détermination. Rien.

Dans ceux de l’autre couvait un feu impie.

Elle y lut sa mort...

Comme en transe, elle vit l’épée se lever avant qu’il ne la brandisse, et la lame s’abattre avant qu’il ne porte le coup...

L’enfant tomba de ses bras.

L’épée du Bourreau siffla. À l’instant où elle eut le cou tranché, Erathia emporta une ultime vision dans la tombe...

Le regard du Chevalier du Crâne, brillant d’une joie sauvage.

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