INTERLUDE

Très haut par-dessus les moutons gris mouchetés d’écume palpitait le jet stream. L’hiver était une fois de plus de retour et les vents évoquaient dans leurs plaintes des souvenirs glacés sur le Pacifique Nord.

Moins de vingt cycles solaires dans le passé, la structure normale de l’air s’était vue bouleversée et fracturée par de sombres et gigantesques cheminées qui s’y étaient creusées… comme si une armée de volcans furieux avait choisi de lancer la terre à l’assaut du ciel.

L’épisode avait rapidement pris fin, sinon, peut-être, toute vie s’en fût trouvée soufflée. Des nuages de cendres avaient enveloppé la Terre durant des semaines. L’épais manteau était peu à peu retombé en grêle et en pluie d’encre. Les particules minérales et la suie, aspirées dans les hauts courants stratosphériques, s’y étaient dispersées, raréfiant la lumière du soleil.

Plusieurs années s’étaient écoulées avant qu’enfin ne revînt le printemps.

Car il était revenu. Avec lenteur et réticence, l’océan avait libéré juste assez de chaleur pour dissoudre la fatale spirale à deux doigts du point de non-retour. De chauds nuages imprégnés d’eau de mer s’étaient remis, juste à temps, à rouler au-dessus du continent. Les grands arbres avaient poussé tandis que les herbes s’étaient lancées avec ardeur à l’assaut des fissures dans l’asphalte et dans les murs.

Des nuages de poussière continuaient toutefois de chevaucher les vents. De temps à autre, des masses d’air froid s’aventuraient au sud, ramenant les souvenirs du Long Gel. La vapeur se cristallisait autour de chaque grain de poussière, pour former de complexes hexaèdres fragmentés. La neige finissait par tomber à gros flocons.

Une fois de plus l’hiver était venu réclamer un pays dans l’ombre.

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