M. Carotier est un petit cachottier…
Voilà ce que je chante pour me donner du cœur au turbin. La rime est riche, du reste, et la route est large.
Oui, un petit cachottier qui joue les vertueux. Un petit cachottier doublé d’un fameux assassin.
Parce que, enfin, il a fait vite, le louchébem. Je veux qu’il a l’habitude de buter, pourtant ses bœufs, il ne les étranglait pas, non ?
Pourquoi a-t-il suriné la Lolotte ? Pas d’erreur : parce qu’elle était au parfum de trucs qu’il tient absolument à ce que j’ignore. Il s’est assuré sa discrétion, en quelque sorte…
À ces heures, il doit bomber en direction d’Aiguebelette. J’en fais autant, avec l’espoir de le dépasser en cours de route et d’arriver le premier chez lui. Les terreux ne vont jamais très vite en auto et ma guinde roule plus vite que la sienne ! Je mets toute la sauce. Les routes sont libres à ces heures. Un peu glissantes aussi, mais j’ai des pneus neufs !
Avant Voiron, j’aperçois la grosse tire volumineuse du boucher… Je fais un petit appel de phares et je le passe à vive allure pour qu’il n’ait pas le temps de me reconnaître s’il me laisse ses phares dans le dos. Il n’est pas correct avec les femmes, mais en revanche, il l’est avec les automobilistes car il se fout en code pour ne pas me gêner. Merci, M. l’étrangleur, le Bon Dieu vous le rendra !
Au lieu de ralentir, je colle ma semelle au plancher. Ma voiture semble bondir hors de la zone d’attraction de la Prairie… Les deux phares jaunes se diluent rapidement dans l’obscurité aqueuse.
Lorsque je parviens devant chez le zig, j’ai dû lui coller un bon quart d’heure dans la vue pour le moins.
Je dépasse sa villa Mon Repos et j’avise un petit chemin de traverse, non loin de là. J’y colle ma brouette, j’éteins mes calbombes et je radine à sa forteresse en marchant sur l’herbe du talus pour étouffer le bruit de mes pas. J’ai les arpions qui commencent à me faire mal… Faut vous dire que j’ai un oignon et un œil-de-perdrix au même pied à cause d’une paire de chaussures neuves qui n’étaient pas à ma mesure. L’oignon fait pleurer l’œil-de-perdrix et c’est très désagréable.
Je pousse la portelle de la grille, je gagne la maison. Il y a de la lumière dans la salle à manger. Comme je franchis une zone caillouteuse, la porte s’ouvre. La veuve Viaud, épouse Carotier, paraît dans un rectangle de lumière orangée.
— C’est toi ? s’informe-t-elle.
Je fais deux pas dans la lumière. Elle me reconnaît et a un geste de recul.
— Oui, madame Carotier. C’est moi. J’espère que je ne vous dérange pas ?
Elle se reprend un brin, mais son visage est blafard et des cernes bleus soulignent ses carreaux.
— Je… À ces heures ! balbutie-t-elle.
J’entre, je repousse la lourde… Une bonne odeur de caoua tout frais embaume la pièce. Cette digne personne est aux petits soins pour son toucheur de bestiaux. Elle lui a préparé un Mokarex pour le remettre de ses émotions nocturnes.
— Vous connaissez le dicton, fais-je, il n’y a pas d’heure pour les braves…
Je déboutonne ma veste humide.
— Il fait bon chez vous… Votre mari ne va pas tarder, je l’ai doublé avant Voiron… Il roule son petit bonhomme de chemin… Un brave type, hein ?
Elle me détranche en se demandant si c’est du lard ou du cochon que je lui brade en ce moment.
Je souris.
— Qu’avez-vous, madame Carotier, vous semblez émue ? C’est ma visite ? Vous avez eu peur ? Vous pensiez que tout n’avait pas bien marché pour votre jules ?
Je découvre deux tasses propres sur une desserte. J’en chope une, j’y colle deux sucres puisés dans une poule en verre bleu et je vais à la cuisine me verser un jus carabiné. Je reviens en touillant mon caoua.
— Vous êtes bien installés, ici, dis-je. C’est intime… C’est douillet… La maison dont rêvent tous les Français, avec même des volets rouges ! Comme c’est idiot de perdre tout cela sur un coup de sang…
Elle ne peut proférer un mot. Je la vois se désincarner devant moi. Elle se dilue dans la trouille comme les deux sucres dans ma tasse de café.
— Que ferez-vous pendant que Carotier sera en prison ? je questionne. Vous remarierez-vous une troisième fois ou bien partirez-vous en Afrique pour y soigner les lépreux ?
Le sale mot l’a atteinte en pleine poire.
Elle murmure :
— En prison ?
— N’est-ce pas là, madame Carotier, que finissent presque tous les assassins ?
Autre mot percutant. Elle bavoche :
— Les assassins…
Je regarde ma montre… Je viens de bouffer six minutes sur mon avance présumée. Il s’agit de mouler les mondanités pour entrer dans ce que les littérateurs chevronnés appellent « le vif du sujet ».
Je m’approche d’elle et lui parle sous le nez.
— Un homme qui étrangle une femme jusqu’à ce que mort s’ensuive, c’est bien un assassin, si je m’en reporte au dictionnaire, non ?
Elle secoue la tête, incrédule.
— Non, non ! Ça n’est pas possible !
— Si, ça l’était puisque c’est chose faite. Carotier vient de tuer Charlotte… Voilà ! Ce sont les toutes dernières nouvelles, ma bonne dame : les journaux ne l’imprimeront pas avant un jour ou deux et la police officielle l’ignore encore… Mais moi je suis toujours à l’avant-garde de l’information.
Elle hoquette et ses mains tremblent comme si elle se tenait debout sur un tamis à moteur.
Je poursuis, véhément comme un avocat général réclamant une tête de haineux :
— Le meilleur moyen de faire taire les gens, c’est de les rendre muets. Ce gros salaud a étranglé la rouquine. Comment la connaissait-il ? Quels liens existaient-ils entre elle et vous ? Vous allez parler, ma vieille… Et en vitesse, parce que je commence à en avoir classe de cette bonne femme qui épouse des truands : un espion et un meurtrier, vous parlez d’un doublé !
Elle se cache la figure dans les mains.
— C’est atroce, pleurniche-t-elle.
— Mollo sur le cinéma, je vous prie… Je suis blindé et même les premiers prix de Conservatoire me font dresser les cheveux sous les bras !
Je reprends :
— Depuis quand connaissiez-vous Charlotte ?
Elle me regarde.
— Mais…
— Allez, parlez, ou je vais employer les grands moyens !
— C’est ma belle-sœur !
J’en prends un coup sur la soucoupe.
— Vous dites, madame la marquise ?
— C’est la sœur de mon mari…
J’en ai le grand zygomatique qui danse le cha-cha-cha…
Mais un ronron de moteur m’arrache à ma surprise. Voilà le mec qui s’annonce. Il a gagné un peu sur l’avance que je lui ai prise.
Je bigle la vioque.
— Arrivez par ici, ma bonne dame…
Je la pousse vers la cuisine. Au fond de celle-ci se trouve un réduit qu’en Savoie on nomme la « souillarde » et qui sert de garde-manger. Je fais entrer la dame Carotier dans ce piège à rats puis je referme la lourde et mets le verrou.
— Soyez sage ! recommandé-je, je n’en aurai pas pour longtemps.
Je reviens dans la salle à manger. Je traîne une chaise derrière la porte et m’y installe avec mon revolver sur les genoux.
Le bruit du moteur a cessé. Le pas lourdingue du gros crisse sur le gravier. Il tapote ses lattes sur le perron, comme le font les bouseux, et il entre. Le panneau de la porte me masque à sa vue. Il fait quelques pas, d’un geste machinal, il repousse la lourde sans se retourner.
Le silence l’inquiète. Il demande :
— Tu es là ?
Il tient dans son dos sa grosse main gauche hérissée de poils blonds pareils à des poils de cochon.
Je lui chatouille le creux de la paluche avec le canon de mon composteur. Le froid de l’acier le fait sursauter. Il se retourne, nous aperçoit, Tu-Tue et moi, et il demeure béant, flasque, abruti par la stupeur.
— Alors, mon gros, murmuré-je, quel effet ça fait-il de buter sa frangine ?
Il ne sait que me regarder avec des yeux tellement gros qu’on dirait un bœuf. Un bœuf qu’un premier coup de masse n’a fait qu’étourdir.
— Qu’est-ce que vous faites là ? grogne-t-il. Foutez le camp !
En lui, l’esprit cul-terreux reprend l’avantage. Il se dit qu’il est dans sa maison, qu’il fait nuit et que je n’ai pas le droit de m’y trouver s’il ne veut pas.
Ça me file en renaud.
Je me dresse.
— Dis donc, espèce d’assassin du dimanche, faudrait voir à me parler poliment. Je ne suis pas une faible femme à qui tu peux tordre le cou comme à un pigeon, compris ?
La brutalité de l’image le cisaille. Il ouvre la bouche et je découvre sa grosse langue épaisse posée sur un lit de salive.
— Ferme ta bouche, bébé, tu vas t’enrhumer les poumons ! comme disait un de mes amis méridionaux.
Il me regarde.
— Et fais pas cette hure, Carotier, tu ressembles à un trophée de chasse. Il te manque que des cornes ou bien du persil dans le naze pour compléter l’illusion. Ça t’épate de me trouver là, non ? Ne cherche pas, il n’y a pas de miracle : j’ai une voiture plus rapide que la tienne et un coup de volant plus efficace. Tu ne te rappelles pas que je t’ai doublé à Voiron ?
Une lueur, non pas d’intelligence — à l’impossible nul n’est tenu — mais de compréhension, flotte dans sa gélatine.
— J’étais rue du Général-Mégat-Laumane pendant que tu faisais tirer la menteuse à Charlotte ! J’ai tout vu… Et je me suis même payé le luxe d’aller lui tâter le pouls après ton départ. Compliment, c’est du boulot de professionnel. Elle était aussi morte qu’un os de gigot ! Alors on va un peu s’expliquer sur tout ça, pas vrai, Bazu ?
Je pousse du pied une chaise au niveau de son postère et d’une bourrade je le fais asseoir.
— Raconte !
Il me regarde.
Puis, soudain, il explose : c’est la réaction. Une réaction idiote de péquenot :
— C’est pas moi, c’est pas moi qu’ai tué Charlotte !
Ils sont fortiches pour nier l’évidence, ces gros tordus ! Pas lui !
— Bien sûr que ça n’est pas toi, mon bijou… C’est elle, elle s’est serré le kiki à deux mains jusqu’à ce qu’elle tombe raide, pas vrai ?
Il secoue la tête.
— Pas moi ! Pas moi !
Il m’agace tellement que je lui mets un coup de crosse sur la pommette. Sa viande éclate à cet endroit et un beau raisin rouge vif se met à ruisseler sur sa face aux traits brouillés.
— Ça n’est pas moi non plus ! lui dis-je. Trêve de billevesées, parle ou tu vas prendre quelque chose pour ton lard, c’est promis ! J’ai horreur qu’on me donne le démenti de façon aussi stupide… Ça me fait perdre ma confiance dans les destinées de l’homme, tu comprends ?
Il ne comprend pas, mais il se soumet.
— Attends, mon gros, tu n’as pas la parole fastoche, je vais donc t’aider…
Seulement, ça n’est pas moi qui l’aide, c’est quelqu’un d’autre. J’entends la porte s’ouvrir, je me retourne et j’avise la mère Carotier, debout, une poêle à frire en main. Cette peau de vache a passé par la fenêtre de la souillarde et la voilà qui me prend par revers avec sa poêle à frire ! Je tourne mon pétard vers elle.
— Pas d’exhibition, madame Carotier. Hâtez-vous de poser ce ridicule ustensile ou je vous colle une bastos !
Mais elle n’a pas peur. Son regard distille des éclairs. Je ne voudrais tout de même pas tirer sur une femme armée d’une seule poêle !
Mon hésitation est mise à profit par la vioque. Elle lève sa massue improvisée et l’abat de toutes ses forces. J’ai fait un saut de côté, mais la table m’a gêné et j’ai dégusté la poêle sur l’épaule… Une douleur affreuse me fait grimacer. La vioque se met à beugler à son gros lard :
— Cogne ! Mais cogne donc !
Alors Carotier reprend du service. Engagez-vous, rengagez-vous dans le troisième bataillon d’étrangleurs-montés !
Il se soulève, prend sa chaise et me l’abat sur le crâne. Aussi fastoche que je viens de vous le dire. Mon bras paralysé par le coup de poêle à frire n’a pas eu la force de se lever pour braquer le soufflant. Je biche le siège en pleine bouille et illico je me trouve inscrit au barreau. Ça se met à tourniquer autour de moi. J’essaie de me cramponner à la table, mais des nèfles ! Je vais à dame ! Le couple de petits rentiers tranquilles me saute alors dessus et font une danse incantatoire sur ma personne. J’en prends plein le buffet, plein la poire… J’ai la sensation déprimante de me faire masser par un rouleau compresseur.
Des cloches carillonnent à toute vitesse sous ma coupole… Je vois des trucs bleus, des machins rouges, puis une chiée d’étincelles d’or… Très joli sur les manches d’un général, l’étincelle d’or… Mais c’est gênant quand ça vous brouille la vue… Je demeure inanimé. Conscient, mais faible comme un bonhomme Noël en coton hydrophile.
Les deux carnes reprennent souffle. Ils s’essuient le front et se regardent.
La femme dit :
— C’est vrai que tu as tué Charlotte ?
— Fallait bien, soupire l’autre. On s’est quasiment engueulés. Elle m’a dit comme ça qu’elle en avait marre de nos histoires ; qu’elle m’avait sauvé la mise une fois et qu’elle le regrettait vu que Laurent en était sûrement mort, d’après elle… Elle a dit comme ça que si la police recommençait à enquêter elle cracherait le morceau… Moi je lui ai dit comme ça que si elle avait le malheur de parler il y arriverait malheur… Alors elle m’a dit comme ça que ça l’étonnait pas vu qu’elle se doutait que son frère était un assassin… Alors j’ai plus pu y tenir… Je…
La mère Carotier, veuve Viaud, soupire.
— Quelle misère !
Elle me pousse du pied.
— Et çui-là qu’est au courant de tout !
— Çui-là, fait son gros baigneur, t’en inquiète pas, il pourra pas bien causer de ce qu’y sait…
— Il m’avait enfermée dans la souillarde, mais j’ai franchi la fenêtre…
— T’as rudement bien fait !
Je suis le souci dominant de la dame car elle reprend :
— Qu’est-ce qu’on va en faire ?
Il réfléchit.
— Je vais te dire, fillette, on va l’assommer avec une pierre… Ensuite, on le mettra dans son auto et j’irai la conduire jusqu’à la route qu’ils construisent à flanc de montagne… Je pousserai l’auto dans le lac… D’ici qu’on la retrouve, ça fera du temps. Et quand on la trouvera, on se dira que ce cogne s’est trompé de chemin et qu’il est tombé à l’eau…
Gentil programme, vous en conviendrez ?
Le moment est venu de me manifester si je ne veux pas aller pêcher les truites du lac en les chopant par la queue.
— Je vais voir où qu’il a mis son auto, avertit l’homme. Surveille-le, des fois qu’il n’aurait pas son compte !
Il sort. La vioque s’assied près de moi. Elle me regarde. Je sens ses yeux posés sur moi et je ne fais pas un geste. Il faut que je récupère… Ça n’est pas la première fois que je m’offre un voyage dans les vapes en classe touriste. J’en suis toujours ressorti, fier comme Bar-Tabac… Les douleurs aiguës se tassent un poil. Le gyroscope qui me détraque la pensarde arrête sa ronde…
Quelques secondes interminables s’écoulent. Je pense à la mort de Louis XVI pour me donner le temps de coordonner mes idées. Voilà un pauvre gars qui a fait l’âne mais qui a eu du son. Et sa bergère du Trianon-Dancing itou ! Pourtant c’était une bonne personne avec plein de louables intentions puisqu’elle voulait que le populo croûte de la brioche !
Ça va, je peux carburer… Je roule d’un seul bond sur le ventre, culbutant la chaise de la mère Carotier. La voilà qui, prise de court, s’affale sur le plancher. Je ne la laisse pas se relever. D’un second bond, je me retrouve agenouillé près d’elle, en train de lui arracher mon pétard qu’elle tenait à la main, chose que j’ignorais… Je parviens à mes fins au moment où le bulldozer radine…
Il jure en voyant le tableau et se précipite sur moi.
— Espèce de…, commence-t-il.
Il n’achève pas, car je viens de lui cloquer une olive dans le bureau. Il tousse vilain et s’arrête de marcher, de sacrer, et même de vivre… Il reste une fraction de seconde en équilibre puis il s’écroule. Ça soulève de la poussière, je vous prie de le croire. Quand on flingue un éléphant, on n’obtient pas plus de déplacement d’air.
La mère Carotier émet la méchante clameur vengeresse. Elle me saute sur la balustrade, les ongles en avant. Je lui montre mon artillerie de poche en accompagnant mon geste d’un regard glacé.
— Suffit ou je poursuis l’hécatombe, l’artiste n’est nullement fatigué !
Elle se laisse couler sur une chaise et des larmes ruissellent sur ses joues.
Je lis sur sa frite une grande tristesse. Ça me titille la glande émotive.
— Écoutez, madame Carotier, dites-vous bien que les jurys ne sont pas tendres pour les fratricides. Dans un sens, ils sont encore plus féroces avec eux qu’avec les parricides !
Elle m’écoute, soudain attentive, comprenant qu’elle est allée vraiment trop loin !
— Êtes-vous décidée à parler, ou bien dois-je vous faire conduire à la prison du chef-lieu ?
Elle dit, dans un souffle :
— Je vais parler…
Je réprime un sursaut de jubilation. C’est bougrement agréable d’aboutir.
Comme la vioque louche sur le défunt, je biche la nappe couvrant la table et je l’étends sur le cadavre de Carotier. Seuls ses pieds en flèche dépassent, ce qui fait plus sinistre encore.
— Ce que c’est que le destin, fais-je. Il n’a pu survivre longtemps à sa sœur… Allons-y, madame Carotier.
Je renonce — malgré mon grand talent — à vous transcrire fidèlement cet interrogatoire syncopé. Trop de hoquets, de larmes, de sanglots, de réticences, d’échappatoires ! Je suis le fil de son récit comme un aveugle suit la rampe d’un immeuble qu’il ne connaît pas.
Une bonne heure s’écoule en phrases inachevées, en questions tortueuses, en déductions…
Seulement, au bout d’une plombe, j’ai franchi un bout de chemin appréciable. Comme je n’ai rien de caché pour vous, je vais vous bonnir un résumé pertinent et fidèle des aveux de la mère Carotier.
Toute l’affaire a démarré à l’époque où Auguste Viaud voyageait pour le compte de sa maison chleuh. Ses fréquents voyages dans une Allemagne en pleine puissance le troublèrent, puis il fut séduit par l’organisation du troisième Reich. Esprit méthodique, l’ordre d’outre-Rhin chanta en son cœur de zig positif… Bref, il devint nazi et, ayant beaucoup de relations au pays de la souris grise, entra dans l’espionnage boche.
Lorsqu’il était chez lui, il se livrait à une propagande effrénée auprès de ses intimes, c’est-à-dire auprès de sa femme et de son meilleur ami, le gros Carotier. Carotier, depuis toujours, était l’amant de la mère Viaud. Il est intéressant de noter que les femmes préfèrent le boucher au Viaud. C’est dans leur tempérament. Le gros, malgré sa brioche, devait s’expliquer au plumard ! Quoi qu’en dise le proverbe, les mahousses aiment les jeux de l’amour et du lézard. Le louchébem culbutait la femme de son pote, mais ce respect de la tradition ne l’empêchait pas d’avoir une vaste considération pour Viaud. Il lui emboîta le pas aussi sec et se mit à fricoter avec lui. Je ne sais trop l’utilité que peut avoir un boucher pour un réseau d’espionnage, mais je pense que le rôle de Carotier a surtout consisté à héberger des gens qui avaient intérêt à se planquer.
Un sale matin, Viaud s’est fait poisser bêtement, dans les circonstances que l’on sait, et il a été conduit au commissariat.
Comme le commissaire était l’amant de la sœur de son ami, il a voulu faire jouer la république des copains. Seulement le commissaire était honnête à sa façon. Il a dit à Viaud qu’il devait se taire et tout prendre sur ses épaules pour éviter que sa femme et son ami soient compromis. Viaud a accepté. Laurent a prévenu sa poule, Lolotte, pour qu’elle fasse le nécessaire auprès de son frangin…
Carotier a pu se tirer de l’impasse. Mais, le lendemain, Laurent a été écrasé par un chauffard inconnu. D’après la mère Carotier, le boucher n’était pour rien dans l’accident. Au contraire, il avait tout intérêt à se ménager un homme qui venait de lui sauver la mise, qui était presque son beau-frère et qui, de par ses fonctions, pouvait encore lui donner un sérieux coup d’épaule en cas de coups durs.
Je demande à la vioque ce qu’elle pense, elle, de cet accident. Elle me dit qu’à son avis il s’agit d’une malheureuse coïncidence et je ne suis pas loin d’admettre la possibilité de cette hypothèse.
Ceci exposé, elle se tait.
— Bon, fais-je et ensuite ?
Elle me bigle de ses yeux indécis lavés par le chagrin.
— Comment, ensuite ?
— La voiture disparue, le cadavre enlevé…
On dirait que je lui parle hindoustan.
— Je vous ai dit que la voiture avait été volée… Qu’est-ce que c’est, le cadavre ?
— Rien ! Vous ne le savez pas que le cadavre de votre premier mari a été kidnappé ?
La pauvre dame en a la bouche tordue par l’incrédulité.
— Qu’est-ce que vous me racontez ?
Je dois bien me rendre à l’évidence : elle n’est pas au courant du rapt. J’en suis estomaqué. Saperlipopette, cette piste se terminerait-elle dans une impasse ?
Je la travaille au foie, au citron, au battant, mais inscrivez motus ! Elle est formelle. Une fois Viaud arrêté, l’affaire a été achevée en ce qui concernait Carotier et elle.
Excepté la visite des Boches, quelques mois plus tard, elle n’a plus jamais entendu parler de rien. Les deux amants se sont mariés, ils ont espacé les relations avec Charlotte parce que celle-ci s’était mis dans le crâne que son frère avait écrasé son amant par mesure de sécurité, et ils ont mené une vie paisible…
Douze ans de turbin chez les Établissements Poulet m’ont appris à reconnaître la vérité du mensonge et il est bien rare que je me file le doigt dans les cocards. Ici, je sens que la vioque bonnit la vérité. Et je le crois d’autant plus que Carotier était un individu fruste, sans intelligence. Un petzouille colérique qui a étranglé sa frangine parce qu’elle le traitait d’assassin ! Un vrai poème, avouez-le !
Il n’en reste pas moins vrai qu’on a volé le cadavre de Viaud, que ce cadavre a été trouvé quinze berges plus tard dans la banlieue de Paris et dans le coffre de sa voiture, comme l’écrirait un romancier à grosse cadence ; et qu’enfin, moi, San-Antonio, le super-as, l’homme qui débarrasse les gens d’un préjugé qui leur coûte cher puisqu’il remplace Astra, j’ai trouvé la montre de Laurent dans la tombe vide ! Si vous êtes doué pour les rébus, ne vous gênez pas, je reçois de cinq à sept au bistrot d’en face et sur rendez-vous dans ma garçonnière !
J’en ai des fourmis dans la rotonde… Bonté divine, je buterai donc jusqu’à perpète dans ce mystère ? À l’instant où je pense trouver l’éclaircie, voilà que tout devient opaque ! Au moment où je sens que le voile va se déchirer, le rideau de fer descend devant mes carreaux. Inlassablement, je me casse le pif sur ces points d’interrogation en béton armé !
Si au moins ce salopard de Carotier ne venait pas d’étrangler sa frangine ! La Lolotte aurait pu éclairer ma lanterne. Elle m’aurait renseigné au moins au sujet de la montre ! Cette fameuse breloque qui appartenait à Laurent et qu’on retrouve longtemps après sa mort dans le caveau de famille des Viaud !
Quelle bouteille à encre de Chine !
Comme le silence s’est rétabli depuis un sacré bout de temps, la mère Carotier soupire.
— Qu’est-ce que ça va faire ?
Cette petite question me rappelle aux réalités.
— Ne vous tracassez pas. Je vais vous conduire à la gendarmerie la plus proche et les pandores s’occuperont de votre second défunt…
Elle ne proteste pas. Tête basse, elle me suit jusqu’à ma bagnole, prend place à mes côtés et nous roulons dans la nuit humide jusqu’à la première succursale de bourres.
Je réveille la casba et un brigadier en pyjama, coiffé en hâte de son képi, vient délourder. Je me fais connaître, lui explique en deux mots ce qui s’est passé, sans entrer dans le chapitre espionnage, et je lui confie la mère Machin. Ensuite, il ne me reste plus qu’à regagner Grenoble.
Vous admettez que ma petite existence est plutôt mouvementée. Voilà une journée chargée en incidents, en allées et venues et en fatigue… Sans parler des émotions fortes, des stations sous la flotte et des gnons encaissés !
Voyez-vous, bande de clodos, quand on fait ce métier de chien, on a droit automatiquement à la Légion d’honneur, à la retraite des vieux, à la retraite aux flambeaux et à une place assise dans le métro !
Il est trois plombes du mat lorsque je me glisse dans les draps. Une chance que la môme Nicole se soit cassée, s’il fallait que je lui rende mes hommages nocturnes, par-dessus le marka, je serais obligé de prendre de la main-d’œuvre étrangère, parole !
Le lendemain est jour de fête, donc jour férié avec ce que cela implique de portes fermées et de chemises empesées.
Je flemmarde au pieu et sur les choses de dix heures, je tube à la réception afin de commander un bol de café fort et assez de croissants pour décorer le pavillon de la Turquie à la Foire de Paris.
Le tout m’est véhiculé par une femme de chambre en robe noire et tablier blanc des plus comestibles. Un peu gourde sur les bords, certes, mais carrossée par Ferrari.
Je lui dédicace un sourire matinal illuminé par Colgate et elle semble y être sensible.
— Je savais que Grenoble était une jolie ville, lui dis-je, mais j’étais loin de supposer que les Grenobloises avaient un pareil charme.
Elle me répond qu’elle est de Lons-le-Saunier, ce qui ruine instantanément mon madrigal.
Elle est fraîche, appétissante, jeune, et propre comme les lavandières du Portugal.
J’ai le geste auguste du semeur de caresses à l’endroit de son envers et la voilà qui glousse comme quoi je ne suis pas raisonnable ! Ce que les femmes ont à parler raison, elles qui n’en ont pas un brin, dites-moi !
Je pousse un peu mes avantages. Je fais l’avion avec ma dextre. D’abord un piqué, puis une remontée en chandelle sous les jupes. La transporteuse de café crème s’affale sur le lit… Je prends le bol de caoua brûlant sur les valseuses, ce qui freine net mes ardeurs ! Accident du travail, les gars ! La soubrette est désolée. Et puis, comme tout cela est du plus haut comique, on éclate de rire l’un et l’autre et elle retourne me chercher un déjeuner.
Je me loque pendant ce temps. Elle me promet de venir me rejoindre cette nuit, je lui allonge un pourliche qui va lui permettre de venir en aide à sa pauvre vieille moman et je breakfaste avec appétit.
Au moment de passer le seuil de l’hôtel, j’ai la satisfaction de voir du soleil plein Grenoble. Dans les proches lointains, si j’ose m’exprimer ainsi, les glaciers de l’Alpe traîtresse étincelle comme si on les avait passés au Miror !
Bonno !
Je me dirige vers ma bagnole mais, au moment de grimper dedans, je m’arrête, indécis. Où vais-je, où cours-je ? Je n’ai pas la moindre idée de l’orientation à donner à mon enquête !
D’autre part, nous sommes mardi et il faut que je sois jeudi à Pantruche : rancard avec le Vieux pour une affaire ! Comme il ne faut jamais laisser un geste en suspens, je finis d’ouvrir la lourde de ma tire et, comme la voici ouverte, je prends place à l’intérieur.
Puis j’allume une cigarette et, tout en regardant passer les ménagères et les bonnes gens qui reviennent de la messe, je réfléchis.
Au lieu de tirer à hue et à dia, je dois m’atteler à l’un de mes mystères et le dénoyauter.
Je décide de choisir le mystère numéro 3, celui de la montre. Au diable l’ordre chronologique, et même l’ordre tout court !
Voyons, la première question qui se pose concernant l’oignon d’argent, c’est : qui l’a pris à Laurent après sa mort ?… Comment le bijou est-il parvenu dans le gousset de celui qui, par la suite, est allé kidnapper le cadavre de Viaud ?
Charlotte aurait sûrement pu m’éclairer sur ce point délicat. Allez donc maintenant, après quinze années écoulées — et quelles années, madame ? — faire la lumière sur un point aussi obscur, aussi mièvre !
Je sors la montrouze de ma pocket afin de l’examiner une fois de plus.
Je la fais sautiller dans ma dextre.
— Toi, si tu pouvais parler, tu en aurais à raconter, hein, ma belle ? lui dis-je.
Et voilà que la montre se met à bavasser.
En la regardant de très près, je m’aperçois que le milieu du boîtier fait comme une bosse, derrière… Cette bosse ne provient pas du fait que le bijou a été piétiné… Au contraire, l’écrasement l’aurait aplati alors que là il y a une protubérance… Je passe mon doigt. J’ai le sens tactile développé, comme les aveugles. Je sens le creux par-dessous l’inscription gravée. Et les rouages sont enfoncés vers le centre du mouvement. Bref, j’ai la certitude qu’on a glissé à l’intérieur de la breloque un petit objet dur qui a mutilé rouages et boîtier.
Je remets la montre en place et je balance mon mégot par la portière. Un vieux zig qui passe à vélo le prend sur la main et se met à me traiter de tous les noms. Ses invectives ne me font pas décrocher. Je suis mon raisonnement. Ce qu’il faut, en toute circonstance, c’est se mettre dans la peau des gens. Filons en arrière et revenons à l’arrestation de Viaud. Cet homme a été nazifié. Il est gonflé de principes politiques et il travaille contre son pays. Je suppose que sa conscience le taquinait un peu tout de même. Pourtant, il s’accommodait fort bien des objections qu’elle pouvait lui faire. Et puis un jour : la tuile… Il est démasqué. Du coup, sa conscience se met à crier aux petits pois. C’est fou ce que les hommes prennent conscience de leurs responsabilités lorsque la police se met après eux !
Les poulardins, deux robustes brutes, le conduisent au commissariat. Il connaît le commissaire. D’abord parce que dans une ville de province tout le monde se connaît, et puis aussi parce que le fonctionnaire est l’amant notoire de la sœur de son meilleur ami. Ça rend les choses plus faciles, plus humaines. Viaud s’allonge, écroulé, il bonnit la vérité à Laurent. Laurent est salement emmouscaillé. Que faire ? Il ne peut étouffer le scandale qui a pris instantanément d’énormes proportions étant donné le nombre de gens qui l’ont découvert. Il dit à Viaud d’avoir du cran et d’épargner sa femme et son ami…
Viaud dit gi-go ! Il a sur lui quelque chose d’important ; je m’excuse d’employer une formule aussi vague, mais vraiment je ne vois pas ce que ça peut être. Ce quelque chose, il avait l’intention de le planquer, la preuve c’est qu’au moment de son arrestation, il a demandé aux cognes la permission de se fringuer. Il espérait pouvoir faire disparaître l’objet… Se voyant perdu, Viaud donne le quelque chose à Laurent. Laurent le glisse dans le boîtier de sa montre…
Je stoppe mon vagabondage intellectuel… Un quelque chose de dur qu’on pourrait glisser à l’intérieur d’un boîtier ! Ça doit être chinois !
Bast, ne nous arrêtons pas sur un détail…
Ensuite ?
Je me gratte le nez… Ensuite, quoi ? Laurent est détenteur de l’objet. Il livre son client aux autorités militaires puisqu’il ne peut faire autrement… Et il parle de l’objet à quelqu’un qui le tuera pour se l’approprier et lui volera sa montre.
Plus tard, le quelqu’un aura besoin du cadavre de Viaud… Voilà que je redéraille ! Ce que c’est empoisonnant, nom d’une pipe ! Comme dirait une hirondelle, y a de quoi prendre un martinet pour s’en faire foutre un coup !
Je me mords les ongles. J’ai envie de tout casser… L’incompréhension me rend dingue… Ce qu’il y a d’affolant dans cette histoire, comprenez-le, c’est qu’on ne peut échafauder d’hypothèse cohérente. On construit une version, et puis, soudain, crac, elle tombe en miettes, fusillée à bout portant par la logique.
Quels sont les personnages de l’affaire encore disponibles actuellement ? Charlotte est morte, Carotier aussi… Laurent est mort… Viaud est mort… La veuve m’a dit tout ce qu’elle savait et ça n’est pas suffisant pour éclairer ma lanterne.
Alors ?
Ah si, il me reste tout de même le brigadier. Vous savez, l’agent de mauvaises liaisons ? Lui a vécu le drame… Témoin indifférent, bien sûr, stupide, c’est certain, mais témoin tout de même…
Je roule jusqu’au poste de police. J’ai du bol car je tombe sur le moustachu au moment où il quitte l’établissement bignolon, son service terminé.
Je le hèle :
— Hep ! brigadier !
Il me reconnaît, s’humidifie et radine en louvoyant, les yeux bons.
— M’sieur l’com’saire !
Cet homme est une vivante contraction.
— Vous rentrez chez vous, brigadier ?
— Tout doucement… J’étais de nuit…
— Montez, je vais vous reconduire !
Il est cisaillé, le gnaf…
— Mais…
— J’ai le temps, nous bavarderons…
Et nous bavardons en effet.
— Comment vous appelez-vous ?
— Bazin !
— Oh ! c’est vrai… Où avais-je la tête… Vous êtes parent avec les écrivains ?
Il hoche la tête :
— Mon père était facteur…
— Ce serait un indice en faveur du oui… Dites, vieux, j’aimerais que vous me parliez de Laurent… Quel genre d’homme était-ce ?
Il hésite…
— Allez, j’écoute, vous pouvez vous déboutonner devant moi, je suis un homme compréhensif…
Bazin introduit un ongle noir et long dans son tuyau auditif et butine un chargement de miel dans ses portugaises… Il regarde son butin, s’essuie après la banquette de ma calèche et hausse les épaules.
— Écoutez, déclare-t-il. J’suis t’un homme carré !
J’approuve.
— Il m’a semblé…
— Alors je vous dis l’authentique vérité, s’pas ?
— Merci.
— Eh ben, l’Laurent c’tétait z’une vraie peau de vache !
Libéré par cette révélation, il se met à puiser dans ses fosses nasales. Le résultat est plus substantiel que celui des étiquettes.
— Qu’appelez-vous une peau de vache, Bazin ?
Il me considère non sans surprise.
— Vous voyez ce que je veux dire ? Mauvais avec les inférieurs et une vraie m… avec les supérieurs, quoi !
— Je vois…
— Sa gonzesse, la Charlotte, le faisait grimper au mur rien qu’en z’élevant la voix !
Il brame :
— Arrêtez, j’suis t’arrivé !
Je stoppe devant un bistrot à la terrasse accueillante. D’autant plus accueillante qu’elle est déserte.
— On boit un petit apéro ?
Il sursaute :
— Vous z’alors, v’z’êtes pas fier !
— Il n’y a pas de quoi l’être non plus, riposté-je avec sincérité.
Nous nous attablons. Lorsque le taulier vient prendre la commande, c’est d’une voix ostentatoire que Bazin me demande :
— Qu’est-ce que vous z’allez prendre, monsieur le commissaire ?
Manière de montrer à son bistrot qu’il est noté chez les huiles !
— Un petit Cinzano, dis-je.
— Et pour moi un coup de rouquin, décide-t-il.
Il me sourit.
— C’est pas Laurent qu’aurait trinqué avec z’un subordonné. Et pourtant il n’avait pas de quoi faire le fiérot… Parce que sur le plan n’honnêteté !..
— Ah ! oui…
— Je voudrais pas z’êtes méchant ; d’autant plus qu’il est mort… Mais c’était un combinard… La petite enveloppe, il aimait ça… Vous voyez ce que je veux dire ? Accommodant z’il était avec les ceusses qu’avaient de quoi cramer !
Tiens, tiens, tiens, comme font les gens qui ont de la conversation… Voilà qui jette un jour intéressant sur la personnalité de mon défunt collègue.
Je vide mon godet, imité par Bazin et j’ordonne au patron de changer les draps.
— Dites-moi, Bazin, cette histoire Viaud…
— Oui ?
— Elle me tracasse. Vous avez, votre collègue et vous-même…
— Mathieu !
— Quoi ?
— Mon collègue : il s’appelait Mathieu !
— On s’appelle comme on peut ! Vous avez, disais-je, amené l’espion à Laurent. Qu’a dit celui-ci en vous voyant entrer ?
Bazin réfléchit.
— Il a demandé ce dont quoi qu’il s’agissait.
— Et vous le lui avez dit ?
— … turellement !
— Et alors ?
— Il nous a demandé de sortir… L’est resté seul avec Viaud… Et un sacré moment, je vous l’annonce…
— Et z’après ?
— Il nous a dit de ne pas z’ébruiter, comme je vous l’ai dit hier…
— Et les autorités militaires sont venues prendre livraison du client ?
Bazin secoue la tête.
— Non… C’est Laurent qui l’a emmené en voiture…
— Il était seul ?
— Seul avec Viaud, oui, confirme le moustachu en trempant son balai-brosse dans de l’aramon.
Depuis quelques instants, il se passe quelque chose en moi. Il y a longtemps que j’espérais ce phénomène. Chaque fois que je nage dans du mystère, il se produit. C’est confus et je peux mal vous l’expliquer, d’autant plus que vous n’avez pas des frites à piger, ce qui est écrit entre les lignes à haute tension. C’est instinctif, voilà ! D’abord ça remue en moi un peu comme une vie naissante. Ça s’agglomère, ça se précise, ça se prépare… Laurent-Viaud… Deux hommes qui se sont trouvés en cheville dans une certaine mesure. Laurent a été en partie complice de l’espion. Complice par omission puisqu’il a tu certaines choses à ses supérieurs…
Il l’a emmené lui-même aux autorités. Il a demandé à ses hommes d’oublier l’arrestation, à cause de « plus tard »… Voilà qui est intéressant. Autant de détails importants qui esquissent la participation de Laurent… De Laurent le combinard ! Alors ?
Bazin continue de bavocher… Il en est à sa vie pendant l’Occupation. Il a, dit-il, facilité le turbin des maquisards, sauvé des otages, bref, mérité sa statue sur la grande place de Grenoble. Je l’imagine, en sujet équestre, le képi aux sourcils, toute sa connerie perpétuée dans le marbre par un ciseau habile.
— Dites-moi, Bazin…
— M’sieur l’c’m’saire ?
— Lorsque vous avez arrêté Viaud, quelle était son attitude ?
Bazin soupèse ma question. Il caresse sa moustache aux poils de laquelle perle de la vinasse.
— Il n’était très z’embêté, affirme-t-il.
— Semblait-il avoir peur ?
— Peur ?
Le mot grimpe en spirale jusqu’à son entendement.
— Non, déclare le bourdille. Il z’était seulement très n’embêté !
— Je suppose qu’en cours de route vous l’avez un peu… heu… secoué. Je suis de la maison et je connais les bonnes vieilles traditions !
Le brigadier ne répond pas. Il est intimidé.
Sentant sa réticence, je lui facilite la confession.
— En pleine guerre, quand on découvre un Français en train de trahir son pays, on n’a pas envie de se montrer tendre avec ce salopard !
— Sûr que non !
Le voilà sur la pente savonnée du toboggan. Il détourne les yeux.
— On y a filé quelques pains dans le museau histoire d’y faire dire à qui qui causait !
— Bon. Et il a avoué ?
— Pas tout de suite… Y a fallu y donner de la baguette !
— Naturellement. Alors, il s’est allongé ?
— Ouais…
Le poulardin rigole rétrospectivement. Surtout, ne prenez pas les flics pour des gens cruels, ça n’est pas vrai. Ils ont des âmes de poètes et s’ils font les gros yeux, c’est parce que l’autorité commence par là. Ils aiment passer les prévenus à tabac, sans toujours les prévenir, du reste, mais parce que cela aussi fait partie intégrante du métier. Et, comme ce sont en général des gens honnêtes, les bourres, ils aiment leur métier… Suivez-moi bien en vous cramponnant à mon pan de chemise : comme ils aiment leur job, ils aiment le passage à tabac : C.Q.F.D. ! À part ça, ce sont des natures sensibles…
— Il s’est allongé après qu’il s’a vu pisser le sang par les trous de nez, entame Bazin. On z’y avait mis une avoinée solide, Mathieu z’et moi ! Il était même miro d’un œil vu qu’on y a cassé ses lunettes… À quatre pattes qu’il les cherchait, ce tordu ! Mathieu se marrait en y filant des coups de pied dans les côtes…
Je bondis.
— Ses lunettes étaient cassées ?
— Oui…
— Il en a pris d’autres pour aller au commissariat ?
— Non… Il a gardé les siennes : y avait un verre z’en moins…
Je me dis que pendant l’instruction on a dû lui remplacer ses carreaux. C’est fatal, puisque son cadavre porte des lunettes intactes !
— Bon, vous l’avez laissé avec Laurent… Ils sont restés ensemble un certain temps, et puis ils sont sortis tous les deux ?
— C’est ça.
— Viaud avait les menottes aux mains ?
— Oui…
— Laurent est revenu, le lendemain, au bureau ?
— En coup de vent… Il est reparti et on ne l’a plus revu… Le soir, il était mort…
Bazin s’enhardit à me prendre le bras.
— V’croyez qu’on l’a rétamé ?
Je hausse les épaules.
— Je paierais bien un verre de limonade à celui qui me le dirait.
Le temps de notre séparation étant arrivé, je me lève et lui serre la louche.
— À un de ces quatre, Bazin. Si j’ai encore besoin de vous, je vous le dirai !
— Z’a votre service, m’sieur l’c’m’saire !
Je respire le beau temps retrouvé et je retourne chez le gouverneur militaire. Dans notre sacré turbin, il ne faut pas avoir la trouille de revenir sur le tas inlassablement. Nous sommes comme des abeilles qui, sans trêve, vont butiner la vérité et viennent la déposer dans la ruche…
Il ne faut pas pleurer ses pas. Il ne faut pas non plus avoir peur d’enquiquiner ses contemporains. Cette certitude compte pour beaucoup dans l’esprit dominateur du poulet type. À force de pouvoir disposer de tout un chacun, il finit par se croire détenteur du pouvoir discrétionnaire. Chaque matuche, en soi, est un petit roi… Le roi des contribuables !
Il y a des journées avec bol et d’autres sans. Comme il y a des gens avec scrupules et d’autres sans lacets à leurs souliers.
Je joue de chance, puisque étant venu chez le général pour y rencontrer le lieutenant Mongin, c’est sa voix martiale qui m’interpelle depuis une fenêtre du premier étage.
Il paraît vachement joyce de me revoir, le jeune blondinet. Probable qu’il est de service en ce jour de fête et qu’il se languit un brin dans la bâtisse. La cocotte en papier, ça finit par perdre de son intérêt. Une fois qu’on est passé professionnel surtout.
Il dévale l’escadrin et me congratule.
— Vous avez du nouveau ?
— Un petit peu… J’ai besoin de détails complémentaires…
— Ah ?
— Je voudrais savoir si Viaud a reçu des lunettes pendant son incarcération.
— Des lunettes ? s’étonne le lieutenant.
— Oui. Lors de son arrestation, un verre des siennes s’était brisé, j’ai de bonnes raisons de croire qu’on les lui a remplacées.
Le jeune officier semble perplexe.
— C’est très difficile à préciser au bout de ce laps de temps, vous vous en doutez !
— Prenons le problème sous un autre angle. Ni vous ni moi n’avons connu Viaud. Je voudrais parler avec quelqu’un qui l’a vu pendant sa détention, est-ce possible ? Tout le monde n’est pas mort à la guerre !
— Évidemment ! Seulement, si vous étudiez le dossier vous vous rendez compte que Viaud a été vite jugé ! Deux interrogatoires, condamnation à mort, exécution le surlendemain ! Le traître Ferdonet sapait les esprits… L’espionite faisait des siennes… On avait besoin d’exemples pour calmer le trouble grandissant. Viaud a été un de ces exemples…
— Voyons, en recherchant parmi les officiers composant la cour martiale, on doit bien trouver un témoin ?
Ça le fait sauter !
— Bonté, que n’y ai-je pensé plus tôt ! Le commandant Tardivaut qui défendit l’accusé est avocat maintenant… Voulez-vous que nous lui rendions visite ?
— Bien sûr…
Nous voilà partis dans la ville où l’air est léger comme un spectacle des Folies-Bergère.
Le lieutenant est frais comme un bouquet de muguet. La tenue militaire lui va bien. Il doit dégringoler des nières avant de se faire coucher lui-même par cette sale grognace qu’on appelle la guerre !
Arrivée chez l’ex-commandant Tardivaut. Une bonne âgée de quatre-vingts berges nous ouvre. On lui demande si le maître est làga et elle nous dit que oui, qu’il vient juste de rentrer de la messe et qu’il va passer à table…
Nous insistons pour le voir. Elle est sensible à l’uniforme du vaillant lieutenant de chasseur et nous introduit dans un salon aux meubles solennels comme toute l’abbaye de Westminster ! Entrée de Tardivaut. La soixantaine, un air grave et pieux… Une calvitie ripolinée, un costar noir…
Il a une raideur d’ancien militaire et un air froid d’ancien tabellion.
Le lieutenant attaque dans le morcif. Il est intelligent et résume l’affaire sans se paumer dans le labyrinthe des détails.
Le marchand de salades romaines[4] écoute en se mordillant le petit doigt. Il ponctue chaque période du boniment par un bref : « Si fait ! Si fait ! » qui sent la bourgeoisie de loin. Pas étonnant qu’il y soit allé du rétamage, Viaud, avec un défenseur aussi gourmé. Son cabinet pourrait s’appeler « Au fin gourmé » !
Ça attirerait le client gastronome.
Lorsque le jeune homme a terminé, je ramasse le crachoir.
— Lorsque Viaud est passé en conseil de guerre, dis-je, avait-il des lunettes en bon état ?
L’avocat lève un sourcil.
— Il n’avait pas de lunettes !
— Comment ?
— Je dis : il n’avait pas de lunettes !
— Donc, on n’a pas remplacé celles qui étaient brisées ?
— Je ne pense pas qu’il ait eu besoin de lunettes pour lire ou se diriger… Il m’a paru avoir une vue normale !
Je bondis.
— En êtes-vous bien certain ?
— Absolument.
— Maître, sa femme, ses amis, des témoins sont-ils venus au procès ou bien celui-ci a-t-il eu lieu à huis clos ?
— À huis clos. Ç’a été en toute honnêteté un simulacre de procès.
— Qu’a dit Viaud pour sa défense ?
— Rien… Il n’a pas desserré les dents de tout le procès.
— Vous le connaissiez, avant qu’il soit arrêté ?
— Non…
— Les journaux ont dû publier sa photographie ?
— Non. Tout s’est déroulé vite et avec le maximum de discrétion…
— Vous me permettez de passer un coup de fil ?
— Je vous en prie !
Il m’en prie, mais à regret, because la vieille bonne a mijoté une quiche lorraine qui embaume tout l’appartement.
Je demande la gendarmerie de Saint-Genix-sur-Guiers où j’ai déposé la mère Carotier. Un gendarme rouleur d’« r » me répond. Je déballe mon blaze et ça donne des résultats immédiats puisque le pandore m’assure de ses sentiments déférents.
— Vous avez toujours la dame de cette nuit ?
— Oui. Le parquet de Chambéry doit venir dans l’après-midi.
— Voulez-vous lui demander si son premier mari, Auguste Viaud, pouvait se passer de lunettes ?
Un silence. L’autre endoffé doit se gratter le conduit auditif. Je reconnais que ça ressemble plus à une blague qu’à un exposé en Sorbonne sur la concentration du jus de chique dans l’hormone femelle.
— Si… quoi ? répète-t-il.
Il s’attend à ce que je lui dise « poil aux doigts » et que je raccroche, mais au lieu de ça, docile, je réitère ma question.
— Ne quittez pas, balbutie l’homme à la visière noire.
Un long silence. Puis il revient.
— Non, dit-il, la femme Carotier assure que son mari ne posait ses lunettes que pour dormir… Il était as… assis commak !
— Quoi ?
Je réalise.
— Astigmate ?
— C’est ça !
— O.K., merci…
Je raccroche. Les deux autres me considèrent d’un œil troublé.
— Alors ? demande l’impatient lieutenant.
— Je crois qu’il y a eu maldonne, fais-je sérieusement.
— C’est-à-dire ?
— Je vais vous dire une chose à priori insensée.
— Vraiment ?
— Monsieur Tardivaut, je commence à croire que ça n’est pas Viaud que votre cour martiale a jugé et condamné à mort !
Il tique :
— Vous dites ?
— Je n’ai pas la moindre envie de faire du roman-feuilleton, celui-ci serait très mauvais.
— On aurait jugé un autre homme sous le nom de Viaud ?
— Je pense que oui !
— Mais c’est impossible !
— Oh que voilà un mot peu français, mon commandant ! m’écrié-je.
L’avocat se renfrogne.
— Vous divaguez, monsieur le commissaire, permettez-moi de vous le dire. Voyons, si l’individu en question n’avait pas été le véritable inculpé, nous l’aurions su !
— Vous l’auriez su s’il vous l’avait dit ! Mais vous ne l’auriez pas su si son remplaçant avait accepté de jouer le rôle de Viaud ! Vous venez de me dire vous-même deux choses curieuses : ç’a été un procès sans témoins et… escamoté !
Du coup le voilà rêveur, le perroquet… Il sent son barreau chanceler sous ses pattes.
— Ce serait invraisemblable, croit-il bon de murmurer néanmoins.
Le lieutenant de chasseur, lui, frétille. Il est abonné à Mystère-Magazine et du moment qu’on lui construit du super-police, il biche.
Nous prenons congé de l’avocat. On dirait un dindon. Il nous raccompagne jusqu’à la lourde. La vieille bonne piaffe de la semelle avec sa quiche qui a bronzé.
— Au plaisir, maître !
Son appartement, décidément, sentait mauvais. Nous fonçons jusqu’à la maison du gouverneur.
— Voulez-vous venir jusqu’au bar du mess ? demande mon compagnon… Nous avons du whisky de première qualité.
Je l’accompagne. Il vient de mettre le doigt sur une plaie qui s’élargissait en moi ; voilà plusieurs jours que je ne carbure plus au scotch ! Va falloir changer ça.
Aujourd’hui, le mess est désert. Les collègues à Mongin sont allés se faire scalper le minaret en ville. Nous lichons deux godets bien tassés et je sens que mes facultés réintègrent le domicile.
— J’aimerais tuber à Paris, c’est possible ?
— Ben voyons…
Nous passons dans le burlingue du général. (Entre-temps, Mongin m’a appris que le gouverneur est à l’inauguration d’une nouvelle cantine. C’est lui qui donne le premier coup de cuiller à pot.) Je me vautre dans le fauteuil du zig à glands d’or et je réclame en priorité le numéro du Vieux à Pantruche. Bien que ça soit jour de fête je pense le trouver au bureau. Le Vieux, je vous l’ai dit mille fois — mais je le répète pour les ceusses qui rappliquent en retard dans la collection — ne quitte pratiquement pas la maison Poultock. Il y a son pageot, probable, dans un endroit caché !
— Allô !
Pas de charres, c’est sa voix calme.
— Ici San-Antonio !
— Vous êtes à Grenoble ?
— Comment le savez-vous ?
— J’ai appris par les journaux l’affaire à laquelle vous êtes mêlé et vous connaissant, j’en ai déduit que vous avez profité de vos vacances pour…
Un drôle de champion, le Vieux ! Il nous possédera toujours avec son esprit mathématique et son sens de la déduction.
— Eh bien, vous ne vous êtes pas gourré…
— Il vaut mieux laisser tomber…, dit-il. J’ai pris mes renseignements, je crois que vous perdez du temps inutilement.
— Comment ça ?
— C’est compliqué…
— Qu’est-ce qui est compliqué, chef ? L’histoire du faux fusillé ?
C’est à mon tour de l’estomaquer.
— Sapristi, vous en êtes déjà là ?
— La preuve !
Il est content de son San-Antonio…
— Bravo, quel chien de chasse ! Que savez-vous au juste ?
— Peu de choses en vérité. Simplement qu’on a arrêté un type appelé Viaud et que ça n’est pas lui qui a été jugé sous son nom !
— En effet. Quelqu’un de nos services a pris sa place…
— Pourquoi ?
— Parce que Viaud faisait partie de l’Intelligence Service. Il était agent double. Son arrestation fut le fait d’un hasard. Comme il était impossible de l’étouffer, l’I.S., en accord avec le Deuxième Bureau, a remplacé Viaud par quelqu’un d’autre…
— Et ce quelqu’un n’a pas été fusillé ?
— Pas ce quelqu’un, mais une troisième personne : un vrai condamné à mort qui a subi son châtiment sous le nom de Viaud… L’affaire s’est faite en trois temps, vous saisissez ?
— Fort bien ! Avez-vous entendu parler du commissaire Laurent ?
— Il figure au rapport. C’est à lui que Viaud s’est confié et c’est lui qui a alerté nos services… Nous lui avons donné les instructions nécessaires…
— Et il est mort le lendemain ?
— L’Intelligence Service a la marotte de la discrétion !
— Dites donc, patron… Pourquoi ce simulacre de procès et cette exécution par personne interposée ?
— Il était important pour l’I.S. que Viaud soit officiellement mort.
— Ne me faites pas crever de curiosité, boss, si vous le savez, dites-le !
— Viaud avait fourni aux Allemands des tuyaux erronés que l’état-major anglais voulait à toute force faire passer pour vrais. Si on n’avait pas exécuté Viaud, lorsqu’un idiot de voisin le démasqua, les Boches auraient flairé quelque chose. En le passant par les armes, au contraire, on accréditait en quelque sorte l’authenticité des faux renseignements, vous comprenez ?
— Bien sûr… Mais alors, comment se fait-il…
— Qu’il ne soit pas réapparu après la guerre ?
— D’abord, oui ?
— Sa femme s’était remariée dans l’intervalle… Lui-même avait d’autres projets sentimentaux, il s’est dit que les choses étaient bien ainsi… Il a eu la sagesse de ne pas demander une réhabilitation…
— Où se trouve-t-il maintenant ?
— En Angleterre, je pense… Il faudrait demander au Yard.
— Vous pouvez le faire ?
Le Vieux commence à trouver la conversation longuette.
— À quoi bon ?
— Une idée à moi, patron…
— Bon… Je vais tâcher de vous obtenir ce détail… Vous rentrez quand ?
— Tout de suite…
— Alors à demain…
Il raccroche et je reste un instant comme une noix devant mon combiné. De drôles de révélations sont sorties de la petite passoire d’ébonite… Nous sommes tombés en plein sur l’un des nombreux mystères de la petite dernière… M’est avis qu’il n’est pas entièrement éclairci…
Je prends conscience de l’existence du petit lieutenant grâce à une toux discrète qu’il émet pour se rappeler à mon bon souvenir. Il a pigé une partie de ce que m’a dit le Vieux par mes réactions à moi.
— Un drôle d’imbroglio, n’est-ce pas ? demande-t-il.
— Et comment ! J’enquête sur un mort et j’apprends qu’il est vivant ! J’enquête à Grenoble et j’apprends que la vérité se trouvait à Paris ! J’enquête sur un espion allemand, et j’apprends qu’il était en réalité un agent de l’I.S. ! Si un jour les cornichons donnent un bal, j’espère avoir la présidence !
Nous allons écluser quelques nouveaux scotchs, ensuite de quoi, comme dirait San-Antonio, je retourne à l’hôtel douiller ma note et récupérer ma brosse à dents à changement de vitesse !