Il faut préciser que je n'étais pas seul dans la voiture,
J'étais avec la morte;
La nuit tournait sans bruit, comme une porte,
Nous traversions les gonds du monde;
Les cheveux de la nuit,
L'approche du solstice,
Le corps désemparé qui transpire et qui glisse.
Et la nuit était bleue
Comme un poisson nerveux,
La nuit soufflait partout,
Dans tes yeux s'allumait un regard un peu fou.
La nuit était très floue,
La nuit était partout,
Les images glissaient
Comme un rêve de craie.
Cette nuit, nous avons apreçu l'autre face.
L'enfant technologique guide le corps des hommes,
Des sociétés aveugles
Jusqu'au bord de la mort,
Le corps gémit et beugle.
C'est un puits très profond
Et c'est un vide immense,
Très dense,
On voit les particules tournoyer, s'effacer.
L'enfant n'a jamais tort,
Il marche dans la rue
Il annonce la mort
Des âmes disparues.
Nous mourrons sans pardon
Et nous disparaîtrons
Dans l'ombre immense,
L'ombre d'absence
Où le vide sépare les particules glacées,
Nos corps
Morceaux de notre mort,
Trajectoires dérisoires de fragments déplacés.
Les dernières particules
Dérivent dans le silence
Et le vide articule
Dans la nuit, sa présence.
Les Enfants de la Nuit sont les étoiles…
Les étoiles rondes et lourdes du matin;
Comme des gouttelettes chargées de sagesse, ils tournent lentement sur eux-mêmes en émettant un chant légèrement vibrant.
Ils n'ont jamais aimé.
Le premier jour de la seconde semaine, une pyramide apparut à l'horizon. Sa surface noire et balsatique nous parut d'abord parfaitement plane; mais au bout de quelques heures de marche nous y décelâmes des nervures fines, arrondies, évoquant les circonvolutions d'un cerveau. Nous fîmes halte sous l'ombrage d'un bosquet de ficus. Geffrier remuait lentement les épaules, comme pour en chasser des insectes. Son visage allongé, nerveux, se ridait un peu plus chaque jour; une expression d'angoisse y était maintenant constamment présente. La chaleur devenait insupportable.
Un manchot ou un borgne portant une plaie saignante,
Poudré et perruqué à la cour du roi Louis XIV;
Il est courageux à la guerre.
Et monsieur de Villequiers continue ses petites expériences sur les insectes…
Je suis peut-être, moi-même, un véhicule de Dieu,
Mais je n'en ai pas vraiment conscience
Et j'écris cette phrase "à titre expérimental".
Qui suis-je?
Tout cela ressemble à une devinette.
Je referme mon stylo:
Suis-je content de ma phrase?
Mon stylo n'est pas beau,
Je veux faire table rase.
Je me jette un regard dans la posture "artiste"
Et je trouve le spectacle à peu près répugnant.
J'ai beau être un artiste, je suis quand même très triste,
Entouré de salauds qui me montrent les dents
Stylo, salaud!
C'est mon stylo, éjaculant
Des semi-vérités poussives
Qui est responsable, maintenant:
"Je cherche un monde où les gens vivent".
Écrire,
Communiquer avec les hommes,
Ils sont si loin.
Jouir
(Généralement, avec sa main).
Un peu d'amour, odeur de pomme,
Partir
(Très loin, si loin. Trop loin.)
Il existe un espace insécable et fécond
Où nous vivons unis dans notre dissemblance,
Tout y est silencieux, immobile et profond,
Il existe un espace au-delà de l'enfance.
Venues du fond de mon oeil moite,
Les images glissaient sans cesse
Et l'ouverture était étroite,
La couverture était épaisse.
Il aurait fallu que je voie
Mon avenir différemment,
Cela fait deux ans que je bois
Et je suis un bien piètre amant.
Ainsi il faut passer la nuit
En attendant que la mort lente,
Qui avance seule et sans bruit,
Retrouve nos yeux et les sente;
Quand la mort appuie sur vos yeux
Comme un cadavre sur la planche,
Il est temps de chercher les dieux
Disséminés. Le corps s'épenche.
Nous avons établi un rapport diagonal
Sous la présence obscure, incertaine des bouleaux
Griffus, dans le silence impur et vertical
Qui nous enveloppait comme une eau
Lustrale.
Le désir entourait nos vies comme une flamme,
Nous avons accepté de lui servir de mèche
Je ne soupçonnais pas ce que peut une femme,
Loin de tes lèvres mes lèvres devenaient vite sèches
Et mortes.
Seul sur le canapé la nuit est étouffante,
Il me semble que la nuit est chaque fois plus sombre;
Je craque une allumette; la flamme jaillit, tremblante,
Les images du passé se croisent entre les ombres,
Mobiles.
Je revois les bouleaux,
Ce soir
Je me verse un peu d'eau,
Je suis seul dans le noir.
Suspendu à ta parole,
Je marchais sur la place au hasard
Les cieux s'ouvraient, et je devais jouer un rôle
Quelque part.
Déployée, la cascade morte
Répendait des fragments de gel
Autour de mon artère aorte,
Je me sentais superficiel.
Volcan de paroles superflues,
Oubli des relations humaines
Un monde existe où l'on se tue,
Un monde existe entre nos veines.
L'aveu de ce monde est facile
Si l'on fait le deuil du bonheur
La parole n'est pas inutile,
Elle arrive juste avant l'heure
Où les fragments de vie implosent,
Se rangent dans la sérénité
Au fond d'une bière décorée
Vélours frappé, vieux bois, vieux rose.
Vélours comme une limonade
Qui grésille en surface de peau,
Criblée comme une peau nomade
Qui se déchire en fins lambeaux
Dans un univers de parade,
Un univers où tout est beau
Dans un univers de parade,
Dans un univers en lambeaux.
Elle tremblait en face de moi, et j'avais l'impression que le monde entier tremblait.(Fiction émotionelle, une fois de plus.)
Une fin de vie solitaire,Le chemin devient transparentEt je n'ai plus un seul parent:Une île enfoncée dans la mer.
Nous n'avons plus beaucoup le temps de vivre,
Mon amour
Éteins donc la radio,
Pour toujours.
Tu as toujours vécu par procuration,
Sans friction
Et si lisse,
La vie s'en va et le corps glisse
Dans l'inconnu,
La vie est nue.
Essayons d'oublier les anciens adjectifs
Et les catégories;
La vie est mal connue et nous restons captifs
De notions mal finies.
Le temps de Venise est bien lourd
Et je te sens un peu nerveuse:
Calme-toi un peu, mon amour,
Je te lécherai les muqueuses.
Il y aura des années à vivre
Si nous restons des enfants sages;
Nous pouvons aussi lire des livres:
Regarde, mon amour, c'est l'orage.
J'aime ton goût un peu salé,
J'en ai besoin deux fois par jour;
Je me laisse complètement aller:
Regarde, c'est la mort, mon amour.
Les masses d'air soufflaient entre le bosquets d'yeuses,
Une femme haletait comme en enfantement
Et le sable giflait sa peau nue et crayeuse,
Ses deux jambes s'ouvraient sur mon destin d'amant.
La mer se retira au-delà des miracles
Sur un sol noir et mou où s'ouvraient des possibles
J'attendais le matin, le retour des oracles,
Mes lèvres s'écartaient pour un cri invisible
Et tu étais le seul horizon de ma nuit;
Connaissant le matin, seuls dans nos chairs voisines,
Nous avons traversé, sans souffrance et sans bruit,
Les peaux superposées de la présence divine
Avant de pénétrer dans une plaine droite
Jonchée de corps sans vie, nus et rigidifiés,
Nous marchions côte à côte sur une route étroite,
Nous avions des moments d'amour injustifié.