Les Erre-au-Vent

La nouvelle traversa le camp comme un vent brûlant. Elle arrive. Son armée s’est mise en marche. Elle fond sur le sud à destination de Yunkaï pour incendier la ville et passer ses habitants au fil de l’épée, et nous allons monter vers le nord, à sa rencontre.

Guernouille le tenait de Dick Chaume, qui avait appris la nouvelle par le vieux Bill les Os qui l’avait sue par un Pentoshi du nom de Myrio Myrakis, qui avait un cousin qui servait en qualité d’échanson auprès du Prince en Guenilles. « L’ cousin a entendu dire ça sous la tente de commandement, d’ la bouche même de Caggo, insistait Dick Chaume. On prend la route avant la fin du jour, zallez voir. »

Cela au moins fut confirmé. L’ordre descendit du Prince en Guenilles par le truchement de ses capitaines et de ses sergents : démontez les tentes, chargez les mules, sellez les chevaux, nous partons pour Yunkaï au point du jour. « Pas de risque que ces salauds de Yunkaïis veuillent nous voir dans leur Cité Jaune, à rôdailler autour de leurs filles », prédit Baqq, l’arbalétrier myrien aux yeux mi-clos dont le nom signifiait haricots et qu’on appelait donc Fayots. « À Yunkaï on se procurera des vivres, on aura p’t-êt’ des chevaux frais et après, on continuera vers Meereen pour aller danser avec la reine dragon. Alors, que ça saute, Guernouille ! Traîne pas, et affûte bien l’épée de ton maître. S’pourrait bien qu’t’en aies b’soin sous peu ! »

À Dorne, Quentyn Martell avait été prince ; à Volantis, un commis de marchand ; mais sur les côtes de la baie des Serfs, il n’était plus que Guernouille, écuyer du grand chevalier dornien chauve que les épées-louées appelaient Vertes-tripes. Chez les Erre-au-Vent, les hommes employaient les noms qui leur chantaient et en variaient à leur guise. Ils lui avaient attribué celui de Guernouille à cause de sa diligence dès que le colosse beuglait un ordre. « Et qu’ ca saute ! »

Même le commandant des Erre-au-Vent gardait pour lui son vrai nom. Certaines compagnies libres étaient nées durant le siècle de sang et de chaos qui avait suivi le Fléau de Valyria. D’autres, formées hier, disparaîtraient demain. Les Erre-au-Vent avaient trente ans d’histoire, et sous un seul commandant, un noble Pentoshi à la voix douce et aux yeux mélancoliques qu’on appelait le Prince en Guenilles. Ses cheveux et sa maille avaient le même gris argent, mais sa cape en loques mariait des haillons de couleurs variées, bleu, gris et mauve, rouge, or et vert, magenta, vermillon et vert céruléen, tous délavés par le soleil. Lorsque le Prince en Guenilles avait eu vingt-trois ans, d’après le récit qu’en faisait Dick Chaume, les magistrats de Pentos l’avaient choisi pour être leur nouveau prince, quelques heures après avoir décapité l’ancien. Il avait aussitôt ceint une épée à sa taille, sauté sur son cheval favori et fui dans les Terres Disputées, pour ne jamais revenir. Il avait chevauché avec les Puînés, les Rondaches de Fer et les Hommes de la Pucelle, puis s’était associé à cinq compagnons d’armes pour former les Erre-au-Vent. De ces six fondateurs, lui seul avait survécu.

Était-ce la vérité, Guernouille n’en avait pas la moindre idée. Depuis qu’il avait paraphé son entrée dans les Erre-au-Vent à Volantis, il n’avait aperçu le Prince en Guenilles que de loin. Les Dorniens étaient des recrues fraîches, des novices à former, de la chair à flèches, trois parmi deux mille. Leur commandant fréquentait des cercles plus élevés. « Je ne suis pas un écuyer », avait protesté Quentyn quand Gerris Boisleau – qu’on connaissait ici sous le nom de Gerrold le Dornien, pour le distinguer de Gerrold Dos-Rouge et de Gerrold le Noir, et parfois comme le Buveur, car le mastodonte, par bourde, l’avait appelé ainsi – avait suggéré cette ruse. « J’ai gagné mes éperons à Dorne. Je suis autant chevalier que vous. »

Mais Gerris avait prévalu ; Archie et lui étaient ici pour protéger Quentyn, et cela signifiait qu’ils devaient le garder auprès du mastodonte. « De nous trois, Arch est le meilleur guerrier, avait fait observer Boisleau, mais vous seul pouvez espérer épouser la reine dragon. »

L’épouser ou la combattre ; en tout cas, je vais bientôt être face à face avec elle. Plus Quentyn entendait parler de Daenerys Targaryen et plus il appréhendait leur rencontre. Les Yunkaïis soutenaient qu’elle nourrissait ses dragons de chair humaine et se baignait dans le sang des vierges pour entretenir la souplesse et le satin de sa peau. Fayots en riait, mais il raffolait des anecdotes sur les appétits sexuels de la reine d’argent. « Un de ses capitaines descend d’une lignée où les hommes ont une anguille d’un pied de long, leur raconta-t-il, mais même lui, il est pas assez épais pour elle. Elle a vécu parmi les Dothrakis où elle a pris l’habitude de se faire fourbir par des étalons, si bien qu’aucun homme peut plus la satisfaire, désormais. » Et Bouquine, l’habile reître volantain qui semblait avoir en permanence le nez plongé dans un rouleau friable, jugeait la reine dragon aussi meurtrière que folle. « Son khal a tué son frère pour la faire reine. Ensuite, elle a tué son khal pour devenir khaleesi. Elle pratique des sacrifices sanglants, elle ment comme elle respire, elle se retourne contre les siens par caprice. Elle a violé des trêves, torturé des ambassadeurs… Son père était fou, lui aussi. Ça se transmet par le sang. »

Ça se transmet par le sang. Oui, le roi Aerys II était fou, tout Westeros le savait. Il avait banni deux de ses Mains et condamné au bûcher une troisième. Si Daenerys est aussi meurtrière que son père, dois-je l’épouser quand même ? Le prince Doran n’avait jamais abordé cette éventualité.

Guernouille serait content de laisser Astapor derrière lui. La Cité Rouge était le plus proche équivalent de l’enfer qu’il ait jamais imaginé fréquenter. Les Yunkaïis avaient consolidé les portes enfoncées afin de confiner les morts et les agonisants à l’intérieur de la ville, mais les scènes qu’il avait vues en parcourant à cheval ces rues de brique rouge hanteraient à jamais Quentyn Martell. Un fleuve charriant des cadavres. La prêtresse dans ses robes en lambeaux, empalée sur un pieu et environnée d’une cour de mouches vertes luisantes. Des mourants qui titubaient à travers les rues, couverts de sang et d’ordure. Des enfants qui se disputaient des chiots à moitié cuits. Le dernier roi libre d’Astapor, hurlant nu au fond de l’arène, tandis qu’une vingtaine de dogues affamés se jetaient sur lui. Et des feux, partout des incendies. Il pouvait clore les yeux et les voir encore : des flammes se déployant contre des pyramides de brique plus hautes que tous les châteaux qu’il avait jamais contemplés, des panaches de fumée grasse qui montaient en se lovant comme d’immenses serpents noirs.

Quand le vent soufflait du sud, l’air sentait la fumée, même ici, à trois milles de la cité. Derrière ses remparts de brique rouge décatis, Astapor brûlait toujours, bien que la plupart des grands brasiers se fussent épuisés, désormais. Des cendres dérivaient paresseusement sur la brise comme les gros flocons d’une neige grise. Quitter ces lieux serait une bonne chose.

Le mastodonte partageait cette opinion. « Il est que trop temps », déclara-t-il quand Guernouille le trouva en train de jouer aux dés avec Fayots, Bouquine et le vieux Bill les Os, et de perdre encore une fois. Les épées-louées adoraient Vertes-tripes, qui pariait avec toute la témérité qu’il mettait au combat, mais une bien moindre réussite. « Va me falloir mon armure, Guernouille. T’as récuré le sang qu’y avait sur ma maille ?

— Oui-da, ser. » La maille de Vertes-tripes était vieille et lourde, reprisée encore et encore, très usée. Il en allait de même de son casque, son gorgerin, ses grèves, ses gantelets et le reste de sa plate dépareillée. L’équipement de Guernouille valait à peine mieux, et celui de ser Gerris était visiblement pire. L’acier de la compagnie, selon les termes de l’armurier. Quentyn n’avait pas demandé combien l’avaient porté avant lui, combien étaient morts dedans. Ils avaient abandonné leurs propres belles armures à Volantis, en même temps que leur or et leurs vrais noms. Des chevaliers fortunés venus de maisons anciennes et honorables ne traversaient pas le détroit pour louer leurs épées, à moins d’avoir été exilés pour une infamie. « Je préfère passer pour pauvre que pour abject », avait déclaré Quentyn quand Gerris leur avait expliqué sa ruse.

Il fallut aux Erre-au-Vent moins d’une heure pour lever le camp. « Et maintenant, en selle », commanda le Prince en Guenilles de son énorme palefroi gris, dans un haut valyrien classique qui était ce qui s’approchait le plus d’une Langue Commune à la compagnie. Les quartiers arrière pommelés de son étalon étaient couverts de bandes de tissu, déchirées aux surcots des hommes qu’avait tués son maître.

La cape du prince avait été cousue selon la même méthode. L’homme avait un âge certain, plus de soixante ans, mais il se tenait encore droit et fier sur sa selle, et sa voix avait assez de vigueur pour porter à chaque recoin du champ de bataille. « Astapor n’était qu’un amuse-gueule, déclara-t-il. Meereen sera notre banquet », et les mercenaires poussèrent une féroce clameur. Des rubans de soie bleu ciel palpitaient à leurs piques, tandis que des bannières en queue d’aronde, bleu et blanc, l’étendard des Erre-au-Vent, volaient au-dessus.

Les trois Dorniens braillèrent de concert. Leur silence aurait attiré l’attention. Mais tandis que les Erre-au-Vent prenaient la direction du nord en empruntant la route côtière, suivant de près Barbesang et la Compagnie du Chat, Guernouille vint se ranger à hauteur de Gerrold le Dornien. « Bientôt », annonça-t-il dans la Langue Commune de Westeros. La Compagnie comptait d’autres Ouestriens, mais peu, et aucun à portée. « Nous avons besoin d’agir sans tarder.

— Pas ici », le mit en garde Gerris, avec le sourire vide d’un comédien. « Nous en reparlerons ce soir, lorsque nous dresserons le camp. »

Cent lieues séparaient Astapor de Yunkaï en prenant la vieille route côtière ghiscarie, et cinquante de plus de Yunkaï à Meereen. Les compagnies libres, sur de bonnes montures, pouvaient atteindre Yunkaï en six jours de chevauchées forcées, ou huit à une allure plus mesurée. Les légions de l’ancienne Ghis en mettraient moitié plus en progressant à pied, et les Yunkaïis avec leurs soldats esclaves… « Avec les généraux qu’ils ont, c’est déjà merveille qu’ils avancent pas dans la mer », commenta Fayots.

Les Yunkaïis ne manquaient pas de généraux. Un vieux héros du nom de Yurkhaz zo Yunzak exerçait le commandement suprême, mais les hommes des Erre-au-Vent ne l’apercevaient que de loin, allant et venant dans un palanquin tellement énorme qu’il exigeait quarante esclaves pour le transporter.

En revanche, ils ne pouvaient pas manquer de voir ses subalternes. Les petits seigneurs yunkaïis galopaient en tous sens comme des cafards. La moitié paraissait se nommer Ghazdan, Grazdan, Mazdhan ou Ghaznak ; distinguer un nom ghiscari d’un autre semblait un art que peu d’Erre-au-Vent pratiquaient, si bien qu’ils leur attribuaient des sobriquets moqueurs de leur cru.

Premier d’entre eux, la Baleine Jaune, un homme obscène de ventripotence, qui portait de sempiternels tokars en soie jaune avec des franges dorées. Trop lourd pour pouvoir même tenir debout sans assistance, il n’arrivait pas à maîtriser ses besoins naturels et puait donc la pisse en permanence, une si épouvantable infection que même de puissants parfums ne parvenaient pas à la masquer. Mais on le prétendait l’homme le plus riche de Yunkaï, et il avait une passion pour les grotesques ; ses esclaves comprenaient un gamin aux pattes et aux sabots de chèvre, une femme à barbe, un monstre à deux têtes venu de Mantarys et un hermaphrodite qui réchauffait sa couche, la nuit. « Vit et connin concurremment, leur dit Dick Chaume. La Baleine possédait aussi un géant, et aimait l’ regarder baiser ses esclaves. Et puis, l’ géant est mort. J’ai entendu dire qu’ la Baleine paierait un sac d’or pour en avoir un nouveau. »

Il y avait aussi la Générale, qui se déplaçait sur un cheval blanc à crinière rouge et commandait une centaine de solides esclaves soldats qu’elle avait formés et entraînés elle-même, tous jeunes, minces, bosselés de muscles et nus, à l’exception d’un pagne, de capes jaunes et de longs boucliers de bronze couverts d’ornementations érotiques. Leur maîtresse, qui ne devait pas avoir plus de seize ans, se voyait comme la Daenerys Targaryen de Yunkaï.

Le Ramier n’était pas tout à fait nain, mais on aurait pu s’y tromper quand la lumière déclinait. Et pourtant, il se pavanait comme un géant, écartant largement ses petites jambes replètes et bombant son petit torse grassouillet. Ses soldats étaient les plus grands qu’aient vus les Erre-au-Vent ; le plus court mesurait sept pieds de haut, et les échasses intégrées aux jambières de leurs armures ornementées les faisaient paraître encore plus grands. Des écailles d’émail rose leur couvraient le torse ; sur leur tête étaient perchés des casques allongés, agrémentés de becs d’acier pointus et de crêtes de plumes roses qui dansaient. Chaque homme portait à la hanche une longue épée courbe, et serrait une pique aussi haute que lui, avec un fer en feuille à chaque extrémité.

« Le Ramier en fait l’élevage, les informa Dick Chaume. Il achète de grands esclaves dans le monde entier, accouple les hommes avec les femmes et garde les plus grands enfants pour les Hérons. Il espère pouvoir un jour s’ dispenser des échasses.

— Quelques sessions sur un chevalet pourraient accélérer le processus », suggéra le mastodonte.

Gerris Boisleau éclata de rire. « Une bande qui inspire la terreur. Rien ne me terrifie plus qu’une troupe d’échassiers couverts d’écailles roses et de plumes. Si j’en avais un aux trousses, je rirais tellement que ma vessie pourrait lâcher.

— Y en a qui trouvent que les Hérons ont d’ la majesté, observa le vieux Bill les Os.

— Ouais, si ton roi bouffe des grenouilles en se tenant sur une seule patte.

— C’est froussard, les hérons, glissa le mastodonte. Un jour qu’on chassait, le Buveur, Cletus et moi, on est tombés sur des hérons qui arpentaient les hauts-fonds en se gobergeant de têtards et de vairons. Ah, ça, le spectacle valait le coup d’œil, mais un faucon est soudain passé dans les airs et ils se sont tous envolés comme s’ils avaient vu un dragon. Ils ont soulevé tant de vent qu’ils m’en ont culbuté de mon cheval, mais Cletus a tiré une flèche et en a abattu un. Ça a le goût du canard, en moins gras. »

Même le Ramier et ses Hérons pâlissaient devant la folie des frères que les épées-louées avaient baptisés les Lords de la Sonnaille. La dernière fois que les esclaves soldats de Yunkaï avaient affronté les Immaculés de la reine dragon, ils avaient rompu les rangs et s’étaient enfuis. Les Lords de la Sonnaille avaient mis au point un dispositif pour pallier le problème ; ils enchaînaient les hommes entre eux par groupes de dix, poignet à poignet et cheville à cheville. « Aucun d’ ces pauvres couillons peut s’enfuir s’ils fuient pas tous, expliqua Dick Chaume en se tordant de rire. Et s’i’ détalent tous, ils vont pas courir très vite.

— Putain, mais pour marcher, ils vont vraiment pas vite non plus, maugréa Fayots. On entend leurs bruits de ferraille à dix lieues. »

Il y en avait d’autres, presque aussi fous, ou pires. Lord Ballotte-bajoues, le Conquérant ivrogne, le Maître des Fauves, Trogne-de-Gruau, le Lièvre, l’Aurige, le Héros parfumé. Certains avaient vingt soldats, d’autres deux cents ou deux mille, tous des esclaves qu’ils avaient formés et équipés eux-mêmes. Chacun était fort riche et arrogant, capitaine ou commandant, et ne répondait à personne d’autre qu’à Yurkhaz zo Yunzak, dédaigneux des vulgaires épées-louées et enclins, sur des questions de protocole, à des chamailleries aussi interminables qu’incompréhensibles.

Dans le temps qu’il fallut aux Erre-au-Vent pour chevaucher sur trois milles, les Yunkaïis en avaient pris deux et demi de retard. « Un tas d’imbéciles jaunes qui puent, se plaignit Fayots. Ils ont toujours pas réussi à comprendre pourquoi les Corbeaux Tornade et les Puînés sont passés sous les ordres de la reine dragon.

— Pour l’or, pensent-ils, répondit Bouquine. Pourquoi crois-tu qu’ils nous paient si bien ?

— L’or, j’aime ça, mais j’aime encore plus la vie, reprit Fayots. À Astapor, on a dansé avec des estropiés. Tu tiens à affronter de véritables Immaculés, avec cette bande dans ton camp ?

— On s’est battu contre des Immaculés à Astapor, protesta le mastodonte.

— Je parle de vrais Immaculés. Suffit pas de couper les bougettes d’un gamin au hachoir de boucher et de lui donner un chapeau pointu pour en faire un Immaculé. La reine dragon, c’est des vrais, qu’elle a, le genre de matériel qui se débande pas pour prendre ses jambes à son cou quand on pète dans leur direction générale.

— Eux, et des dragons, aussi. » Dick Chaume leva les yeux vers le ciel comme s’il imaginait que la simple mention de dragons pourrait suffire à les voir fondre sur la compagnie. « Aiguisez bien vos épées, les petits, on va avoir une vraie bataille sous peu. »

Une vraie bataille, songea Guernouille. Les mots lui restaient en travers de la gorge. Le combat sous les remparts d’Astapor ne lui avait pas paru manquer de véracité, mais il savait que les mercenaires avaient un autre point de vue. « C’était de la boucherie, pas un combat », avait-on entendu Denzo D’han, le barde guerrier, déclarer à la fin. Denzo était capitaine, vétéran de cent batailles. L’expérience de Guernouille se limitait à la cour d’exercice et à la lice de joute, si bien qu’il ne se jugeait pas apte à contester le verdict d’un combattant aussi aguerri.

Ça ressemblait pourtant bien à une bataille. Il se souvenait comment son ventre s’était serré quand il avait été réveillé d’un coup de pied, à l’aube, le mastodonte dressé au-dessus de lui. « En armure, fainéant, avait tonné le colosse. Le Boucher s’en vient nous livrer bataille. Debout, debout, si tu ne veux pas finir comme viande à l’étal.

— Le Roi Boucher est mort », avait-il protesté d’une voix ensommeillée. Chacun avait entendu la nouvelle en débarquant des navires qui l’amenaient de l’Antique Volantis. Un second roi Cleon s’était emparé de la couronne pour périr à son tour, apparemment, et les Astaporis étaient désormais gouvernés par une putain et un barbier fou dont les partisans se battaient entre eux pour le contrôle de la ville.

« Ils ont pu mentir, avait répliqué le mastodonte. Ou sinon, c’est encore un autre boucher. Peut-être que le premier est revenu tout hurlant de sa tombe pour massacrer des Yunkaïis. On s’en fout un peu, Guernouille. Enfile ton armure. » La tente abritait dix personnes, et toutes étaient déjà levées, passant leurs chausses et leurs bottes, glissant de longues cottes de maille annelée par-dessus leurs épaules, bouclant des pectoraux en place, assurant les sangles de leurs grèves ou de leurs canons, empoignant leurs casques, boucliers et baudriers. Gerris, toujours aussi prompt, fut le premier tout équipé, Arch le suivant de peu. Ensemble, ils aidèrent Quentyn à endosser son propre harnois.

À trois cents pas de là, les nouveaux Immaculés d’Astapor se déversaient par les portes de la ville et se rangeaient sous les remparts abîmés en brique rouge de leur cité, les feux de l’aube miroitant sur les pointes en bronze de leurs casques et de leurs longues piques.

Les trois Dorniens quittèrent ensemble leur tente pour rejoindre les combattants qui couraient vers les lignes de chevaux. Le combat. Quentyn s’exerçait avec épée et bouclier depuis qu’il avait l’âge de marcher, mais cela ne signifiait plus rien, désormais. Guerrier, rends-moi brave, pria Guernouille tandis qu’au loin battaient les tambours, BOUM boum BOUM boum BOUM boum. Le mastodonte lui montra où se trouvait le Roi Boucher, assis raide et haut sur un cheval caparaçonné d’une armure dont les écailles de bronze rutilaient au soleil du matin. Il se souvenait de Gerris qui se coula près de lui comme la bataille commençait. « Reste près d’Arch, quoi qu’il arrive. Souviens-toi, tu es le seul d’entre nous à pouvoir décrocher la fille. » Déjà, les Astaporis avançaient.

Mort ou vif, le Roi Boucher prit quand même Leurs Bontés par surprise. Leurs Yunkaïis couraient encore en tokars claquant au vent pour essayer de disposer leurs esclaves soldats à demi formés en une approximation d’ordre de bataille lorsque les piques immaculées s’abattirent sur leurs lignes de siège. Sans leurs alliés et ces mercenaires tant méprisés, ils auraient sans doute été submergés, mais les Erre-au-Vent et la Compagnie du Chat, montés en quelques minutes, fondirent sur les flancs astaporis dans un fracas de tonnerre, alors même qu’une légion de la Nouvelle-Ghis se forçait de l’autre côté un passage à travers le camp yunkaïi et rencontrait les Immaculés, pique contre pique, bouclier contre bouclier.

Le reste tourna à la boucherie, mais cette fois-ci, le Roi Boucher se retrouva du mauvais côté du couperet. Ce fut Caggo qui l’abattit enfin, en traversant sur son monstrueux palefroi les rangs qui protégeaient le roi, pour trancher Cleon le Grand de l’épaule à la hanche, d’un coup de son arakh valyrien courbe. Guernouille n’y avait pas assisté en personne, mais ceux qui étaient là affirmèrent que l’armure de cuivre de Cleon s’était fendue comme de la soie et que, de l’intérieur, s’étaient répandues une puanteur ignoble et une centaine de vers des tombes, tout gigotants. Cleon était bel et bien mort. Les Astaporis aux abois l’avaient hissé hors de sa tombe pour le barder d’armure et l’amarrer sur un cheval, dans l’espoir de donner du cœur au ventre aux Immaculés.

La chute de Cleon le Trépassé signa la fin de l’affaire. Les nouveaux Immaculés jetèrent armes et boucliers pour décamper et trouvèrent les portes d’Astapor refermées derrière eux. Guernouille avait tenu son rôle dans le massacre qui suivit, piétinant à cheval les eunuques affolés, en compagnie des autres Erre-au-Vent. Il avait galopé avec ardeur aux côtés du mastodonte, frappant de droite et de gauche tandis qu’ils s’enfonçaient comme un coin dans la masse des Immaculés, les perçant comme un fer de pique. Lorsqu’ils émergèrent à l’autre bout, le Prince en Guenilles les fit volter pour les conduire de nouveau dans la mêlée. Ce fut uniquement au retour que Guernouille avait pu bien regarder les visages sous les casques de bronze à pointe et s’apercevoir qu’ils n’étaient pas plus vieux que lui. Des bleus qui gueulaient en appelant leur mère, avait-il songé, mais cela ne l’empêcha pas de les tuer. Le temps qu’il quitte le champ de bataille, son épée ruisselait de sang et son bras était tellement épuisé qu’il avait du mal à le soulever.

Et pourtant, ce n’était pas un vrai combat, songea-t-il. La bataille véritable nous arrivera bientôt, et nous devrons partir avant qu’elle n’éclate, sinon nous allons nous retrouver en train de combattre dans le mauvais camp.

Cette nuit-là, les Erre-au-Vent dressèrent le camp sur les rives de la baie des Serfs. Guernouille tira au sort le premier quart et on l’envoya garder les lignes de chevaux. Gerris vint l’y rejoindre juste après le coucher du soleil, tandis qu’une demi-lune brillait sur les eaux.

« Le mastodonte devrait être là, lui aussi, commenta Quentyn.

— Il est parti rendre visite au vieux Bill les Os et perdre le reste de sa monnaie d’argent, expliqua Gerris. Laissez-le en dehors de tout ça. Il fera ce que nous lui demanderons, même si ça ne l’enchante guère.

— Non. » Il y avait en tout cela tant et plus de choses qui déplaisaient aussi à Quentyn. Naviguer sur un navire bondé ballotté par les vents et les flots, manger du pain dur grouillant de charançons et boire du tafia noir comme le goudron jusqu’à perdre conscience, dormir sur des tas de paille moisie, l’odeur d’inconnus dans les narines… Tout cela, il s’y était attendu en traçant sa marque sur le bout de parchemin à Volantis, en jurant au Prince en Guenilles son arme et ses services pour un an. C’étaient des aléas qu’on endurait, l’étoffe de toutes les aventures.

Mais ce qui devrait suivre était de la trahison, pure et simple. Les Yunkaïis les avaient transportés de l’Antique Volantis afin de combattre pour le compte de la Cité Jaune ; mais à présent les Dorniens se préparaient à tourner casaque et à passer dans le camp adverse. Cela signifierait abandonner également leurs nouveaux frères d’armes. Les Erre-au-Vent n’étaient pas le genre de compagnons qu’aurait choisis Quentyn, pourtant avec eux il avait passé la mer, partagé la viande et l’hydromel, combattu, échangé des histoires – avec les rares dont il comprenait le langage. Et si tous les contes étaient mensonges, ma foi, tel était le prix d’une traversée vers Meereen.

« Ce n’est pas ce qu’on pourrait imaginer de plus honorable », les avait prévenus Gerris, au Comptoir des Marchands.

« Daenerys se trouve désormais peut-être à mi-chemin de Yunkaï, avec une armée derrière elle, déclara Quentyn tandis qu’ils avançaient parmi les chevaux.

— Possible, répondit Gerris, mais ce n’est pas le cas. Nous avons déjà entendu raconter ça. Les Astaporis avaient la conviction que Daenerys s’en venait au sud avec ses dragons pour briser le siège. Elle n’est pas venue à l’époque, elle ne viendra pas maintenant.

— On n’en sait rien, pas avec certitude. Il faut nous éclipser avant de nous retrouver à combattre la femme qu’on m’a envoyé séduire.

— Attendons Yunkaï. » D’un geste, Gerris indiqua les collines. « Ces territoires appartiennent aux Yunkaïis. Personne ne risque de ravitailler ou d’abriter trois déserteurs. Au nord de Yunkaï, on arrive dans un pays qui n’appartient à personne. »

Il n’avait pas tort. Mais tout de même, Quentyn était mal à l’aise. « Le mastodonte s’est fait trop d’amis. Depuis le début, il sait que notre plan demandait de s’enfuir pour rejoindre Daenerys, mais il ne va pas apprécier d’abandonner des hommes auprès desquels il s’est battu. Si nous attendons trop longtemps, nous aurons l’impression de déserter à la veille de la bataille. Jamais il ne voudra. Tu le connais aussi bien que moi.

— Ce sera une désertion, où que nous la décidions, objecta Gerris, et le Prince en Guenilles n’aime pas beaucoup les déserteurs. Il nous enverra des chasseurs aux trousses, et les Sept nous viennent en aide s’ils nous attrapent. Si on a de la chance, ils se borneront à nous trancher un pied pour s’assurer que nous ne courrons plus jamais. Si on n’en a pas, ils nous confieront à la Belle Meris. »

Ce dernier argument donna à réfléchir à Quentyn. La Belle Meris lui faisait peur. Une Ouestrienne, mais plus grande que lui, un pouce au-dessous de six pieds. Au bout de vingt ans passés dans les compagnies libres, elle n’avait plus rien de beau, ni à l’extérieur, ni à l’intérieur.

Gerris l’attrapa par le bras. « Attendez. Encore quelques jours, c’est tout. Nous avons traversé la moitié du monde, patientez encore quelques lieues. Quelque part au nord de Yunkaï, notre occasion se présentera.

— Si tu le dis », soupira Guernouille sur un ton sceptique.

Mais pour une fois les dieux prêtaient l’oreille, et leur chance se présenta bien plus tôt que cela.

C’était deux jours plus tard. Hugues Sylvegué arrêta sa monture près du feu où ils cuisaient leur repas et lança : « Dorniens. On vous demande sous la tente de commandement.

— Lequel d’entre nous ? voulut savoir Gerris. Nous sommes tous dorniens.

— Eh bien, tous, en ce cas. » Morose et lunatique, affligé d’une main estropiée, Sylvegué avait tenu quelque temps le poste de trésorier de la compagnie, jusqu’à ce que le Prince en Guenilles le surprît à voler dans les coffres et lui retirât trois doigts. Désormais, il n’était plus que sergent.

De quoi peut-il s’agir ? Jusque-là, rien n’indiquait à Guernouille que leur commandant connût même son existence. Toutefois, Sylvegué était reparti au galop, si bien que l’heure n’était plus à poser des questions. Restait à aller quérir le mastodonte pour se présenter au rapport, selon les ordres. « N’avouez rien et soyez prêts à vous battre, conseilla Quentyn à ses amis.

— Je suis toujours prêt à me battre », riposta le mastodonte.

Le grand pavillon en toile de voile grise que le Prince en Guenilles aimait à appeler son château de toile était comble quand les Dorniens arrivèrent. Il ne fallut qu’un instant à Quentyn pour se rendre compte que la plupart des membres de l’assistance venaient des Sept Couronnes, ou s’enorgueillissaient de leur sang ouestrien. Exilés ou fils d’exilés. Dick Chaume revendiquait la présence d’une soixantaine d’Ouestriens dans la compagnie ; un bon tiers était réuni ici, dont Dick lui-même, Hugues Sylvegué, la Belle Meris et Lewis Lanster aux blonds cheveux, le meilleur archer de la compagnie.

Denzo D’han se trouvait sur place, lui aussi, avec Caggo, énorme à côté de lui. Caggo Tue-les-Morts, comme les hommes l’appelaient désormais, mais pas en face ; il était prompt à s’enrager, et son épée noire et courbe était aussi méchante que son propriétaire. Il y avait au monde des centaines d’épées longues valyriennes, mais à peine une poignée d’arakhs valyriens. Ni Caggo ni D’han n’étaient ouestriens, mais tous deux étaient capitaines, haut placés dans l’estime du Prince en Guenilles. Son bras droit et son gauche. Il se trame quelque chose d’important.

Ce fut le Prince en Guenilles lui-même qui parla. « Des ordres sont arrivés de Yurkhaz, annonça-t-il. Les Astaporis survivants ont rampé hors de leurs tanières, apparemment. Il ne reste plus que des cadavres, à Astapor, et ils se répandent donc dans la campagne environnante, par centaines, peut-être par milliers, crevant tous de faim et de maladies. Les Yunkaïis ne veulent pas les voir traîner autour de la Cité Jaune. On nous a ordonné de les traquer et de leur faire rebrousser chemin, de les repousser vers Astapor ou au nord, vers Meereen. Si la reine dragon veut les accueillir, grand bien lui fasse. La moitié d’entre eux ont la caquesangue, et même les valides représentent des bouches à nourrir.

— Yunkaï est plus proche que Meereen, objecta Hugues Sylvegué. Et s’ils ne veulent pas changer de direction, messire ?

— C’est pour ça que vous portez des piques et des épées, Hugues. Mais les arcs seraient peut-être d’un meilleur usage. Tenez-vous bien à distance de ceux qui manifestent les symptômes de la caquesangue. J’envoie la moitié de nos forces dans les collines. Cinquante patrouilles, de vingt cavaliers chacune. Barbesang a les mêmes ordres, si bien que les Chats seront sur le terrain, eux aussi. »

Les hommes échangèrent des coups d’œil, et quelques-uns grommelèrent dans leur barbe. Si la compagnie des Erre-au-Vent et celle du Chat étaient toutes deux sous contrat avec Yunkaï, un an plus tôt dans les Terres Disputées, ils s’étaient retrouvés sur les lignes de bataille dans des camps opposés, et le ressentiment persistait. Barbesang, le féroce commandant des Chats, était un géant tonitruant avec un farouche appétit de massacre qui ne faisait pas mystère de son dédain pour « les vieux barbons en chiffons ».

Dick Chaume s’éclaircit la gorge. « J’ vous demande pardon, mais on est tous natifs des Sept Couronnes, ici. Zaviez encore jamais cassé la Compagnie par origine, messire. Pourquoi nous envoyer d’un seul paquet ?

— La question mérite réponse. Vous devrez chevaucher vers l’est, pénétrer dans les collines, puis contourner Yunkaï à bonne distance et vous diriger vers Meereen. Si vous deviez croiser des Astaporis, repoussez-les vers le nord ou tuez-les… mais sachez que tel n’est pas le but de votre mission. Au-delà de la Cité Jaune, vous avez des chances de rencontrer les patrouilles de la reine dragon. Des Puînés ou des Corbeaux Tornade. Les uns ou les autres feront l’affaire. Rejoignez-les.

— Les rejoindre ? s’exclama le chevalier bâtard, ser Orson Roche. Vous voudriez nous faire tourner casaque ?

— Oui », répondit le Prince en Guenilles.

Quentyn Martell faillit éclater de rire. Les dieux sont fous.

Les Ouestriens s’agitèrent, mal à l’aise. Certains fixaient leur coupe de vin, comme dans l’espoir d’y trouver quelque sagesse. Hugues Sylvegué fit grise mine. « Vous pensez que la reine Daenerys nous accueillera…

— En effet.

— Mais en ce cas, qu’adviendra-t-il ? Sommes-nous des espions ? Des émissaires ? Songez-vous à changer d’allégeance ? »

Caggo se renfrogna. « C’est au prince de décider, Sylvegué. Votre rôle est d’exécuter les ordres.

— Toujours. » Sylvegué leva sa main à deux doigts.

« Parlons franc, intervint Denzo D’han, le barde guerrier. Les Yunkaïis ne m’inspirent aucune confiance. Quelle que soit l’issue de cette guerre, les Erre-au-Vent se doivent de partager le butin de la victoire. Notre prince est sage de nous garder toutes les issues ouvertes.

— Meris vous commandera, ajouta le Prince en Guenilles. Elle connaît mon avis sur ce chapitre… et peut-être Daenerys Targaryen acceptera-t-elle plus aisément une autre femme. »

Quentyn jeta un coup d’œil par-dessus son épaule à la Belle Meris. Quand le regard froid et mort de la femme croisa le sien, il se sentit frissonner. Ça ne me plaît pas.

Dick Chaume avait encore des doutes, lui aussi. « La fille serait sotte de nous faire confiance. Même avec Meris. Surtout avec Meris. Enfer, je lui fais pas confiance, moi, et je l’ai baisée plusieurs fois. » Il grimaça un sourire, mais personne ne rit. Surtout pas la Belle Meris.

« Vous avez tort, je crois, Dick, lui répondit le Prince en Guenilles. Vous êtes tous ouestriens. Des amis de chez elle. Vous parlez la même langue qu’elle, adorez les mêmes dieux. Quant à vos motivations, vous avez tous subi des vexations de ma part. Dick, je t’ai fouetté plus que n’importe quel homme de la Compagnie, et tu as ton dos pour preuve. Ma discipline a fait perdre trois doigts à Hugues. Meris a été violée par la moitié de la Compagnie. Pas celle-ci, bien entendu, mais inutile d’entrer dans les détails. Will des Forêts, ma foi, tu es de la racaille. Ser Orson me blâme d’avoir envoyé son frère aux Chagrins, et ser Lucifer bout encore de rage à propos de l’esclave que Caggo lui a prise.

— Il aurait pu la restituer après en avoir profité, protesta Lucifer Long. Il n’avait aucune raison de la tuer.

— Elle était laide, déclara Caggo. C’est assez de raison. »

Le Prince en Guenilles poursuivit comme si personne n’avait rien dit. « Tyssier, tu conserves des revendications sur des terres perdues, à Westeros. Lanster, j’ai tué ce garçon qui te plaisait tant. Vous, les trois Dorniens, vous pensez que nous vous avons menti. Le butin d’Astapor était bien moindre qu’on vous l’avait promis à Volantis, et j’en ai prélevé la part du lion.

— Cette dernière partie est vraie, commenta ser Orson.

— Les meilleures ruses renferment toujours un germe de vérité, répondit le Prince en Guenilles. Chacun d’entre vous a d’amples raisons de vouloir m’abandonner. Et Daenerys Targaryen le sait, les épées-louées sont une race volage. Ses propres Puînés et les Corbeaux Tornade ont pris l’or yunkaïi, mais n’ont pas hésité à la rejoindre quand le flot de la bataille a commencé à s’orienter vers elle.

— Quand devons-nous partir ? demanda Lewis Lanster.

— Sur-le-champ. Méfiez-vous des Chats et des Longues Lances que vous pourriez croiser. Nul ne saura que votre défection est une ruse, hormis ceux d’entre nous sous cette tente. Retournez trop tôt vos jetons et on vous mutilera comme déserteurs ou on vous éventrera comme tourne-casaque. »

Les trois Dorniens quittèrent en silence la tente de commandement. Vingt cavaliers, parlant tous la Langue Commune, songea Quentyn. Chuchoter vient tout juste de devenir une activité nettement plus dangereuse.

Le mastodonte vint lui flanquer une claque vigoureuse dans le dos. « Eh bien. Voilà qui est bon, Guernouille. Une chasse au dragon. »

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