Résumé

Les historiens ont contracté l'habitude de considérer l'histoire administrative de la France comme un processus multiséculaire de l'affermissement du pouvoir central. Vue de ce point, la Fronde Parlementaire ne serait qu'un phénomène rétrograde et réactionnaire, Et cependant, il faut tenir compte de l'existence d'un autre processus, aussi contradictoire que complémentaire à l'égard du premier celui qui signifiait la croissance du respect des normes juridiques el du prestige de l'appareil judiciaire. Les deux processus se développaient parallèlement jusqu'au temps de Richelieu quand ils entrèrent en collision, et ce choc pénible, ce fut la Fronde Parlementaire.

Avant ce temps, les officiers de justice ne croyaient pas dangereuse la croissance du rôle des méthodes administratives dans h système gouvernemental. Mais sous le grand cardinal, à cause surtou de la Guerre de Trente Ans, la prépondérance de ces méthodes con traires aux méthodes régulières et traditionnelles devint trop visible et l'appareil judiciaire se mit à l'état de l'opposition permanente.

La Fronde fut inattendue. L'année de son commencement, le Ы n était pas cher, et les provinces étaient assez tranquilles. Et quan< même, elle commença, cette explosion brusque du mécontentemen du peuple fatigué à porter l'immense faix des impôts, cette grève dé clenchée sur un signal venu de Paris.

Le gouvernement de Mazarin fit assez de fautes dont la plu grave fut le refus, en janvier 1648, de conclure la paix, très avan tageuse, avec l'Espagne alors occupée de la lutte contre la révolutio napolitaine. En avril, après la chute de Naples, l'occasion fut man quée, et les ministres s'avérèrent incapables de finir la guerre. Dan cette situation de crise de confiance, un mouvement imprudent suff pour que l'effondrement commençât.

La position idéologique du padement était fondée sur le principe de la souveraineté une et indivisible, appartenant toute entière au roi. Les parlementaires ne pouvaient pas prêcher la légitimité de sa lutte ouverte contre la volonté du monarque. Mais ils croyaient aussi que le pouvoir du roi et celui du parlement étaient deux formes inséparables de cette même souveraineté, et ils interprétaient en leur faveur des questions litigieuses concernant la délimitation des deux pouvoirs. D'ailleurs, les juges étaient bien loin d'être unis.

Le rôle du défenseur du peuple assumé par le parlement s'appuyant sur les sympathies populaires permit aux parlementaires radicaux de proposer des mésures allant au delà des bornes de la légalité traditionnelle. Parmi telles «percées» idéologiques, on peut nommer l'appropriation par les juges souverains, réunis dans la Chambre de Saint-Louis, du droit de l'initiative législative (auparavant, ils ne pouvaient que vérifier les actes proposés par le gouvernement), et la grande Déclaration royale du 22 octobre 1648 composée du commencement jusqu'à la fin par le parlement seul, sans permettre aux ministres d'y porter aucun amendement. Malgré le respect des droits des collègues provinciaux, le Parlement de Paris formula une nouvelle doctrine en se déclarant «source et matrice» des autres parlements et, en ce sens, le Parlement de toute la France. L'intérêt pris par les parlementaires au problème du chiffre de la taille signifiait un attentat potentiel au droit fondamental de l'absolutisme, celui de fixer ce chiffre à volonté.

La plus importante innovation juridique proposée par la Chambre de Saint-Louis fut «la règle de 24 heures». Selon cette règle, aucun sujet français ne pourrait être détenu en prison plus longtemps que 24 heures, après quoi il devrait être ou libéré, ou remis à ses juges naturels. L'adoption de cette nouveauté signifierait stricte prohibition des arrestations en vertu des «lettres de cachet», ce qui était absolument inadmissible pour le gouvernement. La majorité modérée du parlement n'osa pas d'insister sur la mésure trop radicale, et préféra recevoir les nouvelles garanties de l'inviolabilité des officiers de justice.

L'élite de l'appareil judiciaire se croyait plus, capable de réaliser des réformes nécessaires que les députés des Etats Généraux. La Fronde permit de vérifier cette opinion. Elle montra que les juges n'étaient pas les réformateurs parfaits. Ils comprenaient mal les problèmes économiques, et surtout l'importance du crédit pendant la guerre, convaincus ingénument de ce que tout serait raccommodé si l'on pille sans merci les financiers.

Les parlementaires, n'étant pas les représentants élus du peuple, prétendaient au rang de ses dieux bienfaiteurs, et ce rôle leur liait les mains, ils avaient peur de perdre leur prestige, plus capables au travail destructif qu'à faire quelque réforme solide.

La défaite de la Fronde Parlementaire eut une conséquence grave: la confiance de la société au parlement comme au réformateur virtuel des maux publics ne survécut pas à cette défaite. Vers la fin du règne de Louis XIV, les critiques du régime, tels que Fénelon et Saint-Simon, mirent ses espoirs non pas au parlement, mais aux Etats Généraux dûment transformés.



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