Les protagonistes et les actions de ce roman ne sont pas toutes et tous nés de mon imagination. Seuls les personnages de Christa et Rodolphe Meister relèvent de la pure fiction. Les autres appartiennent à l’histoire la plus sombre de l’humanité, celle du Troisième Reich.
Entre 1933 et 1945, la musique a joué un rôle central dans la propagande nazie. Le disque demeurait rare, les concerts ne désemplissaient pas, mais c’est la radio qui tenait un rôle primordial en tant qu’instrument de propagande capable de toucher toutes et tous jusque dans les coins les plus reculés du Reich et les territoires conquis. Sur les ondes, les Allemands écoutaient ce que Goebbels, ministre de la Propagande, considérait comme les perles de la culture germanique : Beethoven, Mozart, Bach, Wagner, Bruckner, Strauss… Un orchestre fut érigé en véritable monument national : le Philharmonique de Berlin – à juste titre l’un des meilleurs ensembles du monde. L’Allemagne possédait les plus grands génies de l’histoire de la musique, elle avait à sa disposition les meilleurs musiciens pour les interpréter, la propagande nazie s’est servie des uns comme des autres.
Un chef d’orchestre, parmi tous ceux que le pays comptait, fut considéré comme un véritable mythe vivant : Wilhelm Furtwängler. Son succès était immense et comparable à la notoriété des stars de la pop d’aujourd’hui. Furtwängler était présent dans le cœur de toutes les Allemandes et de tous les Allemands. Dès la prise de pouvoir de Hitler, en 1933, une question brûla la conscience de ce personnage considérable : fallait-il continuer à faire de la musique sous un régime d’une telle férocité ? Au fond, était-il possible de séparer la musique et l’art, de la politique ? Furtwängler estimait qu’art et politique n’avaient rien à faire ensemble et que continuer à faire de la musique sous le régime hitlérien était un acte de résistance.
Quelques chefs, notamment Herbert von Karajan, se sont compromis bien plus que Furtwängler, d’autres ont agi par opportunisme. Certains, beaucoup plus rares, soit par conviction, soit parce qu’ils étaient juifs ou directement menacés par les nazis, ont quitté l’Allemagne.
La question que nous pose l’attitude de Furtwängler, sans cesse sur le fil de sa conscience, entre compromission et résistance face au Troisième Reich, demeure d’une actualité brûlante : l’art peut-il se placer au-dessus de la morale ? Cette question n’a de cesse de labourer l’actualité parce que, sur le fond, cette problématique ne concerne pas uniquement la sphère politique mais la société tout entière.
Toute ressemblance avec des situations ou des personnages ayant existé n’est donc pas fortuite.