IV
Marie Vassilief
Maigret ne pouvait être partout. Le château était vaste. C’est pourquoi il n’eut qu’une idée approximative des événements de la matinée.
C’était l’heure où, le dimanche et les jours de fête, les paysans retardent le moment de rentrer chez eux, savourant le plaisir d’être en groupe, bien habillés, sur la place du village ou bien au café. Quelques-uns étaient déjà ivres. D’autres parlaient trop fort. Et les gosses aux habits roides regardaient leur papa avec admiration.
Au château de Saint-Fiacre, Jean Métayer, le teint jaunâtre, s’était dirigé, tout seul, vers le premier étage, où on l’entendait aller et venir dans une pièce.
— Si vous voulez venir avec moi… disait le docteur au prêtre.
Et il l’entraînait vers la chambre de la morte.
Au rez-de-chaussée, un large corridor courait tout le long du bâtiment, percé d’un rang de portes. Maigret percevait un bourdonnement de voix. On lui avait dit que le comte de Saint-Fiacre et le régisseur étaient dans la bibliothèque.
Il voulut y pénétrer, se trompa de porte, se trouva dans le salon. La porte de communication avec la bibliothèque était ouverte. Dans un miroir à cadre doré, il aperçut l’image du jeune homme, assis sur un coin de bureau, l’air accablé, et celle du régisseur, bien calé sur ses courtes pattes.
— Vous auriez dû comprendre que ce n’était pas la peine d’insister ! disait Gautier. Surtout quarante mille francs !
— Qui est-ce qui m’a répondu au téléphone ?
— M. Jean, naturellement !
— Si bien qu’il n’a même pas fait la commission à ma mère !
Maigret toussa, pénétra dans la bibliothèque.
— De quelle communication téléphonique parlez-vous ?
Et Maurice de Saint-Fiacre répondit sans embarras :
— De celle que j’ai eue avant-hier avec le château. Comme je vous l’ai déjà dit, j’avais besoin d’argent. Je voulais demander à ma mère la somme nécessaire. Mais c’est ce… ce… enfin ce M. Jean, comme on dit ici, que j’ai eu au bout du fil…
— Et il vous a répondu qu’il n’y avait rien à faire ? Vous êtes venu quand même…
Le régisseur observait les deux hommes. Maurice avait quitté le bureau sur lequel il était perché.
— Ce n’est d’ailleurs pas pour parler de cela que j’ai pris Gautier à part ! dit-il avec nervosité. Je ne vous ai pas caché la situation, commissaire. Demain, plainte sera déposée contre moi. Il est bien évident que, ma mère morte, je suis le seul héritier naturel. J’ai donc demandé à Gautier de trouver les quarante mille francs pour demain matin… Eh bien ! il paraît que c’est impossible…
— Tout à fait impossible ! répéta le régisseur.
— Soi-disant, on ne peut rien faire avant l’intervention du notaire, qui ne réunira les intéressés qu’après les obsèques. Et Gautier ajoute que, même sans cela, il serait difficile de trouver quarante mille francs à emprunter sur les biens qui restent…
Il s’était mis à marcher de long en large.
— C’est clair, n’est-ce pas ? C’est net ! Il y a des chances pour qu’on ne me laisse même pas conduire le deuil… Mais, au fait… Une question encore… Vous avez parlé de crime… Est-ce que ?…
— Il n’y a pas et il n’y aura probablement pas de plainte déposée, dit Maigret. Le Parquet ne sera donc pas saisi de l’affaire…
— Laissez-nous, Gautier !
Et, dès que le régisseur fut sorti, à regret :
— Un crime, vraiment ?
— Un crime qui ne regarde pas la police officielle !
— Expliquez-vous… Je commence à…
Mais on entendit une voix de femme dans le hall, accompagnée de la voix plus grave du régisseur. Maurice sourcilla, se dirigea vers la porte qu’il ouvrit d’un geste brusque.
— Marie ? Qu’est-ce que ?…
— Maurice ! Pourquoi ne me laisse-t-on pas entrer ?… C’est intolérable ! Il y a une heure que j’attends à l’hôtel…
Elle parlait avec un accent étranger très prononcé. C’était Marie Vassilief, qui était arrivée de Moulins dans un vieux taxi qu’on voyait dans la cour.
Elle était grande, très belle, d’une blondeur peut-être artificielle. Voyant que Maigret la détaillait, elle se mit à parler anglais avec volubilité, et Maurice lui répondit dans la même langue.
Elle lui demandait s’il avait de l’argent. Il répondait qu’il n’en était plus question, que sa mère était morte, qu’elle devait regagner Paris, où il la rejoindrait bientôt.
Alors elle ricanait :
— Avec quel argent ? Je n’ai même pas de quoi payer le taxi !
Et Maurice de Saint-Fiacre commençait à s’affoler. La voix aiguë de sa maîtresse résonnait dans le château et donnait à la scène un air de scandale.
Le régisseur était toujours dans le corridor.
— Si tu restes ici, je resterai avec toi ! déclarait Marie Vassilief.
Et Maigret ordonnait à Gautier :
— Renvoyez la voiture et payez le chauffeur.
Le désordre croissait. Non pas un désordre matériel, réparable, mais un désordre moral, qui semblait contagieux. Gautier lui-même perdait pied.
— Il faut pourtant que nous causions, commissaire… vint dire le jeune homme.
— Pas maintenant !
Et il lui montrait la femme d’une élégance agressive qui allait et venait dans la bibliothèque et dans le salon avec l’air d’en faire l’inventaire.
— De qui est ce stupide portrait, Maurice ? s’écriait-elle en riant.
Des pas dans l’escalier. Maigret vit passer Jean Métayer, qui avait revêtu un ample pardessus et qui tenait à la main un sac de voyage. Métayer devait se douter qu’on ne le laisserait pas partir, car il s’arrêta devant la porte de la bibliothèque, attendit.
— Où allez-vous ?
— À l’auberge ! Il est plus digne de ma part de…
Maurice de Saint-Fiacre, pour se débarrasser de sa maîtresse, la conduisait vers une chambre de l’aile droite du château. Tous deux continuaient à discuter en anglais.
— C’est vrai qu’on ne trouverait pas à emprunter quarante mille francs sur le château ? demanda Maigret au régisseur.
— Ce serait difficile.
— Eh bien ! faites quand même l’impossible, dès demain matin.
Le commissaire hésita à sortir. Au dernier moment il se décida à gagner le premier étage et là une surprise l’attendait. Tandis qu’en bas les gens s’agitaient comme sans but, on avait mis de l’ordre, là-haut, dans la chambre de la comtesse de Saint-Fiacre.
Le docteur, aidé de la femme de chambre, avait fait la toilette du cadavre.
Ce n’était plus l’atmosphère équivoque et sordide du matin ! Ce n’était plus le même corps. La morte, vêtue d’une chemise de nuit blanche, était étendue sur son lit à baldaquin dans une attitude paisible et digne, les mains jointes sur un crucifix.
Déjà il y avait des cierges allumés, de l’eau bénite et un brin de buis dans une coupe.
Bouchardon regarda Maigret qui entrait et il eut l’air de dire :
— Eh bien ! Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce du beau travail ?
Le prêtre priait en remuant les lèvres sans bruit. Il resta seul avec la morte tandis que les deux autres s’en allaient.
Les groupes s’étaient raréfiés, sur la place, devant l’église. À travers les rideaux des maisons, on voyait les familles attablées pour le déjeuner.
L’espace de quelques secondes, le soleil essaya de percer la couche de nuages, mais l’instant d’après déjà le ciel redevenait glauque et les arbres frissonnaient de plus belle.
Jean Métayer était installé dans le coin proche de la fenêtre et il mangeait machinalement en regardant la route vide. Maigret avait pris place à l’autre bout de la salle de l’auberge. Entre eux deux, il y avait une famille d’un village voisin, arrivée dans une camionnette, qui avait apporté ses provisions et à qui Marie Tatin servait à boire.
La pauvre Tatin était affolée. Elle ne comprenait plus rien aux événements. D’habitude, elle ne louait que de temps en temps une chambre mansardée à un ouvrier qui venait faire des réparations au château ou dans une ferme.
Et voilà qu’outre Maigret elle avait un nouveau pensionnaire : le secrétaire de la comtesse.
Elle n’osait questionner personne. Toute la matinée elle avait entendu les choses effrayantes racontées par ses clients. Elle avait entendu entre autres parler de police !
— J’ai bien peur que le poulet soit trop cuit… dit-elle en servant Maigret.
Et le ton était le même que pour dire, par exemple :
— J’ai peur de tout ! Je ne sais pas ce qui se passe ! Sainte Vierge, protégez-moi !
Le commissaire la regardait avec attendrissement. Elle avait toujours eu ce même aspect craintif et souffreteux.
— Te souviens-tu, Marie, de…
Elle écarquillait les yeux. Elle esquissait déjà un mouvement de défense.
— … de l’histoire des grenouilles !
— Mais… qui…
— Ta mère t’avait envoyée cueillir des champignons, dans le pré qui est derrière l’étang Notre-Dame… Trois gamins jouaient de ce côté… Ils ont profité d’un moment où tu pensais à autre chose pour remplacer les champignons par des grenouilles, dans le panier… Et tout le long du chemin tu avais peur parce que des choses grouillaient…
Depuis quelques instants elle le regardait avec attention et elle finit par balbutier :
— Maigret ?
— Attention ! Il y a M. Jean qui a fini son poulet et qui attend la suite.
Et voilà Marie Tatin qui n’était plus la même, qui était plus troublée encore, mais avec des bouffées de confiance.
Quelle drôle de vie ! Des années et des années sans un petit incident, sans rien qui vînt rompre la monotonie des jours. Et puis, tout d’un coup, des événements incompréhensibles, des drames, des choses qu’on ne lit même pas dans les journaux !
Tout en servant Jean Métayer et les paysans, elle lançait parfois à Maigret un regard complice. Quand il eut fini, elle proposa timidement :
— Vous prendrez bien un petit verre de marc ?
— Tu me tutoyais jadis, Marie !
Elle rit. Non, elle n’osait plus !
— Mais tu n’as pas déjeuné, toi !
— Oh ! si ! Je mange toujours à la cuisine, sans m’arrêter… Une bouchée maintenant… Une bouchée plus tard…
Une moto passa sur la route. On distingua vaguement un jeune homme plus élégant que la plupart des habitants de Saint-Fiacre.
— Qui est-ce ?
— Vous ne l’avez pas vu ce matin ? Émile Gautier, le fils du régisseur.
— Où va-t-il ?
— Sans doute à Moulins ! C’est presque un jeune homme de la ville. Il travaille dans une banque…
On voyait des gens sortir de chez eux, se promener sur la route ou se diriger vers le cimetière.
Chose étrange, Maigret avait sommeil. Il se sentait harassé comme s’il eût fourni un effort exceptionnel. Et ce n’était pas parce qu’il s’était levé à cinq heures et demie du matin, ni parce qu’il avait pris froid.
C’était plutôt l’ambiance qui l’écrasait. Il se sentait atteint personnellement par le drame, écœuré.
Oui, écœuré ! C’était bien le mot ! Il n’avait jamais imaginé qu’il retrouverait son village dans ces conditions. Jusqu’à la tombe de son père, dont la pierre était devenue toute noire et où l’on était venu lui interdire de fumer ! En face de lui, Jean Métayer paradait. Il se savait observé. Il mangeait en s’efforçant d’être calme, voire d’esquisser un vague sourire méprisant.
— Un verre d’alcool ? lui proposa, à lui aussi, Marie Tatin.
— Merci ! je ne bois jamais d’alcool…
Il était bien élevé. Il tenait, en toutes circonstances, à faire montre de sa bonne éducation. À l’auberge, il mangeait avec les mêmes gestes précieux qu’au château.
Son repas fini, il demanda :
— Vous avez le téléphone ?
— Non, mais en face, à la cabine…
Il traversa la route, pénétra dans l’épicerie tenue par le sacristain, où était installée la cabine. Il dut demander une communication lointaine, car on le vit attendre longtemps dans la boutique, fumant cigarette sur cigarette.
Quand il revint, les paysans avaient quitté l’auberge. Marie Tatin lavait les verres en prévision des vêpres qui amèneraient de nouveaux clients.
— À qui avez-vous téléphoné ? Remarquez que je puis le savoir en allant jusqu’à l’appareil…
— À mon père à Bourges.
La voix était sèche, agressive.
— Je lui ai demandé de m’envoyer immédiatement un avocat.
Il faisait penser à un ridicule roquet qui montre les dents avant qu’on fasse mine de le toucher.
— Vous êtes si sûr que cela d’être inquiété ?
— Je vous prierai de ne plus m’adresser la parole avant l’arrivée de mon avocat. Croyez que je regrette qu’il n’existe qu’une seule auberge dans le pays.
Entendit-il le mot que grommela le commissaire en s’éloignant ?
— Crétin !… Sale petit crétin !…
Et Marie Tatin, sans savoir pourquoi, avait peur de rester seule avec lui.
La journée devait être marquée jusqu’au bout par le signe du désordre, de l’indécision, sans doute parce que personne ne se sentait qualifié pour prendre la direction des événements.
Maigret, engoncé dans son lourd pardessus, errait dans le village. On le voyait tantôt sur la place de l’église, tantôt aux environs du château dont les fenêtres s’éclairaient les unes après les autres.
Car la nuit tombait vite. L’église était illuminée, toute vibrante de la voix des orgues. Le sonneur ferma la grille du cimetière.
Et des groupes à peine visibles dans la nuit s’interrogeaient. On ne savait pas s’il convenait de défiler au chevet de la morte. Deux hommes partirent les premiers, furent reçus par le maître d’hôtel qui ignorait lui aussi ce qu’il devait faire. Il n’y avait pas de plateau préparé pour les cartes de visite. On chercha Maurice de Saint-Fiacre pour lui demander son avis et la Russe répondit qu’il était allé prendre l’air.
Elle était couchée, elle, tout habillée, et elle fumait des cigarettes à bout de carton.
Alors le domestique laissa entrer les gens en esquissant un geste d’indifférence.
Ce fut le signal. Au sortir des vêpres, il y eut des conciliabules.
— Mais si ! Le père Martin et le jeune Bonnet y sont déjà allés !
Tout le monde y alla, en procession. Le château était mal éclairé. Les paysans longeaient le couloir et les silhouettes se découpaient tour à tour sur chaque fenêtre. On tirait les enfants par la main. On les secouait pour les empêcher de faire du bruit. L’escalier ! Le corridor du premier étage ! Et enfin la chambre où ces gens pénétraient pour la première fois.
Il n’y avait là que la domestique de la comtesse qui assistait avec effroi à l’invasion. Les gens faisaient le signe de croix avec un brin de buis trempé dans l’eau bénite. Les plus audacieux murmuraient à mi-voix :
— On dirait qu’elle dort !
Et d’autres, en écho :
— Elle n’a pas souffert…
Puis les pas résonnaient sur le parquet disjoint. Les marches de l’escalier craquaient. On entendait :
— Chut !… Tiens bien la rampe…
La cuisinière, dans sa cuisine en sous-sol, ne voyait que les jambes des gens qui passaient.
Maurice de Saint-Fiacre rentra au moment où la maison était ainsi envahie. Il regarda les paysans avec des yeux ronds. Les visiteurs se demandaient s’ils devaient lui parler. Mais il se contenta de les saluer de la tête et de pénétrer dans la chambre de Marie Vassilief où l’on entendit parler anglais.
Maigret, lui, était dans l’église. Le bedeau, l’éteignoir à la main, allait de cierge en cierge. Le prêtre retirait ses vêtements sacerdotaux dans la sacristie.
À gauche et à droite, les confessionnaux avec leurs petits rideaux verts destinés à abriter les pénitents des regards. Maigret se souvenait du temps où son visage n’arrivait pas assez haut pour être caché par le rideau.
Derrière lui, le sonneur, qui ne l’avait pas vu, fermait la grande porte, tirait les verrous.
Alors soudain le commissaire traversa la nef, pénétra dans la sacristie où le prêtre s’étonna de le voir surgir.
— Excusez-moi, monsieur le curé ! Avant toute chose, je voudrais vous poser une question…
Devant lui, le visage régulier du prêtre était grave, mais il semblait à Maigret que les yeux étaient brillants de fièvre.
— Ce matin, il s’est passé un événement troublant. Le missel de la comtesse, qui se trouvait sur son prie-Dieu, a soudain disparu et a été retrouvé caché sous le surplis de l’enfant de chœur, dans cette pièce même…
Silence. Le bruit des pas du sacristain sur le tapis de l’église. Les pas plus lourds du sonneur qui s’en allait par une porte latérale.
— Quatre personnes seulement ont pu… Je vous demande de m’excuser… L’enfant de chœur, le sacristain, le sonneur et…
— Moi !
La voix était calme. Le visage du prêtre n’était éclairé que d’un côté par la flamme mobile d’une bougie. D’un encensoir, un mince filet de fumée bleue montait en spirales vers le plafond.
— C’est ?…
— C’est moi qui ai pris le missel et qui l’ai posé ici, en attendant…
La boîte à hosties, les burettes, la sonnette à deux sons étaient à leur place comme au temps où le petit Maigret était enfant de chœur.
— Vous saviez ce que contenait le missel ?
— Non.
— Dans ce cas…
— Je suis obligé de vous demander de ne plus me poser de questions, monsieur Maigret. C’est le secret de la confession…
Association involontaire d’idées. Le commissaire se souvint du catéchisme. Et de l’image d’Épinal qui s’était composée dans son esprit quand le vieux curé avait raconté l’histoire d’un prêtre du Moyen Âge qui s’était laissé arracher la langue plutôt que de trahir le secret du confessionnal. Il la retrouvait telle quelle sur sa rétine, après trente-cinq ans.
— Vous connaissez l’assassin… murmura-t-il cependant.
— Dieu le connaît… Excusez-moi… je dois aller voir un malade…
On sortit par le jardin du presbytère. Une petite grille séparait celui-ci de la route. Des gens, là-bas, quittaient le château, restaient groupés à quelque distance pour discuter de l’événement.
— Vous croyez, monsieur le curé, que votre place n’est pas…
Mais on se heurtait au docteur qui grommelait dans sa barbiche :
— Dites donc, curé ! Vous ne trouvez pas que cela finira par ressembler à une foire ?… Il faut qu’on aille mettre de l’ordre, là-bas, ne fût-ce que pour sauvegarder le moral des paysans !… Ah ! vous êtes ici, commissaire !… Eh bien ! vous faites du joli… À cette heure, la moitié du village accuse le jeune comte de… Surtout depuis l’arrivée de cette femme !… Le régisseur va voir les fermiers pour réunir les quarante mille francs qui, paraît-il, sont nécessaires à…
— Zut !
Maigret s’éloignait. Il en avait trop gros sur le cœur. Et ne l’accusait-on pas d’être la cause de ce désordre ? Quelle maladresse avait-il commise ? Qu’est-ce qu’il avait fait, lui ? Il aurait tout donné pour voir les événements se dérouler dans une atmosphère de dignité !
Il marcha à grands pas vers l’auberge qui était à moitié pleine. Il n’entendit qu’une bribe de phrase :
— Paraît que si on ne les trouve pas, il ira en prison…
Marie Tatin était l’image de la désolation. Elle allait et venait, alerte, trottinant comme une vieille, bien qu’elle n’eût pas plus de quarante ans.
— C’est pour vous, la limonade ?… Qui a commandé deux bocks ?…
Dans son coin, Jean Métayer écrivait, en levant parfois la tête pour prêter l’oreille aux conversations.
Maigret s’approcha de lui, ne put lire les pattes de mouches mais vit que les alinéas étaient bien divisés, avec seulement quelques ratures, et précédés chacun d’un chiffre.
1°…
2°…
3°…
Le secrétaire préparait sa défense, en attendant son avocat !
Une femme disait, à deux mètres de là :
— Il n’y avait même pas de draps propres et l’on a dû aller en demander à la femme du régisseur…
Pâle, les traits tirés, mais le regard volontaire, Jean Métayer écrivait :
4°…