Notes de fin d’ouvrage

[1] Dante imagine la vie comme un arc qui monte, et puis descend: «Le sommet de notre arc est à trente-cinq ans» Convito, IV, 24). Cf. le psaume LXXXIX: «Dies annorum nostrorum septuaginta anni.» Cela place le voyage dans l'au-delà en l'an 1300, puisque Dante était né en 1265. Cette interprétation est unanimement acceptée par les commentateurs; seul Gelli cite une opinion selon laquelle «le milieu de la vie» signifierait «en dormant, pendant cette moitié de la vie que nous passons en dormant»; ce qui est à la fois juste quant au fond et inexact comme interprétation textuelle.

[2] La forêt de l'erreur. S'appliquant à Dante, cette image indique que le poète avait passé sa jeunesse au milieu des erreurs, s'était laissé séduire par les tentations, et venait de se rendre compte de sa déchéance. Du point de vue de l'humanité en général, cela signifie que l'homme qui a perdu le droit chemin peut se racheter, soit par la raison humaine, soit par l'intervention de la grâce.

[3] Ce bien est interprété (Scartazzini) comme une allusion à l'apparition de Virgile, dont il sera question plus loin; auquel cas l'expression serait pléonastique et ferait double emploi avec le vers suivant. Plus probablement, l'auteur signale ici la grande découverte, dont il ne parlera plus e des termes précis, de la voie de salut, c'est-à-dire la révélation de son état, qui l'oblige à se reprendre et, en le cherchant enfin, à retrouver le droit chemin.

[4] Le sommeil de l'âme, image biblique du péché.

[5] Interprété en général comme «le Mont du Seigneur» expression biblique et symbole de la vie vertueuse. Cependant, les commentateurs hésitent souvent, car Dante ne parle pas de mont, mais de colline; et, d'autre part, il est évidemment trop tôt pour parler de vie «intégralement vertueuse», au moment où le poète plonge encore dans les fautes anciennes, dont il ne fait que tenter de se dégager. Plus probablement, la colline symbolise simplement l'idée d'ascension, de remontée, qui s'impose naturellement à l'esprit comme l'image visible de l'idée de rachat.

[6] La nuit est ici symbole de l'état de péché.

[7] Ce passage, qui n'est que la forêt sombre, ne permet pas à l'homme d'y rester, c'est-à-dire de vivre dans la vie de perdition, et de se sauver en même temps, c'est-à-dire de vivre dans la vie éternelle. C'est là l'opinion la plus courante parmi les commentateurs. Une autre opinion résout de façon différente l'expression quelque peu ambiguë du poète, en interprétant: «Le sinistre passage que nul homme vivant ne saurait éviter»; le sens serait que tous les mortels sont soumis au péché, et que la vie passe par lui, inévitablement – mais l'interprétation semble forcée. Cf. Antonio Pagliari, Studi letterari, Miscellanea in onore ai Emilio Santini, Palerme 1956, pp. 101-111. Une troisième interprétation semble possible. Le poète vient de sortir de la forêt sombre, qui prend fin sur la «plage déserte», au pied de la colline. En se retournant pour regarder le chemin parcouru, il considère le passage, qui n'est peut-être pas la forêt elle-même, mais le sentier difficile qui lui a permis je sortir de cette forêt. Dans ce cas, il veut dire peut-être qu'il regarde le passage qu'il a franchi vivant, lui, mais que nul autre n'avait franchi auparavant: ce qui indiquerait déjà qu'il s'est engagé dans le chemin de l'au-delà, et qu'il voyage avec son corps dans un paysage qui n'est pas fait pour les hommes – idée que l'on retrouve souvent dans son poème.

[8] C'est ici l'un des vers les plus discutés du poème. Pour Boccace, il s'agit de «la manière accoutumée de ceux qui montent, qui s'arrêtent souvent davantage sur le pied qui reste plus bas». Il existe une sorte de petite guerre entre les commentateurs qui pensent que le poète était en train de monter (Scartazzini, D'Ovidio) et ceux qui croient que cette image traduit les mouvements de celui qui avance sur un plan horizontal (Giovanni Agnelli, Giornale dantesco, 1926); sans parler de Luigi Valli, pour qui «le pied ferme» signifie «le bon pied». Ce qui fait l'embarras des critiques dans l'explication de ce détail, qui n'est pas sans avoir une certaine transcendance, c'est que l'on y cherche une image réaliste de la marche; mais c'est une chose connue, que les écrivains anciens se font du mouvement des images le plus souvent fausses, et qu'il serait vain de traduire en attitudes réelles: le commentaire de Boccace en est un témoignage. D'autre part, en s'acharnant sur l'interprétation photographique de ce mouvement, les commentateurs ont perdu de vue son sens allégorique, dont personne ne parle. Sans trop insister sur l'arbitraire de cette image interprétée au pied de la lettre, il convient de signaler qu'elle a sans doute un sens allégorique: le poète s'engage dans la voie du salut, mais d'un pas mal assuré, et son pied qui avance tâte le terrain, tandis que le pied ferme le retient en arrière: il y a dans sa démarche une double tendance, celle de se dégager des tentations qu'il laisse derrière lui, et qu'il abandonne difficilement, et celle qui le retient et le rappelle – le pied ferme qui alourdit sa démarche, cependant que le pied mal assuré voudrait fuir. Dante aspire donc à fuir le péché, mais il ne le fuit pas de toutes ses forces: la preuve en est dans les trois bêtes qui surgiront tout de suite, et dont la présence prouve qu'il n'est pas encore en état de marcher et de s'éloigner du sinistre vallon par ses seuls moyens de pécheur.

[9] Les trois bêtes qui sortent au-devant du poète, pour lui couper la route du salut, représentent les trois vices qu'il craint le plus: la luxure (le guépard), l'orgueil (le lion) et la soif d'argent (la louve). Ce symbolisme, très généralement adopté par les commentateurs, est probablement emprunté à Hugues de Saint-Cher; cf. G. Busnelli, Il simbolo delle tre fiere dantesche, Rome 1909. Il est à supposer que l'allégorie a une signification personnelle: le poète reconnaît que ce sont là des vices dont il se sait contaminé, indépendamment de l'application universelle qu'il convient d'en faire. Selon d'autres commentateurs (Flamini), les trois bêtes représenteraient, plus généralement, la méchanceté, la violence et l'incontinence. Il nous semble cependant qu'il ne serait pas sans intérêt de revenir à l'ancien parallélisme, déjà signalé par Boccace, et selon lequel les trois bêtes seraient les trois ennemis universellement reconnus au Moyen Age, Caro, Mundus et Demonius, la Chair, le Monde et le Diable. S'il en est ainsi, il ne s'agit plus de trois vices seulement, mais des trois sources des vices. D'autre part, l'allégorie personnelle apparaît ainsi comme plus plausible: Dante peut s'accuser lui-même d'être sujet aux trois tentations de tous les hommes; mais on s'explique moins qu'accusé à Florence de concussion et de prévarication, Dante admette lui-même qu'il s'est laissé dominer par la soif de l'argent.

[10] On pensait au Moyen Age que le monde avait été créé par Dieu au printemps, sous la constellation du Bélier. On estime que le voyage de Dante commence le yendredi-Saint 25 mars 1300, qui est la date qu'il semble indiquer ici et plus loin, Enfer, XXI, note 211. Cf. G. Agnelli, Topo-cronagrafia del viaggio dantesco, Milan 1891.

[11] C'est l'ombre de Virgile qui apparaît ainsi au poète. L'air mal assuré que lui attribue celui-ci a été interprété diversement: symbole de l'obscurcissement de la réputation de Virgile durant le Moyen Age, qui l'avait presque oublié (Boccace; cf. R. Fitzgerald, The style that does honor, dans Kenyon Review, XIV, 1952, p. 278); façon d'indiquer les longs siècles écoulés depuis sa mort (Fanfani); prédominance du sens allégorique, qui veut montrer que le pécheur qui commence à s'éloigner du péché n'entend d'abord que faiblement la voix de la raison (Scartazzini-Vandelli). Cette dernière interprétation renforce l'hypothèse présentée dans la note 8. En général, on interprète l'expression italienne, fioco, par rauque; mais cette traduction ne nous semble pas la meilleure. Virgile ne pouvait être rauque avant de parler – et c'est ce qui embarrasse les commentateurs. D'autre part, fioco signifie aussi, parfois, «faible, inconsistant». Quant à la présence de Virgile, elle symbolise la raison humaine, qui montre au poète le chemin du devoir et du bien. Le choix du poète latin n'est pas difficile à expliquer. Il devait être païen, pour mieux le distinguer de la grâce. Il ne se confond pas avec la foi, mais conduit vers elle, tout comme Virgile, aux yeux du Moyen Age, était un précurseur du christianisme et une sorte de prophète païen. Il incarne la philosophie, la science et l'art, c'est-à-dire tout ce que l'esprit humain peut embrasser sans le secours de la foi – et cela n'est pas sans rapport avec l'opinion que le même Moyen Age s'était formée de Virgile, considéré comme un magicien.

Il guide Dante dans le monde souterrain, parce qu'il avait été le premier à le décrire, dans son poème. Mais la raison principale de ce choix de son guide doit être cherchée, sans doute, dans le fait que Virgile avait été le chantre de l'Empire et de la fondation de la gloire romaine – en sorte qu'il forme, avec Béatrice, le double symbole qui est la base de la pensée de Dante, la vie civile et la religion le sort de l'homme ici-bas et dans la vie éternelle.

[12] Il y a une certaine approximation dans cette indication. Virgile naquit l'an 70 avant J.-C, dix ans avant que César n'eût acquis à Rome une situation prépondérante; et César mourut en 44 avant J.-C, alors que Virgile avait vingt-six ans. Dante, qui ignorait peut-être la date de naissance de Virgile, veut dire que celui-ci vint au monde trop tard pour connaître César, qu'il n'avait peut-être jamais vu.

[13] Les commentateurs entendent que la bête dont il est question ici doit être identifiée avec la louve. Cette explication n'est pas la seule possible. Les trois animaux apparaissent aux yeux du poète dans une série de visions successives qui se superposent: ils ne se montrent peut-être pas en trois points différents de son itinéraire – car la louve qui apparaîtrait au-delà du guépard et du lion serait un danger moins imminent; et comme il n'est pas dit dans le poème que le poète avait réussi à se dégager des deux premières bêtes, si elles sont là toutes trois, il ne saurait se plaindre à Virgile de la troisième, qui est la plus éloignée. Il faut donc entendre que Dante voit les bêtes comme dans un film: c'est une véritable vision, où les images se succèdent et se remplacent. S'il en est ainsi, la bête qu'il montre à Virgile est, en quelque sorte, la troisième, et les trois à la fois. Ce qui suit ne permet pas de l'identifier exclusivement à la louve.

[14] Le Lévrier de qui Dante attend le salut de l'Italie a suscité un très grand nombre d'hypothèses et de discussions. On a pensé à quelque pape (Benoît XI?) ou empereur (Henri VII?), ce qui est très improbable, car il s'agirait, dans ce cas, d'une prophétie à court terme et pour le moins imprudente. On a proposé une allusion à Can Grande della Scala, à cause de ses relations avec le poète et de son nom (Can = Chien), cf. Vellutello en 1544; Giuseppe Todeschini, Del veltro allegorico della Divina Commedia, dans Scritti su Dante, Vicence 1872, vol. I, pp. 151-169; ou Ugoccione della Faggiuola, à cause d'une erreur (on le croyait né «tra Feltro e Feltro», comme le veut le poète, c'est-à-dire à Faggiuola, entre San Léo Feltrio et Macerata Feltria; mais on s'est aperçu qu'il était originaire d'une autre localité du même nom), cf. Carlo Troya, II Veltro allegorico di Dante. Pour d'autres encore, le Lévrier sera le khan des Tartares (Eug. Aroux), ou Jésus-Christ, ou Dante lui-même. D'une manière générale, il faut distinguer deux classes de commentateurs: ceux qui attribuent au poète un esprit prophétique et qui croient que ces formules peu claires cachent une signification transcendante; et ceux qui pensent que Dante affirme ici, plutôt que des faits futurs qu'il serait seul à connaître, un espoir assez indéterminé, auquel il serait inutile de vouloir donner un nom. Nous sommes de ce dernier avis; mais cf. la note suivante, et Purgatoire, note 209.

[15] En italien: «E sua nazion sará tra feltro e feltroNazion doit s'entendre comme signifiant «naissance, lieu d'origine», et non pas comme «patrie», sens que préfèrent de nombreux traducteurs. Quant à feltro, ce mot peut s'entendre de deux façons différentes. On l'a considéré traditionnellement comme un nom propre (cf. l'hypothèse concernant Ugoccione della Faggiuola, dans la note précédente, et le cas de Can Grande, né entre Feltre (Trévise) et Monte-feltro, en Romagne). Dans une étude récente et fondamentale de L. Olschki, «Dante poeta veltro», Florence 1953 on a avancé l'hypothèse extrêmement ingénieuse que par feltro l'on doit entendre «feutre» dans le sens de «chapeau», signe distinctif des Dioscures, Castor et Pollux. Le sauveur qu'annonce le poète devra donc naître sous le signe des Gémeaux. Cette interprétation est très séduisante, et de loin la meilleure de tout ce qu'on a pu trouver jusqu'à présent. Il est cependant plus difficile de suivre son auteur dans le reste de ses conclusions: le sauveur promis serait Dante lui-même, né effectivement sous le signe des Gémeaux (cf. Paradis, XXII, 112). Mais comment serait-il le sauveur qu'il annonce, quand celui-ci n'est pas encore né? Et comment croire que Dante s'arroge une mission aussi importante, aussi extraordinaire, que celle qu'on lui attribue, et qu'il n'en parle qu'ici, et encore dans des termes couverts? Il semble plus logique de penser que Dante place la naissance de ce sauveur inconnu sous les Gémeaux, non pas parce que c'est sa propre constellation, mais parce que ceux-ci symbolisent, à ses yeux, l'heureuse harmonie et l'accord fraternel qui devront exister entre l'Empire et l'Église: aucune constellation ne semble plus apte que celle-ci, à prédestiner le Lévrier pour une mission qui, on le sait par ailleurs, est aux yeux de Dante le seul salut possible pour l'Italie entière.

[16] L'Enfer, qui est éternel (cf. Enfer, III, 8), comme le Paradis, tandis que l'existence du Purgatoire n'est que transitoire.

[17] La damnation, «haec est mors secunda» (Apocalypse XX: 14).

[18] Béatrice, qui assurera le passage de Dante du Purgatoire au Paradis, et qui symbolise la Religion. Virgile, qui représente la raison, n'est pas capable d'assurer le salut, dont seule la Foi peut montrer le chemin. Les vers qui suivent méritent un commentaire, que nous n'avons trouvé nulle part. Virgile dit qu'il ne peut conduire Dante au Paradé parce qu'il a été insoumis, ribellante, du point de vue de la loi divine. Cela s'entend dans le sens littéral: Virgile était païen et, comme tel, il a été assigné à résidence dans le limbe. Mais ces vers doivent avoir aussi un sens allégorique. Ils signifient, comme tels, que la raison, que représente Virgile, n'est pas suffisante – c'est ce que nous venons de dire. Mais l'usage que fait ici Dante du mot ribellante est assez inquiétant: considérait-il que la raison, par nature, est rebelle à Dieu? Est-ce une simple façon de dire qu'entre raison et foi il n'y a ni incompatibilité ni confusion possible?

[19] Ce mal est la forêt sombre, ou la vie de perdition; le pire est la damnation.

[20] La porte du Purgatoire; il ne peut s'agir de la porte du Paradis, que Virgile ne pouvait lui montrer.

[21] Sylvius est le fils d'Énée; celui-ci, conduit par la Sibylle, avait visité l'Enfer; et c'est ce voyage que racontait Virgile, au VIe chant de son Énéide: c'est ce qui explique l'expression du poète, «me dis-tu».

[22] Formules de la logique scolastique. Le qui est Énée en tant que personne; le comment est l'ensemble des circonstances qui plaident en sa faveur.

[23] Non pas aux Enfers, mais au troisième ciel, où il dit lui-même (II Corinthiens XII: 2) qu'il avait été conduit sans pouvoir dire si c'était «avec le corps, ou sans lui».

[24] Béatrice. En d'autres termes, la révélation qui vient illuminer la raison.

[25] Le ciel le plus étroit est le premier, celui de la lune, qui contient aussi le globe terrestre. Béatrice, considérée comme symbole de la religion, c'est-à-dire de la connaissance de Dieu, est la preuve la plus sûre de la supériorité de l'homme sur tous les êtres qui habitent la terre.

[26] La Vierge Marie, qui intercède pour les pécheurs. Son nom n'est pas prononcé, sans doute par révérence; le nom du Christ n'est jamais dit, non plus, au monde souterrain.

[27] Ce personnage semble symboliser la grâce qui illumine. Sainte Lucie était invoquée par les malades des yeux; c'est à cause de cela, ou sinon par le moyen d'un parallélisme similaire, fondé dans le sens de son nom, que le poète l'a choisie pour ce symbole. Selon une hypothèse curieuse de L. Valli, La chiave della Divina Commedia, Bologne 1925, p. 4, Lucia, anagramme de Acuila (sic!), serait la personnification de la vertu de l'Aigle, ou de l'Empire.

[28] L'Enfer fut créé par Dieu pour punir les anges rebelles: sa création répond donc à une volonté de justice.

[29] Le Pouvoir (le Père), la Sagesse (le Saint-Esprit) et l'Amour (le Fils) sont les trois principaux attributs de la Trinité. C'est pour souligner l'unité de la Trinité que Dante emploie pour ces trois sujets un verbe singulier, cf. Gelli, I, 239.

[30] Avant l'Enfer, Dieu n'avait créé que le ciel, la terre et les anges, qui sont éternels. Ailleurs (Paradis, XXIX, 48), il est dit qu'entre la création des anges et la révolte de Lucifer, le laps de temps qui s'écoula ne fut pas plus grand que celui dont on a besoin pour compter jusqu'à vingt; l'Enfer est donc d'une vingtaine de secondes plus jeune que les autres créations éternelles.

[31] En italien, eterna, interprété généralement comme eternamente. Cependant, cette abréviation est. anormale. Compte tenu du fait que c'est la porte de l'Enfer, et non pas l'Enfer lui-même, qui est censée parler ainsi, il est peut-être préférable de conserver l'adjectif. Bien entendu, si la partie est éternelle, le tout le sera a fortiori.

[32] «La vérité est le bien de l'intellect» (Dante, Convivio, II, 23).

[33] Ce sont les lâches, les mous et les indifférents qui ont fui les responsabilités et qui n'ont pas voulu prendre parti.

[34] On considère généralement qu'il s'agit du pape Célestin V, élu le 5 juillet 1294, qui abandonna la tiare le 13 décembre suivant et mourut avant 1300. Cette identification est suggérée par les anciens commentateurs; mais Boccace en parle comme d'une hypothèse douteuse, et elle le reste toujours. D'autres ont pensé à Esaii, qui vendit son héritage pour un plat de lentilles (Landino), à Ponce Pilate, ou à Dioclétien, qui abandonna l'Empire (Pietro di Dante). On a proposé modernement le riche qui refusa de suivre le Christ et de devenir apôtre (Matthieu, XIX: 21); Cf G. Albarelli, La soluzione d'un enigma dantesco, dans Giornale dantesco, 1930, pp. 295-297.

[35] En italien, truono. Les commentateurs (Scartazzini-Vandelli) lisent tuono et interprètent «bruit de l'Enfer», mais cette interprétation est évidemment forcée. Le bruit de l'Enfer est constant, et par conséquent n'aurait su réveiller le poète en sursaut. Il s'agit donc d'un bruit soudain. Le point de vue des commentateurs s'explique surtout par la répétition du mot truono au v. 9, où il signifie effectivement «bruit, rumeur».

[36] L'Enfer se présente au regard du poète comme un profond entonnoir, qu'il examine d'en haut. Les parois de l'entonnoir forment une pente entrecoupée de neuf paliers principaux, qui sont les neuf cercles de l'Enfer. Chaque palier ou terrasse fait le tour complet de l'entonnoir et finit au-dessus du palier suivant, dont il est séparé par une sorte de mur ou éboulis de rochers. Ce mur de séparation présente naturellement deux pentes, dont l'extérieure, qui borde le palier supérieur, est plus courte que l'intérieure, qui descend jusqu'au bord de la terrasse suivante. Parfois les deux poètes passent d'un palier à l'autre en montant sur les rochers, d'autres fois ils empruntent des sentiers ou des escaliers; mais ils descendent en faisant le tour de la fosse de gauche à droite, dans le sens de la vis. Dante indique la topographie du fond de l'Enfer, au fur et à mesure qu'il avance; mais on trouvera au chant XI une vue d'ensemble sur les derniers cercles, qui comportent de nombreuses sous-divisions.

[37] Le premier cercle de l'Enfer est le limbe, où résident les âmes de ceux qui, sans s'être rendus coupables de fautes réelles, n'ont pas eu accès au salut, pour avoir ignoré la foi de vérité. Leur unique tourment est d'avoir perdu à tout jamais tout espoir de rédemption.

[38] Le Christ, qui descendit aux Enfers pour en tirer les âmes des justes de la loi ancienne.

[39] Le puissant seigneur est Homère. Mais il ne faut pas entendre que c'est lui qui plane comme un aigle au-dessus des autres: Dante ne connaissait Homère que de nom. C'est son chant qui est supérieur aux autres, car il s'agit d'un poème épique, ou tragique d'après la nomenclature employée par Dante; et la tragédie, telle qu'il l'entendait, se place bien au-dessus de la satire, représentée par Horace, ou de la comédie, qu'incarne Ovide.

[40] Le symbolisme de ce château n'a pas été expliqué de façon satisfaisante. Il représente peut-être les sept arts libéraux, illustrés par les occupants de ce secteur du limbe. D'après d'autres commentateurs, il représente les sept vertus, ce qui serait étrange dans l'Enfer, ou les sept parties de la philosophie.

[41] Ces personnages, comme Euriale, Nyssus et Turnus, cités ailleurs (Enfer, I, 107), rappellent la grande geste, si chère au poète, de la fondation de Rome, car ils appartiennent à la légende d'Énée. Seule Penthésilée, amazone vaincue par Achille, est étrangère à cette légende; mais son nom vient aussi de L'Énéide.

[42] De ces Romaines illustres, Lucrèce est la plus connue. Marcia est la femme de Caton d'Utique. Julie, fille de César, fut femme de Pompée; et Cornélie fut mère des deux Gracques.

[43] Aristote.

[44] Démocrite d'Abdère enseignait que le monde est le produit fortuit de la rencontre d'atomes divers.

[45] Le commentaire par excellence, celui d'Averroès aux oeuvres d'Aristote.

[46] Le deuxième cercle est celui des luxurieux, coupables des péchés de la chair et punis par une tempête constante qui les emporte et les tourmente sans cesse. La peine est analogue au péché, qui fut de se laisser emporter par la passion et par les impulsions de la chair.

[47] Minos, roi de Crète, mari de Pasiphaé, était déjà regardé par les païens comme l'un des trois juges de l'Enfer; mais c'est Dante qui l'a transformé en bête à queue, diable ou Minotaure.

[48] Ces vers sont la répétition textuelle de deux vers antérieurs, chant III, vers 94-95.

[49] Didon.

[50] Achille était tombé amoureux de Polyxène, fille de Priam: cette passion nouvelle fut le dernier aiguillon qui le poussait à la guerre, et l'occasion de sa mort.

[51] Paolo Malatesta et Francesca de Rimini. Francesca, fille de Guido, seigneur de Polenta, épousa après 1275 Gianciotto Malatesta, sire de Rimini, seigneur puissant, mais d'une remarquable laideur. Elle le trompa avec son beau-frère, qui était marié lui-même; et Gianciotto les tua tous les deux, vers 1285. Dante a connu peut-être les détails de leur aventure à Ravenne, où il passa les dernières années de sa vie, auprès de Guido Novello de Polenta, neveu de Françoise; cependant Boccace est d'un autre avis: «Je pense qu'il s'agit plutôt d'une fiction formée sur ce qui apparaissait comme possible, car je ne pense pas que l'auteur ait pu savoir comment cela s'était passé.» Cf. M. Barbi, Francesca da Rimini, dans Con Dante e coi suoi interpreti, Florence 1941, pp. 117-151.

[52] Cette ville est Ravenne, qui se trouvait alors bien plus près de la mer qu'elle n'est maintenant.

[53] La Caïne est la zone du dernier cercle de l'Enfer, réservée aux traîtres à leurs parents. Francesca affirme donc que Gianciotto (qui peut-être vivait encore en 1300) ira au fond de l'Enfer, pour avoir agi en traître envers son frère. Cette affirmation peut sembler curieuse, puisqu'il s'agit d'une vengeance tirée de quelqu'un qui justement avait trahi la confiance de son propre frère. Les commentateurs (Scartazzini) considèrent que la trahison imputée à Gianciotto est la mort qu'il donna à son frère et à sa femme. Mais Dante dit «chi a vita ci spense «, celui qui nous éteignit à la vie, qui nous enleva l'espoir de vivre. Il s'agit sans doute de la vie éternelle, la seule vie vraie. La trahison de Gianciotto n'est pas de les avoir tués, mais de les avoir tués par surprise, sans leur laisser le temps de se repentir: il avait le droit de leur prendre la vie, mais il n'avait pas celui d'empêcher leur salut – et c'est cette trahison qui mérite la Caïne.

[54] Probablement parce que cette introduction de Francesca est un écho de celle d'Énée s'adressant à Didon: Infandum, regina, jubes renovare dolorem.

Avant de raconter ses malheurs, Énée signalait ainsi que le récit qu'on lui demandait devait être pour lui la source d'une douleur nouvelle; et c'est ce que dit ici Francesca paraphrasant la pensée du «docteur».

[55] Dans l'ancien roman français de Lancelot, celui-ci aime Genièvre, épouse du roi Arthur, mais n'ose pas lui déclarer son amour. Genièvre le sait; et lorsque Galehaut, ami de Lancelot, demande à la reine la grâce d'un baiser pour son serviteur, Genièvre accède à sa prière et baise longuement Lancelot, en présence de son confident. Ce fut sur ce passage que s'arrêtèrent les deux amoureux. Ainsi qu'il est dit un peu plus loin, le vieux poème français fut pour eux ce que Galehaut avait été pour Lancelot.

[56] Le troisième cercle est réservé aux gourmands. Ils gisent par terre, dans un marais puant, et sont soumis à une pluie mêlée de grêle et de neige. Les pécheurs sont punis par où ils ont péché, puisqu'ils n'ont recherché que la satisfaction des sens, qui sont maintenant fustigés.

[57] Le personnage est peut-être appelé par son vrai nom (Ciacco serait alors une déformation du français Jacques) ou par un sobriquet (ciacco, cochon). Il n'est connu que par cette mention, et par la glose de Boccace: «Il était mordant dans ses discours, et il fréquentait les gentilshommes et les riches, surtout ceux qui mangeaient et buvaient splendidement et délicatement: il allait les voir, lorsqu'on l'invitait, et si on ne l'invitait pas il y allait quand même, ce qui faisait qu'il était très connu parmi les Florentins.»

[58] Allusion aux factions politiques qui divisaient Florence et dont Dante lui-même allait être bientôt la victime. Les Guelfes, alors maîtres à Florence, s'étaient divisés en deux partis, les Blancs ou partisans des Cerchi, tenants d'un conservatisme aristocratique, et les Noirs ou partisans des Donati, qui s'appuyaient sur le peuple. Les Blancs, appelés aussi Sauvages, parce que leurs chefs venaient surtout de la campagne, devaient chasser les Noirs de Florence en 1301: c'est ce que prophétise Ciacco en cet endroit, en ajoutant que les Blancs eux-mêmes tomberont dans trois ans (en 1302), grâce au pape Boniface VIII. qui favorisait les Noirs, mais qui ne s'était pas encore déclaré en leur faveur. Dante, qui appartenait au parti des Blancs, fut exilé avec eux, en 1302.

[59] On a discuté vainement pour savoir qui étaient ces deux justes. On pense que l'un d'eux serait Dante lui-même: mais si cela était, Dante l'aurait-il demandé à Ciacco? Et le dirait-il d'une façon aussi obscure? Les trois vices cités à la suite, l'orgueil, l'avarice et l'envie, sont les mêmes que personnifiaient les trois bêtes du chant I.

[60] Malgré leurs nombreux bienfaits, ces personnages logent dans l'Enfer. Tegghiajo et Rusticucci sont des sodomites (chant XVI), Farinata est un hérétique (chant X), Mosca apparaît parmi les semeurs de discorde (chant XXVIII). Il est curieux d'observer que c'est là le sort réservé par Dante aux meilleurs Florentins. Seul Arrigo n'est plus mentionné dans le poème; on ne sait d'ailleurs pas à qui le poète faisait allusion.

[61] Pluton était le dieu de l'Enfer, selon la mythologie. Dante paraît l'avoir confondu, sciemment ou par erreur, avec Plutus, dieu de la richesse et fils de Cérès: c'est ce qui explique qu'il préside aux peines des avares, et que Dante le considère comme un «sinistre ennemi», puisque c'est de la soif de l'or que viennent tous les maux du monde.

[62] Phrase inintelligible, sur laquelle les commentateurs se sont penchés inutilement. Il serait inutile de mentionner toutes les hypothèses qu'on a forgées à son sujet. Citons l'interprétation de Pietro di Dante (Oh! Satan, oh! Prince Satan!), fondée sur l'explication d'aleppe par aleph, première lettre de l'alphabet hébraïque, et de là «premier, prince»; celle de Benvenuto Cellini (français «Pas paix, Satan, pas paix, Satan, à l'épée»); celle de D. Guerri, Di alcuni versi dotti, Città di Castello 1908 (Oh! Satan, oh! Satan Dieu); de C. Cristofolini, dans Giornale dantesco, 1926, pp. 77-78 (ΙIaπai, Σaràv, πaπάϊ, Σaràv, άλλη πη «que non, ennemi; que non, ennemi; par un autre chemin»).

[63] Le quatrième cercle de l'Enfer est celui des âmes qui n'ont pas jugé les biens de la terre à leur juste valeur. On y trouve les avares en même temps que les prodigues, formant deux files qui roulent des poids énormes, symbolisant le poids de l'or qui les a fait damner.

[64] Le poing fermé est le symbole classique du vice de celui qui veut tout garder pour lui; les prodigues seront tondus, en signe qu'ils ont gaspillé et perdu tout ce qu'ils pouvaient donner.

[65] En résumé, la doctrine de Dante se réduit à ceci: Dieu créa le monde, qu'il confia à des Intelligences motrices «que le vulgaire appelle anges» (Convivio, II, 4). Une de ces grandes puissances est la Fortune, qu'il imagine comme ange de plus, administratrice souveraine des biens de ce monde.

[66] Compte tenu de l'ensemble chronologique du voyage, on considère que le poète se retrouva dans la forêt obscure le Vendredi-Saint, au matin; qu'il entra dans l'Enfer vers six heures du soir; et qu'en ce moment il est minuit passé. Il passera vingt-quatre heures dans l'Enfer, et c'est ce qui oblige Virgile à se presser. L'allusion aux étoiles qui descendent n'est pas claire. Il est à supposer que le poète ne prétend pas que l'on voyait les étoiles en ce moment précis, puisque l'Enfer se caractérise par l'extrême opacité et obscurité de l'atmosphère: il faut donc croire que l'expression employée par Virgile est une déduction ou une manière d'indiquer l'heure plutôt que le résultat d'une observation immédiate.

[67] En d'autres termes, le Styx n'est pas le fleuve infernal décrit ci-dessus, mais aussi le marais circulaire qui forme le cercle cinquième de l'Enfer, réservé aux colériques. Ceux-ci plongent, totalement ou en partie, dans le marais. La correspondance entre le péché et la peine semble moins évidente que dans les cas précédents.

[68] Nous traduisons par indolence le mot accidia dont se sert Dante, et qui n'a pas été expliqué de manière satisfaisante. Cette accidia, quelle que soit sa signification exacte, concerne-t-elle seulement les pécheurs qui plongent entièrement dans le marais, ou bien comprend-elle aussi ceux qui n'y sont plongés qu'à demi? On admet plus volontiers la première interprétation; et l'on entend par «indolence» la colère contenue, qui ne fait pas explosion et qui empoisonne lentement l'âme (Todeschini, Torraca), tandis que les pécheurs qui sortent de l'eau sont les violents ceux dont la colère se traduit par des actes. D'autres pensent qu'il faut admettre que accidia signifie «paresse», Ce qui serait plus normal; et que le Styx abrite non seulement les colériques, mais aussi les paresseux, les orgueilleux et les envieux. Compte tenu des luxurieux (cercle II), des gourmands (cercle III) et des avares (cercle IV), tous les sept péchés capitaux seraient donc punis dans cette première partie de l'Enfer (Scartazzini).

[69] Cette expression a intrigué les anciens commentateurs. Boccace, dans la Vie de Dante, raconte que le poète avait déjà écrit les sept premiers chants de son poème, lorsqu'il se vit exiler de Florence, sans avoir pu retrouver sa maison et son manuscrit. Celui-ci fut retrouvé par hasard, quelques années plus tard, par Dino Frescobaldi, qui le fit remettre au marquis Malaspina, protecteur de Dante; et c'est à la prière de Malaspina que le poète reprit l'ouvrage interrompu. C'est donc à cet endroit que Dante reprit son poème, ce qui explique cet effort de soudure. La critique moderne ne croit pas à cette explication; et déjà Gelli, I, 472, en avait fourni une autre. Le poète parle ainsi, parce que c'est pour la première fois qu'un chant nouveau continue directement la matière déjà commencée au chant antérieur: auparavant, chaque chant avait terminé en même temps que l'épisode qui formait son sujet.

[70] La tour de Dite, dont le nom sera mentionné plus loin.

[71] Ce système de signalisation par des feux de vigie annonce l'arrivée des deux poètes. C'est à ce signal que s se met en mouvement.

[72] D'après la mythologie, Phlégias était père de Coronis, qui eut d'Apollon un fils, Esculape. Irrité par la conduite du dieu, qui avait séduit sa fille, Phlégias avait mis le feu au temple de Delphes: c'est à ce titre qu'il sert de nocher aux colériques.

[73] L'âme est celle de Filippo Argenti, qui ne nous est connu que par Dante et par Boccace, qui en fait le personnage d'une nouvelle du Décaméron, IX, 8, et ajoute qu'il était «grand de taille, brun et robuste et terriblement fort, et colérique plus que nul autre, même pour des raisons infimes». La dureté de Dante à son égard semble bien cacher quelque ressentiment personnel; mais on ne saurait dire quel est le fondement de la tradition qui veut qu'Argenti ait donné au poète un soufflet en public.

[74] L'entonnoir que forme l'Enfer est coupé, entre le cinquième et le sixième cercle, par une ceinture de murailles, qui sépare l'Enfer en deux sections distinctes. La partie supérieure de cet entonnoir, comprenant les cinq premiers cercles, est réservée aux âmes qui ont péché par intempérance. Les quatre cercles derniers, qui forment la pointe de l'entonnoir, contiennent les âmes de ceux qui ont péché par malice: ils forment la cité de Dite, dont il est question ici, et dont le nom vient de Dis, surnom latin de Pluton, dieu de l'Enfer.

[75] Les mêmes démons avaient prétendu s'opposer au Christ, lorsqu'il descendit aux Enfers, pour racheter les âmes des justes de l'Ancien Testament; et le Christ brisa la porte de l'Enfer, qui reste depuis lors largement ouverte.

[76] Erichto est une magicienne mentionnée par Lucain dans sa Pharsale: elle fit revivre un mort, pour prédire à Pompée l'issue de la bataille de Pharsale. Les sorts qui obligèrent Virgile à voyager aux Enfers sont une invention poétique de Dante, pour expliquer la connaissance qu'avait le poète du chemin qu'ils suivaient maintenant tous les deux. Le cercle de Judas ou Giudecca est la dernière zone du neuvième cercle de l'Enfer.

[77] Thésée était descendu aux Enfers pour aider son ami Pirithoüs, amoureux de Proserpine. Celui-ci fut dévoré par Cerbère, et Thésée, prisonnier, resta aux Enfers jusqu'à ce qu'il fût délivré par Hercule.

[78] La Méduse était l'une des trois Gorgones, filles de Phorcys. Minerve lui avait donné un visage si terrible, que ceux qui la regardaient se transformaient en pierres.

[79] Cette doctrine cachée est d'autant plus difficile à éclaircir, que nous ne savons si le poète fait allusion à ce qui précède immédiatement (Virgile qui met ses mains sur les yeux de Dante), à tout l'épisode antérieur (le voyageur qui se voit refuser l'entrée de Dite), ou bien à ce qui suit (l'arrivée de l'ange qui ouvrira ces portes). Les explications des commentateurs sont aussi variées qu'incertaines. Le poète a voulu dire peut-être que, descendu aux Enfers pour connaître par lui-même toutes les causes de la perdition des âmes, il a découvert qu'il existe des péchés qu'il ne faut pas connaître, au risque de se pétrifier, ou s'endurcir dans le péché au point de compromettre ses chances de salut. Pour fuir leur danger, la volonté et la raison réunies suffisent à peine. Mais ce n'est là qu'une des interprétations possibles de ce passage.

[80] Un ange. On a prétendu parfois que cet envoyé du ciel était Énée: ce qui n'est pas possible, Énée se trouvant au limbe, comme on a pu le voir au chant IV.

[81] A cause d'Hercule, qui l'avait enchaîné et traîné hors de la porte, lorsque Cerbère avait voulu s'opposer à son entrée, malgré le décret du Destin.

[82] Au-delà des murs de Dite, les deux voyageurs se trouvent au sixième cercle de l'Enfer, réservé aux hérésiarques. C'est un vaste cimetière, couvert de sarcophages chauffés à blanc, et dans lesquels gisent les âmes des pécheurs.

[83] Allusion aux cimetières antiques des Aliscamps, longue route bordée de sarcophages romains près d'Arles, et de Pola, en Istrie.

[84] Les hérésiarques sont placés là d'après leur genre d'erreur, les adeptes de la même hérésie se trouvant donc ensemble.

[85] Comme nous l'avons déjà dit, les deux poètes font le tour de l'Enfer en suivant une route qui va de gauche à droite, dans le sens de l'avance d'une vis; ils parcourent les 360 degrés du cercle en même temps que les neuf étages de l'Enfer, ce qui veut dire qu'ils ne font qu'un tour complet de l'entonnoir, ou encore, que sur chaque palier ils avancent de 40 degrés ou d'un neuvième de cercle. Le sens de la marche à gauche est indiqué partout avec précision, à deux exceptions près: celle-ci, et celle qui les mène à côté de Géryon (Enfer, XVII, 31). Ces exceptions ne sauraient être dues au hasard; mais l'intention qui les a dictées n'est pas claire. On a prétendu que le tour à droite avant d'arriver chez les hérétiques, indique que «les premiers pas vers l'erreur religieuse ne sont pas forcément fautifs, puisque le premier motif de l'hérésie est la soif de savoir» (Scartazzini); ou que ce retour en arrière a pour but de compenser l'«assez long détour» signalé plus haut (Enfer, VIII, 79); et que, dans l'autre cas, Géryon symbolisant la fraude, la marche à droite symbolise l'honnêteté et la sincérité. La réalité n'est peut-être pas aussi compliquée. Puisque les deux poètes avancent vers leur gauche (sens que l'on obtient en regardant du haut de l'entonnoir vers le fond), cela signifie qu'ils ont le centre de l'Enfer à leur droite; chaque cercle suivant est au-dessous d'eux et à droite, sous le niveau du palier et de la route qu'ils suivent. Pour descendre au cercle suivant, ils coupent donc vers leur droite: et c'est ce qu'ils semblent faire dans les deux cas mentionnés ici. Cf. aussi la note 175.

[86] Épicure niait l'immortalité de l'âme. Il ne saurait cependant être considéré comme un hérétique, puisqu'il avait vécu trois cents ans avant Jésus-Christ. S'il a été damné par Dante, c'est qu'il passait, alors comme plus tard, pour le patron de tous les libertins spirituels.

[87] On considère généralement que ce désir non exprimé du poète est celui de voir Farinata (cf. plus haut, chant VI, vers 79). Cela n'est pas certain: il est vrai que Dante avait exprimé à Ciacco le désir de voir Farinata, mais il ne savait pas qu'il pouvait le voir ici même, ce qui signifie qu'il n'avait pas à le redire en ce moment précis. Nous ne savons cependant pas quel est cet autre désir du poète.

[88] Manente, dit Farinata degli Uberti, mort en avril 1264, avait été le chef des Gibelins de Florence, et par conséquent l'ennemi de la famille de Dante, qui était Guelfe. Il chassa les Guelfes de Florence (1248), en fut expulsé lui-même (1258), et, avec l'aide de Manfred, roi de Sicile, il battit les Guelfes à Montaperti près de l'Arbia (1260). Il redevint maître de Florence, d'où il chassa pour la seconde fois les Guelfes; mais dans le conseil tenu à Empoli, et où les Gibelins proposèrent la destruction complète de Florence. Farinata fut le seul à s'opposer à cette décision. Deux ans après sa mort, les Guelfes revenaient à Florence, d'où les Gibelins étaient chassés définitivement, et la famille de Farinata avec eux. Cf. E. Parodi, Farinata, dans Poesia e storia nella Divina Commedia, Naples 1920, pp. 533-566; M. Barbi, Il canto di Farinata, dans Con Dante e coi suoi interpreti. Florence 1941, pp. 153-211; E. Auerbach, Farinata and Cavalcante, dans Kenyon Review, XIV (1952), pp. 207-242. La présence de Farinata parmi les hérésiarques se trouve justifiée par une condamnation que sa mémoire souffrit le 9 octobre 1283, soit dix-neuf ans après sa mort; cf. N. Ottokar, La condanna postuma di Farinata degli Uberti, dans Archivio storico italiano, LXXXVII, 2 (1919). p. 155-163.

[89] Cavalcante Cavalcanti, chevalier florentin, Guelfe comme Dante et matérialiste comme Farinata. «Gentilhomme bien fait et riche, dit Boccace, il suivit l'opinion d'Épicure, selon laquelle l'âme ne survit pas au corps, et les plaisirs des sens sont le seul vrai bonheur.» Il était père de Guido Cavalcanti, qui fut ami de Dante, Guelfe comme lui, et avec lui le meilleur poète du dolce stil nuovo.

[90] Ce vers a été très souvent et très diversement interprété. On peut l'expliquer de deux manières, selon qu'on traduit: «Celui qui attend là me mène par ici, vers celle que votre Guido a peut-être dédaignée», ou: «Celui qui attend là me mène par ici, et votre Guido l'a peut-être dédaigné.» Les deux traductions sont possibles; mais la première semble un peu moins naturelle. D'après_ ceux qui préfèrent le premier sens, Dante dit que son ami n'avait pas assez aimé Béatrice, ou Monna Vanna (L. Pietrobono); il serait peut-être plus naturel de penser que Guido n'avait pas assez aimé le symbole représenté par Béatrice, c'est-à-dire que sa foi n'avait pas été suffisante pour le conduire sur ces mêmes chemins. Pour les autres, Cavalcanti n'a pas aimé Virgile, soit parce qu'il n'aimait pas le latin; ou parce qu'il faut entendre par Virgile la raison illuminée par la foi (D'Ovidio); ou parce que Virgile était le poète de l'Empire, dont l'idéal contrariait les idées guelfes de Cavalcanti; ou enfin, plus probablement, parce que Guido n'avait pas cultivé la poésie épique ou «tragique» dont Virgile était aux yeux de Dante le meilleur modèle, et s'était contenté d'être un simple rimeur de sonnets et de chansons, alors que Dante, grâce à Virgile, était devenu poète, avec tout ce que ce nom, du point de vue de Dante, acquiert de dignité et de noblesse (Federzoni, Studi e diporti danteschi, Bologne 1902, pp. 145-152). Quelle que puisse être l'explication de cette expression assez ambiguë, il ne faut pas perdre de vue qu'elle se trouve considérablement atténuée par ce «peut-être» qu'ajoute le poète et qui indique qu'il faut tout comprendre comme des nuances, et non pas comme des vérités de fait.

[91] Le sens de cette hésitation se trouve expliqué un peu plus loin.

[92] La dame qui règne aux Enfers, Hécate, déesse de la lune: ce qui veut dire que, dans moins de cinquante lunaisons, le poète jugera autrement de l'art de revenir sur les lieux d'où l'on a été chassé. Les cinquante lunaisons mènent d'avril 1300 à juin 1304. Dante avait été exilé depuis janvier 1302: on ne saurait dire pourquoi Farinata lui fait attendre deux ans de plus, pour découvrir à quel point l'exil pèsera sur son destin.

[93] La famille des Uberti avait été décrétée ennemie de la patrie à Florence; à l'endroit où s'élevait leur maison, démolie par décret de la République, fut ouverte la place de la Signoria; et tous les pardons octroyés aux exilés exceptaient les Uberti.

[94] Ceci s'applique sans doute à l'exclamation de Cavalcanti, qui croyait son fils mort: preuve qu'il ne savait pas ce qui se passait en ce même instant sur la terre.

[95] L'explication est sans doute une excuse, sans qu'elle soit nécessairement exacte. Dante dit qu'il n'a pas répondu à Cavalcanti, parce qu'il pensait que les morts doivent savoir la vérité sur ce qui se passe dans le monde; mais s'il le pensait, pourquoi le demande-t-il encore à Farinata? Tout cet épisode paraît témoigner d'un certain embarras. Guido Cavalcanti devait mourir quelques mois après l'époque où se place le voyage de Dante: il était sans doute déjà mort, au moment où Dante écrivait ces vers. Il s'agissait donc, pour le poète, de savoir s'il parlerait de son ami comme d'un vivant, ou comme d'un mort, ou comme de quelqu'un qui allait mourir. C'est ce qui pourrait expliquer ses hésitations. Il choisit la première solution; mais on le voit s'étonner de l'ignorance du père sur ce qui va se produire incessamment, éprouver un certain embarras lorsqu'il faut s'expliquer sur ce point, et cependant employer le passé lorsqu'il parle de son ami, comme si celui-ci était déjà mort.

[96] Frédéric II, empereur d'Allemagne et roi de Sicile de 1220 à 1250, réputé épicurien parmi ses contemporains; d'après le chroniqueur Salimbene, il avait fait réunir «tout ce qu'on pouvait trouver dans l'Écriture sainte de nature à prouver qu'il n'y a pas d'autre vie après la mort» Le Cardinal est Ottaviano degli Ubaldini, évêque de Bologne (1240-1244), cardinal (1245-1273), connu pour des sentiments à peu près semblables.

[97] Virgile promet à Dante que Béatrice lui découvrira l'avenir; mais Béatrice ne le fait qu'indirectement, en le faisant parler à Cacciaguida, qui lui dit effectivement quel sera son sort. Les commentateurs pensent que c'est à cet épisode (Paradis, XVII) qu'il est fait allusion ici, par anticipation. Il est cependant permis de penser que cette promesse ne fut pas tenue par le poète, et que la marche qu'il suivit dans la composition de son poème l'éloigna de cette première intention.

[98] Les deux poètes se trouvent en ce moment sur le rebord du sixième cercle, au-dessus du septième; mais ils ne descendront jusqu'à ce dernier qu'au commencement du chant suivant.

[99] Anastase Il fut pape de 496 à 498. On l'accusait, peut-être à tort, de s'être laissé séduire par l'hérésie de Photin, diacre de Thessalonique et sectateur d'Acacius, qui croyait que le Christ n'avait en lui que la seule nature humaine.

[100] Ce sont les septième, huitième et neuvième cercles de l'Enfer. Virgile explique ici leur distribution et leur affectation. En voici l'essentiel: les trois derniers cercles sont réservés aux pécheurs par malice, divisés en deux classes: les violents plus haut, et les traîtres plus bas. Parmi les derniers, on distingue la violence contre le prochain, contre soi-même et contre Dieu, ce qui donne la distribution du septième cercle, celui des violents, divisé en trois girons concentriques. Le huitième cercle contient les fraudeurs contre ceux qui sont prévenus et sur leurs gardes; et le dernier est réservé aux traîtres, qui trompent la confiance de leurs semblables.

[101] Sodome est le symbole de la luxure ou du péché contre nature. Les habitants de Cahors avaient, au Moyen Age, la réputation peu enviable d'usuriers particulièrement rapaces; il n'est cependant pas établi de façon certaine si les usuriers appelés Cahorsins étaient Français (Muratori), Italiens (Du Cange) ou juifs (Depping); cf. Chaudruc de Crazannes, Dissertation sur les banquiers nommés Cahursins, dans Revue d'Aquitaine, V, 1860-1861, pp. 318-325.

[102] Dite est ici Lucifer; on verra, dans le dernier chant de l'Enfer, que c'est Lucifer, en effet, qui occupe le centre du monde.

[103] En d'autres termes, les colériques du chant VIII, les luxurieux du chant V, les avares et les prodigues du chant VII; c'est-à-dire tous les pécheurs qui, occupant les premiers cercles de l'Enfer, restent au-dehors de Dite, la cité aux murs de feu.

[104] L'éthique d'Aristote.

[105] Il y est dit que l'homme tirera son aliment de la terre, à la sueur de son front.

[106] Ce qui vient à dire que l'aube du nouveau jour approche.

[107] Selon la plupart des commentateurs, cet écoulement est celui des Slavini di San Marco, sur l'Adige, au-dessous de Rovereto.

[108] Le Minotaure, monstre à tête de taureau. La mythologie raconte que Pasiphaé, femme de Minos, s'était fait construire une vache en bois, dans laquelle elle était entrée, pour se livrer aux assauts d'un taureau dont elle était tombée amoureuse. C'est de cette union contre nature qu'était né le Minotaure, gardien prédestiné des violents et des sodomites.

[109] On sait que le Minotaure avait été mis à mort par Thésée, fils du roi d'Athènes, aidé par Ariane, qu'il avait d'abord séduite. Ariane, fille de Minos et de Pasiphaé, était donc sœur utérine du Minotaure.

[110] Virgile avait déjà dit qu'il avait fait un premier voyage jusqu'au fond de l'Enfer, obligé par les sortilèges d'Erichto (Enfer, IX, 22). Lors de ce voyage, il avait trouvé debout le rocher qui barrait le passage du sixième au septième cercle, et qu'il trouve à présent écroulé. La brèche a dû s'ouvrir, par conséquent, entre son premier voyage et la descente du Christ aux Enfers: ce qui indique que le rocher s'est écroulé lors du grand tremblement de terre qui accompagna la mort du Christ.

[111] Selon Empédocle, les atomes qui forment les quatre éléments s'associent ou se séparent au gré de deux forces dominantes, l'amour et la haine: il est évident qu'il entend par amour l'attraction ou l'affinité.

[112] Le fleuve de sang bouillant est le Phlégéton, le troisième des fleuves infernaux. Les poètes entrent au septième cercle, celui des violents, qui sont punis dans ce bain de sang, et gardés par des centaures, symboles de la bestialité, comme l'était de son côté le Minotaure.

[113] Chiron, médecin et devin, avait été précepteur d'Achille. Nessus, tué par Hercule, avait, avant de mourir, confié à Déjanire la chemise empoisonnée qui devait provoquer la mort d'Hercule. Pholus, invité aux noces de Pirithoüs, prétendit faire violence à la mariée Hippodamie, et aux femmes des Lapithes.

[114] Béatrice.

[115] Ce qui signifie: «Nous ne sommes pas justiciables du cercle confié à ta garde, tu n'as pas à t'occuper de nous.»

[116] Denys, tyran de Syracuse, mort en 367 avant J.-C. Alexandre a été identifié par les anciens commentateurs et par la plupart des modernes avec Alexandre le Grand, dont on cite plus d'un trait de cruauté et de tyrannie. Cependant, Tassoni, Difesa di Alessandro Macedone, s'est élevé contre cette interprétation et a soutenu que Dante pensait à Alexandre de Phères, cité souvent comme parangon de la tyrannie, et mentionné par Pétrarque à côté de Denys le Tyran, comme dans le texte de Dante. Cette thèse, qui a été reprise depuis, est moins probable que la première.

[117] Ezzelino da Romano, tyran de Padoue, mort en 1259, «le plus cruel et le plus redoutable tyran que l'on eût jamais vu parmi les chrétiens» selon le chroniqueur Villani. Obizzo II d'Esté, marquis de Ferrare, mort en 1293, suffoqué par son fils naturel Azzo VIII, à l'aide d'un édredon.

[118] Ce coupable est Gui de Montfort, qui tua en 1272 dans une église de Viterbe, Henri d'Angleterre, fils du roi Richard, pendant l'office de la messe, pour venger la mort de son père, Simon de Montfort. Édouard, roi d'Angleterre et frère de la victime, fit enfermer le cœur de celle-ci dans un vase en or, qui fut placé à Londres, à l'entrée d'un pont sur la Tamise.

[119] Pyrrhus, fils d'Achille, fut l'auteur du massacre de Priam et de ses enfants. Sextus, fils de Pompée, vengea la mort de son père par des actes de piraterie.

[120] Renier de Corneto fut un brigand des grands chemins dans la maremme romaine. L'autre Renier, de la famille des Pazzi de Valdarno, se fit connaître en 1267 par l'assassinat d'un évêque, ce qui lui valut l'excommunication et le bannissement de Florence pour lui et pour tous ses complices.

[121] Au-delà du Phlégéton, les deux poètes ont pénétré dans le deuxième giron du septième cercle. On y trouve les violents contre eux-mêmes et contre leurs biens, c'est-à-dire les suicidés et les dissipateurs. Les âmes des suicidés tombent dans ce giron et y germent comme des sorbiers; et celles des dissipateurs courent dans la forêt, poursuivies et déchirées par des chiennes.

[122] Cécine est un petit fleuve au sud de Livourne; Comète est une petite ville près de Civitavecchia. Grosso modo, ces points extrêmes indiquent la portion de la côte occidentale de l'Italie, qui fait face à l'île de Corse; elle semble avoir été connue anciennement par son terrain marécageux, insalubre et couvert de fourrés.

[123] Les Troyens d'Énée, abordant aux Strophades, deux îles de la mer Ionienne, eurent maille à partir avec les Harpies, d'après ce qu'en raconte Virgile, Énéide, III. L'une de ces Harpies prédit aux Troyens les malheurs qui les guettaient encore.

[124] Ces sables forment le troisième giron de ce cercle.

[125] Au troisième livre de L'Énéide, Virgile racontait qu'Énée, arrivé en Thrace, avait arraché quelques rejetons d'une plante; celle-ci fit rejaillir du sang par ses blessures, tandis qu'une voix en sortait, celle de Polydore, enterré à cet endroit. Dante avait donc connaissance de cette métamorphose; mais Virgile la considère si difficile à croire, qu'il préfère le laisser s'en convaincre par lui-même.

[126] Pier delle Vigne, originaire de Capoue, ministre de l'empereur Frédéric II et auteur de lettres latines qui furent longtemps considérées comme un modèle d'élégance. Accusé de trahison, il fut mis en prison, et l'empereur lui fit crever les yeux, en 1248; et son désespoir fut tel, qu'il se donna la mort, l'année suivante. Dante n'est pas le seul à croire que l'accusation de trahison était injuste et dictée par l'envie.

[127] Le premier est l'esprit de Lano, de Sienne, qui mourut en 1287, dans la bataille de Toppo, où les Siennois furent battus par les Arétins. Boccace prétend que Lano y avait cherché la mort, pour échapper à la misère; mais le texte de Dante ne donne pas à entendre qu'il s'y était conduit en héros. Le second, Giacomo da Sant'Andréa, de Padoue, mis à mort par Ezzelin da Romano en 1239, fut célèbre par sa folle prodigalité. Selon Gelli, II, 42, «il fit beaucoup de choses qui semblent plutôt d'un fou que d'un prodigue; ainsi, allant une fois de Padoue à Venise, il jeta à la mer un grand nombre de pièces de monnaie de dix écus, poules voir danser sur l'eau».

[128] La ville est Florence, dont l'ancien patron était Mars remplacé depuis par saint Jean-Baptiste. Les guerres qui firent tant souffrir Florence, dit Dante, ne sont qu'une vengeance de son ancien patron.

[129] Lors de la transformation du sanctuaire de Mars en église de Saint-Jean-Baptiste, la statue du dieu païen avait été dressée au bord de l'Arno, sur un haut pilier. Lorsque Florence fut détruite par Attila, la statue tomba dans le fleuve. Au temps de Charlemagne, la ville fut reconstruite; on voulut remettre en place le monument détruit, mais on n'en put retrouver qu'un fragment presque informe, qui fut néanmoins remis sur un piédestal. C'est à ce débris que fait allusion Dante; il disparut lors d'une inondation de l'Arno, en 1333. L'opinion des Florentins, à l'époque de Dante, est qu'il s'agissait d'un fragment authentique de la statue du dieu; selon certains historiens modernes, il faudrait penser plutôt à quelque statue de l'époque barbare.

[130] Ce suicide a été identifié à Lotto degli Agli, un juge qui s'était pendu pour avoir rendu un mauvais jugement (Benvenuto d'Imola), ou à Rocco de' Mozzi, qui s'était suicidé parce qu'il venait d'être ruiné. Selon Boccace, Dante avait tu le nom du suicidé, pour ménager sa famille, ou parce que les suicides étaient très nombreux à l'époque de notre poète.

[131] C'est le troisième et dernier giron du septième cercle, qui contient les violents contre Dieu. Les blasphémateurs sont punis par la pluie de feu qui s'abat sur eux, pendant qu'ils restent assis ou couchés sur le sable ardent. Ceux qui ont violé la loi de nature, les sodomites, circulent sous cette même pluie de feu.

[132] L'histoire légendaire d'Alexandre le Grand, telle que la connut le Moyen Age, parle en effet de cette pluie de feu. Il semble cependant que le détail de l'ordre donné par Alexandre à ses soldats a été pris par Dante dans Albert le Grand, De Meteoris, I, 4.

[133] Le combat des dieux contre les géants, qui prétendaient entasser Pélion sur Ossa, pour escalader le ciel.

[134] L'un des sept rois de Grèce confédérés contre Thèbes. Après avoir escaladé la muraille de la ville, il défia Jupiter, qui le punit en le frappant de sa foudre. Cet épisode est raconté par Stace dans sa Thébaïde, chant X, où la bataille de Phlégra est aussi mentionnée.

[135] Le Bulicame est une source d'eau minérale chaude qui forme un petit lac de couleur rougeâtre, à proximité de Viterbe. Les courtisanes de la région tenaient maison ouverte sous le prétexte de bains publics; et c'est pour leurs bains qu'elles mettaient à profit l'eau chaude de cette source. Le fleuve que l'on compare au Bulicame est le Phlégéton, dont il a déjà été question.

[136] Le premier roi de Crète fut Saturne, qui régna pendant l'âge d'or de l'humanité.

[137] Rhéa, femme de Saturne, avait caché là son fils Jupiter, dont elle faisait couvrir les vagissements par le bruit et les cris des Curetés: Saturne, en effet, prévenu que son fils allait lui prendre son trône, mangeait tous ses enfants.

[138] Note absente dans l’édition.

[139] La légende du Vieillard de Crète est la vision de Nabuchodonosor, racontée par Daniel, II, 31. Le sens qu'entend lui donner Dante n'est pas tout à fait clair. H semble qu'il veut dire que l'humanité, corrompue par le péché, garde intacte sa tête d'or, c'est-à-dire la raison; les fissures de son corps, qui suintent des larmes, source des fleuves de l'Enfer, semblent être les péchés qui alimentent les cercles infernaux (Busnelli; Vandelli). On a voulu voir dans le pied de terre cuite la corruption de l'Église (Ottimo Commente), ou bien l'Empire d'Occident mal assuré (S. Santangelo, II Veglio di Creta, dans Studi letterari, Miscellanea in onore di Emilio Santini, Palerme 1956, pp. 113-123). Son dos tourné vers Damiette, c'est-à-dire vers l'Orient, semble indiquer que c'est de là que vient l'humanité, ou peut-être l'Empire; et s'il regarde vers Rome, c'est parce que c'est là qu'ont placé leur espoir tous les hommes.

[140] Cf. la note 85

[141] L'Enfer contient cinq fleuves: l'Achéron, le Styx. le Phlégéton, le Cocyte et le Léthé. Dante avait déjà traversé les deux premiers; et Virgile vient de lui dire que le Cocyte se trouve plus bas. Il demande donc où se trouvent les deux autres, qu'il pense pas avoir vus; et Virgile lui répond que le Phlégéton se trouve devant lui. Le bouillonnement fournit lui-même la réponse, parce que le nom de Phlégéton vient du grec qλέγειv, qui signifie «brûler». Quant au Léthé, Dante l'a situé en bordure du Paradis terrestre.

[142] Nom ancien de la Carinthie, région de l'Autriche méridionale, en allemand Kärnten. Dante appelle ainsi une région plus étendue, puisque ce n'est pas en Carinthie, mais dans le Tyrol, que prend sa source la Brenta.

[143] Brunetto Latini (12207-1294), Florentin, notaire et écrivain, homme politique. Comme Guelfe, il vécut de 1260 à 1266 en France: c'est vers cette époque qu'il a dû composer en français son Trésor, importante encyclopédie du savoir médiéval. De retour à Florence, il fut notaire du Conseil (1269) et prieur (1287). La critique moderne considère qu'il ne fut pas un vrai professeur, mais simplement un conseiller et un ami plus âgé, pour Dante jeune; mais il est évident que le poète le regarde et le traite comme son vrai maître. Le vice que lui attribue Dante n'est connu que par cette seule source. Selon A. Pézard, Dante sous la Pluie de Feu, le péché de sire Brunet n'est pas la sodomie, mais une violence contre l'esprit, puisqu'il a préféré le français au toscan, dans son œuvre. Les rapprochements fournis par l'auteur sont particulièrement séduisants, mais n'emportent pas la conviction: si Brunet Latini n'était pas coupable de sodomie, on s'attendrait à ce que Dante ne laisse pas ce doute et cette possibilité de se tromper planer sur la mémoire de celui que, par ailleurs, il aime d'un amour vraiment filial. Cf. aussi E. Parodi, Il canto di Brunetto Latini, dans Poesia e storia nella Divina Commedia, Naples 1920, pp. 253-312.

[144] La tradition, telle qu'on la connaissait à Florence du temps de Dante, prétendait que Fiésole ayant été détruite Par les Romains, lors de la rébellion de Catilina, une partie de ses habitants alla s'établir à Florence, que les mêmes Romains venaient de fonder. Le reste de la population de la ville nouvelle fut composé par des Romains, dont Dante parle un peu plus loin, et dont il a la prétention de descendre.

[145] Probablement la prédiction de Farinata degli Uberti, cf. plus haut, chant X.

[146] Priscien était un célèbre grammairien du VIe siècle. François Accurse, fils du célèbre Accurse, rénovateur du droit romain, avait été lui-même professeur de droit à Bologne et était mort en 1294, la même année que Brunetto Latini.

[147] Andréa dei Mozzi, évêque de Florence (1286), transféré à Vicence, sur le Bacchiglione, en 1295, y mourut le 28 août 1296. Le serf des serviteurs de Dieu, qui est l'orgueilleux Boniface VIII, l'avait transféré de Florence, où il s'était rendu ridicule. Le sens lubrique des «nerfs trop mal tendus» n'est pas admis par tous les commentateurs.

[148] Allusion à la course à pied que l'on faisait à Vérone, le premier dimanche de Carême, et dont le prix était une pièce de drap vert.

[149] Ce sont Guido Guerra, Tegghiajo Aldobrandi et Jacques Rusticucci. Le premier (12207-1272), de la famille des comtes Guidi, fut un des chefs guelfes de Florence, exilé après la bataille de Montaperti (1260-1267). Le second appartenait à la famille des Adimari; on ne sait presque rien du dernier. Ce sont, en tout cas, des Florentins de marque et des chefs du parti guelfe. On ne sait, quant au vice que leur attribue le poète, aucun détail autre que ceux que l'on trouve ici.

[150] Gualdrade, fille de Bellincioni Berti dei Ravignani, épousa le comte Guido le Vieux, tronc de tous les comtes Guidi.

[151] Parce qu'à ce qu'il paraît, Tegghiajo avait déconseillé l'expédition contre Sienne, qui s'était terminée par la terrible défaite de Montaperti (1260).

[152] Cette allusion n'est pas claire. La tradition prétend que la méchanceté de sa femme avait jeté Rusticucci dans le vice; mais il s'agit peut-être d'une légende qui part précisément de ce texte de Dante.

[153] En italien, cortesia e valor. Il faut les entendre dans le sens particulier que Dante attribuait à ces mots (Convivio, II, 11 et IV, 2): la courtoisie est pour lui l'équivalent de l'honnêteté, et le courage est la bonté naturelle.

[154] Guillaume Borsière, Florentin, dont on sait seulement qu'il avait abandonné son métier de fabricant de bourses pour vivre en courtisan des princes et des grands.

[155] Le Montone, petit fleuve qui débouche dans l'Adriatique, au sud de Ravenne. «Il fait tout seul son lit», parce que c'est le seul cours d'eau du versant nord des Apennins qui ne se verse pas dans le Pô. Acquacheta est l'un des torrents qui lui donnent naissance.

[156] San Benedetto dell'Alpe est un couvent au-dessus de Forli, à petite distance de la chute d'eau d'Acquacheta. Le sens du dernier vers n'est pas clair. Certains commentateurs interprètent comme nous. D'autres comprennent: «là où il devrait y avoir de la place pour mille», ce qui est aussi possible, et interprètent de deux façons différentes: les uns pensent que c'est une allusion au couvent, qui est assez riche pour abriter mille moines, et les autres, que cette importante cascade fertilise tellement la vallée environnante, que mille personnes pourraient y vivre à leur aise.

[157] Le poète n'avait pas fait mention de cette corde, au premier chant, tel que nous le connaissons maintenant. On admet qu'il veut parler du cordon de l'Ordre de Saint-François; ou bien que ce cordon est un pur symbole, qui représente la chasteté ou quelque autre vertu; mais les deux opinions sont également aventurées.

[158] Cf. la note 85.

[159] Géryon, symbole de la fraude. Dans la fable, Géryon était un géant tricéphale, qu'Hercule avait mis à mort et dont le monstre de Dante n'a pris que le nom.

[160] Les deux poètes se trouvent en cet instant sur le bord intérieur du septième cercle, à l'endroit d'où ils entreprendront la descente au huitième, qui se trouve à une grande profondeur au-dessous d'eux: c'est Géryon qui doit assurer leur transport.

[161] Ce sont les usuriers, qu'on peut identifier grâce à leur écu d'armes, brodé sur le sac vide qu'ils portent au cou. Ce n'est sans doute pas par hasard que Dante introduit d'abord la Fraude, symbolisée par Géryon, et ne prend qu'ensuite contact avec les usuriers.

[162] Ce sont les armes des Gianfigliazzi, de Florence; il s'agit peut-être de Catello di Rosso Gianfigliazzi, ou de son frère, qui pratiquèrent l'usure en France.

[163] Blason des Ubriachi de Florence, et probablement de Ciappo Ubriachi, que les contemporains désignaient comme usurier.

[164] Reginaldo Scrovegni, de Padoue; cet usurier appartenait à la famille qui possédait la célèbre chapelle peinte par Giotto.

[165] Vitaliano del Dente, de Padoue; il vivait encore en 1307, date à laquelle il fut élu podestat de la ville.

[166] Giovanni di Buiamonte, Florentin, de la famille des Becchi, l'un des chefs des Gibelins, fut gonfalonier de la justice en 1293; mais il fit faillite en 1308 et mourut deux ans plus tard. On attribue sa ruine à sa passion pour le jeu. Le titre de chevalier, qu'on lui donne ici, est d'une ironie d'autant plus sanglante qu'en effet cet usurier avait été créé chevalier vers 1297. Cf. M. Barbi, Vegna il cavalier sovrano, dans Con Dante e coi suoi interpreti, Florence 1941, pp. 213-240.

[167] En effet, le passage du septième cercle au huitième n'est possible, s'agissant d'un vivant, qu'en se servant de Géryon; et du huitième cercle au neuvième, la différence de niveau étant également importante, Dante se fait transporter par le géant Antée.

[168] On le voit à la Voie lactée qui, selon la fable, apparut lorsque le char du Soleil sortit de son ornière.

[169] Le huitième cercle, que Dante appelle aussi Malefosse est conçu comme une vaste plaine circulaire, située à peu près au fond de l'Enfer: son centre est occupé par une sorte de puits très profond, qui forme le neuvième cercle.

La largeur de Malefosse est partagée en dix zones ou fosses en forme d'anneaux concentriques, séparées par des amoncellements de rochers qui forment des murailles infranchissables. On passe d'une fosse à l'autre par des sortes de ponts ou jetées de rochers qui partent du puits central vers l'extérieur, comme les rayons d'une roue; mais la jetée qui enjambe la sixième fosse est tombée en ruine lors du tremblement de terre qui accompagna la mort du Christ.

[170] C'est la première fosse du huitième cercle, réservé aux trompeurs en général. Cette fosse comprend les ruffians et les séducteurs. Les uns et les autres font continuellement le tour de la fosse, en formant deux files qui marchent dans des sens opposés, et que des diables fouettent au passage.

[171] Le jubilé de 1300. On prétend qu'il y eut en permanence, pendant cette année, une moyenne de 200.000 pèlerins à Rome.

[172] Le pont est celui qui mène au château Sant'Angelo. On y avait établi une barrière médiane, avec circulation unique à droite; en sorte qu'une moitié des passants, qui se rendaient à Saint-Pierre, voyaient devant eux le château Saint-Ange, et les autres voyaient le Mont-Giordano.

[173] Venedico Caccianemico (1228? -1302), qui appartenait à une importante famille guelfe de Bologne, fut podestat di (1264), de Milan (1275 et 1286) et de Pistoia (1283). Il vivait encore à l'époque où Dante place son voyage; il faut donc croire, ou bien qu'il s'agit d'un passage ajouté par le Poète plus tard, pour des raisons que nous ignorons, ou peut-être parce que Dante le croyait déjà mort avant 1300. Il se trouve ici parmi les ruffians, parce qu'il persuada sa sœur, Ghisolabella, mariée à Niccoló da Fontana, de céder aux désirs du marquis Obizzo d'Esté, croyant qu'ainsi il servirait mieux ses propres intérêts.

[174] Savène et Reno sont deux rivières qui contournent Bologne et son territoire. Sipa est l'ancienne forme dialectale pour sia, soit.

[175] Sur l'orientation de la marche à droite, cf. la note 85. Les deux poètes entament la traversée de la première fosse, en montant sur la jetée qui va vers le puits central: après avoir suivi la circonférence du huitième cercle, ils se dirigent maintenant vers son centre.

[176] Hypsiphyle, fille de Thoas, roi de Lemnos, avait épargné son père, à l'occasion du massacre que les femmes de l'île avaient fait de tous les mâles du pays.

[177] La deuxième fosse du huitième cercle, réservée aux flatteurs. Les pécheurs plongent dans une saleté nauséabonde; les deux poètes les regardent du haut de la jetée qui traverse la fosse.

[178] Alessio Intermini, Interminei ou mieux Interminelli, ne nous est connu que par Dante.

[179] Ce bout de dialogue vient de L'Eunuque de Térence, III, 1; il en vient probablement indirectement, par ce qu'en dit Cicéron, dans De amicitia, 22.

[180] La troisième fosse du huitième cercle, occupée par les simoniaques. Ils restent fichés en terre, la tête en bas, pour avoir regardé les biens de la terre plutôt que le ciel.

[181] Le baptistère de Saint-Jean-Baptiste de Florence, qui se trouvait au XIVe siècle au milieu de cette église, se composait d'une série de vasques de marbre, supprimées en 1576. Elles devaient être assez profondes, puisque Dante dit que quelqu'un risquait de s'y noyer. Ce fait est confirmé par le commentateur anonyme connu sous le nom d'Ottimo, qui dit que de son temps on voyait encore la vasque brisée par Dante.

[182] C'est le pape Nicolas III, Jean Caëtan Orsini, élu le 25 novembre 1277, mort le 22 mai 1280.

[183] Les statuts florentins punissaient ainsi les assassins. Ils étaient plantés en terre, la tête en bas, et mouraient étouffés. Il arrivait parfois que, pour retarder ce moment, le condamné feignait d'avoir encore des choses à confesser; et le confesseur devait l'écouter, retardant d'autant le moment de l'ensevelir.

[184] Le damné, en s'entendant appeler, imagine que c'est son successeur qui vient d'arriver. Ce successeur est Boniface VIII, qui mourut le 11 octobre 1303. Comme les morts connaissent l'avenir, Nicolas III avait lu cette date dans le livre du destin; et c'est pourquoi il s'étonne de le voir arriver avant le temps, et s'imagine qu'il avait été trompé.

[185] On pensait alors que Boniface VIII avait trompé Célestin V, pour lui faire abandonner la tiare; mais cela n'est pas prouvé. La belle dame est l'Église.

[186] Nicolas III était fils de l'Ourse, parce qu'il appartenait à l'illustre famille des Orsini. Il voulut faire le bonheur des oursons, c'est-à-dire de ses neveux, et fut le premier pape à introduire ce qu'on a appelé depuis le népotisme romain.

[187] Clément V, qui succéda à Boniface VIII et à Benoît XI, dont le règne ne dura que neuf mois. Auparavant Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, il transféra son siège à Avignon et suivit docilement la politique de Philippe le Bel, roi de France.

[188] Yahson, grand prêtre du temple de Jérusalem, acheta le pontificat du roi Antioche de Syrie, dont il fut la créature.

[189] Nicolas III avait été l'ennemi acharné de Charles d'Anjou, roi de Naples. On l'a accusé, sans doute à tort, d'avoir reçu de l'argent byzantin pour soutenir la conjuration qui mena aux Vêpres siciliennes: cette révolte est de 1282, et Nicolas III est mort en 1280. Cependant, il est certain que ce bruit courait du temps de Dante en Italie.

[190] C'est saint Jean, qui dans l'Apocalypse XVI, parle en ces termes de Rome, maîtresse des mers, avec ses sept collines et les dix rois réduits à son obéissance. Dante applique tout cela à l'Église romaine, dont il déplore la corruption.

[191] Ils étaient donc arrivés en haut du quatrième talus, là où commençait la quatrième fosse.

[192] La quatrième fosse du huitième cercle; elle est consacrée aux devins et sorciers, qui marchent à reculons, la tête tournée en arrière, pour avoir voulu voir trop loin devant eux.

[193] Amphiaraiis, l'un des sept rois qui assiégeaient Thèbes, était devin et savait que sa participation à la guerre signifiait sa mort. Il voulut l'éviter en se cachant, mais sa femme Eriphyle le trahit. Pendant qu'il allait sur son char, à l'attaque, Jupiter envoya une foudre qui ouvrit le sol sous lui et l'engloutit. Cet épisode est raconté par Stace dans sa Thébaïde.

[194] Tirésias, devin de Thèbes, fut changé en femme pour avoir touché de son bâton deux serpents accouplés. Il ne retrouva son sexe que sept ans plus tard, lorsqu'il put répéter le même geste sur les mêmes serpents.

[195] Aruspice étrusque, qui fit, d'après Lucain, des prophéties sur la victoire de César contre Pompée.

[196] Manto était Thébaine et fille de Tirésias. Elle abandonna sa ville natale, pour fuir la tyrannie de Créon, et fut fondatrice de la ville de Mantoue.

[197] Aujourd'hui lac de Garde.

[198] L'île Lecchi, près de Salô; son église dépendait en effet des trois évêques à la fois.

[199] Lors de la fondation d'une ville nouvelle, si le nom qu'on devait lui donner ne s'imposait pas d'une manière évidente, on tirait au sort entre plusieurs noms possibles ou entre plusieurs saints patrons.

[200] Albert, comte de Casalodi, seigneur guelfe de Mantoue, fut chassé par Pinamonte de Bonacolsi, qui gouverna la ville de 1272 à 1291.

[201] Eurypyle est mentionné dans L'Énéide, II, 113; mais il n'y est pas dit qu'il était devin, mais seulement qu'il avait été envoyé par les Grecs pour consulter l'oracle de Delphes. Le nom de tragédie que Dante donne à L'Énéide est en accord avec sa doctrine poétique, exprimée dans ses autres ouvrages: la tragédie est une œuvre sublime, par le sujet aussi bien que par le style, tandis que la comédie est l'œuvre littéraire écrite en style familier.

[202] Michel Scott, philosophe écossais, commentateur d'Aristote, avait été astrologue de l'empereur Frédéric II. Il mourut après 1290, laissant derrière lui une grande réputation de magicien.

[203] Guido Bonatti, de Forli, était astrologue au service de Gui de Montefeltre. Asdent avait été cordonnier à Parme, avant de devenir astrologue.

[204] La cinquième fosse du huitième cercle de l'Enfer. Elle est occupée par les concussionnaires; ils plongent dans un lac de poix bouillante, et des démons armés de gaffes les empêchent d'en sortir.

[205] Nom générique de tous les diables de cette fosse.

[206] Un conseiller de la ville de Lucques. Sainte Zita était la patronne de cette ville.

[207] Bonturo dei Dati, chef du parti populaire de Lucques, dont les abus étaient partout connus: cette apparente exception n'est qu'une ironie. L'influence de Bonturo était si grande, que l'on raconte qu'étant allé à Rome, le pape Boniface le tira vers lui en disant: «Io muovo mezza Lucca», je mets en mouvement la moitié de Lucques. Le plus curieux est qu'il n'était pas mort en 1300, et il survécut même à Dante.

[208] Cette expression s'explique par la facilité qu'offrait aux faussaires la transformation de non (écrit ) en ita: on mettait un point ou un trait oblique sur la première jambe de l’n, on allongeait l'autre pour la transformer en t, et on renforçait les traits de l'o, qui devenait a: le tour était joué, et le document qui disait non, signifiait maintenant oui. Dante veut donc dire qu'il était facile de trouver à Lucques des faussaires qui, pour un peu d'argent, faisaient dire aux documents ce que vous vouliez leur faire dire. Les explications des commentateurs sont insuffisantes sur ce point.

[209] Crucifix byzantin vénéré à Lucques. Le Serchio est une rivière qui passe près de cette ville.

[210] Le château de Caproni avait été pris aux Pisans par les Lucquois aidés par les Florentins, en 1289, et la garnison put en sortir librement. Dante avait pris part lui-même à cette expédition.

[211] Compte tenu du fait que Dante place la mort du Christ en l'an 34, cela signifie qu'au moment où cette phrase est prononcée, nous sommes au Samedi-Saint de l'an 1300 et qu'il est environ sept heures du matin.

[212] Les anciens commentateurs le nomment Ciampolo; mais ils ne savent rien dire d'autre, et on ne le connaît pas par ailleurs.

[213] Thibaud II, comte de Champagne, roi de Navarre de 1253 à 1270; il était gendre de saint Louis et il est très connu comme poète.

[214] Frère Gomita, originaire de Gallura en Sardaigne, servit sous Nino Visconti, qui fut juge de Gallura de 1275 à 1296 et dont il sera question au Purgatoire, VIII, 53. Selon Vellutello, Frère Gomita fut protégé par le juge, jusqu'à ce qu'ayant laissé fuir les ennemis de celui-ci, pour avoir été payé par eux, il fut découvert et pendu.

[215] Michel Zanche avait épousé Adelasia, veuve du roi Enzo et dame de la judicature de Logodoro; selon d'autres, il avait usurpé cette judicature, sans s'être marié. Il fut tué par son gendre, Branca d'Oria, qui apparaît plus loin, cf. note 324.

[216] Dans cette fable, la grenouille persuade le rat, pour lui faire passer une rivière, de s'attacher la patte à la sienne. En réalité, la grenouille se propose de le noyer, et c'est pourquoi elle plonge, l'attirant après elle. Pendant que le rat lutte pour ne pas se noyer, un milan passe, qui le prend; et comme la grenouille était attachée à lui, elle fut victime de sa propre malice. Cette fable n'est pas d'Ésope, mais passait pour telle; elle est tirée de l'ancien recueil de fables qui circulait au Moyen Age en France sous le nom d'Ysopet.

[217] En italien, mo et issa. Mo est une abréviation de modo, «or, donc, maintenant»; issa, qui appartient au dialecte lucquois, signifie la même chose.

[218] Ils se trouvent alors dans la cinquième fosse. Comme il a déjà été dit (note 36), les fosses sont séparées entre elles par un éboulis de rochers qui forme comme une muraille continue ou comme un parapet. Les cercles concentriques étant disposés en escalier, la muraille ou le talus qui les limite offre une pente bien moins importante vers l'extérieur que vers l'intérieur.

[219] La sixième fosse du huitième cercle. Elle contient les hypocrites. Ils marchent lentement, le long de la fosse, portant de lourdes chapes de plomb dorées à l'extérieur.

[220] On prétendait que l'empereur Frédéric II punissait les coupables de lèse-majesté en les faisant envelopper dans une grosse feuille de plomb. On les mettait ensuite au feu, dans une chaudière, jusqu'à ce que le plomb fondu emportât par morceaux la chair du coupable. Il s'agit probablement d'une simple calomnie.

[221] Les Frères Joyeux appartenaient à l'Ordre de la Glorieuse Vierge Marie, fondé à Bologne en 1261, qui avait pour but la protection des faibles contre les puissants et la pacification des discordes civiles. On les appelait communément Joyeux ou Chapons du Christ, à cause de l'esprit je jouissance qui s'introduisit bientôt dans cet ordre. Catalano dei Malavolti (1210-1285), d'une famille guelfe de Bologne, et Loderingo degli Andalô (12107-1293), d'une famille gibeline de la même ville, furent ensemble podestats de Florence, pendant la trêve entre Guelfes et Gibelins (1266-1267). Ils furent accusés de partialité, et les troubles ne firent qu'augmenter pendant leur gouvernement.

[222] C'est à Gardingo, quartier central de Florence, que se trouvait la maison des Uberti, démolie après le départ des Frères Joyeux, par les Guelfes qui éliminèrent tout à fait les Gibelins de Florence; cf. note 93

[223] Le grand prêtre des juifs, Caïphe, qui conseilla la mort du Christ. Son beau-père, Anne, avait été le juge qui avait prononcé la sentence.

[224] La surprise dont témoigne Virgile n'est pas facile à expliquer. Certains commentateurs pensent que c'est parce qu'il n'avait pas vu les deux damnés, lors du premier voyage auquel l'avait obligé Erichto; mais les condamnés qu'il voit pour la première fois sont trop nombreux, pour que cette explication soit possible. D'autres (Della Giovanna) croient que c'est parce que le supplice de la croix est le seul genre de supplice qui ait été ajouté à ceux qu'il connaissait déjà. On remarquera que c'est la première fois que Virgile se laisse surprendre par une situation. Plus loin il est dit qu'il s'éloigne avec une certaine inquiétude – et l'on ne voit pas que celle-ci soit justifiée par ce qui suit.

[225] Au chant XX, 111, Malequeue avait expliqué à Virgile que le seul pont qu'il avait suivi jusqu'alors, pour traverser les fosses de la première à la cinquième, s'était effondré; mais qu'il y en avait d'autres plus loin, en état de servir. Maintenant, le Frère Joyeux lui fait comprendre que tous les ponts du sixième cercle sont effondrés: le diable avait donc menti.

[226] Le Verseau préside du 21 janvier au 21 février. Il signale pour nous le milieu de l'hiver. Il n'en était pas de même pour Dante et pour ses contemporains: à cause du décalage produit entre le calendrier et les saisons par l'approximation de 13 minutes par an, introduite par le calendrier de Jules-César (cf. Paradis, XXVII, 142), février se trouvait alors bien plus près de l'équinoxe de printemps qu'il ne l'est maintenant. C'est ce qui explique que Dante ne parle pas d'hiver, mais d'une saison plus clémente, entre l'hiver et le printemps. Les commentateurs modernes ne semblent pas l'avoir compris ainsi.

[227] Après avoir escaladé le talus qui marque la limite entre la sixième et la septième fosse, les deux poètes découvrent, en haut de ce talus, la continuation de la jetée qui se dirige vers le puits central, et dont la partie correspondant à la sixième fosse s'était effondrée.

[228] Les deux poètes traversent entièrement la septième fosse, avant de la visiter; en sorte qu'ils arrivent, sur la jetée, au point où elle enjambe le talus de séparation entre la septième et la huitième fosse. C'est là qu'ils s'arrêtent, pour descendre ce talus, sur la pente qui les ramène au fond de la septième fosse. Celle-ci est occupée par les voleurs, qui vivent mêlés à des serpents, soumis à des tortures et à des transformations diverses.

[229] Les noms de ces serpents sont pris de Lucain, Phar-sale, IX, 708-721.

[230] L'héliotrope est une pierre précieuse verte, à peu près pareille à l'émeraude; on croyait au Moyen Age qu'elle guérissait le venin des serpents et qu'elle rendait invisible.

[231] La construction de ces vers est remarquable par sa correspondance avec la description du Lévrier dont le poète attend le salut de l'Italie (Enfer, I, 103-105). Ce parallélisme n'est peut-être pas l'effet d'un simple hasard.

[232] Vanni Fucci, fils de Fuccio dei Lazzeri, de Pistoia, vola vers 1293, en compagnie de Vanni della Mona, notaire, et de Vanni Mironne, le trésor de la chapelle de Saint-Jacques, dans le dôme de sa ville. Plusieurs accusés furent torturés inutilement, l'un d'eux allait être pendu, lorsque Vanni della Monna confessa son crime et indiqua ses complices. Il fut pendu, en 1296; mais Vanni Fucci avait déjà pris la fuite. Cf. Peleo Bacci, Dante e Vanni Fucci, secondo una tradizïone ignota, Pistoia 1892. Dante semble l'avoir connu personnellement.

[233] Dante avait beau jeu en prêtant cette prophétie à Vanni Fucci, car tous les faits indiqués ici s'étaient produits entre 1300, date présumée du voyage infernal, et la composition du poème. Cela vient à dire que Pistoia chassera les Noirs, ce qu'elle fit en mai 1301, avec l'aide des Blancs qui dominaient à Florence. Florence changera de maître: allusion au retour de Corso Donati, chef des Noirs, ramené par Charles de Valois, à la Toussaint de 1301. La tempête qui jaillit du val de Magra, dans la Lunigiane, semble être le marquis Moroello Malaspina, chef des Lucquois et principal appui des Noirs de Florence; le Champ Picène a été identifié par Dante, d'une manière erronée, avec Pistoia; cette ville tomba, en effet, entre les mains des Lucquois et des Noirs florentins, en 1305-1306, ce qui signifia une des Noirs amère défaite pour les Blancs en général, et pour Dante en particulier: de là l'esprit de vengeance qui dicte la prophétie de Vanni Fucci.

[234] Geste obscène qui consiste à serrer le poing en introduisant le pouce entre l'index et le médius.

[235] Capanée, dont il a été question au chant XIV, 63-72.

[236] Cacus, fils de Vulcain; il avait été tué par Hercule, parce qu'il avait volé son bétail. C'est Dante qui en fait un centaure, car l'Antiquité le voyait comme un homme monstrueux, satyre à moitié. Son passé de voleur fait qu'il est à sa place ici; mais on ne sait pourquoi le poète lui imposa cette métamorphose, qui l'aurait dû placer avec les autres centaures, au septième cercle (chant XII).

[237] Ce sont des Florentins: Agnolo Brunelleschi, d'une famille distinguée, mais soupçonné de s'être approprié les deniers publics; Buoso Donati (selon d'autres commentateurs, Buoso degli Abati), dont l'identité n'a pas été bien établie; et Puccio Sciancato, de la famille des Galigaï. Les transformations qui suivent, et dont le poète parle avant d'avoir individualisé ses personnages, sont difficiles à comprendre, si l'on ne tient pas compte des noms des trois.

Agnolo se métamorphosera en serpent, échangeant son être premier avec Cianfa Donati; et ensuite c'est Buoso qui devient serpent, par voie d'échange avec Francesco Cavalcanti.

[238] Cianfa Donati, qui de serpent deviendra homme, était mort avant 1289. Il appartenait à la famille de Gemma nonati, la femme de Dante, et paraît avoir joui d'une belle réputation de larron.

[239] Ces deux Romains, qui appartenaient à l'armée de Caton, moururent par suite des morsures des serpents, dans le désert de Libye; c'est du moins ce que rapporte Lucain, dans sa Pharsale, chant IX. Il est question de Cadmus changé en serpent et d'Aréthuse transformée en fontaine dans les Métamorphoses d'Ovide, aux chants IV, 563-603, et V, 572-661.

[240] À Puccio Sciancato, le seul des trois qui ne souffre aucune métamorphose.

[241] Le serpent qui avait mordu Buoso est maintenant Francesco Cavalcanti. Il avait été tué par les habitants de Gaville, qui eurent beaucoup à souffrir par la suite de la vengeance de ce crime, qui fit parmi eux d'innombrables victimes.

[242] Les deux poètes remontent le talus qu'ils venaient de descendre (chant XXIV, 72-81) pour visiter la septième fosse. Une fois en haut, ils ont sous leurs pieds la huitième fosse, occupée par les conseillers de la fraude, qui circulent sous une enveloppe de flammes.

[243] Le prophète Élisée. Comme des enfants se moquaient de lui, deux ours sortirent soudain, qui mangèrent quarante-deux d'entre eux (Rois IV, 11: 23-24). Il vit en effet le char d'Élie monter au ciel (Rois IV, 11: 11-12).

[244] Étéocle et Polynice, fils incestueux d'Œdipe et de Jocaste et frères ennemis, finirent par s'entre-tuer, et leurs corps furent brûlés sur le même bûcher. Cependant, de leurs cadavres qui brûlaient sortirent deux flammes qui se séparèrent aussitôt, formant deux pointes qui semblaient se combattre encore. La double flamme que regarde Dante se sépare parce que, selon les commentateurs, ceux qui se sont unis pour le mal finissent par devenir ennemis.

[245] Le portrait d'Ulysse n'était déjà pas très flatteur dans le poème de Virgile. Son association avec Diomède dans la même damnation s'explique par des méfaits communs, tels que ceux que mentionne Dante; mais cette association n'était pas indiquée par les sources classiques.

[246] Le sens de cette phrase n'est pas clair; et les interprétations que l'on en offre sont insuffisantes. On pense en général que cela signifie:

«Comme ils sont Grecs, donc orgueilleux, ils pourraient te mépriser.» Cependant, le texte italien, traduit à la lettre, dit seulement: «Car peut-être seront-ils revêches, en t'écoutant, parce que ce sont des Grecs.» Cela semble dire que ce n'est pas pour la personne de Dante que Virgile craint le mépris, mais pour sa façon de parler. Il pensait peut-être que, comme pour les Grecs, tous les étrangers étaient des barbares, Ulysse et Diomède pourraient fort bien traiter Dante comme tel.

[247] La question que Virgile pose à Ulysse peut paraître curieuse. Ce n'est pas Dante qui la lui pose: il semble que dernier, en tant qu'auteur du poème, attache une grande f portance à cet épisode – qui l'a d'ailleurs – puisqu'il l'introduit d'une manière un peu inattendue. Il ne parle pas d’Ulysse en tant qu'Ulysse, mais il se sert de lui comme d'un simple prétexte pour placer cette description d'un périple inventé par lui – puisque l'épisode qu'il raconte ici ne coïncide nullement avec les traditions classiques. Nous avons essayé de prouver ailleurs que le voyage d'Ulysse, tel qu'il est raconté ici, reproduit l'expédition des frères Vivaldi aux îles Canaries, en 1296; cf. Al. Ciora-nescu, Dante y las Canarias, dans Estudios de literatura espanola y comparada, La Laguna 1954, pp. 9-27.

[248] Sur ce passage, cf. F. Ageno, dans Studi danteschi, 1957, pp. 205-209.

[249] Les Colonnes d'Hercule, aujourd'hui Gibraltar, signalaient la fin du monde connu et réputé habitable. Naturellement, les Anciens connaissaient la côte occidentale du continent européen, et ils franchissaient les Colonnes, puisque Cadix, la plus vieille cité d'Europe, se trouve au-delà. On les entendait comme limite du monde connu, dans le sens qu'il n'y avait pas de continent au-delà et que, d'ailleurs, la vie n'y était pas possible. C'est vers ce monde mystérieux, où mourait tous les jours le soleil, qu'Ulysse prétend se diriger.

[250] Les navigateurs avaient donc dépassé la ligne de l'équateur.

[251] Après cinq mois de navigation, Ulysse était arrivé devant une grande montagne qui surgissait de l'eau. C'est la montagne du Purgatoire, antipode de Jérusalem: et l'on comprend que Dieu ait puni l'audace de ce mortel qui, mû par la simple curiosité, vient ainsi explorer l'inconnu et le monde des morts. Du point de vue géographique, cette grande montagne pourrait être l'Atlas des Anciens, le Teid des Canaries d'aujourd'hui, où la mythologie plaçait jadis les Champs-Élysées. Les Canaries étaient mal connues encore, à l'époque de Dante; c'est ce qui pourrait expliquer la position qu'il leur attribue, au sud de l'équateur; c'est probablement l'expédition déjà mentionnée des Vivaldi partie de Gênes, qui avait attiré son attention sur ces parages.

[252] Perillos, Athénien, avait fait cadeau à Phalaris, tyran d'Agrigente, d'un taureau d'airain creux, conçu pour y enfermer des condamnés et le rougir à blanc. Phalaris en fit la première expérience sur l'auteur lui-même.

[253] En italien: «lstra ten va, più non t'adizzo», phrase qui est effectivement du lombard. Dante ne veut peut-être pas nous faire croire qu'il parlait avec Virgile en italien; mais Virgile était Lombard, d'après ce qu'il en dit lui-même (Enfer, I, 68). On a discuté pour savoir si cette expression est un échantillon de langage courtois, ou s'il ne témoigne pas d'une dureté inattendue de la part du poète. Selon A. Vallone, Letteratura italiana, XI, 1959, p. 22, il s'agirait d'une formule de congé, sans aucune intention péjorative. Cependant, il ne faut pas oublier que Virgile parle à un damné, qui ne mérite la courtoisie que juste ce qu'il faut pour capter sa bienveillance pour le faire parler; la façon de se séparer des damnés et le jugement qu'on porte sur eux ne sont jamais bienveillants. Guido de Polenta le Vieux, père de Françoise de fut seigneur de Ravenne de 1275 à 1310; il avait aigle pour armes et il était en même temps seigneur de Cervia, sur la côte de l'Adriatique et au sud je Ravenne.

[254] Guido de Polenta le Vieux, père de Françoise de Rimini, fut seigneur de Ravenne de 1275 à 1310; il avait un aigle pour armes et il était en même temps seigneur de Cervia, sur la côte de l'Adriatique et au sud de Ravenne.

[255] La ville de Forli, qui avait obtenu en 1282 une importante victoire contre les Français envoyés par le pape Martin IV contre les Gibelins de la Romagne, avait pour seigneur Scarpetta degli Ordelaffi, qui portait un lion de sinople sur champ d'or, et qui accueillit Dante en 1303.

[256] Malatesta, père du mari de Françoise de Rimini et de son amant, et son fils aîné, Malatestino, seigneurs de Verrucchio, avaient mis en prison et fait tuer le chef des Gibelins de Rimini, qu'on nommait Montagna.

[257] Maghinardo Pagani, mort en 1302, dont l'écu portait un lion d'azur sur champ d'argent, était seigneur de Faenza, sur Lamone, et d'Imola, près de la rivière Santerne: il était Guelfe en Toscane et Gibelin en Romagne.

[258] Cesena, qui gît non loin de Savio, était gouverné par Galeasso de Montefeltro, mais sans avoir perdu ses libertés communales.

[259] Celui qui parle est Guido de Montefeltro (1220-1298), capitaine de Forli (1274) et chef militaire des Gibelins de Romagne (1275) et plusieurs fois excommunié. Il devint franciscain en 1296. Considéré comme un des hommes politiques les plus capables de son temps, il n'est pas certain qu'il ait joué auprès du pape Boniface VIII le rôle de conseiller que Dante lui attribue ici; c'était du moins ce qu'en pensaient les contemporains du poète.

[260] Le pape Boniface VIII. Ennemi des Colonna (dont le palais romain s'élevait à proximité de Saint Jean de Latran), il suivit le conseil de Guido de Montefeltro et leur promit la paix en échange de leur château fort de Palestrine, qu'il fit démolir dès qu'il en eut pris possession.

[261] Le cordon des franciscains.

[262] C'est une légende médiévale, qui prétend que Constantin, encore païen et persécuteur des chrétiens, avait été guéri de la lèpre après avoir reçu le baptême des mains de Sylvestre.

[263] Nom ancien de Palestrine, forteresse des Colonna.

[264] Le prédécesseur de Boniface VIII avait été Clément V, qui avait abandonné le trône pontifical; cf. note 34.

[265] La neuvième fosse, réservée aux semeurs de scandale et de schisme. Ceux-ci font le tour de la fosse; un diable les attend, qui leur fait d'horribles blessures; celles-ci se referment avant que leur tour les ramène une nouvelle fois devant lui.

[266] Les Pouilles furent un sol de choix pour la guerre, depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque de Dante. Le poète rappelle, parmi les campagnes qui les ensanglantèrent le plus, l'expédition d'Énée et des fuyards de Troie, qui devaient être les ancêtres des Romains; la bataille de Cannes, pendant la seconde guerre punique, et à la suite de laquelle Annibal recueillit trois muids d'anneaux pris aux cadavres des chevaliers romains (Tite-Live, XXII-XXIII); les combats de Robert Guiscard, frère de Richard, duc de Normandie, et fondateur d'un État normand en Italie méridionale (1059-1084); la bataille de Bénévent (1266), où Charles Ier d'Anjou vainquit et tua Manfred, roi de Naples, si toutefois il est certain que c'est à cette bataille que pensait Dante en écrivant le nom de Ceperano, où il ne s'est jamais rien passé; et la bataille de Tagliacozzo (1268), où Charles Ier vainquit Conradin, fils de Manfred, grâce surtout aux sages conseils d'Alard de Valéry.

[267] Dolcino Tornielli, de Novare, second chef de la secte des Frères Apostoliques, fondée en 1260, et dont le premier chef, Gerardo Segarelli, avait été brûlé vif en 1296. Cette secte, qui prêchait la communauté des biens et des femmes, s'était fortifiée dans le Piémont, où Dolcino fut poursuivi et assiégé; mais seul le manque de vivres l'obligea à se rendre, le 26 mars 1307; il fut brûlé le 2 juin suivant. Cf. C. Baggiolini, Dolcino e i Patareni, Novare, s.d.

[268] Originaire du Bolognais, intrigant dont la vie est mal connue.

[269] Guido del Cassera et Angiolello de Carignan, de Fano. Les anciens commentateurs déduisent des vers de Dante qu'ils furent invités à une conférence par Malatestino Malatesta, à Cattolica, sur l'Adriatique, et noyés sur son ordre par les marins qui les y conduisaient. Mais le fait n'est pas prouvé historiquement, mais seulement déduit du récit de Dante; en sorte que certains commentateurs modernes pensent qu'il s'agit d'une simple invention de Pier della Medicina, pour mieux répondre à son rôle de semeur de discorde.

[270] Curion, tribun du peuple et d'abord partisan de Pompée, embrassa plus tard le parti de César et l'exhorta à se presser à la poursuite de son dessein contre la République.

270bis Mosca dei Lamberti, que Dante avait dit vouloir connaître (Enfer, VI, 80), car il avait été le premier auteur de tous les troubles civils de Florence. C'est lui, en effet, qui conseilla la mort du jeune Buondelmonte (Paradis, XVI 136), pour venger les Amidei et les Uberti, qui se sentaient offensés, par suite de la rupture des fiançailles qu'il avait célébrées avec une Amidei; et il semble qu'il ajouta après son conseil: «Le vin en est tiré, il faut le boire.» Mosca fut la fin de sa race, parce que les deux familles des Amidei et des Uberti se mirent à la tête d'un parti, qui fut plus tard appelé gibelin, et qui fut définitivement expulsé de Florence en 1266.

[271] Célèbre troubadour, Bertrand de Born, vicomte de Hautefort, avait excité son seigneur, Henri, duc de Guyenne, fils de Henri II, roi d'Angleterre, contre son père, qui s'était séparé de sa femme, Aliénor, mère de ce jeune prince.

[272] A l'époque de la pleine lune, celle-ci est exactement sous les pieds, c'est-à-dire au nadir, à midi: il est donc environ une heure après midi.

[273] Geri del Bello était cousin du père de Dante. Il ne figure probablement pas sans raison dans la fosse des semeurs de discorde: mais tout ce que nous savons de lui, c'est qu'il fut assassiné par un Sacchetti. Dante s'accuse de tiédeur dans la poursuite de sa vengeance; ce qui s'explique peut-être par la conscience qu'il en avait que son oncle à la mode de Bretagne n'était pas sans faute. Quoi qu'il en fût, Geri del Bello finit par être vengé, mais bien plus tard, peut-être même après la mort de Dante; et ce n'est qu'après 1342 que les Alighieri et les Sacchetti firent la paix.

[274] La dixième et dernière fosse du huitième cercle infernal. Elle est occupée par les faussaires qui, couverts de lèpre ou de gale, gisent ou se traînent par terre en se grattant sans cesse.

[275] Valdichiana, non loin d'Arezzo et de Montepulciano, était connue pour ses marécages malsains. Selon M. Beau-freton, Les Trois Étapes de Sainte Marguerite de Cortone, Paris 1923, les miasmes de cette vallée eurent une influence déterminante sur le caractère de cette sainte. La Sardaigne contient elle aussi des zones paludéennes; et la malaria a rendu tristement célèbre la maremme romaine.

[276] L'île d'Egine, dévastée par la vengeance de Junon jalouse à cause des amours de Jupiter avec la nymphe Egine, fut repeuplée par Jupiter lui-même, qui changea les fourmis en hommes: de là le nom de Myrmidons, que l'on donna à ses habitants.

[277] Il s'appelait Griffolino; les documents prouvent qu'il vivait encore en 1259, mais qu'il était mort en 1272. On ne sait au juste qui était Albéric de Sienne: on le fait fils ou protégé de l'évêque de Sienne, ou d'un inquisiteur de Florence. Griffolino pratiquait l'alchimie – et c'est ce qui lui vaut cette place dans l'Enfer, puisque le principal objet de l'alchimie était la falsification des métaux précieux.

[278] On ne l'a pas identifié avec certitude; c'était peut-être Stricca di Giovanni dei Salimbeni, qui avait été podestat de Bologne en 1276 et en 1286. Naturellement, c'est par ironie qu'on le propose ici comme exemple de modération.

[279] Selon certains commentateurs, Niccoló était le propre frère de Stricca. Benvenuto de Imola affirme qu'il faisait rôtir des faisans et des chapons sur un brasier de clous de girofle; ce qui est en effet un «goût dispendieux». On ne saurait comprendre qu'il fut le premier à lancer la mode des plats condimentés aux clous de girofle, car ce goût existait déjà bien avant lui.

[280] La «belle compagnie» de Sienne était une société de douze jeunes gens de la meilleure société de la ville, connue par ses folies et son train de vie inconsidéré. On comptait parmi ses membres Caccia degli Scialenghi, D’Asciano, dont on ne sait pas grand-chose, et Bartolommeo dei Folcacchieri, mort en 1300, qui avait été surnommé l'Abbagliato (l'Ébloui).

[281] Capocchio était de Florence (selon d'autres, de Sienne) et s'était fait connaître par ses dons d'imitateur. Il s'était mis à falsifier les métaux et avait été brûlé à Sienne, en 1293. Dante l'avait connu personnellement. Benvenuto de Imola raconte qu'un jour il s'était peint sur les ongles toutes les scènes de la Passion, qu'il lécha lorsque Dante voulut les voir: c'est à cela que s'applique peut-être la réflexion finale, sur les œuvres de nature qu'il savait bien singer.

[282] Jupiter ayant eu Bacchus de ses amours avec Sémélé, fille de Cadmus, fondateur de Thèbes, Junon se vengea sur Ino, qui avait eu la garde de l'enfant, en rendant fou son mari, Athamas.

[283] Les damnés qui courent sont les faussaires qui se sont substitués à d'autres personnes; on trouvera plus loin les faux-monnayeurs, qui sont hydropiques et ont toujours soif, et les faux témoins, qui ont toujours la fièvre.

[284] Gianni Schicchi, de la famille florentine des Cavalcanti, s'entendit avec Simon Donati, neveu de Buoso Donati qui venait de mourir, pour entrer dans le lit du défunt et se faire passer pour lui. On appela un notaire qui établit un testament dicté par l'imposteur, qui n'oublia pas de léguer à Gianni Schicchi lui-même la meilleure jument du défunt Buoso. Ceci devait se passer vers le milieu du XIIIe siècle; Gianni Schicchi était déjà mort en ars 1280. Cet épisode a fourni à Regnard le sujet du Légataire universel.

[285] Il était étranger, peut-être Anglais ou Breton. Au service des comtes de Romena, ceux-ci l'induisirent à fabriquer de la fausse monnaie au coin de Florence, où trois carats d'or étaient remplacés par du cuivre. Il fut découvert, pendant un voyage à Florence, et brûlé vif, en 1281. L'histoire des comtes de Romena, Guido, Alexandre et leur frère, n'est pas claire, car il y a deux générations successives où les deux noms se retrouvent; selon Fraticelli, il faudrait penser plutôt à la première de ces deux générations.

[286] Source près de Romena.

[287] Plus haut (Enfer, XXIX, 9), il était dit que la neuvième fosse avait une circonférence de 22 milles; celle-ci est donc son exacte moitié. On ne saurait en tirer aucune conclusion concernant les dimensions de l'Enfer dantesque, car la progression ne saurait être constante; si elle l'était, les premiers cercles dépasseraient les dimensions prévues par Dante lui-même pour le globe terrestre.

[288] La femme de Putiphar.

[289] Le Grec qui, après le départ des assiégeants, persuada les Troyens, par de faux témoignages, de faire entrer dans leur ville le cheval de bois laissé sur le rivage par les Grecs.

[290] Le talus qui sépare le huitième cercle de l'Enfer du neuvième.

[291] Château fort de Sienne dans le val d'Eisa.

[292] Pinacle ancien, qui primitivement faisait partie d'une fontaine. Au temps de Dante, il était placé dans l'atrium de l'église de Saint-Pierre; actuellement il occupe une niche dans le Cortile de Bramante. Il mesure environ 4 m. de haut, mais était peut-être plus grand encore du temps de Dante.

[293] Gens de Frise, ou du Nord en général, réputés pour leur grande taille.

[294] Trente empans feraient 12 m. d'après les mensurations les plus modestes, environ 21 m. d'après les plus ambitieuses. Que l'on adopte une quelconque de ces échelles, les trois Frisons ne sauraient y atteindre: c'est la meilleure preuve qu'il ne faut pas prendre ces indications au pied de la lettre.

[295] Phrase inintelligible – ce qui, d'ailleurs, est certifié par Virgile lui-même. Cela n'a pas empêché les commentateurs de lui chercher un sens, qui nous échappe, même après leurs explications. Si, d'ailleurs, Nemrod parle un langage inintelligible, c'est parce qu'il est la cause de la confusion des langues, qui s'est produite lors de la construction de la Tour de Babel.

[296] Antée, fils de Neptune et de la Terre, n'avait pas pris part à la guerre des géants, ses frères, contre les dieux. Il faisait sa demeure, selon ce qu'en rapporte Lucain, dans la vallée de Bagrada, qui ne se trouve pas loin de Zania lieu de la victoire de Scipion sur Annibal.

[297] Une des deux tours penchées de Bologne, construite en 1110 par Philippe et Oddo dei Garisendi; elle fut propriété de cette famille jusqu'en 1418. Du temps de Dante elle était aussi inclinée, mais plus haute qu'aujourd'hui.

[298] Le neuvième cercle de l'Enfer, ou Cocyte, réservé aux traîtres. Il est divisé en quatre zones.

[299] Ces deux mots sont précisément cités dans De Vulgari eloquentia, II, 7, comme exemple de termes à éviter dans le vulgaire illustre.

[300] Les Muses aidèrent Amphion, qui construisit l'enceinte de Thèbes aux sons de sa lyre, dont la musique obligeait les pierres à descendre seules de la montagne et à s'enchâsser dans la muraille.

[301] La première zone du cercle, ou Caïne, garde les traîtres à leurs familiers, qui sont enterrés sous les glaces jusqu'au menton.

[302] Le massif de Tambernic (it. Tambernicchi) n'a pas été identifié. Pietrapana, aujourd'hui Pania, est dans la région de Lucques.

[303] Le Bisenzo, aujourd'hui Bisenzio, est un affluent de l'Arno au-dessous de Florence. C'est dans sa vallée que se trouvent les châteaux de' Vernio et de Cerbaia, dont étaient geigneurs les comtes de Mangona. Alberto degli Alberti, comte de Mangona, fut père d'Alessandro degli Alberti et, je Napoléon degli Alberti, qui se partagèrent ces châteaux et qui combattirent férocement pour leur possession, jusqu'à se donner la mort réciproquement.

[304] Mordred, fils d'Artus de Bretagne, voulut tuer par trahison son père; mais celui-ci s'en rendit compte et le transperça d'un coup de lance par où, dit le roman de lancelot du Lac, les rayons du soleil passaient de bout en bout.

[305] Vanni dei Cancellieri, de Pistoia, dit Focaccia, qui tua par trahison son cousin, Detto dei Cancellieri.

[306] Florentin de la famille des Toschi, tua un neveu pour s'emparer de son héritage, mais fut découvert et exécuté.

[307] Alberto Camicione, de la famille gibeline des Pazzi de Valdarno, assassin de son parent Ubertino dei Pazzi.

[308] Carlino dei Pazzi, de la même famille. Il trahit les siens en livrant aux Noirs de Florence, pour de l'argent, son château de Piantravigne, avec beaucoup de Blancs qui s'y trouvaient.

[309] Les deux poètes passent insensiblement de la première à la seconde zone du dernier cercle. Cette seconde zone est occupée par ceux qui ont trahi leur patrie et qui sont punis comme les précédents, avec cette différence que leur visage n'est plus tourné vers le bas. Le nom de cette zone. Anténore, est mentionné plus bas; il vient d'Anténor, que certaines traditions anciennes représentent comme un traître qui ouvrit aux Grecs la ville de Troie et leur livra le Palladium.

[310] Bocca degli Abati, qui trahit les Florentins pendant la bataille de Montaperti (1260): il blessa le porte-enseigne de la cavalerie florentine et lui coupa le poignet qui portait le drapeau, ce qui fut le signal de la déroute des Florentins.

[311] Buoso de Duera, seigneur de Crémone avec le marquis Uberto Pallavicini. Il laissa passer, sans résistance, l'armée de Charles Ier d'Anjou, qu'il devait empêcher d'avancer en Lombardie (1265): on prétendit qu'il avait été acheté par les Français.

[312] Tesauro de Beccheria, de Pavie, abbé de Vallombreuse et légat d'Alexandre IV en Toscane. Après le bannissement des Gibelins de Florence (1258), il fut accusé de comploter avec eux et décapité, malgré toutes ses immunités.

[313] Gianni dei Soldanieri, Florentin, l'un des chefs gibelins, trahit son parti et se rangea du côté des Guelfes (1266). Ganelon est le plus célèbre des traîtres représentés dans les chansons de geste. Tebaldello degli Zambrasi, de Faenza, ouvrit sa ville aux Guelfes de Bologne (1280).

[314] Sur cette traduction, cf. B. Nardi, Là've'l cervel si giunge con la nuca, dans Nel mondo di Dante, Rome 1944, pp. 249-257.

[315] Tydée, l'un des sept rois qui assiégèrent Thèbes, fut blessé à mort par Ménalippe. Il réussit néanmoins à tuer son meurtrier et demanda sa tête, que lui apporta Capanée; dans un dernier effort, il planta ses dents dans cette tête, telle était sa rage contre son ennemi. Cet épisode est raconté par Stace, dans sa Thébaïde, chant VIII.

[316] Ce vers est l'écho de Virgile, Énéide, II, 3; cf. aussi la note 54.

[317] Ugolin della Gherardesca, comte de Donoratico, puissant seigneur de Pise, d'une famille gibeline, trahit son parti et fit le jeu des Guelfes. Il fut podestat de Pise en 1284; et ayant à 6'opposer à la ligue formée contre Pise par Gênes, Lucques et Florence, il obtint la paix en cédant aux derniers certains châteaux non identifiés – ce qui lui fut imputé comme une trahison. En 1285 il fut encore podestat, en compagnie de son neveu Nino Visconti, et ne fit rien pour le défendre lorsque celui-ci fut chassé, probablement parce qu'il aspirait au pouvoir personnel. L'archevêque de Pise, Ruggieri, l'un des chefs des Gibelins, le fit prisonnier par trahison, en feignant d'entrer en conférence avec lui; le faisant accuser de trahison, à cause des châteaux cédés à l'ennemi, il le fit enfermer dans une tour, en juillet 1288, et mourir de faim en mars 1289. Deux de ses fils, Gaddo et Uguiccione, et deux petits-fils, Nino dit Brigata et Ansel-muccio, eus par son fils Guelfo de son mariage avec Elena, fille naturelle du roi Enzo, furent enfermés avec lui et trouvèrent la mort dans les mêmes conditions; mais ils n'avaient sans doute pas l'âge tendre que leur attribuait le poète, se fondant sur une opinion qui semble avoir été courante à son époque. Ugolin est puni dans l'Anténore comme traître à la patrie, pour avoir cédé les châteaux; Ruggieri, comme traître politique, et en outre, pour avoir permis que des innocents meurent de faim, il sert lui-même d'aliment à la vengeance de sa victime.

[318] Trois familles gibelines de Pise, alliées de l'archevêque.

[319] Probablement Ugolin veut-il dire que ce fut en fin de compte la faim, et non pas la peine, qui mit fin à ses jours. Certains commentateurs ont interprété autrement: la faim l'emporta sur la douleur, au point qu'Ugolin tenta de s'alimenter avec la chair de ses enfants. Cette interprétation paraît exagérée, et a été répudiée par la plupart des commentateurs modernes. Il n'en reste pas moins que l'expression de Dante est équivoque; et nous ne sommes pas loin de penser que cette ambiguïté est voulue.

[320] Petites îles au sud de l'embouchure de l'Arno, non loin de Pise.

[321] La ville de Thèbes s'était rendue tristement célèbre par ses guerres civiles, et par le tragique destin de la descendance incestueuse d'Œdipe.

[322] La troisième zone du dernier cercle, la Ptolomée, réservée aux traîtres à leurs hôtes. Son nom vient probablement de Ptolomée, roi d'Égypte, qui permit la mort de son hôte Pompée.

[323] Albéric, fils d'Ugolin dei Manfredi, Frère Joyeux et l'un des chefs des Guelfes de Faenza. Insulté en public par son parent Alberghetto, il fit semblant de le lui pardonner et l'invita, avec son père Manfred, à un dîner, pour célébrer leur raccommodement. A la fin du repas, il dit:

«Faites venir les fruits!» C'était le signal convenu avec des sicaires, qui se précipitèrent sur Manfred et sur Alberghetto, et les tuèrent. «Les fruits de Frère Albéric» étaient passés en proverbe au XIVe siècle. Cet assassinat avait été perpétré le 2 mai 1285; il semble résulter de la relation de Dante que Frère Albéric vivait encore en 1300.

[324] Branca Doria ou d'Oria, de Gênes, avait invité à dîner son beau-père, Michel Zanche, pour le faire assassiner.

[325] Cf. plus haut, la note 215.

[326] «Les étendards du roi de l'Enfer sont en train de sortir.» Le mot inferni a été ajouté par Dante, pour compléter dans le sens qui intéresse ici le premier vers d'une hymne de Fortunat, évêque de Poitiers au VIe siècle, qui fait partie de la liturgie du Vendredi-Saint.

[327] La quatrième et dernière zone du neuvième cercle de l'Enfer, ou la Giudecca, nom qui lui vient de Judas. Elle est occupée par les âmes de ceux qui ont trahi leurs bienfaiteurs, et qui sont maintenant complètement enterrés sous la glace.

[328] Lucifer.

[329] Judas est puni plus terriblement que nul autre pécheur, pour avoir trahi la suprême autorité religieuse; Brutus et Cassius, pour avoir trahi la suprême autorité civile et humaine.

[330] Dans son trou au milieu de l'Enfer, Lucifer occupe exactement le centre de la terre. Il est permis de croire que, pour Dante, le nombril de l'ange déchu signale le centre géométrique de la sphère terrestre. C'est pourquoi, arrivé à la hauteur de la hanche, Virgile tourne sur lui-même, mettant les pieds où il avait eu la tête, et grimpe le long des cuisses de Lucifer; il est déjà dans l'autre calotte sphérique, et ce qui était descente est devenu montée. L'effort que demande ce changement de direction s'explique par l'importance de la force centripète à cet endroit du globe et Dante feint de ne pas comprendre à quoi correspond tout cela.

[331] Le centre de la terre.

[332] Le point de l'autre hémisphère par lequel ressortent les deux poètes à la surface de la terre, est l'antipode de Jérusalem, et l'endroit où se trouve le Paradis terrestre et, avec lui, le Purgatoire. D'après la cosmographie de Dante, l'autre hémisphère est couvert d'eau, – c'est d'ailleurs ce que l'on en pensait généralement au Moyen Age; il explique cette circonstance par la chute de Lucifer, qui le mena au centre de la terre, où il est toujours, et qui fit reculer la terre, poussée vers l'autre hémisphère par l'horreur de son contact avec l'ange déchu.

[333] C'est par ce même mot que se termine chacun des trois poèmes qui composent La Divine Comédie.


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