3. La Maison de Riander

Toute la nuit, Adelrune resta éveillé ; son feu brûlait, chaud et vif. Sa peur s’était atténuée pour devenir une angoisse sourde, sans objet précis. Quand vint l’aube, le feu enchanté s’éteignit d’un seul coup, laissant derrière lui un amas de cendres plus fines que la poussière ; le garçon se leva et se mit en route sans attendre. Il était ivre de fatigue, voyait trouble où qu’il portât le regard. Il titubait ; par deux fois, il tomba lourdement sur le sol. Mais il continua malgré tout. Dans sa tête tourbillonnaient des fragments du Livre des Chevaliers ; par moments, ils prenaient le pas sur ses sens. Ainsi, tandis qu’il marchait, il rêvait, et dans son rêve Sire Julver, portant son armure d’orichalque brillant, cheminait à ses côtés ; ou bien il se retrouvait aux marges du festin funéraire au cours duquel Sire Lominarch avait enfin reconnu le Diablotin de Nothwerl sous les traits de la gente Blancéanne.

L’effort finit par dissiper sa torpeur, et même s’il restait épuisé, son esprit devint plus clair. Toute la matinée, il s’éleva sur le flanc de la colline, lentement mais sûrement. Les arbres étaient bien plus clairsemés ; il y avait de fréquentes clairières et des étendues de hautes herbes le long de saillies de pierre. Parmi l’herbe poussaient des lys d’un violet tirant sur le noir. Des abeilles bourdonnaient autour des fleurs. Adelrune en vit une pénétrer dans le calice ; la fleur tout entière se referma instantanément sur l’insecte pour l’emprisonner. Ailleurs, un autre lys relâcha ses pétales ; quelques parcelles de chitine tombèrent de la corolle.

Les lys apivores furent la dernière manifestation de l’étrangeté de la forêt. Au début de l’après-midi, Adelrune avait atteint le sommet de la colline et laissé la forêt derrière lui. À sa gauche et à sa droite s’étendaient les Bériodes, leurs sommets mantés d’herbe et ponctués de fleurs. Devant lui, le terrain ondulait, descendant vers un pays indistinct.

Le corps du garçon n’aspirait qu’au repos, au sommeil. Mais il n’osait pas y céder, si près de la forêt et de ses habitants. Il s’assit sur ses talons et sortit papier et plume. À partir du second camp, il étendit la ligne pointillée jusqu’au sommet de la colline et écrivit à côté Deux tiers d’une journée de voyage.

Quand il se releva, un éblouissement orange et vert l’aveugla pendant plusieurs secondes, et la sueur perla à son front. Il se força à faire un pas, puis un autre. Lentement, il descendit la colline, vers une contrée inconnue.

Et alors seulement il se prit à douter. Le Livre des Chevaliers ne contenait aucune description particulière du chemin qui menait à la maison de Riander. Adelrune se remémora le passage, presque automatiquement : Riander, qui vit au-delà de la forêt, dans une vallée abritée parmi les collines, à trois jours de marche de la ville. Le garçon ne s’était jamais demandé de quelle forêt il s’agissait ; il avait été certain que le Livre énonçait une vérité universelle, que le fait d’entreprendre un voyage jusqu’à la résidence d’un tuteur était plus important que la destination que l’on s’imposait. Eût-il demandé conseil à Père que ce dernier aurait sans nul doute traité Adelrune de parfait imbécile. Qui d’autre se mettrait en route avec une destination abstraite en tête, sans rien d’autre pour le guider ?

Et pourtant, il y avait bel et bien des collines au-delà de cette forêt, et le troisième jour de son voyage n’était pas encore arrivé à son terme. Il y avait encore raison d’espérer. On avait prédit à Sire Berralgis qu’il devrait passer un an et un jour en quête d’une alicorne avant de la trouver ; ce qu’il fit, cloué à son lit de malade, la cherchant sans relâche parmi livres rares et parchemins anciens, jusqu’au trois cent soixante-sixième jour de sa quête, quand la bête était entrée d’elle-même dans sa chambre, appelée soit par la persévérance même de Berralgis, soit par un enchantement qu’il avait trouvé enfoui au fond d’un vieux tome, pour poser sa corne sur la poitrine du chevalier mourant et adoucir ses adieux au monde…

Et à la fin de sa troisième journée de voyage, comme le Livre des Chevaliers l’avait promis, Adelrune atteignit la maison de Riander.

Il était descendu à mi-pente d’une colline lorsqu’il perçut une combe s’ouvrant sur sa gauche. À l’autre extrémité s’élevait une longue et basse structure de briques roses. Construite entièrement de lignes droites, ses coins avaient cependant été taillés en biseau ; ainsi, elle ne paraissait pas vraiment anguleuse.

Adelrune descendit jusqu’au fond de la petite vallée et s’approcha timidement de la maison. Elle se trouvait déjà dans l’ombre, à part l’étage supérieur, dont les briques viraient à la couleur pêche dans la lumière du soleil. Une large allée sablonneuse menait à la porte, de bois sombre et massif. Au centre de la porte, il y avait une plaque de métal sur laquelle était gravée l’image d’une gargouille grimaçante. Du nez de la gargouille pendait un heurtoir de fer.

Adelrune saisit l’anneau et frappa trois coups. Quand la porte s’ouvrit, il baissa les yeux et sortit gauchement les deux feuilles de parchemin de son sac.

— Je me nomme Adelrune, croassa-t-il, vacillant et tremblant, de fatigue comme d’angoisse ; et je veux devenir un chevalier. Voici la liste de mes actes de valeur ainsi qu’une carte de mes voyages. Si vous refusez ma demande, je m’en irai sur-le-champ.

On prit doucement les feuilles de sa prise. Il y eut un long silence, brisé par le bruissement du parchemin. Finalement, Adelrune leva les yeux et rencontra le regard d’un homme grand et mince.

Il était encore jeune ; ses habits étaient simples mais de la meilleure qualité. Une crinière de cheveux bruns descendait à mi-chemin de ses épaules, mais il n’avait pas plus de barbe qu’Adelrune lui-même. Quand il parla, des rides apparurent aux coins de ses yeux et ses dents très blanches brillèrent.

— Y a-t-il une tâche quelconque dont tu doives d’acquitter, une quête à remplir ? demanda l’homme.

Adelrune baissa les yeux une nouvelle fois. Son but lui paraissait soudain ridicule au point qu’il en était honteux. Mais il l’avoua, autant qu’il osait.

— Oui. Je… Il y a une personne dans la ville de Faudace, qui est tenue prisonnière par un homme. Je dois la sauver. Je suis le seul à connaître son existence ; si je ne la libère pas, personne ne le fera jamais.

— Voilà une noble quête, dit l’homme gravement. Mais si tu tiens à être un chevalier, tu dois apprendre à regarder les gens dans les yeux quand tu leur parles.

Il prit la main du garçon et le fit entrer. Les jambes d’Adelrune cédèrent sous son poids et il s’affala sur le sol avant que Riander ait fermé la porte de sa maison.

*

La fièvre le consumait. Inconscient des convulsions de son corps, son esprit filait comme une sterne au ras de l’océan du délire. Il rêva qu’il était prisonnier d’une cage qui avait adopté les contours exacts de son corps. Puis il se rendit compte que la cage était en fait un sarcophage de porcelaine et que, bien qu’il ne soit pas mort, il ne vivrait jamais tant qu’il resterait prisonnier de sa coquille. Devant lui, se découpant sur un rideau de lumière qui blessait les yeux, une fleur rouge et blanche s’enroulait autour d’une lance d’ivoire. L’odeur du métal surchauffé emplit ses narines, puis le remugle épicé de la girofle. Il se tenait sur un glacier en train de fondre au soleil et de l’eau glacée, plus âpre que le vin, coulait dans sa gorge.

Adelrune se réveilla en nage. Riander était assis à côté du lit, son bon visage marqué par une inquiétude sereine.

— Tu as dormi une nuit et un jour, dit Riander. Je t’ai logé dans ma chambre pour l’instant, mais nous irons dans la tienne dès que tu seras suffisamment remis.

Il aida Adelrune à s’asseoir dans le lit. De prime abord, le garçon crut qu’il rêvait encore. Il avait vu que la tête du lit était contre un des murs, lequel faisait un angle à sa droite. Maintenant, il voyait un mur à sa gauche, comme de juste ; mais il n’y avait pas de mur devant lui. La pièce se continuait indéfiniment. Il y avait des commodes contre le mur de droite, de petites tables ; des miroirs sur le mur de gauche, des chaises basses, des étagères et des écritoires. Des tapis sur le plancher, s’étirant l’un après l’autre comme un arc-en-ciel en tons de brun, s’amincissant jusqu’à un fil dans le lointain. Il n’y avait pas de mur opposé, pas de fin à la procession de meubles. Au loin, la pièce devenait indistincte, non pas par manque de lumière, mais à cause de l’épaisseur même de l’air et des limites de la vision humaine.

Adelrune se tourna vers Riander, qui haussa les épaules en souriant.

— Je n’essaierai pas de te fournir une explication. Garde simplement en mémoire que tu ne dois pas trop t’éloigner des portes qui relient les pièces ; elles n’existent qu’à l’avant de la maison. Pour l’instant, dis-moi plutôt ce que tu voudrais manger.

Adelrune bredouilla : « Alors je… je peux rester ? »

Riander ouvrit les mains, paumes vers le haut : « N’est-ce pas ce que je viens de dire ? »

*

En l’espace de trois autres jours, Adelrune recouvra la santé. Riander lui tint une conversation légère tout ce temps : le soleil et les nuages, la musique du vent, le goût de la nourriture simple. Il accrocha une tenture à travers la chambre d’Adelrune, afin de lui donner une limite. D’une semblable manière, Adelrune tendit un rideau devant certains de ses souvenirs ; même s’ils étaient toujours là, prêts à être examinés, il ne s’appesantissait plus inlassablement sur eux.

Un matin – son cinquième dans la maison de Riander, mais seulement le quatrième dont il avait conscience – il se leva, s’habilla de lui-même, sortit de sa chambre et descendit l’escalier jusqu’au salon. Riander était assis sur une chaise à haut dossier, feuilletant un livre qui tombait en lambeaux. Dès qu’il eut remarqué la présence d’Adelrune, il se leva en souriant.

— Je ne te demande comment tu te sens que par acquit de conscience : ton habillement me dit tout ce que je dois savoir.

— Je voulais vous remercier encore, messire, de vos soins…

— Un instant. Mon nom est Riander. Fais-moi le plaisir de l’utiliser.

— Comme vous voudrez, Riander. Je voulais vous remercier – et vous demander ce que vous comptez faire maintenant que je suis remis.

— Tu es venu à moi pour recevoir une formation de chevalier, n’est-ce pas ? (Riander prit les deux feuilles de parchemin d’Adelrune, qui trônaient au sommet d’une pile sur un bureau.) Ta liste d’actes d’éclat est plutôt brève, de même que tes voyages – mais ce qui m’importe, c’est la qualité et non la quantité. Tu remplis à loisir les conditions, Adelrune. Et comme je te l’ai déjà dit, la quête que tu t’es imposée est une noble quête. Je déclare solennellement que je t’accepte comme apprenti chevalier.

Adelrune inclina la tête muettement, ne sachant plus que dire.

— Non, non, le reprit Riander gentiment. Je me répète : regarde les gens dans les yeux ! Allez, garde ton menton droit.

Adelrune releva le visage, risqua un sourire.

— Une des vertus premières d’un chevalier est l’humilité, dit Riander. Et l’un de ses corollaires est que l’on n’est jamais assez important pour refuser les corvées. Va à la cuisine – c’est par la porte qui fait face à celle-ci – et pèle six pommes de terre pour la soupe.

Adelrune esquissa une courbette maladroite et sortit. Dans la cuisine, qui était dallée de blanc et s’étendait à l’infini, il trouva une huche remplie de tubercules et un petit couteau. Il se mit au travail. Mère lui avait souvent confié cette corvée, dès qu’il avait été assez vieux pour manier sans risque le couteau à peler. Ses mains s’affairaient selon un rythme familier, et de longs rubans spiralés de pelure tombaient des tubercules. Après quelques minutes, quand Riander le rejoignit pour l’aider, il le trouva en train de finir la dernière pomme de terre.

— Eh bien, remarqua-t-il avec un large sourire, tu es plus habile à manier cette lame-ci que je ne le serai jamais. Je suppose qu’il n’y a plus qu’à te mettre à l’entraînement aux armes tout de suite après le repas.

*

Fidèle à sa parole, dès qu’ils eurent terminé le repas du midi, Riander emmena Adelrune dans une autre des pièces de la maison. Ses murs étaient de pierre taillée ; des supports de métal de diverses formes étaient vissés dans les blocs, sans que leur fonction soit évidente au premier regard.

Il y avait des râteliers de bois contre les murs, dans lesquels était rangé un assortiment d’armes d’une diversité ahurissante. Épées droites ou courbes, ondulées, garnies de crochets ou tripartites ; masses à la tête garnie d’ailettes ou de piquants ; arcs de toutes tailles, armes d’hast, dagues, assemblages de chaînes, de hampes de bois et de lames dont Adelrune ne parvenait pas à comprendre l’usage.

— Eh bien, fit Riander, nous pouvons commencer en t’apprenant à reconnaître et nommer toutes ces armes, ou bien nous pouvons voir comment tu te débrouilles avec une épée en mains.

— S’il vous plaît, messire – je veux dire, Riander – j’ai passé des années à la Maison Canoniale à apprendre des mots par cœur. Je voudrais essayer une lame.

— Fort bien. Voyons, tu es trop petit pour ces épées-ci… Peut-être que celle-là ferait l’affaire.

Il donna à Adelrune une longue et mince lame, avec une large garde, qui recouvrait sa main jusqu’au poignet. Le garçon la soupesa, allongea le bras. Étrange impression que de manier une telle longueur d’acier. Riander prit une lame similaire pour lui-même.

— Travaillons la posture de base. Imagine que nous allons nous battre.

Adelrune essaya consciencieusement de prendre une posture de combat. Riander eut un sourire amusé.

— Adelrune, que tiens-tu dans ta main ?

— Je ne sais pas de quel genre d’épée il s’agit, mess – Riander.

— C’est un fleuret de duelliste façonné selon la manière du Vieux Szeis. Mais ce n’est pas cela qui m’importe en ce moment. Je voulais simplement te signaler que ce que tu tiens n’est pas une chandelle.

— Je vous demande pardon ?

— Puisque ce n’est pas une chandelle, tu ne devrais pas le tenir comme une chandelle, expliqua patiemment Riander. À quoi donc peut-il être utile dans cette position ? Pointe-le vers l’avant, un peu relevé. Ainsi, si je me rue sur toi, je recevrai ton acier dans l’estomac. Oui, comme ça. Beaucoup mieux. Essaie de me frapper, maintenant.

Riander para le coup hésitant d’Adelrune, arracha l’épée du garçon à sa prise et l’envoya valser avec fracas sur le sol dallé.

— Tu aurais dû garder ta prise sur le fleuret, déclara-t-il.

— J’ai bien essayé, mais je n’y suis pas arrivé, dit Adelrune.

— Tu es peut-être encore faible par suite de ta maladie ; mais je crois que ce sont tes bras qui ne sont pas assez musclés. Remonte ta manche, gonfle ton bras… C’est ce que je pensais. Je crois qu’un programme de lever de poids sera nécessaire.

Adelrune eut honte de sa faiblesse ; il hocha la tête en signe d’acquiescement à la suggestion, se retenant à grand-peine de répondre « Bien, messire. »

— Tu as pris l’habitude d’obéir, n’est-ce pas ? demanda Riander d’une voix plus douce. Quand tu étais malade, tu as déliré. À un moment, tu ne cessais de répéter « Oui, Didacteur » comme si quelqu’un te donnait un ordre après l’autre. Et maintenant, tu viens de baisser les yeux encore une fois, et tu as acquiescé immédiatement, avec le moins de bruit possible.

Adelrune expliqua en soupirant :

— Le neuvième Précepte de la Règle stipule que les laïcs doivent obéir aux Didacteurs « sans refus, sans plainte et sans dérobade ». Les Commentaires du Didacteur Elfindle ajoutent que « Les laïcs sont comme des enfants face aux Didacteurs, et les enfants doivent obéissance à leurs parents comme ceux-ci obéissent aux Didacteurs. » Chez moi, l’obéissance était la première des vertus, après la droiture spirituelle.

Riander fronça les sourcils.

— Pourquoi es-tu parti dans ce cas ? Ce ne sont sûrement pas tes parents qui t’ont envoyé ici ?

Adelrune se sentit rougir.

— Ils ne l’auraient jamais pu ; je suis un enfant trouvé, dit-il à voix basse. Harkle et Eddrin ne sont pas mes vrais parents.

— À t’entendre, on croirait que tu en as honte.

— Dix-huitième Précepte, verset trois : « Que nul ne méprise celui dont la lignée est inconnue ou de mauvais renom. » Extrait des Commentaires du Didacteur Hoddlestane, chapitre deuxième : « La turpitude morale est transmise par le sang. La progéniture de ceux qui pèchent par contact charnel hors mariage est conséquemment souillée dès sa naissance ; les bâtards devraient être traités comme les dégénérés potentiels qu’ils sont. » Est-ce que cela répond à votre question ?

— Tes mots, non ; mais ta posture, oui, dit Riander. Tu as l’air d’un pardel prêt à tuer et démembrer sa proie. Regarde tes doigts : on dirait des griffes.

Adelrune, soudain conscient de ses gestes, baissa les bras et détendit ses mains. Son cœur cognait douloureusement dans sa poitrine.

— Ma mère à moi, lorsqu’elle était encore jeune fille, couchait avec tous ses soupirants, dit Riander, surprenant Adelrune par le ton neutre de sa voix. Et lorsqu’elle tomba enceinte de moi, elle eut bien du mal à convaincre son plus récent prétendant de l’épouser. Il n’était pas un sot et se doutait bien que l’enfant n’était pas forcément de lui. De fait, jamais je ne lui ai ressemblé ; lui et moi avons toujours su que nous n’étions presque certainement pas du même sang. Néanmoins, il avait accepté d’épouser ma mère juste avant ma naissance, me sauvant de justesse de la bâtardise.

— Et comment vous a-t-il traité ?

— Comme le reste de mes frères et sœurs qui ont suivi. Je n’étais pas un bébé capricieux, et en grandissant j’ai toujours été très sage ; je ne lui ai jamais donné d’excuses pour m’en vouloir. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il m’aimait autant que les autres enfants, qui eux étaient certainement de lui. Mais l’un dans l’autre, cela n’a pas changé grand-chose. Il était au fond un homme bon et équitable.

— Vous a-t-il acheté des jouets ?

— Oui. J’avais un canard de bois sur roulettes et une marionnette de guerrier avec une épée de métal véritable…

— Vous étiez un enfant chanceux, dit Adelrune avec un petit rire douloureux.

— Et c’est parce que toi tu ne l’es pas que tu es venu ici ?

— Pas vraiment. C’est parce que je n’ai jamais cru en la Règle. Quand j’avais dix ans, j’ai compris que j’avais toujours été perdu pour elle. Je connais tous ses Préceptes par cœur, mais je n’y ai jamais accordé la moindre foi.

— Alors, es-tu venu ici à la recherche de quelque chose d’autre à laquelle accorder ta foi ?

La question prit Adelrune par surprise. Il y réfléchit un moment, puis répondit :

— Non. Je suis venu ici pour devenir un chevalier, c’est tout ce que je demande.

— Tant mieux. Car même si mon enseignement t’apprendra à devenir celui que tu promets d’être, je ne suis pas homme à te dire en quoi tu dois placer ta foi. Maintenant, allons à ce râtelier là-bas. Je vais te montrer comment utiliser les haltères pour fortifier tes bras.

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