26.

Fonseca était stupéfait. Mais de quoi au juste ? se demandait Langdon. Du décodage express du pictogramme ? Ou du fait que le tueur ait pris un Uber pour s’échapper ?

Restait à savoir s’il s’agissait d’une idée de génie ou d’une grossière erreur… Les véhicules étaient facilement traçables.

La Ubermania avait gagné toute la planète. En Espagne, l’État exigeait que les chauffeurs apposent ce logo sur leur pare-brise. Apparemment, ce particulier qui arrondissait ses fins de mois en faisant le taxi était également un fervent supporter du nouveau pape.

Langdon se tourna vers l’agent.

— Winston a pris la liberté d’envoyer cette photo à la police pour que les barrages aient l’info.

Fonseca en demeura bouche bée. Il n’avait visiblement pas l’habitude d’être à la traîne. Il ne savait pas trop s’il devait remercier Winston ou lui signifier de s’occuper de ses affaires.

— Et maintenant, il appelle le central d’Uber.

— Non ! répliqua l’agent. Donnez-moi ce numéro ! Je vais le faire. Ils seront plus coopératifs avec nous qu’avec un ordinateur.

Fonseca avait sans doute raison. Et il valait mieux que la Guardia participe à la chasse à l’homme plutôt que perdre son temps à ramener Ambra à Madrid.

Sitôt le numéro obtenu, l’agent appela.

Ils allaient attraper rapidement l’assassin. La localisation des véhicules était au cœur du système de l’entreprise ; n’importe quel client avec un smartphone pouvait savoir où se trouvait chaque Uber partout sur la planète. Il suffisait de savoir quel chauffeur avait pris un client au musée.

¡ Hostia ! jura Fonseca. Automatizada.

Il était tombé sur une boîte vocale.

— Professeur, dès que j’aurai eu quelqu’un chez Uber, je transmettrai l’affaire à la police locale, et l’agent Díaz et moi-même vous conduirons à Madrid.

— Comment ça « vous » ? Je ne peux absolument pas vous accompagner.

— Pourtant, vous êtes du voyage. Et votre petit gadget électronique aussi, ajouta-t-il en désignant les écouteurs de Langdon.

— Vraiment, je ne peux pas. Désolé.

— C’est curieux. Vous êtes bien professeur à Harvard ?

— Oui. Et alors ?

— Alors, étant donné votre QI, vous devriez comprendre que vous n’avez pas le choix.

Fonseca tourna les talons et retourna à son appel.

Langdon ouvrit des yeux ronds. C’était du grand n’importe quoi !

— Professeur…, murmura Ambra derrière lui.

Il fut saisi par l’expression de la jeune femme. La stupeur avait laissé place à la peur et au désespoir.

— Edmond avait pour vous un grand respect. C’est pour cela qu’il a passé cette vidéo de vous… Je me dis que je peux vous faire confiance. J’ai quelque chose à vous avouer.

Langdon la regarda, attendant la suite.

— Edmond est mort par ma faute.

Les yeux de la jeune femme s’emplirent de larmes. Elle tourna la tête vers Fonseca pour s’assurer qu’il ne pouvait pas les entendre.

— Cet homme, sur la liste des invités…

— Oui. Luis Ávila.

— C’est moi qui l’ai ajouté.

Winston disait donc vrai !

— C’est moi qui ai laissé entrer le tueur. Moi !

— D’accord, répondit Langdon en posant une main réconfortante sur son épaule. Mais pourquoi ? Pourquoi vous avez fait ça ?

Ambra jeta un nouveau coup d’œil vers Fonseca qui, agacé, suivait toujours les instructions de la boîte vocale d’Uber.

— Parce que quelqu’un me l’a demandé à la dernière minute. Quelqu’un de confiance. Comme une faveur personnelle. Les portes allaient ouvrir, j’étais débordée. Je l’ai fait sans réfléchir. C’était un amiral de la marine espagnole ! Comment aurais-je pu me douter ? (Elle contempla le corps d’Edmond sous la couverture et réprima une grimace de douleur.) Et maintenant…

— Ambra. Qui vous a demandé d’ajouter ce nom ? Qui ?

— Mon fiancé. Le prince héritier d’Espagne. Don Julián.

Langdon n’en revenait pas. Le prince d’Espagne aurait organisé l’assassinat d’Edmond Kirsch ?

— Évidemment, au Palais, ils ne s’attendaient pas à ce que j’apprenne l’identité du tueur. Maintenant que je la connais… je me sens en danger.

Langdon posa à nouveau sa main sur son épaule.

— Allons, allons, vous n’avez rien à craindre ici.

— Bien sûr que si ! Vous ne savez pas tout. Nous devons nous enfuir. Tout de suite.

— C’est impossible. On ne pourra jamais…

— Je vous en prie. Je sais comment aider Edmond.

Visiblement, elle était encore sous le choc.

— « Aider Edmond » ? Je ne vois pas comment.

— Tout d’abord, nous devons entrer dans son appartement à Barcelone.

— Aller chez lui ?

— Oui. C’est ce qu’Edmond aurait voulu. Écoutez-moi…

Pendant les quinze secondes suivantes, elle lui parla à l’oreille.

Langdon sentit son cœur s’emballer.

Elle a raison ! Cela change tout !

À la fin de ses explications, la jeune femme le dévisagea avec un air de défi.

— Vous comprenez maintenant pourquoi on doit sortir d’ici ?

Langdon hocha la tête sans hésitation.

— Winston… vous avez entendu ce que Ambra vient de me dire ?

— Bien sûr, professeur.

— Vous étiez au courant ?

— Pas du tout.

Langdon prit le temps de peser ses mots :

— Winston… je ne sais pas si les programmes peuvent avoir de la loyauté envers leur créateur, mais si c’est le cas, c’est le moment de le prouver. Parce que nous allons avoir un grand besoin de votre aide.

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