Yoss PLANÈTE À LOUER Traduit de l’espagnol (Cuba) par Sylvie Miller

EN GUISE DE PRÉFACE

Généralement, une préface est un commentaire sur la vie d’un écrivain et sur une œuvre que l’on introduit, écrit par un autre auteur. Elle peut éclairer certains points obscurs, le contexte du roman ou du recueil de nouvelles, expliquant ce que celui-ci représente dans l’histoire de la littérature ou par rapport à son époque, entre autres.

Qu’un auteur écrive sa propre préface, pour une œuvre dont il n’est pas sûr qu’elle soit publiée un jour, peut ressembler soit à un acte d’arrogance, de suffisance et d’infinie pédanterie, soit à un aveu d’insécurité à propos de son propre livre.

Je suis de ceux qui croient qu’un livre se défend tout seul ou bien meurt dans l’obscurité et l’oubli. Ce que l’auteur n’a pas dit dans ses pages ne doit pas être raconté a posteriori dans des interviews ou des commentaires de ce même auteur.

Du moins, la plupart du temps…

Mais ce livre est spécial.

La science-fiction, comme d’autres littératures de genre – bien que, par chance, le roman policier paraisse avoir conquis pleinement le droit d’être qualifié de grande littérature – a été souvent regardée de haut par les critiques et les partisans de ce qu’on a pris l’habitude d’appeler la « littérature blanche ».

« Ce n’est pas une littérature sérieuse », disent-ils.

Pourtant, de grands auteurs et de grandes œuvres de la littérature mondiale ont trouvé dans la science-fiction leur moyen d’expression approprié. Pour n’ennuyer personne et ne pas faire de cette préface un essai ou une énumération, je me bornerai à citer Orange mécanique de Anthony Burgess, Le Meilleur des mondes de Aldous Huxley et 1984 de George Orwell.

Toutes ces œuvres sont des contre-utopies tentant d’alerter sur les dangers qui guettent l’homme d’aujourd’hui par la description d’un futur plus ou moins sinistre.

Le roman que vous vous préparez à lire poursuit le même objectif… toutes proportions gardées. Il va plus loin que tout ce que j’ai déjà écrit en suivant les canons actuels du genre – dont je suis un passionné du versant le plus pur et le plus éloigné de la réalité, comme beaucoup le savent. Le but de ces sept textes et de leurs commentaires introductifs est de faire une allusion au présent de Cuba de façon métaphorique. C’est-à-dire que toute ressemblance entre la Cuba des années 1990 et cette Terre du XXIe siècle est purement intentionnelle.

Parfois, mes récits « réalistes » ont été qualifiés d’histoires « sans capacité d’abstraction ». Je reconnais que les critiques n’ont pas été totalement injustes en émettant de telles affirmations. L’unique moyen que j’ai trouvé, pour parler du présent sans tomber dans le journalisme underground ou l’anecdote, a été le biais de la science-fiction.

J’espère que je ne m’en suis pas trop mal tiré.

J’espère également que vous me pardonnerez cette préface, qui a au moins le mérite d’être brève.

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