C’est à partir de ce moment de notre vie que nous avons éprouvé de l’angoisse, un sentiment diffus de culpabilité et la certitude que nous devions fuir quelque chose sans très bien savoir quoi. Cette fuite nous aura entraînés dans des lieux bien divers avant qu’elle ne s’achève ici, à Nice.

Quand Sylvia était allongée à côté de moi, je ne pouvais m’empêcher de prendre le diamant entre mes doigts, ou de le contempler qui brillait sur sa peau et de me dire qu’il nous portait malheur. Mais non. D’autres avant nous s’étaient battus pour lui, d’autres après nous le garderaient un moment à leur cou et à leur doigt et il traverserait les siècles, dur et indifférent au temps qui passe et aux morts qu’il laissait derrière lui. Non. Notre angoisse ne venait pas du contact de cette pierre froide aux reflets bleus mais, sans doute, de la vie elle-même.

Pourtant, au début, juste après avoir quitté La Varenne, nous avons connu une brève période de repos et de bien-être. À La Baule, au mois d’août. Nous avions loué, par une agence de l’avenue des Lilas, une chambre en bordure du golf miniature. Jusque vers minuit, les éclats de voix et de rire des joueurs nous berçaient. Nous allions boire un verre, sans attirer l’attention de personne à l’une des tables, sous les pins, devant le comptoir au toit d’ardoises vertes où l’on distribuait les cannes et les balles blanches de golf.

Il faisait très chaud cet été-là et nous avions la certitude que l’on ne nous retrouverait jamais ici. L’après-midi, nous suivions le remblai et nous repérions l’endroit de la plage où la foule était la plus dense. Alors, nous descendions sur cette plage, à la recherche d’un tout petit espace libre pour nous étendre sur nos serviettes de bain. Jamais nous n’avons été aussi heureux qu’à ces moments-là, perdus dans la foule au parfum d’ambre solaire. Les enfants autour de nous bâtissaient leurs châteaux de sable et les marchands ambulants enjambaient les corps et proposaient leurs crèmes glacées. Nous étions comme tout le monde, rien ne nous distinguait des autres, ces dimanches d’août.

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