Moi

Je n'ai pas pu me retenir !

Toute cette colère, cette haine... Toute cette répulsion ! Mon esprit a projeté ce dégoût de Marie dans l'espace, et maman l'a perçu jusque dans sa propre chair.

J'étais dans la cuisine en train de prendre mon petit-déjeuner quand maman est entrée dans la serre, juste après le départ de Marie avec laquelle elle s'était encore disputée.

Je me suis demandé pourquoi maman, en l'absence de Marie, se rendait précisément dans la serre. J'ai donc projeté mon esprit dans sa direction en me glissant subrepticement, comme une chatte, dans ses pensées.

Là, nichée en elle, persuadée de m'être rendue indétectable, j'ai suivi le cours de ses réflexions...

J'avais l'impression de faire partie intégrante de maman, charnellement, cognitivement. Des tissus de ses muscles, de la moelle de ses os, de chacune de ses molécules... Revenu en elle, accrochée de nouveau à sa propre vie grâce à un cordon tressé par la seule puissance de mon esprit.

Un fœtus de dix-sept ans !

Je me suis dit que je n'avais sans doute jamais cessé de n'être que cela : un embryon lové en cette mère d'accueil, et que les lois de la Nature avait forcé à grandir extérieurement.

Cette Margot, l'autre, celle qui se conforme à son rôle d'adolescente, n'est qu'un double sans âme. Une marionnette donnant le change ! Une jumelle factice qui respire l'oxygène des humains, admet leurs lois, mange, boit et dort, urine et défèque...

Moi, par contre, j'ai compris où devait être ma place. Où je devais m'en retourner.

J'ai surtout saisi pourquoi Marie s'était introduite dans notre existence. Pourquoi elle dominait maman...

La mission de Marie était de me surveiller, moi !

Moi, l'étrangère... Celle qu'une grotte avait enfantée.

C'est cette révélation qui m'a fait hurler dans l'esprit de ma mère.

Un cri glacial comme les ténèbres de la Mort.

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