29 Un autre plan

La cave aux poutres apparentes de La Vagabonde était grande. Pourtant, elle semblait aussi exiguë que la chambre de Thom et Juilin. À cause de l’affluence ? Non, puisqu’il n’y avait que cinq personnes. En revanche, au-delà du cercle de lumière projeté par une lampe posée sur un tonneau, la plus vaste partie du sous-sol était plongée dans l’obscurité. Et l’allée qui permettait de se déplacer entre le mur et les rangées d’étagères n’était vraiment pas large… Mais ce n’était pas ça qui donnait une sensation d’étouffement…

— J’ai demandé ton aide, dit Joline, pas que tu me passes un nœud coulant autour du cou.

Après une dizaine de jours aux bons soins de maîtresse Anan – en dégustant la délicieuse cuisine d’Enid – l’Aes Sedai avait repris du poil de la bête. Sa tenue élimée mise au rebut, elle portait une jolie robe de laine bleue avec un peu de dentelle aux poignets et au col. Dans la lumière vacillante, le visage à demi dans l’ombre, elle semblait furieuse et foudroyait Mat du regard.

— Si quelque chose tourne mal, je serai sans défense.

Mat refusa de marcher dans cette arnaque-là ! On aide quelqu’un par compassion – enfin, en gros – et voilà ce qu’on obtient ? Très mécontent, il agita l’a’dam sous le nez de la sœur. Alors que la chaîne ondulait comme un serpent d’argent, le collier et le bracelet raclant sur le sol, Joline remonta l’ourlet de sa robe et recula pour que l’horrible artefact ne la touche pas. À voir son dégoût, il aurait pu s’agir pour de bon d’une vipère…

Mat étudia l’a’dam et se demanda si le collier n’était pas trop grand pour le cou mince de la sœur.

— Maîtresse Anan t’enlèvera le collier dès que nous serons sortis de la ville. Tu lui fais confiance, non ? En te cachant ici, elle risque sa tête. Une fois encore, je te répète que c’est le seul moyen !

Joline pointa le menton, obstinée. Agacée, maîtresse Anan marmonna entre ses dents.

— Elle ne veut pas porter ce truc, dit Fen dans le dos de Mat.

— Et si elle ne veut pas, renchérit Blaeric, elle ne le portera pas !

De caractères très différents, les deux Champions de Joline se ressemblaient pourtant comme deux gouttes d’eau sur les autres plans. Avec ses yeux inclinés noirs et son menton pointu, Fen était un peu plus petit que Blaeric et peut-être un rien plus costaud. Pourtant, ils auraient pu échanger leurs vêtements sans aucun problème. Alors que les longs cheveux noirs de Fen cascadaient sur ses épaules, ceux de Blaeric, beaucoup plus courts, étaient aussi légèrement plus clairs. Originaire du Shienar, Blaeric avait coupé son toupet et laissé pousser ses cheveux afin de passer inaperçu. À l’évidence, il n’aimait pas ça… Fils du Saldaea, Fen, lui, semblait ne rien aimer du tout – à part Joline. À dire vrai, tous les deux l’adoraient. Parlant, bougeant et pensant de la même façon, les deux Champions avaient revêtu une tenue d’humble travailleur. Cela dit, seul un aveugle les aurait pris pour une paire d’ouvriers…

Le jour, sur ordre de maîtresse Anan, ils travaillaient aux écuries. Pour l’heure, ils regardaient Mat comme des lions furieux qu’une chèvre ait osé les défier en leur montrant ses dents.

Mal à l’aise, le jeune flambeur se déplaça en quête d’un endroit où il ne verrait pas les deux hommes, même du coin de l’œil. Avec eux dans son espace vital, les multiples couteaux qu’il cachait sur lui ne parvenaient pas à le rassurer.

— Joline Maza, si tu ne veux pas écouter ce garçon, c’est à moi que tu vas avoir affaire.

Les poings sur les hanches, Setalle Anan se tourna vers l’Aes Sedai :

— Je veux que tu retournes à la Tour Blanche, et tant pis si je dois faire tout le chemin à pied en te poussant devant moi. Une balade qui te donnera peut-être l’occasion de me montrer ce que vaut une Aes Sedai. Ou au moins de me prouver que tu es adulte. Jusque-là, j’ai vu une novice qui pleurniche dans son lit ou pique des colères.

Joline écarquilla les yeux comme si elle n’arrivait pas à en croire ses oreilles. Mat douta lui aussi des siennes. En principe, les aubergistes ne sautaient pas à la gorge des Aes Sedai. Fen grogna et Blaeric marmonna quelques propos peu amènes.

— Tu n’auras pas besoin d’aller bien loin après avoir passé les portes, rappela Mat à Setalle – une diversion, pour leur épargner une nouvelle explosion de Joline. Pense seulement à garder la capuche de ton manteau relevée…

En plus du reste, Mat allait devoir trouver un de ces manteaux sophistiqués. Mais si Juilin était capable de voler un a’dam, un manteau ne devrait pas être un obstacle infranchissable.

— Si tu le fais, les gardes ne verront qu’une sul’dam comme les autres. Tu reviendras ici quelques heures plus tard, ni vu ni connu ! Sauf si tu t’entêtes à porter ton couteau de mariage.

Mat rit de sa propre plaisanterie, mais ce ne fut pas communicatif.

— Tu me vois rester dans une ville où les femmes sont traitées comme des chiennes parce qu’elles savent canaliser ? (Maîtresse Anan vint se camper devant Mat.) Et penses-tu que je partirais sans ma famille ?

Sous le regard de feu de l’aubergiste, Mat se sentit tout petit. Pour être franc, il ne s’était jamais posé la question. Bien entendu, il aurait été ravi que toutes les damane soient libres, mais pourquoi était-ce si important pour Setalle ? Quoi qu’il en soit, ça l’était.

Discrètement, la main de l’aubergiste glissa jusqu’au manche du couteau accroché à sa ceinture. À Ebou Dar, les gens étaient très susceptibles, et sur ce plan-là, Setalle n’avait rien à envier aux natifs.

— J’ai négocié la vente de La Vagabonde deux jours après l’arrivée des Seanchaniens – un délai qui m’a permis de les juger. J’aurais dû laisser l’établissement à Lydel Elonid depuis un moment, mais il n’apprécierait pas de trouver une Aes Sedai dans sa cave. Quand vous serez prêts à partir, je lui donnerai les clés et je filerai avec vous. Lydel s’impatiente !

Et mon or ? pensa Mat, indigné.

Lydel le laisserait-il récupérer le trésor caché sous le sol des cuisines ?

Pourtant, ce fut autre chose qui paniqua Mat.

La famille de maîtresse Anan ? Allait-il devoir chevaucher avec les fils, les filles, les conjoints, les petits-enfants, les cousins, les cousines, les oncles et les tantes ? Une ribambelle de gens ! Non, une horde ! Si Setalle n’était pas du coin, son mari y avait une multitude de parents…

Blaeric flanqua une grande claque dans le dos du jeune flambeur, qui en fut ébranlé jusqu’aux orteils. Il dévoila ses dents, espérant que le Champion prendrait ça pour un sourire reconnaissant.

Comme de juste, Blaeric ne broncha pas. Champions de malheur, maudites Aes Sedai et fichues aubergistes !

— Maîtresse Anan, dans mon plan, il n’y a pas de place pour un régiment.

Mat n’avait pas encore mentionné la ménagerie de Luca. Après tout, il restait un risque qu’il ne parvienne pas à convaincre le bonhomme. Et plus il aurait de gens avec lui, moins ce serait facile.

— Quand nous serons sortis, tu devrais revenir ici, et si tu veux vraiment partir, embarque sur un des bateaux de pêche de ton mari. Après avoir attendu quelques jours, si tu veux un conseil. Une dizaine, par exemple… Quand les Seanchaniens découvriront que deux damane ont filé, ils contrôleront de près les sorties…

— Deux ? grogna Joline. Teslyn et qui d’autre ?

Mat fit la grimace. Il n’avait pas délibérément lâché cette information… Avec Joline, il avait sur les bras une Aes Sedai irascible, colérique et capricieuse. Tout ce qui pouvait l’inciter à croire que l’évasion serait plus difficile que prévu risquait de l’inciter à pondre un plan farfelu de son cru. Une ânerie qui ruinerait ses propres projets…

Si elle tentait de fuir seule, Joline se ferait intercepter et elle se battrait. Avec le Pouvoir, bien entendu… Dès que les Seanchaniens sauraient qu’une Aes Sedai s’était cachée en ville – en quelque sorte sous leur nez – ils intensifieraient les recherches de marath’damane. En d’autres termes, ça signifierait des patrouilles en plus de celles qui traquaient déjà le « tueur fou ». Et un contrôle encore renforcé des portes.

— Teslyn et Edesina Azzedin, répondit enfin Mat.

— Edesina, répéta Joline, pensive. J’ai entendu dire que…

Quoi qu’elle ait entendu, la sœur décida de le garder pour elle.

— Les Seanchaniens détiennent-ils d’autres Aes Sedai ? Si Teslyn s’évade, je refuse de laisser ne serait-ce qu’une autre sœur entre leurs mains.

Mat dut faire un effort pour ne pas s’étrangler de nouveau. Colérique et irascible ? Certes, mais cette femme était aussi une lionne capable d’en remontrer à Fen et à Blaeric.

— Crois-moi, sauf si elle veut s’y incruster, je ne laisserai pas une seule Aes Sedai au « chenil ».

Joline restait capricieuse. Du coup, elle pouvait insister pour qu’ils libèrent les deux autres Aes Sedai – dont Pura, la convertie.

Mat n’aurait jamais dû s’acoquiner avec des sœurs ! Pour le savoir, il n’avait pas besoin de ses antiques souvenirs – les siens suffisaient, merci beaucoup !

D’un index d’acier, Fen taquina l’omoplate gauche du jeune flambeur.

— Ne lui parle pas sur ce ton ! lança-t-il.

— Et n’oublie pas à qui tu t’adresses ! ajouta Blaeric en torturant l’omoplate droite du pauvre Mat.

Joline exprima sa réprobation, mais sans trop insister.

Mat sentit quelque chose se nouer dans sa nuque – à peu près à l’endroit où un bourreau aurait frappé. Si les Aes Sedai jouaient volontiers de toutes les subtilités du langage, elles ne s’attendaient pas à ce qu’on fasse de même avec elle.

Mat se tourna vers l’aubergiste.

— Setalle, tu vois bien qu’un bateau de pêche serait la meilleure solution…

— C’est possible, coupa maîtresse Anan. L’ennui, c’est que Jasfer est parti il y a trois jours avec ses dix bateaux et tous nos parents. S’il faisait l’erreur de revenir, la guilde aurait deux mots à lui dire, vu qu’il n’a pas le droit de prendre des passagers. Tout ce petit monde accostera en Illian et m’y attendra. Je n’ai pas l’intention d’aller jusqu’à Tar Valon, en fait…

Cette fois, Mat ne put s’empêcher de faire la moue. Au cas où ça raterait avec Luca, il avait compté se rabattre sur la flotte de pêche de Jasfer Anan. Une option de secours dangereuse, cependant. Voire mortelle. Surtout de nuit, les sul’dam auraient sûrement voulu examiner à la loupe tout ordre expédiant des damane sur une embarcation de pêche. Malgré tout, il gardait depuis toujours cette possibilité en réserve. Eh bien, il allait devoir forcer la main à Luca – en lui tordant le bras, s’il fallait.

— Tu as laissé tes parents naviguer en cette saison ? s’écria Joline, incrédule. Au moment des pires tempêtes…

Le dos tourné à l’Aes Sedai, maîtresse Anan redressa fièrement la tête – mais ce n’était pas d’elle-même qu’elle était fière.

— S’il le fallait, Jasfer serait capable de naviguer au milieu des terribles cemaros de la mer des Tempêtes. Je lui fais confiance autant que tu te fies à tes Champions, sœur verte. Et peut-être plus.

Soudain pensive, Joline saisit la lampe et la souleva pour éclairer le visage de l’aubergiste.

— Nous sommes-nous déjà rencontrées ? Parfois, quand j’entends ta voix sans voir tes traits, elle me semble familière.

Au lieu de répondre, Setalle prit l’a’dam à Mat et joua avec le bracelet. Tout l’artefact était conçu de manière qu’on ne voie pas comment le collier et le bracelet pouvaient s’ouvrir.

— On devrait procéder à l’essai tout de suite, dit-elle.

— L’essai ? répéta Mat.

Setalle le foudroya du regard.

— N’importe quelle femme ne peut pas être une sul’dam. Tu devrais le savoir, jeune seigneur. J’espère pouvoir jouer ce rôle, mais autant ne pas attendre le dernier moment pour le découvrir.

Énervée par le bracelet qui refusait de s’ouvrir, Setalle le secoua un peu.

— Tu sais comment il s’ouvre ? Je ne vois même pas l’articulation…

— Oui, je sais, répondit Mat d’une petite voix.

La seule fois qu’il avait parlé de sul’dam et de damane avec des Seanchaniens, il avait été (prudemment) question de l’art de les utiliser dans une bataille. À part ça, le jeune homme n’avait jamais réfléchi au protocole de recrutement des sul’dam. Ses anciens souvenirs l’incitant à tout mesurer à l’aune de performances guerrières, il avait réfléchi à la façon de les combattre. Mais en choisir une, voilà qui le dépassait.

— Et mieux vaux essayer tout de suite.

Au lieu de… Par la Lumière !

Les fermoirs ne posèrent aucun problème à Mat, ceux du bracelet encore moins que les autres. L’astuce était d’appuyer aux bons endroits et avec la bonne force. Un jeu d’enfant, réalisable avec une seule main. En un éclair, le bracelet s’ouvrit en cliquetant.

Le collier résista un peu plus et l’obligea à utiliser les deux mains. Les posant des deux côtés de la fixation de la chaîne, Mat appuya puis fit un mouvement rotatif et tira sans relâcher sa pression. Rien d’apparent n’arriva, mais quand il tourna dans l’autre sens, le collier s’ouvrit à son tour avec un claquement plus fort que celui du bracelet.

Au palais, malgré l’aide apportée par Juilin – qui avait vu fonctionner l’artefact –, trouver le truc lui avait pris plus d’une heure. Ici, personne ne le félicita ni ne sembla remarquer qu’il avait réussi quelque chose qui n’était pas à la portée de tout le monde.

Après avoir mis le bracelet, Setalle tendit le collier à Joline, qui le regarda avec un profond dégoût.

— Tu veux t’enfuir ou non ? demanda l’aubergiste.

À contrecœur, Joline se redressa et tendit le cou. Setalle lui mit alors le collier, qui se révéla parfaitement à sa taille.

Joline eut l’ombre d’un rictus. Dans son dos, Mat sentit la tension des deux Champions. Lui-même anxieux, il retint son souffle.

Côte à côte, les deux femmes firent un pas, passant près de lui. Alors qu’il inspirait à fond, Joline plissa le front, perplexe. Puis Setalle et elle firent un autre pas.

L’Aes Sedai cria, s’écroula et fut prise de spasmes. Incapable de parler, elle se roula en boule, les bras, les jambes et même les doigts recroquevillés comme des serres.

Setalle s’agenouilla, les mains volant vers le collier, mais Blaeric et Fen furent plus rapides. Cependant, leur comportement fut des plus étranges.

Blaeric remit debout la pauvre Joline, qui gémissait doucement, et la serra contre sa poitrine en lui massant le cou – pourquoi pas, au fond ? Fen, lui, fit courir ses doigts sur les bras de la sœur.

Le collier s’ouvrit et Setalle, soulagée, s’assit sur les talons. Joline continuant à trembler et à gémir, ses Champions s’échinèrent à la masser comme si elle avait des crampes – en lançant des regards noirs à Mat, à croire qu’il était responsable de tout ça.

Alors que son plan génial partait en lambeaux devant ses yeux, le jeune flambeur se ficha comme d’une guigne des deux types. Et maintenant, que faire ? Par où commencer ? Et pour ne rien arranger, le retour de Tylin approchait. S’il n’était pas parti d’ici là…

En passant près de Setalle, il lui tapota l’épaule.

— Dis-lui que nous trouverons autre chose…, souffla-t-il.

Oui, mais quoi ? Visiblement, pour se servir d’un a’dam, il fallait avoir les aptitudes d’une sul’dam.

L’aubergiste le rattrapa au pied de l’escalier, dans la pénombre, alors qu’il récupérait son chapeau et son manteau. Un modèle en laine, sans broderies. Des chichis qui ne lui manqueraient pas – sans même parler de la dentelle !

— Tu as un autre plan ? demanda Setalle.

Sans lumière, Mat ne distinguait pas son visage, mais le bracelet brillait à son poignet.

— J’ai toujours un plan de rechange, mentit le jeune flambeur en libérant le poignet de son amie. Au moins, tu n’auras plus besoin de risquer ta tête. Dès que je t’aurai débarrassée de Joline, tu pourras aller rejoindre ton mari.

Setalle se contenta d’un grognement. Elle savait qu’il n’avait pas l’ombre d’un plan, devina Mat.

Soucieux d’éviter la salle commune bourrée de Seanchaniens, il sortit par les cuisines, traversa la cour des écuries et déboula sur l’esplanade Mol Hara. Avec ses habits sans fantaisie, il n’aurait certainement pas attiré l’attention des clients de Setalle. À son arrivée, ils l’avaient d’ailleurs pris pour un type effectuant une course au service de l’aubergiste. Mais parmi ces gens, il avait remarqué trois sul’dam, dont deux avec une damane. Craignant de plus en plus de devoir abandonner Teslyn et Edesina à leur sort, Mat n’avait aucune envie de voir des damane. Mais il avait seulement promis d’essayer, nom de nom !

Alors que le soleil tiédasse était encore haut dans le ciel, le vent marin gagna en force, annonçant de la pluie. À part une patrouille de Gardes de la Mort – des humains, pas des Ogiers –, tout le monde, sur l’esplanade, se hâtait pour être à l’intérieur avant qu’il commence à pleuvoir.

Quand Mat passa à côté de la statue de Nariene, la reine au sein nu, une main se posa sur son épaule.

— Sans tes vêtements excentriques, j’ai failli ne pas te reconnaître, Mat Cauthon.

Le jeune flambeur se retourna pour découvrir le so’jhin illianien qu’il avait aperçu le jour où Joline était (avec fracas) réapparue dans sa vie. Une coïncidence qui n’avait rien de plaisant… De plus, avec son crâne à moitié rasé et sa barbe, le type avait l’air bizarre. En manches de chemise, il frissonnait.

— On se connaît ? demanda Mat.

L’homme sourit.

— Et comment, mon garçon ! Naguère, tu as fait une traversée mémorable sur mon bateau – avec Shadar Logoth et des Trollocs à un bout, et à l’autre, un Myrddraal et Pont-Blanc en flammes. Bayle Domon, maître Cauthon. Tu me remets, à présent ?

— Oui, ça me revient…

Ce n’était pas tout à fait faux. Dans la tête de Mat, ce voyage était un vague souvenir plein de trous bouchés par les réminiscences d’autres hommes morts depuis des lustres.

— On devrait prendre un verre, un jour, et parler du bon vieux temps…

Mon gars, ne compte pas sur moi, si je te vois le premier, mais le dire n’engage à rien.

Ce que Mat gardait en mémoire de ce voyage était bizarrement déplaisant – comme le souvenir d’une maladie mortelle, ce qui avait quelque chose d’une offense à la logique. Cela dit, le jeune homme avait bel et bien été malade. Un autre souvenir peu agréable.

— On n’aura jamais de meilleure occasion, mon gars ! lança joyeusement Domon en passant un bras lourdement musclé autour des épaules de Mat.

Lui faisant faire demi-tour, il l’entraîna vers La Vagabonde.

Sauf à se battre, Mat n’avait aucun moyen de se défiler. Pour passer inaperçu, une bagarre de rues n’était pas l’idéal. De plus, face à un tel colosse, la victoire n’était pas garantie. Sous la graisse, Domon avait de sacrés muscles. En outre, boire un coup n’engageait vraiment à rien.

Ce Domon n’était-il pas plus ou moins un contrebandier ? Dans ce cas, il devait connaître quelques moyens de sortir discrètement d’Ebou Dar. À condition de l’interroger subtilement, ce type pouvait être une mine d’informations. Surtout après pas mal de vin…

Une belle bourse gonflait la poche de Mat. La vider pour soûler Domon ne lui posait aucun problème. Et l’alcool était bien connu pour délier les langues.

Entraînant toujours Mat, Domon entra dans l’auberge puis traversa la salle commune en saluant des membres du Sang et des officiers qui ne daignèrent pas lui répondre. Au lieu d’entrer dans les cuisines, où Enid leur aurait sans doute accordé un banc dans un coin, le capitaine s’engagea dans l’escalier. Pour prendre son manteau et sa veste ? Mat le crut jusqu’à ce que Domon le pousse dans une chambre.

Là, malgré une bonne flambée dans la cheminée, le jeune homme sentit son sang se glacer.

Après avoir fermé la porte, Domon se campa devant, les bras croisés.

— Je te présente dame Egeanin Tamarath, capitaine du vert. Très chère, lui, c’est Mat Cauthon.

Assise sur une chaise au dossier rembourré, le dos bien droit, Egeanin portait une jupe plissée jaune clair et une tunique imprimée. Mat la remit au premier coup d’œil. Une femme dure comme de l’acier, avec le même regard d’oiseau de proie que Tylin. Sauf qu’elle, ce n’était sûrement pas des baisers qu’elle cherchait. Sur ses mains fines, des cals d’escrimeuse en disaient long sur son passé.

Directe, elle ne laissa pas à Mat le loisir de demander à quoi rimait tout ça.

— Selon mon so’jhin, le danger est pour toi un vieux compagnon, dit-elle, son phrasé seanchanien traînant n’empêchant pas sa voix de vibrer d’autorité. Je cherche des hommes de ta trempe pour former un équipage, et je paie en pièces d’or, pas d’argent. Si tu connais des gars comme toi, je les engagerai. Mais ils devront tenir leur langue. Mes affaires sont mes affaires ! Bayle a mentionné deux autres noms : Thom Merrilin et Juilin Sandar. S’ils sont à Ebou Dar, leurs compétences m’intéressent. Ils me connaissent et savent que je suis digne de confiance. Pour toi aussi, maître Cauthon.

Mat se laissa tomber sur le deuxième siège de la chambre. Même en présence d’un membre du Sang inférieur – comme la coupe au bol et les auriculaires vernis en vert d’Egeanin l’indiquaient – il n’était pas censé s’asseoir, mais il avait besoin de réfléchir.

— Vous avez un navire ? demanda-t-il pour gagner du temps.

La Seanchanienne se rembrunit. Quand on posait une question à un membre du Sang, il fallait y mettre les formes…

Domon grogna et secoua la tête. Un moment, Egeanin parut encore plus mécontente, puis elle se détendit. Sans cesser de foudroyer Mat du regard, cependant…

Se levant, elle plaqua les poings sur ses hanches et dévisagea le jeune homme.

— J’aurai un bateau d’ici à la fin du printemps au plus tard, quand mon or aura été rapatrié de Cantorin.

Encore raté ! De toute façon, faire évader deux Aes Sedai sur le navire d’une Seanchanienne n’aurait pas été une très bonne idée.

— D’où connaissez-vous Thom et Juilin ?

Domon pouvait avoir parlé du trouvère à la Seanchanienne. Pas du pisteur de voleurs…

— Tu poses trop de questions, dit Egeanin en se retournant. Tu ne me serviras à rien, j’en ai peur… Bayle, flanque-le dehors !

Domon ne bougea pas d’un pouce.

— Dis-lui ! s’écria-t-il. Tôt ou tard, il faudra qu’il sache tout, sinon, il te mettra encore plus en danger. Dis-lui !

Même pour un so’jhin, Domon n’y allait pas avec le dos de la cuillère. En principe, les Seanchaniens exigeaient que les larbins restent à leur place. Pas que les larbins, d’ailleurs… Egeanin devait être moins stricte qu’elle en avait l’air.

Pourtant, elle foudroya du regard les deux hommes, comme si elle n’était pas du genre à supporter les fantaisies. Mais elle laissa assez vite tomber le masque.

— Thom et Juilin, je les ai un peu aidés à Tanchico. Comme les deux femmes qui étaient avec eux, Elayne Trakand et Nynaeve al’Meara.

La Seanchanienne guetta la réaction de Mat. Connaissait-il ces noms ?

Mat sentit quelque chose se serrer dans sa poitrine. Aucun rapport avec la douleur, cependant. Plutôt ce qu’on éprouve en voyant un cheval sur lequel on a misé débouler en tête dans la dernière ligne droite, mais avec une meute de concurrents à ses trousses. Pourquoi Nynaeve et Elayne étaient-elles allées à Tanchico ? Et comment avaient-elles pu avoir besoin de l’aide d’une Seanchanienne ? En l’obtenant, en plus ?

Thom et Juilin étaient restés muets sur le sujet. De toute façon, ça n’était pas pertinent. Egeanin voulait des gars capables de garder un secret et de braver le danger. Donc, elle était dans une situation périlleuse. Mais qui pouvait menacer un membre du Sang, à part… ?

— Les Chercheurs collent à vos… à tes basques, c’est ça ?

Egeanin releva la tête et sa main droite vola vers la poignée d’une épée qu’elle ne portait pas. Les yeux rivés sur Mat, Domon gonfla ses impressionnants biceps. Désormais, il n’avait plus l’air d’un larbin, mais d’un type très dangereux. Et assez déterminé pour que Mat ne soit plus sûr du tout de sortir vivant de cette chambre.

— Si tu veux fuir les Chercheurs, je peux t’aider, dit Mat. Pour ça, tu dois gagner un pays que les Seanchaniens ne contrôlent pas. Sinon, les Chercheurs finiront par te trouver.

» Le mieux, c’est de filer le plus tôt possible. Ton or ne vaut pas ta vie, et tu pourras en gagner après. À condition que les Chercheurs ne te coincent pas. Selon Thom, ils s’agitent beaucoup, ces temps-ci. Du genre faire chauffer leurs fers…

Un moment, Egeanin dévisagea Mat en silence. Puis elle échangea un long regard avec Domon.

— Partir aussitôt que possible serait peut-être bien…, soupira-t-elle.

Un moment de faiblesse. Le visage dur, elle reprit d’un ton très ferme :

— Les Chercheurs ne m’empêcheront pas de quitter la ville. En revanche, ils me suivront pour trouver quelque chose qui les intéresse bien plus que moi. Ils ne me lâcheront pas, et tant que je serai dans un pays contrôlé par les Rhyagelle, ils pourront m’arrêter. Ce qu’ils ne manqueront pas de faire si je m’approche d’une zone encore libre. C’est là que j’aurai besoin des compétences de ton ami Thom, Mat Cauthon. Au moment où je devrai disparaître de la vue des Chercheurs… Si je n’ai pas encore reçu l’or de Cantorin, j’en ai assez pour vous payer tous grassement. N’en doute pas un instant, maître Cauthon.

— Appelle-moi Mat, fit le jeune homme avec son plus beau sourire.

Même les dures à cuire fondaient quand il leur faisait ce coup-là. Et si Egeanin ne le montra pas – en fait, elle se rembrunit –, il ne douta pas d’avoir mis en plein dans le mille.

— Je sais comment te faire disparaître maintenant ! Inutile d’attendre… D’ailleurs, les Chercheurs pourraient décider de t’arrêter demain.

Encore un coup au but ! Egeanin ne broncha pas – ce n’était pas le genre de la maison – mais ne passa pas très loin d’acquiescer.

— Il y a cependant une chose, Egeanin…

Tout ça pouvait lui sauter à la figure, comme un des feux d’artifice d’Aludra, mais Mat n’hésita pas. Parfois, il fallait jeter les dés et croiser les doigts.

— Je n’ai pas besoin d’or, mais il me faut trois sul’dam capables de tenir leur langue. Tu peux me fournir ça ?

Après une petite éternité, Egeanin hocha la tête.

Intérieurement, Mat eut un grand sourire. Son cheval venait d’arriver premier.


— Domon…, lâcha Thom, les dents serrées sur le tuyau de sa pipe.

Étendu sur son lit, un oreiller plié en deux sous la tête, il semblait étudier avec intérêt le nuage de fumée bleue qui flottait dans la chambre.

— Et Egeanin…

— Devenue membre du Sang, ajouta Juilin, assis au bord de son lit, la pipe au bec. Je ne sais pas si j’aime beaucoup ça…

— Dois-je comprendre qu’on ne peut pas se fier à eux ? demanda Mat.

D’un index un peu trop enthousiaste, il tapota le tabac brûlant, dans le fourneau de sa pipe, puis lâcha un juron et porta le doigt à sa bouche pour humidifier la brûlure. Comme d’habitude, il avait dû se contenter du tabouret, mais pour une fois, ça ne le dérangeait pas.

Traiter avec Egeanin lui avait pris une petite partie de l’après-midi. Mais Thom n’était pas revenu au palais avant la tombée de la nuit, et Juilin avait tardé encore plus. Et aucun des deux hommes ne semblait ravi par ses nouvelles…

Sans enthousiasme, Thom avait juste annoncé qu’il avait enfin pu voir un des sceaux enregistrés par la garde. Juilin, lui, se rembrunissait chaque fois qu’il jetait un coup d’œil au ballot oublié dans un coin de la pièce. Bon, ils n’avaient plus besoin de robes de sul’dam. Une raison pour faire la tête ?

— Croyez-moi, tous les deux, ils ont une peur bleue des Chercheurs, reprit Mat quand son index ne lui fit plus mal.

C’était peut-être un peu exagéré comme expression, mais ils n’en menaient pas large…

— Du Sang ou pas, Egeanin n’a pas tiqué quand je lui ai dit pourquoi il nous faut des sul’dam. Simplement, elle a précisé en connaître trois qui marcheront dans le coup – dès demain, en plus de tout !

— Une femme d’honneur, cette Egeanin…, fit Thom entre deux ronds de fumée. Étrange, c’est vrai, mais c’est une Seanchanienne… Elayne l’a prise en sympathie et même Nynaeve a surmonté ses préjugés. Leur relation était réciproque, tu sais… Même si elle les prenait pour des Aes Sedai… À Tanchico, elle nous a beaucoup aidés. Parce qu’elle est rudement compétente… Je donnerais cher pour savoir comment elle a accédé au Sang – cela dit, je la crois fiable. Pareil pour Domon. Un type intéressant…

— Un contrebandier, marmonna Juilin. Et maintenant, il appartient à cette femme. Mais un so’jhin n’est pas un esclave. Certains dictent leur comportement aux membres du Sang.

Thom leva un sourcil à l’intention de son compagnon, qui haussa les épaules.

— Oui, je suppose qu’il est digne de confiance… Pour un contrebandier !

Mat eut un soupir agacé. Pour se montrer si contrariants, ces deux-là devaient être jaloux. Mais lui, il était un ta’veren, et ils allaient devoir vivre avec ça.

— Donc, récapitula-t-il, on fiche le camp demain soir ! La seule modification au plan, c’est que nous avons trois sul’dam et une femme du Sang pour nous aider à franchir les portes.

— Ces sul’dam vont faire sortir trois Aes Sedai, revenir ici et ne jamais songer à donner l’alerte ? (Juilin soupira.) Un jour, alors que Rand al’Thor était à Tear, j’ai vu une pièce atterrir sur la tranche cinq fois de suite. Finalement, on est partis en la laissant sur la table. La preuve que tout peut arriver, j’imagine…

— Juilin, grogna Mat, ou tu leur fais confiance, ou tu te méfies d’eux…

De nouveau, le pisteur de voleurs regarda le ballot. Horripilé, Mat secoua la tête.

— Thom, qu’ont-ils fait pour vous aider, à Tanchico ? Par le sang et les cendres ! cessez de me regarder avec vos grands yeux bovins ! Vous savez, ils savent, et il faut que je sache aussi.

— Nynaeve nous a dit de n’en parler à personne, déclara Juilin comme si c’était important. Elayne aussi. Nous avons promis. Prêté serment, en quelque sorte…

Sur son oreiller, Thom secoua la tête.

— Parfois, nécessité fait loi, Juilin… Et non, ce n’était pas un serment…

Le trouvère exhala trois ronds de fumée parfaits.

— Mat, ils nous ont aidés à nous approprier et à mettre hors circuit une sorte d’a’dam destiné aux hommes. Si j’ai bien compris, l’Ajah Noir comptait l’utiliser sur Rand. Vous comprenez pourquoi Elayne et Nynaeve nous ont demandé de garder le silence. S’il devenait notoire que de tels artefacts existent, des histoires délirantes se répandraient partout.

— Qui se soucie des histoires ?

Un a’dam destiné aux hommes ? Si l’Ajah Noir avait mis ce truc autour du cou de Rand, ou si les Seanchaniens…

Les couleurs revenant à l’attaque, Mat se força à ne plus penser à Rand.

— Les histoires ne tueront… hum… personne.

Pas de couleurs ! Rien à craindre tant qu’il ne pensait pas à… Et voilà, encore des couleurs !

— C’est faux, Mat, dit Thom. Les histoires ont du pouvoir. Les récits des trouvères, les ballades des bardes et les rumeurs, même combat ! Ces fictions éveillent les passions et changent la vision du monde des gens. Aujourd’hui, j’ai entendu un homme dire que Rand a juré fidélité à Elaida et qu’il est à la Tour Blanche. Ce type y croyait dur comme fer, Mat. Que se passera-t-il si beaucoup de Teariens y croient aussi ? Les Teariens abominent les Aes Sedai. Pas vrai, Juilin ?

— Certains, oui… Enfin, presque tous, c’est vrai. Mais très peu d’entre nous ont rencontré des sœurs – enfin, en le sachant. Avec la loi qui leur interdisait de canaliser, très peu d’Aes Sedai venaient chez nous – et sans crier leur identité sur tous les toits.

— Ce n’est pas pertinent, très cher Tearien ami des Aes Sedai. Je dirais même que ça renforce mes arguments. Les Teariens soutiennent Rand – les nobles, en tout cas – parce qu’ils craignent son retour. Mais s’ils pensent que la Tour Blanche le retient, donc qu’il ne reviendra pas… Et s’ils le prennent pour un pantin de la tour, ça leur fera une raison de plus de le lâcher. Si assez de Teariens croient ces fadaises, Rand aura tout aussi bien fait de quitter Tear après avoir arraché Callandor de la pierre… Ce n’est qu’une rumeur, et je n’ai parlé que de Tear, mais elle pourrait faire des dégâts au Cairhien, en Illian et partout ailleurs. Dans un monde où évoluent le Dragon Réincarné et des Asha’man, j’ignore quel genre de récits peut faire naître un a’dam pour hommes, et je ne veux surtout pas avoir l’occasion de le découvrir.

En un sens, Mat comprit ce que voulait dire le trouvère. Un stratège désirait toujours laisser croire à ses ennemis qu’il faisait autre chose que ce qu’il faisait en réalité – ou qu’il allait ailleurs que sa véritable destination. S’ils n’étaient pas abrutis, les types d’en face tentaient de lui faire le même coup. Parfois, une telle confusion finissait par régner dans les deux camps que des événements étranges se produisaient. Des cités brûlaient alors que personne n’avait intérêt à les détruire – sauf les incendiaires, qui pensaient à tort le contraire – et des milliers de gens mouraient pour rien. Ou on détruisait des récoltes, toujours sans raison, et la famine consécutive faisait un massacre.

— Moi, je ne tiens pas à me casser la tête à cause de cet a’dam. J’imagine que quelqu’un a pensé à prévenir… le principal intéressé.

Les couleurs tourbillonnèrent. Mat se demanda s’il pouvait les ignorer, voire s’y habituer. Elles disparaissaient très vite et ne lui faisaient aucun mal. Mais il détestait tout ce qu’il ne comprenait pas. Surtout quand c’était lié au Pouvoir. La tête de renard, autour de son cou, le protégeait du Pouvoir, mais cette défense, comme sa mémoire, était constellée de trous.

— Nous ne sommes pas en rapport avec Rand, répondit sèchement Thom. Si elles pensent que c’est important, Nynaeve et Elayne ont dû trouver un moyen de l’avertir.

— Pourquoi devraient-elles le faire ? demanda Juilin.

Avec un grognement, il se pencha pour retirer une de ses bottes.

— Ce truc est au fond de la mer, à présent.

Toujours morose, il jeta la botte sur le ballot maudit.

— Vas-tu enfin nous laisser dormir cette nuit, Mat ? Demain, je doute que nous en ayons l’occasion, et j’aime bien me reposer au moins un jour sur deux.

Ce soir-là, Mat choisit le lit royal. Pas en souvenir du bon vieux temps – une idée qui le fit éclater d’un rire si faux qu’il en eut le moral sabordé. Simplement, un bon matelas de plume et des oreillers douillets ne se refusaient pas lorsqu’on ignorait où on dormirait les jours suivants.

L’ennui, c’est qu’il ne put pas fermer l’œil. Étendu dans le noir, un bras sous la tête, il tenait dans l’autre la lanière de son médaillon, prêt à le brandir si le gholam se glissait dans la pièce en passant sous la porte.

Mais le tueur n’avait rien à voir avec son insomnie. Dans sa tête, le plan tournait en boucle. Un bon plan, et aussi simple que possible, étant donné les circonstances. Sauf que… Aucune bataille ne se déroulait selon le plan, si brillant fût-il. Les grands capitaines ne devaient pas leur réputation à leurs talents de planificateurs, mais au génie de l’improvisation leur permettant de vaincre même quand tous leurs plans se cassaient la figure.

Du coup, quand l’aube arriva, elle trouva le jeune flambeur en train de se demander pour la centième fois ce qui pouvait mal tourner dans cette affaire.


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