Chapitre X

— C’est ici, annonça Wild Bill Hodges.

La maison de Festus M’Bompa ne payait pas de mine. De la tôle ondulée, du pisé, de l’argile pisseux, des poulets qui picoraient autour d’un Mercedes flambant neuf, signe de prospérité. Le deux hommes émergèrent de la 505. Bill Hodges avait son visage des mauvais jours, les tache rouges de son visage ressortant encore plus.

Une porte ouvrait sur une cuisine d’une saleté repoussante, encombrée de vaisselle sale. Hodges tapota la tête d’un petit Noir en train de faire mollement le ménage.

— Où le chef M’Bompa ?

— Il dort, patron.

— Va le réveiller. On l’attend dans le living-room.

Ils pénétrèrent dans une grande pièce au désordre épouvantable. Ils s’installèrent dans de vieux canapés et Wild Bill rafla une bouteille de J & B pour s’en verser une généreuse rasade.

— Vous le connaissez ? demanda Malko.

— On a fait deux ou trois affaires ensemble… fit évasivement l’Irlandais. C’est un des plus pourris.

Ils attendirent dix minutes avant qu’un être pachydermique pénètre dans la pièce. Un Noir énorme dont les yeux disparaissaient sous des bourrelets de graisse, avec une barbiche grise, des cuisses comme des jambons… Il avait une tenue Mao presque de la même couleur que sa peau, ce qui lui donnait l’air d’être nu.

Il adressa un sourire radieux à l’Irlandais.

— On a fait la fête hier soir ! expliqua-t-il. C’est un peu le désordre. Comment va la famille ?

— Ça va, fit l’Irlandais.

Pendant quelques minutes, ils échangèrent des banalités à l’africaine, puis M’Bompa se servit une bonne rasade de J & B et sembla s’assoupir dans son fauteuil aux ressorts écrasés. Bill Hodges le houspilla aussitôt.

— Hier, tu as vu un de mes amis, fit-il. Eddie Connolly.

Festus M’Bompa leva fugitivement une lourde paupière de saurien.

— Eddie ? Non.

Bill Hodges ne se troubla pas. Se penchant, il prit dans sa sacoche un vieux P. 08 Mauser, au canon long comme la Tour Eiffel, dont il arma le chien avec un claquement sec. Il posa l’arme sur ses genoux, le canon tourné vers son hôte.

— Festus, fit-il, tu me connais. Je suis sérieux quand je parle business. Or, ça, c’est du business. Ne me dis pas que tu n’as pas peur. Parce que tu as peur. Je suis prêt à truffer ta grosse panse de tout le chargeur de ce machin.

Festus M’Bompa, totalement réveillé, se redressa et dit d’une voix aigué, comme celle des Noirs quand ils sont sous le coup d’une émotion violente :

— Bill !, je suis ton ami, tu sais bien.

— Je sais, Festus, alors je te repose ma question.

Silence de mort.

Le Noir semblait être retombé dans sa torpeur.

La détonation fit sursauter Malko. En dépit de son poids, Festus M’Bompa avait bondi hors de son fauteuil. Sans se déplacer, Bill Hodges avait tiré une balle dans le mur, qui n’avait pas dû passer vraiment loin de sa tête…

L’ancien ministre retomba sur son siège et glapit :

— Bill, tu es fou. Oui, je l’ai vu ton copain. Et alors ? Ce sont mes affaires.

— Festus, fit calmement Bill Hodges. Eddie Connolly est mort. Salement. Et je voudrais savoir qui l’a tué.

— Il est mort ?

— Oui.

L’Irlandais lui expliqua avec des détails précis ce qu’on avait trouvé à la station Texaco. Festus M’Bompa avait viré au gris.

— Mais je n’y suis pour rien, Bill, je te jure.

Le petit Noir qui avait passé la tête, affolé par le coup de feu, disparut, rassuré de voir ces gentlemen bavarder paisiblement…

— Et tu le voyais pour quoi, Eddie ? continua l’irlandais.

Cette fois, la réponse vint plus vite. Il faut dire que le canon du P. 08 était braqué directement sur l’estomac de l’ancien ministre. Celui-ci but encore une rasade de J & B avant de répondre d’une voix étranglée :

— Il voulait savoir quelque chose.

— Quoi ?

Cela avait claqué comme une balle de pistolet. M’Bompa roula des yeux blancs avant de soupirer :

— Quelque chose que je n’ai pas pu lui dire…

Il lut une telle menace dans les yeux de l’Irlandais qu’il se hâta d’ajouter :

— Ce n’est pas grand-chose. Tu sais, quand on quitte le pays, il faut donner un certificat attestant qu’on a payé ses impôts. C’est très long à obtenir il faut backchicher…

— Or, toi, tu as gardé des amis à l’Immigration Office, remarqua l’Irlandais. Alors, que voulait-il savoir, Eddie ?

L’ancien ministre de l’intérieur remua dans son fauteuil, mal à l’aise.

— Il m’a parlé de deux hommes qui voulaient quitter le pays avec des faux papiers. Ils avaient déjà les passeports ; mais il leur manquait les certificats. Quelqu’un lui avait dit que je devais les leur procurer.

Et c’était vrai ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Sur les certificats, il y a le nom du bénéficiaire et le numéro de son passeport.

Malko était obligé de tendre l’oreille tant le Noir parlait d’une voix étouffée. Il touchait au but.

— Eh bien, fit Bill Hodges, bonhomme, tu vas nous donner ces noms et nous serons quittes. Puisque Eddie n’est plus là pour nous renseigner.

Festus M’Bompa se tassa encore un peu plus.

— Je n’avais pas pu lui donner satisfaction, murmura-t-il. Celui qui me les avait demandé avait exigé que les noms restent en blanc. Bien sûr, cela avait coûté un peu plus cher.

Ses yeux allaient de Bill à Malko, comme pour s’assurer qu’ils le croyaient. Toute l’excitation de Malko tomba d’un coup. Une fois de plus, il se heurtait à un mur.

Un ange passa. Le pauvre Eddie Connolly était mort pour rien… Mais il était sur la bonne piste. Bill Hodges se pencha vers la table et but à son tour un peu de whisky. Malko observait la scène, fasciné. Tout le mécanisme de l’opération se met tait en place sous ses yeux. L’irlandais reposa la bouteille de J & B et dit d’une voix trop douce :

— La dernière question, Festus. C’était pour qui, ces certificats ?

L’ancien ministre se recroquevilla, les mains sur son ventre, comme pour se protéger de la balle qui allait jaillir du P. 08. Il secoua la tête, marmonnant pour lui tout seul et dit finalement d’une voix suppliante, brisée, pitoyable.

— Bill, ne me demande pas, je t’en prie.

— C’était Labaki, fit Malko. Karim Labaki.

Le Noir tourna brusquement la tête vers lui, une lueur terrifiée dans ses gros yeux. De la sueur coulait sur son front. Il semblait souffrir physiquement. Il avala sa salive, émit une sorte de gémissement et croassa :

— Je ne vous ai rien dit, je ne vous ai rien dit. Partez maintenant.

Il faisait pitié. Bill Hodges se leva, remettant son pistolet dans sa sacoche. Le Noir s’arracha à son fauteuil. Ses jambes énormes semblaient avoir du mal à le soutenir.

— Une toute dernière question, fit l’irlandais. Quand tu as quitté Eddie, où allait-il ?

M’Bompa balbutia.

— Il m’a dit qu’il allait acheter du café.

— Il est parti à pied ?

— Oui.

Ils sortirent, laissant l’ancien ministre décomposé. Assis dans la 505, ils firent le point.

— C’est clair, fit Malko. On a besoin de ces certificats seulement si on a un passeport sierra-leonais ou si on est résident. Labaki a dû se procurer deux passeports pour les deux terroristes et il lui fallait les papiers qui allaient avec. Pour qu’ils se fassent passer pour des Libanais résidant ici. Ce n’est pas seulement pour sortir de Sierra Leone. Ils avaient besoin d’une nouvelle identité pour ce qu’ils vont tenter. Ce qui est important maintenant, c’est de savoir où ils vont aller.

Machinalement, il avait repris la direction du centre. Bill Hodges bâilla à se décrocher la mâchoire.

— Vous avez fichtrement raison. Mais pour l’instant j’ai faim. Si on allait manger des mezzés au Gem ?

— C’est une bonne idée, dit Malko.

Il broyait du noir. Au point mort, une fois de plus. Il avait, certes, découvert où se cachaient les deux Chiites manipulés par les Iraniens, savait qu’ils se préparaient à quitter la Sierre Leone, mais c’était tout. Aucune indication sur leur nouvelle identité, leur destination et leur objectif.

À peine sortis de la voiture dans Rawdon Street, ils furent assaillis par une horde de gamins et de fillettes, des cuvettes en équilibre sur la tête, pleines de patates douces, de poissons, de fruits, de cigarettes…

Une splendide Noire passa près d’eux en balançant des hanches de reine, trois dorades calées sur ses nattes.

L’intérieur du Gem était délicieusement frais et sombre. Peu de gens. Ils prirent place sous un tableau représentant Baalbeck au temps heureux où il n’y avait pas d’Iraniens. Les murs disparaissaient sous les représentations d’un Liban qui n’existait plus depuis longtemps.

Pathétique.

Le patron, un gros Libanais chiite et onctueux, vint les saluer avec respect et houspilla le boy pour qu’ils aient leur Star rapidement. Bill Hodges se pencha vers Malko.

— Labaki possède toutes les boutiques de cette rue…

À côté d’eux, quatre Noirs cravatés, en veston, s’empiffraient gravement de mézés. Au bar, un blond, les cheveux serrés en catogan, déprimait devant un verre vide. Bill but sa bière d’un coup et dit à voix basse :

— C’est ici que tout se passe. Les trafics, les dénonciations, les faux papiers, le marché noir. Si vous voulez des leones, c’est ici, pas à la Barclays.

La caissière était en train de trier des monceaux de billets crasseux qu’elle réunissait en liasses énormes ficelées avec des élastiques. Chaque petite brique ne valant que cent cinquante francs au meilleur cours… Malko allait attaquer ses mézés lorsqu’un nouveau venu écarta la porte battante. Il eut un choc au cœur. C’était le Noir armé qui l’avait suivi une fois… Il passa près de leur table et alla s’installer dans une encoignure au fond de la salle. Malko se pencha vers Bill Hodges :

— Vous le connaissez ?

— Sûr ! fit l’irlandais, c’est un flic du CID. Spécialiste de l’escorte des marchands de diamants. Il émarge aussi au budget de Labaki. Il est très fier parce qu’il a suivi les cours de tir du FBI. Il est toujours armé d’un 347 Magnum. Mais je le prendrais même les yeux bandés…

— Il m’a suivi.

— Pour Labaki, sûrement.

L’homme au catogan glissa de son tabouret, échangea quelques mots à voix basse avec le patron qui, visiblement, lui refusa quelque chose. Bill Hodges ricana.

— Vous voyez ce type ? C’est un Italien, il vient d’être viré du casino Bitumani. Il n’a plus un rond, mais une femme superbe. Le patron veut la lui acheter. Alors, il fait monter les enchères.

L’italien sortit. Bill Hodges acheva son chawerma et leva ses yeux plissés vers Malko.

— Qu’est-ce qu’on va faire ?

Bonne question. Malko avait l’impression de se heurter à un mur de coton sanglant. Eddie Connolly disparu, il ne lui restait que Bill Hodges et Rugi. L’irlandais ne pouvait guère servir que pour une action ponctuelle et violente. Quant à Rugi, il avait beau se creuser la tête, il ne savait pas quoi tirer d’elle.

La mission de Malko était de mettre préventivement hors d’état de nuire un commando chiite libanais. À moins de prendre d’assaut la maison de Karim Labaki, il ne voyait pas comment. Pas question de compter sur les autorités officielles. La réaction de Sheka Songu avait été significative. Même si le gouvernement de Sierre Leone n’aimait pas les Iraniens, il les couvrait pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec la politique.

— Je dois réfléchir, avoua-t-il à Bill Hodges.

L’irlandais soupira en se curant les dents.

Retaliate[33] ! conseilla-t-il. Payez-vous un iranien ou un Libanais. Pour leur faire comprendre qu’on parle business.

— Cela n’avancera à rien, dit Malko. Mon but est d’éliminer ces deux terroristes, pas de déclarer la guerre aux Chiites.

— Alors, faisons-nous Labaki et ses zozos, proposa Hodges. J’ai le matériel qu’il faut.

— Il a déjà peut-être évacué ces deux Chiites, objecta Malko. Il faut trouver une solution plus sophistiquée.

Bill Hodges eut une grimace méprisante qui abaissa les coins de sa bouche, signifiant que la sophistication n’était pas sa tasse de thé.

— Je prendrai une décision d’ici ce soir, promit Malko.

Ils terminèrent par un café turc infect et replongèrent dans la fournaise. Malko, obsédé par les iraniens, voulut aller devant leur centre culturel. Sans idée précise. En remontant Howes Street, il aperçut, garée devant le Centre Culturel, une Mercedes avec une plaque bleue diplomatique IR. Le chauffeur tenait la portière ouverte.

Au moment où la 505 de Malko passait devant, un homme en costume gris, sans cravate, mal rasé, émergea du Centre Culturel, escorté par plusieurs Noirs lui exprimant la plus grande servilité. Un petit Noir gros comme un tonneau lui baisa la main lorsqu’il entra dans la Mercedes.

— Tiens, c’est Hussein Forugi, le patron du Centre Culturel, remarqua l’Irlandais.

Le regard de l’iranien croisa celui de Malko au moment où il remontait dans sa voiture et s’y attarda une seconde. L’avait-il reconnu ? La Mercedes démarra, se frayant un chemin à grands coups de klaxon, faisant s’envoler les vautours… Malko tourna dans Garrisson Street, plongé dans ses pensées. La vue de l’Iranien avait déclenché l’amorce de l’amorce d’une idée dans sa tête. Wild Bill Hodges fixa sa montre avec ostentation.

— Faut que je retourne à Lakka. Je ne veux pas laisser Yassira seule trop longtemps, dit-il. Avec ces enfoirés de Libanais…

Malko déposa l’irlandais au Mammy Yoko où il avait laissé sa Range et repartit aussitôt. Direction le village de l’OUA.


* * *

Cette fois, une blonde charnue tenait la caisse, vêtue d’une mini à damner tous les Libanais et d’un haut transparent. Le supermarché était vide. Malko se pencha vers elle :

— Wael est là ?

— Au fond. Vous venez livrer le container ?

— C’est ça, fit Malko.

Il traversa le magasin et frappa à la porte du petit bureau. Wael Afner, vêtu de la même combinaison, déplia sa grande taille, les yeux pétillants de joie. Un gros brun musculeux s’esquiva sans un mot.

— Mon opérateur radio, commenta l’Israélien. Un as. Il passe sa vie à écouter les Libanais. Il parle mieux l’arabe que l’hébreu… (Son sourire s’accentua.) J’ai appris par la rumeur publique que tout ne va pas au mieux pour vous. Je vous avais prévenu.

— Qui vous l’a dit ?

— La radio, dit Wael Afner. Les Libanais parlent beaucoup… Et notre ami Labaki n’agit pas seul.

— Vous avez appris autre chose ?

L’homme du Mossad grignota un morceau de saucisson kascher.

— Oui, vos deux types sont sur le point de partir. L’ordre est venu de Téhéran. Il s’est passé quelque chose dimanche qui conditionnait leur opération. Une action menée par un des hommes de Karim Labaki. Son nom de code est King Kong.

Cela pouvait s’appliquer à Eya Karemba…

— Vous n’avez pas plus de détails ? demanda Malko.

L’Israélien secoua la tête.

— Non, ces types ne sont pas des fous. Ils parlent par allusions. C’est plus difficile à déchiffrer qu’un code. Il n’y a pas de repères. Ils ont beaucoup bavardé avec un Iranien qui a comme code Alpha 4 HI à Beyrouth sud. Ils sont très excités à propos de cette opération. Ils disent que les USA vont pleurer des larmes de sang, qu’ils seront vengés de leurs affronts du golfe Persique. Bien sûr, il faut faire la part de la rhétorique, mais quand même, c’est inquiétant.

— Que dit-on chez vous ?

Wael Afner haussa les épaules.

— Pas vraiment concernés. Je fais cela pour vous rendre service. Mon job, ici, c’est de m’implanter et de contrer l’influence chiite. Pas de jouer aux petits soldats. Les tanks et les Uzi, j’en ai ma claque. Mais si vous ne vous activez pas, cela risque de vous péter à la gueule.

Le gros brun passa la tête par l’entrebâillement de la porte et lança une phrase en hébreu.

Wael Afner déplia sa haute taille et serra la main de Malko.

— Désolé, on a du boulot. Take care. Et si vous voulez de la bonne charcuterie non kascher, venez par ici.

Malko reprit la 505, perplexe. Qu’avait pu faire Eya Karemba le dimanche précédent ? Qui allait le renseigner ? Et surtout, comment arrêter la machine infernale ?


* * *

Jim Dexter faisait tourner un crayon pensivement entre ses doigts. La clim’ de nouveau en panne, il régnait une chaleur intenable dans son bureau.

— J’envoie un message urgent « eyes only » au DDO, dit-il. Avant de prendre des mesures drastiques de représailles sur ce territoire, je veux m’assurer que cela entre dans le cadre prévu par le « finding » du Président. Je vais aussi checker la crédibilité de votre informateur du Mossad. Nous avons eu parfois de mauvaises surprises avec eux…

Malko avait décidé de lui révéler sa source secrète. L’heure n’était plus aux cachotteries. Mais, comme toujours, la bureaucratie avait son mot à dire.

— Quand aurez-vous une réponse ? demanda l’Américain consulta sa montre.

— Si les télex passent bien, et si le DDO est là, on saura avant ce soir.

— Autre question, dit Malko. Est-il possible de savoir ce qu’a fait Eya Karemba, dimanche ?

Jim Dexter leva les yeux au ciel.

— À moins de le lui demander…

— Et Songu ?

— Il ne sait pas toujours ce que font ses hommes. Mais je peux essayer. Retrouvons-nous ici, tout à l’heure.

Malko replongea dans la fournaise, sans plaisir. Il avait trois heures à perdre dans cette ville puante et humide. Aussi décida-t-il de retourner au Mammy Yoko.


* * *

Un Libanais huileux comptait ostensiblement des liasses de leones en jetant des coups d’œil sournois à une serveuse sculpturale qui l’observait avec dignité. La liasse qu’il avait en main représentait six mois de son salaire. Malko n’arrivait pas à se détendre. Dans sa sacoche se trouvait le Colt 45, une balle dans le canon, sans même le cran de sûreté. Il s’était mis face à la porte donnant dans le lobby de l’hôtel… Trois ou quatre femmes en maillot s’ébattaient sur le ciment déguisé en gazon qui entourait la piscine.

Le grondement d’un hélicoptère lui fit lever la tête. Un des appareils se posait derrière l’hôtel. Lui rappelant à quel point il était facile de sortir de Sierra Leone : la compagnie appartenait à Labaki. Il replongea dans ses pensées. Échafaudant un plan basé sur un certain nombre de « si », mais il n’avait guère le choix.

Il allait se lever pour repartir quand une somptueuse silhouette apparut à l’entrée de la piscine.

Rugi.

Celle qu’il voulait justement joindre !

La jeune Noire arborait une robe hyper courte en jersey blanc qui moulait ses formes de façon ultra provocante. Le regard dissimulé derrière des lunettes noires faisait très star. Le Libanais faillit en avaler ses billets. Rugi se dirigea vers Malko d’une démarche pleine de sensualité.

— Malko ! Comment ça va ?

Elle s’assit sur le rebord de la chaise-longue, découvrant ses cuisses café au lait, le regard humide. Le jersey dessinait deux seins aigus aux larges pointes qui semblaient défier Malko.

— Bien, dit-il. Je voulais vous voir. Et vous ?

Elle sourit.

— Je m’occupe d’un ballet folklorique, ce n’est pas très amusant. Et ensuite, je retournerai en Europe. La vie en Sierra Leone est vraiment trop difficile. Est-ce que vous avez revu Bambé ?

— Non.

— Vous lui plaisez beaucoup, dit-elle. Elle me l’a dit. C’est une gentille fille. Avec un dîner et un gara, vous vous l’attachez.

— J’aimerais mieux vous attacher, fit Malko, la regardant droit dans les yeux.

— Cela vous coûterait plus qu’un gara. Le ton était un peu agressif, mais les yeux et la bouche souriaient.

Malko sauta sur l’occasion.

— En attendant le gara, voulez-vous dîner avec moi ? J’ai une idée dont je voudrais vous parler.

Elle fit semblant d’hésiter puis lança :

— Oui, mais je n’aurai pas le temps de me changer. J’habite à Kissy, à l’autre bout de la ville et je n’ai pas d’essence.

— Vous êtes superbe comme ça.

— Bien ! dit-elle, je vais aller me donner un coup de peigne chez le coiffeur. Pour être présentable. Je vous retrouve ici, vers neuf heures…

— OK, si vous êtes en retard, prévenez-moi.

— Je serai là !

Le Libanais manqua avaler ses lunettes en suivant le balancement de ses hanches, avant de jeter un regard de haine à Malko. Celui-ci se leva. Cette rencontre lui avait remonté le moral. Il ne restait plus qu’à recueillir la réponse de Langley.


* * *

Jim Dexter referma avec soin la porte de son bureau. Il avait un papier à la main qu’il posa avant de se tourner vers Malko.

— C’est OK, dit-il d’une voix un peu solennelle. Vous avez le feu vert pour liquider ces salauds. Même s’il doit y avoir de la casse politique.

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