À la lumière molle des torches, le sombre palais Farnèse prenait une drôle d’allure. Tibère le regardait bouger en se laissant bousculer par la foule humide. Il avait dansé sans s’interrompre depuis trois heures et il avait les cuisses douloureuses. Il n’avait encore aperçu aucune créature renversante et il commençait à désespérer de la vie. Un verre dans chaque main, il cherchait ses deux amis qu’il avait perdus de vue depuis un bon moment. Il entendit soudain la voix de tribun de Néron qui déclamait que l’École Française brûlerait ce soir, que ce serait le palais Fournaise. Il y eut des hurlements de rire. Tibère leva les yeux au ciel. Un jour, ce cinglé de Néron finirait par foutre le feu quelque part, ça ne faisait pas de doute. Tibère l’attrapa par l’épaule.
— Dis-moi, l’amuseur public, tu n’as pas vu Claude ? Je viens de croiser son père. Il est là, il le cherche depuis une heure.
— Par là-bas, gueula Néron. Il est dans la petite rue, encadré de trois femmes faciles.
— Va le chercher, veux-tu ? Je retourne prévenir Henri.
Il y avait de l’agitation près des réserves de vin. On allait ramasser pas mal de corps demain matin. Tibère éleva ses verres au-dessus de sa tête et poussa pour se faire un passage jusqu’à Henri Valhubert.
Quelques minutes plus tard, il arrêtait violemment Claude qui arrivait en se recoiffant du plat de la main.
— Ne va pas plus loin, Claude, je t’en prie, dit Tibère dans un souffle.
— Mon père est par là ?
— Ton père est derrière moi. Il est par terre. Il est mort.
Tibère jeta ses verres pour retenir Claude des deux bras.
— Aide-moi, Néron, appela Tibère en criant d’une voix cassée, Claude s’effondre.