12

— C’est Hoppy qui a tué l’homme aux lunettes de Bolinas, dit Bill à sa sœur. Et il a encore l’intention de tuer quelqu’un, et puis après je ne peux pas te dire, mais ce sera encore quelque chose d’analogue.

Sa sœur jouait à « Caillou, ciseaux et papier » avec trois autres enfants. Elle s’arrêta, se leva d’un bond et courut jusqu’à la limite du terrain de l’école pour être seule avec Bill.

— Comment le sais-tu ? fit-elle, curieuse.

— Parce que j’ai bavardé avec Mr Blaine, répondit Bill. Il est en bas, en dessous, maintenant, et il y en a d’autres qui vont arriver. Je voudrais sortir pour faire du mal à Hoppy ; Mr Blaine dit que je devrais. Demande encore au docteur Stockstill si je ne peux vraiment pas naître. (La voix était plaintive.) Si je pouvais naître, même rien qu’un petit moment…

— Peut-être que je serais capable de lui faire du mal, moi, dit pensivement Edie. Demande à Mr Blaine comment m’y prendre. J’ai un peu peur de Hoppy.

— Si seulement j’étais dehors, je ferais des imitations qui le tueraient, reprit Bill. J’en ai de formidables en réserve. Tu devrais entendre le père de Hoppy ; celui-là, je l’ai au poil ! Écoute-le !

D’une voix d’adulte, il dit : Je vois que Kennedy envisage encore une de ses réductions d’impôts. S’il pense rétablir ainsi la situation économique, il est encore plus cinglé que je ne le juge, et ce n’est pas peu dire !

— Fais-moi, proposa Edie. Imite-moi.

— Comment veux-tu ? Tu n’es pas encore morte.

— Comment c’est, être mort ? Je le serai un jour, alors j’aimerais savoir.

— C’est bizarre. Tu es au fond d’un trou et tu regardes en l’air. Et tu es tout aplati… comme si tu étais vide. Et tu sais, au bout d’un temps, tu reviens. Un souffle t’emporte, et là où tu es soufflé, c’est ici ! Le savais-tu ? Je veux dire que tu reviens à l’endroit où tu es en ce moment. Tout gros et vivant !

— Non, je ne savais pas.

Cela l’ennuyait ; elle voulait surtout en savoir plus long sur la façon dont Hoppy s’y était pris pour tuer Mr Blaine. Passé un certain point, les morts du dessous n’étaient guère intéressants parce qu’ils n’agissaient jamais, ils se contentaient d’attendre. Il y en avait, comme Mr Blaine, qui ne pensaient qu’à des tueries, d’autres qui moisissaient comme des patates… Bill le lui avait souvent expliqué, parce qu’il s’y intéressait tellement. Il croyait que c’était important.

— Écoute, Edie, si on recommençait l’expérience avec un animal ? D’accord ? Tu attrapes une petite bête, tu la serres sur ton ventre, et moi j’essaie de sortir pour entrer en elle. D’accord ?

— On l’a déjà tentée, protesta-t-elle.

— Encore une fois ! Choisis quelque chose de petit. Comment s’appellent ces trucs ? Tu sais, avec une coquille et de la bave ?

— Des limaces ?

— Non.

— Des escargots ?

— Oui, c’est ça ! Attrape un escargot et pose-le le plus près de moi possible. Rapproche-le de ma tête, qu’il puisse m’entendre et que je l’entende aussi ! Tu veux bien ? (Bill prit un ton menaçant : « Sinon, je m’endors pour toute une année. ») Il se tut.

— Eh bien, dors, je m’en fiche. J’ai des tas de gens à qui parler, toi pas !

— Alors je mourrai et tu ne le supporteras pas parce que tu seras obligée de promener un mort dans ton ventre ou bien… Je vais te dire ce que je ferai ! Je le sais ! Si tu ne prends pas une bête pour la mettre près de moi, je vais grandir, et je serai bientôt si grand que tu éclateras comme un vieux… tu sais quoi !

— Un vieux sac, termina Edie.

— Oui. Comme ça, je serai dehors.

— Tu seras dehors, mais tu rouleras par terre et tu mourras aussi. Tu ne seras pas capable de vivre.

— Je te déteste !

— Je te déteste encore plus ! C’est moi qui t’ai détesté la première, il y a longtemps, quand j’ai découvert que tu existais.

— C’est bon, fit Bill, morose. Je m’en moque, après tout. Toi et moi, c’est la même chose…

Edie ne répondit pas. Elle retourna jouer avec ses compagnes. C’était plus amusant que ce que racontait son frère. Il savait si peu de choses, il ne faisait rien, ne voyait rien non plus, là, au fond d’elle.

Toutefois cette histoire de Hoppy serrant le cou de Mr Blaine présentait un certain intérêt. Elle se demandait qui Hoppy étranglerait ensuite, et si elle devait en prévenir sa mère ou Mr Colvig, le policier.

Bill reprit soudain la parole.

— Je peux jouer aussi ?

Edie s’assura d’un coup d’œil qu’aucune des trois filles n’avait entendu.

— Est-ce que mon frère peut jouer ? fit-elle.

— Tu n’as pas de frère, répliqua Wilma Stone, avec dédain.

— C’est une invention, rappela Rose Quinn. Alors ça compte pour du beurre, s’il joue. Qu’il joue ! dit-elle à Edie.

— Une, deux, trois, dirent les filles, chacune d’elles ouvrant la main et tendant un certain nombre de doigts.

— C’est Bill les ciseaux, dit Edie. Donc, il te bat, Wilma, parce que les ciseaux coupent le papier, et toi, tu le frappes, Rose, parce que le caillou écrase les ciseaux, et il est lié à moi.

— Comment le frapper ? s’enquit Rose.

Edie réfléchit.

— Frappe-moi très doucement ici. (Elle montrait son flanc, juste au ras de la ceinture de sa jupe.) Avec le côté de la main ! Et doucement, parce qu’il est délicat.

Rose tapota avec précaution l’endroit indiqué. En Edie, Bill, dit :

— Bon. Je la rattraperai au prochain tour !

Le père d’Edie, Principal de l’école, arrivait de l’autre bout de la cour, accompagné de Mr Barnes, le nouvel instituteur. Ils s’arrêtèrent un instant près des fillettes et leur sourirent.

— Bill joue avec nous, dit Edie à son père.

— Il vient d’être frappé.

George Keller rit et dit à Mr Barnes :

— Voilà ce que c’est, d’être imaginaire ! On est toujours frappé !

— Comment il va me frapper, Bill ? demanda craintivement Wilma, en s’écartant, les yeux levés sur les deux hommes. Il va me frapper, expliqua-t-elle. Pas trop fort ! supplia-t-elle dans la direction d’Edie. Promis ?

— Il ne pourrait pas frapper fort même s’il le voulait, rétorqua Edie. (En face d’elle, Wilma eut un petit sursaut.) Tu vois ? triompha Edie. C’est son maximum, même quand il essaie de toutes ses forces.

— Il ne m’a pas frappée, protesta Wilma. Il m’a seulement fait peur. Il ne vise pas très bien !

— C’est parce qu’il n’y voit pas. Il faudrait que je te frappe à sa place, ce serait plus juste. (Elle se pencha et donna un coup rapide sur le poignet de Wilma.) Maintenant, recommençons. Une, deux, trois !

— Pourquoi n’y voit-il pas, Edie ? demanda Barnes.

— Parce qu’il n’a pas d’yeux.

Barnes se tourna vers Keller.

— Eh bien, la réponse me paraît assez rationnelle.

Ils rirent et s’éloignèrent.

En Edie, son frère dit :

— Si tu attrapais un escargot, je pourrais être lui pendant un moment, et peut-être me traîner et y voir. Ils voient, les escargots ? Tu m’as raconté une fois qu’ils ont des yeux au bout de bâtons.

— Des cornes ! rectifia-t-elle.

Elle songeait : J’ai une bonne idée ! Je vais tenir un ver de terre tout contre moi et quand il entrera dedans, il sera tout comme il est maintenant… Les vers n’y voient pas et ils ne font que creuser. Il va en avoir, une surprise !

— Bon, dit-elle en se dressant d’un bond. Je vais chercher une bête. Attends une minute que je la trouve. Patience !

— Oh ! ce que je te remercie… fit Bill d’une voix qui trahissait l’ardeur de son envie. Je te revaudrai ça, parole d’honneur !

— Que pourrais-tu faire pour moi ? fit Edie tout en cherchant dans l’herbe, en bordure de la cour, pour tenter de dénicher un ver de terre. (Elle en avait vu beaucoup après les averses de la nuit précédente.) Qu’est-ce qu’un machin comme toi pourrait bien faire pour les autres ?

Elle fouillait les touffes de ses doigts agiles et avides.

— Tu as perdu quelque chose ? fit une voix d’homme.

Elle leva les yeux ; c’était Mr Barnes qui lui souriait.

— Je cherche un ver, dit-elle avec timidité.

— Pour une fille, tu n’es pas dégoûtée !

— À qui parles-tu ? s’enquit Bill, troublé. Qui est-ce ?

— Mr Barnes, dit-elle.

— Oui, répondit Barnes.

— C’est à mon frère que je parlais, pas à vous, fit Edie. Il me demandait qui c’était. C’est le nouveau maître, expliqua-t-elle à Bill.

Bill fit :

— Je vois ; je le comprends. Il est si proche que je saisis tout. Il connaît maman.

— Notre maman ? s’étonna Edie.

— Oui, dit Bill d’un ton intrigué. C’est un peu embrouillé, mais il la connaît et il la voit souvent, quand personne ne regarde. Elle et lui… (Il s’interrompit.)… C’est vilain, horrible. C’est… (Il s’étouffa.) Je ne peux pas le dire.

Edie, bouche bée, regardait l’instituteur.

— Alors ? reprit Bill, plein d’espoir. N’ai-je pas fait quelque chose pour toi ? Je t’ai raconté un secret que tu n’aurais jamais deviné. Ce n’est rien, ça ?

— Si, sans doute, répondit Edie, la voix lente, dans un brouillard.


Hal Barnes était avec Bonny.

— J’ai vu ta fille aujourd’hui, dit-il, et j’ai eu la nette impression qu’elle est au courant, pour nous deux.

— Mon Dieu, comment le saurait-elle ? C’est impossible.

Elle tendit la main pour remonter la mèche de la lampe à graisse. Le salon reprit de la consistance quand les chaises, la table et les peintures redevinrent visibles.

— De toute façon, quelle importance ? Elle s’en ficherait pas mal.

Barnes songeait : mais elle pourrait le rapporter à George.

À l’idée du mari, il jeta un coup d’œil sous le store pour examiner la route éclairée par la lune. Rien ne bougeait ; la route était déserte et on ne distinguait que les frondaisons, les collines ondulantes et la plaine. Un paysage pastoral, paisible. George, en sa qualité de Principal, était à la réunion de l’Association des Parents et Maîtres et ne rentrerait pas avant plusieurs heures. Edie était naturellement au lit ; il était 8 heures.

Et Bill ? se demanda-t-il. Où est ce Bill, comme Edie l’appelle ? Rôde-t-il dans la maison, aux aguets quelque part ? Mal à l’aise, il s’écarta de la femme, sur le divan.

— Qu’y a-t-il ? Tu as entendu quelque chose ? fit Bonny, en alerte.

— Non, mais…

Il ébaucha un geste. Bonny le prit dans ses bras et l’attira sur elle.

— Mon Dieu, que tu es peureux ! la guerre ne t’a donc rien enseigné de la vie ?

— Elle m’a enseigné le prix de l’existence, et par conséquent à ne pas la gaspiller. Elle m’a enseigné la prudence.

Bonny poussa un grognement et se redressa. Elle remit ses vêtements en place, reboutonna son corsage. Comme cet homme était différent d’Andrew Gill qui faisait toujours l’amour avec elle à ciel ouvert, en plein jour, le long des routes bordées de chênes de West Marin, en des lieux où n’importe qui, n’importe quoi pouvait passer à tout instant. Il la prenait chaque fois tout comme à leur première rencontre… la culbutant tout de suite, sans bavardages, sans tremblements, sans récriminations… Je devrais peut-être retourner à lui, songeait-elle. Ou alors les plaquer tous, Barnes, George et ma cinglée de fille ; je devrais vivre ouvertement avec Gill, défier la collectivité et être heureuse pour changer !

— Eh bien, si nous ne faisons pas l’amour, dit-elle, descendons à Foresters’ Hall écouter le satellite.

— Tu parles sérieusement ? fit Barnes.

— Bien sûr.

Elle alla prendre son manteau dans le placard.

— Alors, tout ce que tu désires, c’est faire l’amour ? reprit-il lentement. C’est la seule chose qui t’intéresse dans nos rapports ?

— Et qu’est-ce qui t’intéresse ? Bavarder ?

Il la contempla avec mélancolie, mais ne répondit pas.

— Espèce de lope, dit-elle en secouant la tête. Pauvre petite lope ! Qu’es-tu venu faire à West Marin, en premier lieu ? Seulement instruire les petits enfants et te balader en cherchant des champignons ?

Elle débordait de rancœur.

— Mon expérience d’aujourd’hui dans la cour de l’école… commença-t-il.

— Ce n’était pas une expérience ! coupa-t-elle. Simplement ton sentiment de culpabilité qui t’a collé un choc en retour. Partons ; j’ai envie d’écouter Dangerfield. Au moins, lui, quand il bavarde, il est drôle !

Elle enfila son manteau, alla vivement à la porte et l’ouvrit.

— Tu ne crains rien pour Edie ? demanda Barnes quand ils furent dans l’allée.

— Bien sûr que non, répondit-elle, s’en fichant d’ailleurs éperdument pour l’instant. Puisse-t-elle brûler vive ! se dit-elle. L’air sombre, elle arpentait la route, les mains au fond des poches. Barnes suivait un peu en arrière, il avait du mal à rester à sa hauteur.

Deux silhouettes apparurent au virage. Elle s’immobilisa, saisie, pensant que l’un des hommes était George. Puis elle reconnut le plus petit, le plus trapu des deux : c’était Jack Tree… et l’autre… elle s’efforçait de le distinguer, ayant repris son pas normal comme si de rien n’était. C’était le Dr Stockstill.

— Viens ! lança-t-elle par-dessus son épaule, calmement, à Barnes. (Il se rapprocha d’un pas hésitant, pris d’une envie de faire demi-tour et de se sauver.) Bonsoir ! cria-t-elle à Stockstill et à Bluthgeld ; ou plutôt Jack Tree… il fallait à tout prix se rappeler que c’était son nom à présent. Que fabriquez-vous ? De la psychanalyse dans le noir ? Est-ce plus efficace ainsi ? Je ne serais pas surprise de l’apprendre.

Le souffle court, Tree dit, de sa voix rauque et râpeuse :

— Bonny, je l’ai revu. Le Noir qui a tout compris à mon sujet, le jour où la guerre a commencé, quand je me rendais au cabinet de Stockstill ! Vous vous rappelez, vous m’y aviez envoyé ?

Stockstill prit le ton de la plaisanterie :

— Ils se ressemblent tous, comme on dit. Et de toute façon…

— Non ! C’est le même homme. Il m’a suivi jusqu’ici. Savez-vous ce que cela signifie ? (Il regardait successivement Bonny, Stockstill et Barnes, les yeux écarquillés, pleins de terreur.) Cela signifie que tout va recommencer.

— Qu’est-ce qui va recommencer ? fit Bonny.

— La guerre, répondit Tree. Parce que c’est déjà pour cela qu’elle a commencé la dernière fois ; le nègre m’a aperçu et il a compris ce que j’avais fait, il savait qui j’étais et il le sait toujours. Dès qu’il m’aura vu… (Il s’arrêta, pris de toux et de râles tant il souffrait.) Je vous demande pardon, murmura-t-il.

Bonny dit à Stockstill :

— Il y a un Noir dans le pays, c’est exact. Je l’ai vu. Il paraît qu’il est venu voir Gill pour organiser la vente de ses cigarettes.

— Ce n’est sûrement pas le même ! dit Stockstill.

Il s’écarta un peu avec elle, leur conversation devint privée.

— Bien sûr que si, répondit Bonny. Mais c’est sans importance, car cela fait partie de ses illusions. Je l’ai entendu débiter cette histoire je ne sais combien de fois. Il y avait un nègre qui balayait le trottoir et qui l’a vu entrer dans votre cabinet, et ce même jour, la guerre s’est déclenchée, alors dans son esprit, il y a une relation de cause à effet. Et maintenant, il va se désagréger complètement, ne pensez-vous pas ?

Elle se sentait résignée ; elle s’y était attendue… un jour ou l’autre. Ainsi la période de stabilité dans le dérèglement touche à sa fin. Peut-être pour nous tous, songeait-elle. Tout le monde, tout simplement. Nous ne pouvions continuer ainsi indéfiniment, Bluthgeld avec ses moutons, moi avec George… Elle poussa un soupir.

— Qu’en pensez-vous ?

— Je regrette de ne pas avoir de Stélazine, mais la Stélazine a cessé d’exister au jour C. Cela l’aurait soulagé. Moi, je ne peux plus, j’ai abandonné ; vous le savez, Bonny.

Il paraissait également résigné.

— Il va le dire à tout le monde, reprit-elle en surveillant Bluthgeld qui répétait à Barnes ce qu’il venait de leur dire à tous les trois. Ils sauront qui il est et ils le tueront comme il le craint. Il a raison.

— Je ne peux pas l’en empêcher, fit doucement Stockstill.

— Et vous ne vous en souciez pas tellement.

Il haussa les épaules.

Bonny rejoignit Bluthgeld et lui dit :

— Écoutez, Jack, allons tous ensemble chez Gill voir ce Noir. Je vous parie qu’il ne vous a même pas remarqué ce jour-là. On parie ? Moi, je vous offre vingt cents en argent !

— Pourquoi prétendez-vous avoir causé la guerre ? demanda Barnes. (Il se tourna vers Bonny, l’air intrigué.) Qu’est-ce que c’est ? Une psychose causée par la guerre ? Et il prétend que la guerre va reprendre. (Il s’adressa de nouveau à Bluthgeld.) Ce n’est pas possible que cela se reproduise ; j’ai cinquante bonnes raisons à vous avancer. Tout d’abord, il ne reste pas une seule arme à hydrogène. Ensuite…

Bonny lui mit la main sur l’épaule.

— Taisez-vous. (Elle fit face à Bruno Bluthgeld.) Descendons tous ensemble écouter le satellite. D’accord ?

— Qu’est-ce que c’est, le satellite ? fit Bluthgeld.

— Grands dieux ! s’écria Barnes. Il ne sait même pas de quoi vous lui parlez ! C’est un malade mental ! (Puis il dit à Stockstill :) Voyons, docteur, la schizophrénie, c’est bien quand une personne perd trace de toute culture et de toutes valeurs ? Eh bien, cet homme a perdu les pédales ! Écoutez-le.

— Je l’entends, fit Stockstill, lointain.

Bonny lui dit :

— Docteur, Jack Tree m’est très cher. Il a été comme un père pour moi, autrefois. Au nom du ciel, faites quelque chose pour lui. Je ne peux pas supporter de le voir dans cet état. Je ne le supporte pas !

Les paumes ouvertes, Stockstill répondit :

— Bonny, vous raisonnez comme une gamine. Vous croyez tout obtenir rien qu’en le désirant assez fort. C’est une croyance en la magie. Je ne peux rien pour… Jack Tree. (Il pivota et s’éloigna de quelques pas en direction du bourg.) Venez ! cria-t-il. On adopte la proposition de Mrs Keller ! On va écouter le satellite pendant une vingtaine de minutes et on se sentira tous beaucoup mieux.

Barnes s’appliquait de nouveau à raisonner Jack Tree.

— Permettez-moi de vous signaler où réside l’erreur dans votre logique. Vous avez vu un certain homme, un Noir, le jour du Cataclysme, bon. Et maintenant, sept ans après…

— Bouclez-la ! lui intima Bonny en lui plantant ses ongles dans le bras. Au nom du ciel… (Elle le lâcha pour rattraper Stockstill.) Je n’en peux plus. Je sais que c’est la fin pour lui. Il ne survivra pas à cette vision du nègre, à cette seconde rencontre.

Les larmes lui emplirent les yeux, coulèrent sur ses joues.

— Bon Dieu ! jura-t-elle avec amertume en marchant le plus vite possible pour précéder les autres, en direction du Hall. Ne plus même se rappeler le satellite. Être ainsi coupé de tout, diminué à ce point… Je ne m’en rendais pas compte. Comment puis-je tenir le coup ? Comment est-ce permis, une chose pareille ? Et il était si remarquable… Il parlait à la télé, il écrivait des articles, il enseignait, il discutait…

Derrière elle, Bluthgeld marmonnait :

— Je sais que c’est le même homme, Stockstill, parce que dans la rue où j’étais allé faire mes provisions, quand je l’ai rencontré, il m’a lancé le même regard étrange, comme s’il était sur le point de ricaner, mais alors il a compris que s’il ricanait tout allait recommencer, si bien que cette fois il a eu peur. Il a vu ce que c’était, alors il se méfie. C’est un fait, cela, Stockstill. Il sait, maintenant. Ne suis-je pas dans le vrai ?

— Je doute qu’il sache seulement que vous êtes en vie !

— Mais il fallait bien que je sois en vie, sinon le monde…

Sa voix se brouilla et Bonny n’entendit pas la suite. Elle n’entendait plus que ses propres talons qui martelaient les restes de béton envahi d’herbe.

Quant au reste, nous sommes tous aussi fous que lui, se disait-elle. Ma gosse avec son frère imaginaire. Hoppy qui déplace la monnaie de loin et qui imite Dangerfield, Andrew Gill qui roule à la main cigarette après cigarette, d’année en année… Seule la mort peut nous tirer de là… et peut-être pas même la mort. Sans doute est-il trop tard et emporterons-nous la semence de la désagrégation dans l’autre monde.

Il aurait beaucoup mieux valu que nous périssions tous au Jour C ; nous n’aurions pas connu les phénomènes, les monstres, les négros-de-guerre, les animaux intelligents… Les gens qui ont fait la guerre n’ont pas été jusqu’au bout de leur travail. Je suis fatiguée, j’ai besoin de repos ; je veux quitter tout ceci, aller me coucher quelque part, dans le noir, où il n’y aura personne pour me parler. À jamais.

Puis sa pensée redevint pratique : sans doute n’ai-je tout simplement pas encore trouvé « mon » homme. Il n’est pas trop tard ; je suis encore jeune, je n’ai pas engraissé, et, tout le monde le reconnaît, j’ai des dents impeccables. Cela pourrait encore m’arriver, je dois rester sur le qui-vive.

Devant eux se dressait Foresters’ Hall, la vieille bâtisse en bois peinte en blanc, toutes ses fenêtres barrées de planches… Les vitres n’avaient pas été remplacées et ne le seraient jamais. Peut-être Dangerfield – s’il n’est pas encore mort de son ulcère – pourrait-il lancer en mon nom une petite annonce ? se demandait Bonny. Mais qu’en penserait la communauté ? Ou alors je pourrais le faire par l’intermédiaire des Nouvelles et Points de Vue, laisser ce vieux saoulard de Paul Dietz publier mes annonces pendant six mois…

Dès qu’elle ouvrit la porte du Hall, elle entendit la voix amicale et bien connue de Walt Dangerfield, en train de lire un texte. Elle vit les rangées de visages, les gens qui écoutaient, les uns avec angoisse, les autres détendus, satisfaits… Deux hommes étaient assis à l’écart dans un coin, Andrew Gill et un jeune Noir, mince, de bonne apparence. C’était l’homme qui avait fait crouler la structure fragile de la folie de Bruno Bluthgeld. Bonny restait sur le seuil, ne sachant quelle solution adopter.

Derrière elle arrivaient Barnes et Stockstill, encadrant Bruno ; ils passèrent devant elle, les deux premiers cherchant des yeux où se placer dans la salle bondée. Bruno, qui n’était encore jamais venu écouter le satellite, restait debout, embarrassé, comme s’il ne comprenait pas ce que faisaient tous ces gens, comme s’il n’entendait rien aux mots qui sortaient du petit poste à piles.

Intrigué, il se tenait près de Bonny, à se frotter le front et à étudier l’assistance ; il lui lança un regard interrogateur, l’air ahuri, puis il partit à la suite de Barnes et de Stockstill. Alors il découvrit le Noir. Il s’immobilisa. Il se retourna vers elle, l’expression changée, trahissant maintenant une rongeante suspicion… et aussi la conviction qu’il saisissait la signification de ce qu’il avait sous les yeux.

— Bonny, murmura-t-il, il faut le faire sortir.

— Je ne peux pas, répondit-elle simplement.

— Si vous ne le mettez pas dehors, je fais retomber les bombes !

Elle le regarda fixement, puis elle s’entendit parler d’une voix sèche, cassante :

— Vraiment ? C’est bien ce que vous avez envie de faire, Bruno ?

— Il le faut, marmonna-t-il de sa voix sans timbre, la contemplant sans la voir. (Il n’était préoccupé que de ses propres pensées, des modifications qui se succédaient en lui :) Je suis désolé, mais d’abord je vais recommencer les tests d’explosion en altitude ; c’est ainsi que j’ai commencé avant et si cela ne suffit pas, alors je les dirigerai toutes ici, mes bombes, elles tomberont sur tout le monde. Je vous prie de me pardonner, Bonny, mais, mon Dieu ! Il faut bien que je me protège.

Il tenta de sourire, mais sa bouche édentée n’ébaucha qu’une grimace tremblante.

— Êtes-vous vraiment en mesure de le faire, Bruno ? En êtes-vous certain ?

— Oui, fit-il en hochant la tête.

Il en était certain, en effet, il n’avait jamais douté de ses pouvoirs. Il avait amené la guerre une fois et il recommencerait si on le bousculait trop. Elle ne lut pas la moindre hésitation, le moindre scrupule, dans ses yeux.

— C’est une puissance bien terrifiante, reprit-elle. N’est-il pas étrange qu’un seul être dispose de tout cela ?

— Oui, c’est toute la puissance du monde ; je suis le Centre. Dieu l’a voulu ainsi.

— Quelle erreur il a commise, Dieu !

Bruno la regarda tristement.

— Vous aussi… Je pensais que jamais vous ne vous retourneriez contre moi, Bonny.

Elle ne dit rien ; elle alla s’asseoir sur une chaise libre. Elle ne fit plus attention à Bruno. Impossible ; elle s’y était usée au cours des années. À présent, elle n’avait plus rien à lui donner.

Stockstill, assis non loin d’elle, se pencha pour l’avertir :

— Le Noir est dans la salle, vous savez ?

— Oui, je l’ai vu.

Assise toute droite sur son siège, elle se concentra sur ce que racontait la radio ; elle écouta Dangerfield et s’efforça d’oublier tous ceux qui l’entouraient, tout ce qui l’environnait.

Maintenant, cela m’échappe, songeait-elle. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il devienne, ce ne sera pas ma faute. Quoi qu’il arrive… à nous tous. Je ne peux plus me charger de responsabilités. Cela dure déjà depuis trop longtemps et je suis bien contente de pouvoir enfin rester en dehors.

Quel soulagement ! Merci, mon Dieu !


Maintenant, il faut absolument que cela se déclenche à nouveau, se disait Bruno Bluthgeld. La guerre. Parce que je n’ai pas le choix ; on m’y force. Je le regrette pour la population. Tous devront souffrir, mais peut-être ainsi seront-ils rachetés. Peut-être qu’en définitive c’est une bonne chose.

Il s’assit, joignit les mains et entreprit l’effort de rassembler ses pouvoirs. Croissez, grandissez, exhortait-il les forces placées sous son commandement partout dans le monde. Unissez-vous et activez-vous comme dans le passé. On a de nouveau besoin de vous, de toutes les énergies !

Cependant, la voix sortant du haut-parleur le dérangeait, le gênait dans sa concentration. Il s’interrompit. Il ne faut pas me laisser distraire. C’est contraire au Plan. Qui est celui qui parle ? Ils l’écoutent tous… serait-ce qu’il leur donne ses instructions ? Est-ce cela ?

Il s’adressa à son voisin :

— Qui est cet homme que nous écoutons ?

L’homme, d’un certain âge, se tourna, courroucé, pour l’examiner.

— Mais c’est Walt Dangerfield, fit-il, stupéfait.

— Je n’en ai jamais entendu parler, observa Bruno. Parce qu’il ne l’avait pas voulu. D’où parle-t-il ?

— Du satellite ! répondit l’autre d’un ton méprisant, et il reporta son attention sur le poste.

Je me rappelle, songeait Bruno. C’est pour cela que nous sommes venus : pour écouter le satellite. L’homme qui parle d’en haut.

Soyez détruit ! lança-t-il en pensée vers le ciel. Taisez-vous parce que vous me tourmentez exprès, vous entravez mon œuvre. Il attendit, mais la voix continua.

— Pourquoi ne s’arrête-t-il pas ? demanda-t-il à son autre voisin. Comment peut-il continuer ?

L’homme, un peu étonné, chercha des précisions :

— Vous voulez dire avec sa maladie ? Mais il a enregistré ceci il y a longtemps, avant de tomber malade.

— Malade, répéta Bruno. Je vois.

Il avait rendu malade l’homme du satellite, et c’était déjà un résultat, mais insuffisant. Ce n’était qu’un début. Soyez mort ! ordonna-t-il au ciel et au satellite. Néanmoins la voix parlait sans interruption.

Auriez-vous dressé un écran protecteur contre moi ? monologuait intérieurement Bruno. Vous l’aurait-on fourni ? Je vais le pulvériser ; de toute évidence il y a longtemps que vous êtes prêt à repousser l’attaque, mais cela ne vous servira de rien.

Que soit un engin à hydrogène ! invoqua-t-il. Qu’il explose assez près du satellite de cet homme pour briser sa résistance. Puis qu’il meure en sachant bien à qui il s’est opposé. Bruno Bluthgeld s’absorba, les mains crispées, aspirant la puissance au fond de son esprit.

Et pourtant la lecture se poursuivait.

Vous êtes très fort, reconnut Bruno. Il était obligé d’admirer cet homme. En fait, il ébaucha un sourire en y pensant. Et maintenant, que toute une série d’engins nucléaires explosent ! Que son satellite soit ballotté en tous sens. Qu’il découvre la vérité !

La voix se tut dans le haut-parleur.

Eh bien, ce n’est pas trop tôt, se dit Bruno. Il se décontracta ; il soupira, croisa les jambes, se lissa les cheveux, et lança un coup d’œil à son voisin de gauche.

— C’est fini, observa Bruno.

— Ouais. Mais à présent, il va nous donner les nouvelles, s’il se sent assez bien.

Sidéré, Bruno objecta :

— Mais il est mort, maintenant.

L’homme, surpris, protesta :

— Il ne peut pas être mort ; je ne le crois pas. Fichez-moi la paix ! Vous êtes givré !

— C’est la vérité. Son satellite est totalement détruit et il n’en reste rien.

Ce type ne le savait-il donc pas ? Le monde n’en était-il pas encore informé ?

— Bon Dieu ! reprit l’autre, je ne sais pas qui vous êtes ni pourquoi vous racontez de pareils bobards, mais pour sûr, vous n’êtes pas rigolo ! Attendez une seconde et vous allez l’entendre. Je vous parie même cinq cents en métal !

La radio restait silencieuse. Dans la salle, les gens bougeaient, murmuraient, avec inquiétude, avec crainte.

Oui, c’était commencé, se répétait Bruno. D’abord les explosions à grande altitude, comme avant. Et bientôt… vous serez tous servis ! Le monde lui-même sera nettoyé, comme avant, pour bloquer la progression régulière de la cruauté et de la vindicte ; il faut l’arrêter avant qu’il soit trop tard. Il regarda dans la direction du Noir et sourit. Le nègre feignait de ne pas le voir, d’être en conversation sérieuse avec son voisin.

Tu es au courant, songea Bruno. Je le vois bien ; tu ne peux pas me donner le change. Toi, plus que tout autre, tu sais ce qui commence à se réaliser.


Il y a quelque chose qui ne va pas, songeait le Dr Stockstill. Pourquoi Dangerfield ne continue-t-il pas ? A-t-il eu une embolie ou une crise du même ordre ?

Puis il remarqua le sourire torve et triomphal sur le visage édenté de Bruno Bluthgeld. Aussitôt le médecin comprit : il s’en attribue le crédit, en pensée. Folie paranoïaque de la toute-puissance ; tout ce qui se passe, il en est la cause. Écœuré, il se détourna et déplaça sa chaise de façon à ne plus voir Bluthgeld.

Il porta son attention sur le jeune Noir. Oui, c’était probablement le vendeur de télévision qui ouvrait la boutique en face de mon cabinet, à Berkeley, autrefois. Je crois que je vais aller m’en assurer.

Il se leva et s’approcha d’Andrew Gill et de son compagnon.

— Je vous demande pardon, dit-il en se penchant, mais n’habitiez-vous pas Berkeley, avant la guerre ? Ne vendiez-vous pas des récepteurs de télévision dans Shattuck Avenue ?

Le Noir dit :

— Docteur Stockstill ! (Ils échangèrent une poignée de main.) Que le monde est petit !

— Qu’est-il arrivé à Dangerfield ? s’inquiéta Andrew Gill.

Maintenant, June Raub tripotait les boutons de l’appareil ; d’autres se rassemblèrent autour d’elle, lui donnant des conseils et discutant entre eux avec gravité.

— Je crois que c’est la fin. Qu’en pensez-vous, docteur ?

— Je pense que si c’est vrai, c’est une véritable tragédie.

Au fond de la pièce, Bruno Bluthgeld se leva et déclara d’une voix forte, un peu rauque :

— La destruction de l’existence a commencé. Tous les gens ici présents seront épargnés par faveur spéciale, juste le temps de confesser leurs péchés et de se repentir s’ils sont sincères.

Le silence s’établit. Les gens, un à un, se tournèrent vers lui.

— Vous avez un prédicateur, ici ? demanda le Noir à Stockstill.

Celui-ci répondit rapidement, mais à Gill :

— C’est un malade, Andy. Il faut l’emmener d’ici. Donnez-moi un coup de main.

— Bien sûr, accepta Gill, qui le suivit.

Ils se dirigèrent vers Bluthgeld, toujours debout.

— Les bombes à grande altitude que j’ai fait exploser en 1972, poursuivait Bluthgeld, trouvent leur justification dans l’acte actuel, sanctionné par Dieu lui-même dans Sa sagesse pour le bien du monde. Voyez le Livre des Révélations pour vérification. (Il observait l’avance de Stockstill et de Gill.) Vous êtes-vous purifiés ? leur demanda-t-il. Êtes-vous préparés au Jugement qui vient ?

Tout à coup, une voix familière sortit du haut-parleur. Elle était étouffée et chevrotante, mais ils la reconnurent tous.

— Navré de cette interruption, mes amis, dit Dangerfield, mais j’ai eu un fichu étourdissement pendant un moment ; j’ai été obligé de m’allonger et je ne me suis pas aperçu que la bobine était au bout. En tout cas (il émit son rire habituel) me voici de retour, au moins pour un temps. Voyons, où en étais-je ? Quelqu’un s’en souvient-il ? Attendez ! J’ai un voyant rouge qui s’allume. On m’appelle d’en bas. Ne quittez pas l’écoute.

La salle bourdonnait de joie et de soulagement ; ils se retournèrent vers la radio, oubliant Bluthgeld. Stockstill et Gill eux-mêmes se rapprochèrent de l’appareil, ainsi que le Noir. Ils se joignirent au cercle d’auditeurs souriants et attendirent, debout.

— On me réclame Bei mir bist du schön, reprit Dangerfield. Sidérant, hein ? Quelqu’un se rappelle-t-il les Andrews Sisters ? Eh bien, ce bon vieux gouvernement américain a eu la bonté de me fournir – croyez-le ou non – un enregistrement des Andrews Sisters dans ce numéro pompier mais bien-aimé… Sans doute s’imaginait-on que sur Mars, je me transformerais en capsule temporelle pour remonter le cours des années ! (Il rit.) Bref, voici Bei mir bist du schön pour un vieux monsieur de la région des Grands Lacs. Allons-y !

La musique commença, métallique et démodée, et les assistants, reconnaissants et heureux, regagnèrent un à un leurs places.


Debout près de sa chaise, tout raide, Bruno Bluthgeld écoutait la musique en pensant : je me refuse à y croire. L’homme d’en haut n’est plus. C’est moi-même qui ai causé sa destruction. Ce doit être un trucage, une supercherie ; je sais que ce n’est pas vrai. De toute façon, il faut que je m’emploie à fond ; que je recommence, et cette fois avec toute ma force. Personne ne faisait attention à lui… ils étaient accrochés à la radio… Il quitta donc sa place et sortit sans bruit du Hall pour s’enfoncer dans les ténèbres.

Au bas de la route, l’antenne de Hoppy Harrington luisait, scintillait, bourdonnait ; Bruno Bluthgeld, intrigué, le nota en se dirigeant vers l’endroit où il avait attaché son cheval. Que faisait le phocomèle ? Il y avait de la lumière derrière les fenêtres de la maison de carton : Hoppy était au travail.

Je dois l’inclure aussi, songea Bluthgeld. Il faut qu’il cesse d’exister en même temps que les autres, car il est aussi mauvais qu’eux. Peut-être plus encore.

En passant devant chez Hoppy, il lui expédia une pensée destructrice, au hasard, en hâte. Mais les lumières persistèrent et le mât continua de ronronner. Il faudra plus de force mentale, conclut Bluthgeld, et je n’ai pas le temps ce soir. Plus tard.

Plongé dans une profonde méditation, il poursuivit son chemin.

Загрузка...