Peter a dû se rendre au ministère de la Santé, à Ottawa. La réunion a été de courte durée – en fait, une téléconférence aurait suffi mais Mme le ministre se plaît à exercer son pouvoir sur les gens en les convoquant de temps à autre dans la capitale.
Durant ces derniers mois, Hobson Monitoring n’a pas uniquement travaillé sur l’onde vitale. La réunion concernait le projet secret Indigo : un capteur capable de distinguer un fumeur d’une victime du tabagisme passif. Ainsi, le premier serait exclu du bénéfice de la Sécurité sociale en cas de maladie provoquée par le tabac.
Quoi qu’il en soit, Peter se retrouve libre plus tôt que prévu, avec presque une journée à passer à Ottawa.
Ottawa est une ville de bureaucrates, tout juste bonne à produire de la paperasse. En même temps, elle se doit d’être une vitrine à l’intention des visiteurs de marque auxquels elle offre plusieurs musées de valeur, un grand choix de boutiques, un canal gelé en hiver (ce qui permet aux fonctionnaires de se rendre au travail en patins) ainsi qu’une relève de la garde en grande pompe sur la Colline parlementaire. Mais Peter est déjà plus que las de tout ça.
Il demande à la réceptionniste s’il peut téléphoner. Elle le dirige alors vers un bureau inoccupé (ceux-ci ont tendance à se multiplier, le gouvernement faisant de plus en plus appel à des indépendants), équipé d’un vieux poste audio. Il ne manquerait plus qu’on gaspille les deniers publics à installer des visiophones dans des bureaux vides ! Peter connaît par cœur le numéro d’Air Canada. Mais au lieu d’appeler pour changer sa réservation, comme il en avait l’intention, il compose le 4-1-1.
— Vous êtes en ligne avec le service des renseignements, fait une voix en anglais puis en français. Vous demandez un numéro dans quelle ville ?
— Ottawa.
Les visiophones, eux, permettent l’accès direct aux listes d’abonnés. Toutefois, les usagers qui le souhaitent ont la possibilité d’appeler gratuitement le service des renseignements où ils ont le plus souvent affaire à une opératrice électronique. Peter n’a pas eu cette chance, à en juger par le débit traînant et le ton dégoûté de son interlocutrice.
— Je vous écoute.
— Avez-vous une Rebecca Keaton sur vos listes ?
— Rien trouvé à ce nom.
Bah ! Tant pis.
— Je vous rem…
Eh ! une seconde… Il y a des années de ça, elle a été mariée à un certain… Comment s’appelait ce connard ? Hunnicut ? Non…
— Cunningham… Essayez Rebecca Cunningham, je vous prie.
— J’ai un R. L. Cunningham.
Rebecca Louise.
— Oui, ce doit être elle.
Une voix guillerette – enregistrée, celle-ci – lui indique alors le numéro, ajoutant :
— Pour appeler directement ce numéro, appuyez sur la touche étoile.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Après quelques secondes de tonalité, la sonnerie retentit dans l’écouteur. Une fois. Deux fois. Trois. Quatre. Bon ! Eh bien…
— Allô ?
— Becky ?
— Oui. Qui est à l’appareil ?
— Peter Hobson. Je…
— Peter ! Quelle bonne surprise. Tu es à Ottawa ?
— Oui. J’avais rendez-vous ce matin au ministère de la Santé. La réunion s’est achevée plus tôt que prévu et comme mon avion n’est qu’à 19 heures… Je t’appelais à tout hasard.
— Je travaille du dimanche au jeudi, ce qui fait que je suis libre aujourd’hui.
— Ah !
— Le célèbre Peter Hobson ! Je t’ai vu à la télé.
— Mais tu sais, je suis toujours le même, fait Peter en riant. Je suis drôlement content de t’entendre, Becky.
— Et moi, donc !
Peter sent sa gorge se nouer.
— Est-ce que… On pourrait déjeuner ensemble ?
— Avec grand plaisir ! Il faut que je passe à ma banque ce matin – en fait, j’allais juste sortir – mais on pourrait se retrouver, mettons, à 11 h 30 ? Ce n’est pas trop tôt, au moins ?
Pas du tout.
— C’est parfait. Où ?
— Chez Carlo, dans Sparks Street. Tu connais ?
— Je devrais trouver.
— Alors, rendez-vous là-bas à 11 h 30 ?
— Entendu. J’ai hâte de te voir.
— Moi aussi, répond Becky d’une voix pleine de chaleur. Bye-bye !
— Bye !
Peter quitte le bureau et demande à la réceptionniste si elle connaît le restaurant Chez Carlo.
— Bien sûr, répond-elle avec un sourire malicieux. Le soir, c’est un vrai repaire de célibataires.
— J’ai l’intention d’y déjeuner, rétorque Peter.
Pourquoi éprouve-t-il ainsi le besoin de se justifier ?
— Oh ! C’est beaucoup plus calme dans la journée. En tout cas, on y mange d’excellents tortellini.
— Pouvez-vous m’indiquer comment m’y rendre ?
— Vous êtes en voiture ?
— J’irai à pied, si ce n’est pas trop loin.
— Vous en avez pour à peu près une demi-heure.
— Aucun problème.
— Je vais vous faire un plan, dit-elle en se munissant d’une feuille et d’un crayon.
Quand elle a fini, Peter la remercie, reprend l’ascenseur et quitte le ministère. Comme il marche d’un bon pas, le trajet ne lui prend pas plus de vingt minutes ; il lui reste donc près d’une demi-heure à tuer. Avisant un distributeur automatique de journaux, il glisse quelques pièces dans la machine et obtient au bout de vingt secondes une copie imprimée de l’Ottawa Citizen du jour. Il retourne alors au restaurant, pour l’heure désert.
Il demande une table pour deux, s’assoit et commande un café noir. Il examine la salle, l’imaginant pleine de corps en sueur, pressés les uns contre les autres. Mais peut-être la réceptionniste se payait-elle sa tête ? Il remarque alors un visage connu sur le mur du fond : la playmate Molson qui ornait le mur près du téléphone au Bent Bishop. Peter se plonge dans sa lecture, s’efforçant de contenir sa nervosité.
Le cabinet de médecine générale de Heather Miller occupe le rez-de-chaussée de sa maison. Le Dr Miller est une femme d’environ quarante-cinq ans, petite et trapue, avec des cheveux châtains coupés au carré. Elle désigne à Sandra le fauteuil de cuir vert qui fait face à son bureau – une épaisse plaque de verre sur deux blocs de marbre.
— Comme je vous l’ai dit au téléphone, inspecteur, je suis tenue au respect du secret médical. Aussi, je crains de ne pouvoir vous apprendre grand-chose.
Sandra opine : c’est toujours le même refrain.
— Je comprends bien, docteur. Je suis venue vous parler de Rod Churchill.
Le Dr Miller garde le silence, attendant la suite.
— Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais Mr Churchill est décédé la semaine dernière.
La stupeur se peint sur les traits du docteur.
— Je l’ignorais.
— Je regrette de vous apporter d’aussi mauvaises nouvelles, mais on l’a trouvé mort dans sa salle à manger. Le médecin légiste a diagnostiqué un anévrisme. En fouillant sa maison, j’ai découvert que vous lui aviez prescrit du Nardyl. D’après l’étiquette, ce médicament lui interdisait de consommer certains aliments. Pourtant, juste avant de mourir, il avait mangé un plat préparé.
— Nom de Dieu ! s’exclame le docteur en écartant les bras. Je lui avais dit de faire très attention, à cause de la phénothiazine.
— La phénothiazine ?
— Le principe actif contenu dans le Nardyl, inspecteur… Un antidépresseur.
De surprise, Sandra hausse les sourcils. Et Bunny qui croyait que son mari prenait un simple traitement pour le cœur !
— Un antidépresseur ?
— Oui. C’est aussi un inhibiteur de la monoamine-oxydase.
— C’est-à-dire ?
— En clair, ça signifie qu’un patient traité à la phénothiazine doit absolument éviter les aliments riches en tyramine, sinon c’est la crise d’hypertension. Voyez-vous, la phénothiazine fait grimper le taux de tyramine. Celle-ci n’est plus transformée, d’où un phénomène de vasoconstriction.
— C’est-à-dire ? répète Sandra (décidément, elle ne se lasse pas du discours des toubibs).
— Même une personne jeune et en bonne santé peut succomber à un truc pareil. Pour quelqu’un comme Rod, qui avait déjà eu des problèmes cardiaques, l’issue est presque certainement fatale. C’est l’apoplexie assurée, l’infarctus, l’accident neurologique ou l’anévrisme, comme l’a diagnostiqué votre médecin légiste. Sans doute a-t-il mangé quelque chose qui lui était interdit. Pourtant, je l’avais prévenu…
— Vraiment ?
— Évidemment, rétorque le Dr Miller en plissant les yeux. Jamais je ne commettrais une bourde pareille, inspecteur.
Elle étend le bras et presse le bouton de l’interphone.
— David ? Apportez-moi le dossier de Mr Churchill, s’il vous plaît. Quand un traitement présente des risques, reprend-elle à l’intention de Sandra, ma compagnie d’assurances m’oblige à faire signer une mise en garde au patient. Je conserve le double et il ou elle emporte l’original. C’est pourquoi… Ah !
La porte vient de s’ouvrir, livrant passage à un jeune homme. Il tend une chemise à sa patronne puis se retire. Le Dr Miller en tire une feuille jaune et la passe à Sandra qui la lui rend après l’avoir parcourue.
— Pourquoi prescrit-on la phénothiazine, malgré tous les risques qu’elle comporte ?
— De nos jours, on utilise plutôt des IMAO. L’ennui, c’est qu’ils étaient sans effet sur Rod. En consultant MedBase, j’ai découvert qu’un de ses parents avait été traité avec succès à la phénothiazine pour le même type de dépression, aussi il m’a semblé que cela valait la peine d’essayer.
— Quels sont les risques, au juste ? Supposons qu’un patient mange un aliment défendu. Que va-t-il lui arriver ?
— Pour commencer, il souffrira d’une migraine occipitale accompagnée d’une douleur rétro-orbitale… Autrement dit, il aura mal derrière la tête et les yeux. Il peut aussi ressentir des nausées, des palpitations, des bouffées de chaleur ou des sueurs froides. S’il n’est pas immédiatement pris en charge, il a de fortes chances de succomber à une hémorragie cérébrale.
— Ce ne doit pas être bien plaisant.
— En effet, dit le docteur en hochant tristement la tête. S’il avait été hospitalisé, il aurait suffi de cinq milligrammes de phentolamine pour le sauver. Mais si vous me dites qu’il était seul, il est probable qu’il aura perdu connaissance.
— Vous le suiviez depuis longtemps ?
— Depuis environ un an. Rod avait dépassé la soixantaine. Comme bien souvent à cet âge, son médecin était plus âgé que lui. Quand il est décédé, l’année dernière, Rod a eu besoin d’un nouveau médecin pour lui renouveler sa Cardizone.
— Vous dites l’avoir soigné pour une dépression. Ce n’est donc pas pour cela qu’il était venu vous trouver ?
— Non. Mais j’ai très vite décelé les symptômes. Cela faisait des années qu’il souffrait d’insomnie et quand on discutait un peu avec lui, il était évident qu’il était dépressif.
— Qu’est-ce qui avait pu le rendre si triste ?
— La dépression clinique ne se limite pas à une banale tristesse, inspecteur. C’est une maladie, qui se manifeste par une incapacité à la fois physique et psychologique à se concentrer et par un profond découragement.
— Et vous l’avez soigné avec des drogues ?
Le Dr Miller soupire, sentant poindre la critique.
— Le but n’est pas de rendre les gens dépendants, inspecteur, mais de les rééquilibrer. Quand ça marche, c’est comme si on soulevait un rideau devant une fenêtre qui n’avait pas laissé entrer le jour depuis des années.
Elle marque une pause, comme si elle hésitait à livrer le fond de sa pensée.
— Ici, je dois rendre hommage à Rod Churchill. Il est probable qu’il souffrait de dépression depuis de longues années, peut-être depuis l’adolescence. Seulement, son ancien médecin n’avait pas décelé les symptômes. En général, les personnes de son âge hésitent à se faire soigner, mais pas Rod. Lui ne demandait qu’à être aidé.
— De quoi ont-ils peur ? interroge Sandra, sincèrement curieuse.
— Mettez-vous à leur place… Imaginez qu’on vous dise que vous avez presque toujours vécu en étant diminuée. Vous qui êtes jeune, il est probable que vous voudriez y remédier. Mais les gens plus âgés ont parfois du mal à admettre que leur existence, maintenant presque achevée, aurait pu être plus réussie… Ils préfèrent ne rien faire, par peur des regrets.
— Ce n’était pas le cas de Rod Churchill ?
— Non. N’oubliez pas qu’il était prof de gym, chargé d’enseigner les principes d’une vie saine aux adolescents. Il s’est plié de bonne grâce au traitement. Nous avons été très déçus de constater que les inhibiteurs réversibles ne lui faisaient pas d’effet, mais il a tout de suite été partant pour essayer la phénothiazine… Et il savait combien il était important d’éviter les aliments défendus.
— Qui sont… ?
— Pour commencer, les fromages fermentés. Également, il n’avait pas droit au caviar, ni aux viandes et aux poissons salés, fumés ou marinés.
— Ce n’est pas le genre de truc qu’on peut manger par inadvertance.
— Non, en effet. Mais on trouve aussi de la tyramine dans les levures et les extraits secs de viande – les cubes de bouillon, par exemple. Sans oublier les extraits de protéines hydrolisées qui entrent dans la composition de la plupart des soupes et des sauces au jus de viande.
— Les sauces au jus de viande ?
Sandra repêche dans sa poche le reçu froissé et maculé de Food Food et le tend au médecin par-dessus la table.
— Le menu de son dernier repas, annonce-t-elle.
Le Dr Miller parcourt la note et secoue la tête.
— Nous avons justement parlé de Food Food lors de sa dernière visite. Il m’a certifié qu’il commandait toujours leur sauce de régime… Il avait vérifié qu’elle ne contenait rien de nocif pour lui.
— Peut-être a-t-il oublié cette fois-là ?
— Ça m’étonnerait, dit le docteur en lui rendant le papier. Rod Churchill était quelqu’un de très pointilleux.
Becky Cunningham arrive au rendez-vous avec dix minutes d’avance. Peter se lève pour l’accueillir. Vont-ils se sourire, s’embrasser ? Les deux. Peter a la surprise de sentir son cœur s’affoler quand les lèvres de Becky s’attardent sur sa joue. Comme elle sent bon !
— Tu as une mine superbe, dit Becky en prenant place en face de lui.
— Toi aussi.
Becky Cunningham n’est pas une beauté d’après les canons ordinaires : ses cheveux châtain foncé coupés au ras de l’épaule sont un peu plus courts que ne l’exige la mode ; son poids se situe dix kilos au-dessus de l’idéal des magazines (cinq selon des critères moins sévères) et son visage aux pommettes saillantes est constellé de taches de rousseur. Le pétillement de son regard vert se trouve rehaussé par les fines rides qui se sont creusées au coin de ses yeux depuis leur dernière entrevue.
Peter la trouve absolument merveilleuse.
Au moment de commander, il se souvient des conseils de la réceptionniste et demande des tortellini. Ils bavardent de choses et d’autres, s’esclaffant à tout propos. Il y avait des semaines que Peter ne s’était pas senti aussi détendu.
Il insiste pour payer l’addition, laisse un généreux pourboire et aide Becky à enfiler son manteau… Depuis quand n’en avait-il pas fait autant pour sa femme ?
— Qu’est-ce que tu comptes faire en attendant l’heure de ton vol ? lui demande Becky.
— Je n’en sais rien. Un peu de tourisme, peut-être.
Becky lève les yeux vers lui. Maintenant qu’ils ont déjeuné, évoqué le bon vieux temps et échangé des nouvelles de leurs relations communes, c’est ici que leurs voies devraient se séparer à nouveau. Mais…
— Je n’ai rien de spécial à faire cet après-midi, dit Becky sans détacher son regard du sien. Tu ne vois pas d’inconvénient à ce que je t’accompagne ?
Rien ne lui ferait davantage plaisir.
— Ce serait… parfait, achève-t-il, renonçant à se censurer.
Des étoiles dansent dans les yeux de Becky.
— Où veux-tu aller ? demande-t-elle en glissant son bras sous le sien.
— À toi de me guider, répond Peter en souriant. Après tout, tu es ici chez toi.
Ils vont voir ensemble tout ce que Peter avait dédaigné ce matin-là. Ils assistent à la relève de la garde, visitent des boutiques pittoresques (le genre d’endroits qu’il fuit ordinairement). Quelques heures plus tard, nous les retrouvons même en train de s’enthousiasmer devant les squelettes de la galerie des dinosaures du Musée national des sciences naturelles.
C’est si bon de se sentir vivre, songe Peter.
Le muséum s’élève sur un terrain planté de nombreux arbres. Quand ils en ressortent, à 17 heures passées, la nuit est déjà presque tombée. Si le vent a fraîchi, on ne voit pas un nuage dans le ciel. En déambulant dans les allées du parc, ils aperçoivent un banc au pied d’un bosquet d’érables dépouillés de leurs feuilles.
— Je suis vanné, soupire Peter. Je me suis levé à 5 h 30 pour avoir mon avion.
— Allonge-toi, lui propose Becky en s’asseyant à l’extrémité du banc. Nous avons marché tout l’après-midi.
Le premier mouvement de Peter est de décliner son offre. Mais après tout, pourquoi pas ? Juste comme il est sur le point de s’étendre sur la partie libre du banc, Becky ajoute :
— Tu n’as qu’à poser ta tête sur mes genoux.
Cette fois, il n’hésite pas longtemps. Il se dégage d’elle une douce chaleur, tellement humaine. Son bras repose délicatement sur sa poitrine.
C’est si bon de se détendre… Il pourrait rester là des heures. C’est à peine s’il ressent le froid.
Le sourire de Becky n’exige rien, ne réclame rien… Un si merveilleux sourire.
Pour la première fois depuis le déjeuner, il pense à Cathy et à Hans.
Enfin, il a trouvé un être humain – pas un clone – à qui se confier… Quelqu’un qui ne le méprisera pas, qui ne se moquera pas de son infortune. Quelqu’un qui l’écoutera et l’acceptera tel qu’il est.
Au même moment, il comprend que rien ne l’oblige à en parler : il a lui-même trouvé la réponse aux questions qu’il se posait.
Peter a rencontré Becky à l’université, avant que Cathy ne soit entrée en scène. Ils se sentaient attirés l’un par l’autre, mais manquaient alors cruellement de maturité (lui, du moins, était encore vierge). Les choses ont changé depuis. Ils ont tous les deux l’expérience du mariage, de l’amour, et savent reconnaître le moment opportun. Peter pourrait très bien appeler Cathy, lui dire que sa réunion s’est prolongée au-delà de l’heure prévue et qu’il ne rentrera que demain matin. Puis il raccompagnerait Becky chez elle.
Il le pourrait, mais il n’en fera rien. Placé dans la même situation que Cathy, lui ne trahira pas… Pas même pour lui rendre la monnaie de sa pièce.
Peter sourit à Becky, sentant ses blessures se refermer.
— Tu es une fille épatante, dit-il. Le type qui t’aura est un sacré veinard.
Elle lui sourit en retour.
Peter pousse un profond soupir, chassant toute la tension accumulée.
— Il est temps que j’aille à l’aéroport.
Cette fois, le sourire de Becky exprime peut-être une pointe de regret.
Peter se sent prêt à rentrer chez lui.