M. Dubenoît, en effet, s’approchait, et sur sa physionomie on pouvait lire à la fois l’inquiétude, le mécontentement et divers autres sentiments désagréables.
– Bonjour mon cher Bluette! Ah! voilà le redoutable Blaireau, le héros du jour! C’est précisément avec lui que je désirerais causer; mais il est en grande conversation, je vois, avec notre jeune révolutionnaire.
– Blaireau, dit Guilloche, a bien voulu me choisir comme avocat.
– Dites plutôt que c’est vous qui l’avez choisi comme client.
– C’est la même chose, concilia Blaireau.
– J’ai lu votre article de ce matin, mon cher Guilloche. Il est charmant… et d’une bonne foi!
– Alors vous vous imaginiez, monsieur le maire, que cela allait se passer comme ça! qu’on pourrait emprisonner un innocent pendant des années…
– Trois mois, s’il vous plaît.
– … Et que l’opinion publique ne protesterait pas!
– L’opinion publique se fiche pas mal de Blaireau.
– On a renversé des gouvernements pour moins que cela, monsieur le maire!
– Ces temps-là sont passés, monsieur l’avocat!
– Peut-être pas tant que vous le croyez… Me ferez-vous l’honneur, monsieur Dubenoît, d’assister à la conférence que je fais demain à la Brasserie de l’Avenir?
– Sur quel sujet?
– L’Erreur judiciaire en France depuis le chêne de Saint Louis jusqu’à nos jours.
– Je ne vous promets pas d’y assister en personne, mais dans tous les cas, j’y enverrai un garçon de la mairie.
– Trop aimable.
Et il songea: «Il rage, M. le maire!»- Au revoir messieurs! À tout à l’heure, Blaireau, et souvenez-vous de vos engagements!
– Soyez tranquille, monsieur l’avocat, je suis un homme tout d’une pièce, comme on dit.