CHAPITRE XXXIV

Dans lequel les choses s’arrangent et point trop mal, en somme.

Blaireau avait compris que toute résistance était inutile.


Soudain dégrisé, solidement tenu par la rude poigne des gendarmes, il ne pensait plus qu’à sortir le plus avantageusement possible de cette mauvaise situation.


Apercevant dans la foule Maître Guilloche, il l’implora:


– Mon avocat, je vous en prie, faites-moi relâcher!


– Je ne suis plus un avocat, monsieur


– Depuis quand, donc?


– Depuis que vous vous êtes mis dans votre tort, monsieur.


– En voilà un avocat, par exemple!… qui lâche ses clients juste au moment où ils ont le plus grand besoin de lui! vous êtes un drôle d’avocat!


– Et vous, un drôle de client!


– Mon avocat qui m’abandonne! mon Dieu, qu’est-ce que je vais devenir? Il ne me reste plus qu’à implorer la magistrature.


Je vous en prie, monsieur le président, faites-moi relâcher.


– Votre demande est parfaitement raisonnable, mon cher ami. Gendarmes, mettez M. Blaireau en liberté.


– Je m’y oppose formellement! protesta M. le maire.


– Vous avez tort, monsieur le maire! Cet homme ayant expié préalablement son délit d’aujourd’hui, il est de toute justice de lui tenir compte de cette situation. Blaireau ne doit rien à la société, il a payé d’avance.


– Bien parlé, monsieur le président! s’écria Blaireau.


Impressionnés par les nobles et justes, généreuses paroles du magistrat, les gendarmes se dessaisissent de Blaireau.


Fatigué, complètement démoralisé, le pauvre garçon s’écroule sur une chaise.


– Ruiné! gémit-il. Ma situation politique compromise?


– Ça, vous pouvez le dire! triomphe Dubenoît.


– Qu’est-ce que je vais devenir mon Dieu? Ah! je suis découragé!… Monsieur le baron, vous ne pourriez pas me trouver, des fois, une petite place à Paris?


– À Paris?


– Oui, à Paris, parce que, pour rester à Montpaillard, il ne faut pas y songer… Avec toutes les jalousies que je me suis faites dans le pays!


– Une place, j’y penserai, mon ami.


– Le plus tôt possible, s’il vous plaît, monsieur le baron.


– Au fait, mais j’y songe… vous savez faire des tours de cartes?


– C’est tout ce qui me reste dans mon malheur.


– Vous portez admirablement la toilette!


– Tout le monde m’en fait des compliments.


– Eh bien! je Vais vous faire entrer comme croupier dans un petit cercle que je connais à Cabourg.


– On peut mettre de l’argent de côté dans ce métier-là?


– Jusque dans ses manches!


– Alors, ça me va.


Maintenant, Blaireau est un peu consolé.


Il remplace, à sa boutonnière, son gros dahlia rouge un peu fané, par un autre dahlia plus gros, plus rouge, et plus frais.


Et il s’écrie gaiement:


– Je le savais bien, parbleu! l’innocence est toujours récompensée!

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