VI


Le fuyard

À une heure, les journaux locaux paraissaient et tous avaient en première page des titres sensationnels. La Gazette de Liège, le journal bien-pensant, imprimait : « L’affaire de la malle d’osier. Le crime a été commis par deux jeunes débauchés. »

La Wallonie socialiste écrivait de son côté : « Le crime de deux jeunes bourgeois. »

L’arrestation de Jean Chabot était annoncée, ainsi que la fuite de Delfosse. Déjà la maison de la rue de la Loi avait été photographiée. Et on lisait :

«… Aussitôt après l’entrevue pathétique qu’il a eue avec son fils dans les locaux de la Sûreté, M. Chabot s’est enfermé chez lui et s’est refusé à toute déclaration. Mme Chabot, très ébranlée, a dû s’aliter…»

«… Nous avons pu joindre M. Delfosse au moment où il revenait de Huy où il possède des usines. C’est un homme énergique, d’une cinquantaine d’années, dont le regard clair ne se voile pas un seul instant. Il a reçu le choc avec sang-froid. Il ne croit pas à la culpabilité de son fils et il annonce son intention de s’occuper personnellement de cette affaire…»

«… À la prison Saint-Léonard, on nous déclare que Jean Chabot est très calme. Il attend la visite de son avocat avant de comparaître devant le juge d’instruction de Conninck qui a été saisi de l’affaire…»


La rue de la Loi était quiète, comme d’habitude. On voyait les enfants entrer dans la cour de l’école, où ils jouaient en attendant l’heure de la classe.

Entre les pavés, il y avait des touffes d’herbe, et une femme, vers le numéro 48, lavait son seuil à la brosse de chiendent.

Pour seul bruit, les coups espacés sur l’enclume d’un forgeron en cuivre.

Mais, plus souvent que d’habitude, des portes s’ouvraient. Quelqu’un avançait la tête, jetant un coup d’œil dans la direction du numéro 53. On échangeait quelques mots, de seuil à seuil.

— Est-il possible qu’il ait fait ça !… C’est encore un gamin… Quand je pense qu’il n’y a pas si longtemps, il jouait encore sur le trottoir avec les miens…

— Je le disais bien à mon mari quand je l’ai vu deux fois rentrer ivre… À son âge !…

Tous les quarts d’heure, à peu près, un coup de sonnette résonnait dans le corridor des Chabot. C’était l’étudiante polonaise qui ouvrait la porte.

— M. et Mme Chabot ne sont pas ici… disait-elle avec un fort accent.

Gazette de Liège… Voulez-vous leur dire que…

Et le reporter se démanchait le cou pour apercevoir quelque chose à l’intérieur. Il distinguait vaguement la cuisine, le dos d’un homme assis.

— Ce n’est pas la peine… Ils ne sont pas là…

— Pourtant…

Elle refermait la porte. Le journaliste se contentait de questionner les voisins.

Un journal publiait un sous-titre donnant un autre son de cloche que les autres : « Où est l’homme aux larges épaules ? »

Et il imprimait ensuite :

« Tout le monde, jusqu’ici, semble croire à la culpabilité de Delfosse et Chabot. Sans vouloir prendre leur défense, et en nous tenant à l’objectivité des faits, il nous est pourtant permis de nous étonner de la disparition d’un témoin important : le client aux larges épaules qui se trouvait au Gai-Moulin la nuit du crime.

» D’après le garçon de café, ce serait un Français, qui a été aperçu pour la première et la dernière fois ce soir-là. A-t-il déjà quitté la ville ? Préfère-t-il ne pas être interrogé par la police ?

» La piste n’est peut-être pas négligeable, et, au cas où les deux jeunes gens seraient innocents, ce serait sans doute de ce côté que viendrait la lumière.

» Nous croyons savoir, d’ailleurs, que le commissaire Delvigne, qui poursuit l’enquête en étroite collaboration avec le juge d’instruction, a donné à la Brigade des garnis et à la Police de la voie publique les ordres nécessaires pour que le mystérieux client du Gai-Moulin soit retrouvé…»

Le journal parut un peu avant deux heures.

À trois heures, un homme corpulent, aux joues couperosées, se présentait à la police, demandait M. Delvigne et déclarait :

— Je suis le gérant de l’Hôtel Moderne, rue du Pont-d’Avroy. Je viens de lire les journaux et je crois que je puis vous donner des renseignements sur l’homme que vous cherchez.

— Le Français ?

— Oui. Et aussi sur la victime. Je ne m’occupe pas beaucoup, en général des racontars de journaux et c’est pourquoi je me suis aperçu si tard de ce que je vais vous dire. Voyons… Quel jour sommes-nous ?… Vendredi… C’était donc mercredi… C’est bien mercredi que le crime a été commis, n’est-ce pas ?… Je n’étais pas là… Je m’étais rendu à Bruxelles pour affaires… Un client s’est présenté, qui avait un fort accent étranger et qui n’avait pour tout bagage qu’une mallette en porc… Il a demandé une grande chambre donnant sur la rue et il est monté immédiatement… Quelques minutes plus tard, un autre client prenait une chambre voisine…

« D’habitude, on fait remplir la fiche à l’arrivée… Je ne sais pas pourquoi il en a été autrement… Je suis rentré à minuit. J’ai jeté un coup d’œil sur le tableau des clés…

— Vous avez les fiches ? ai-je commandé à la caissière.

— Sauf de deux voyageurs, qui sont sortis tout de suite après leur arrivée.

Jeudi matin, un seul des deux était rentré. Je ne me suis pas inquiété de l’autre, me disant qu’il avait dû faire quelque galante rencontre.

Au cours de la journée, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer mon homme et ce matin on m’a dit qu’il avait payé sa note et qu’il était parti.

Comme la caissière lui demandait de remplir sa fiche, il a haussé les épaules en grommelant que ce n’était plus la peine. »

— Pardon ! intervint le commissaire. C’est celui-là qui correspond au signalement de l’homme aux larges épaules ?

— Oui… Il est parti avec son sac de voyage, vers neuf heures…

— Et l’autre ?

— Comme il n’était pas rentré, j’ai eu la curiosité de pénétrer dans sa chambre à l’aide du passe-partout que nous sommes obligés de posséder pour les cas urgents. Or, sur la mallette en porc, j’ai lu un nom gravé : Éphraïm Graphopoulos. C’est ainsi que j’ai appris que l’individu trouvé dans la malle d’osier avait été mon locataire…

— Si je comprends bien, ils sont arrivés mercredi après-midi, quelques heures avant le crime, l’un derrière l’autre. Comme s’ils descendaient du même train, en somme !

— Oui ! du rapide de Paris.

— Et ils sont sortis le soir l’un derrière l’autre.

— Sans avoir rempli leur fiche !

— Seul le Français est revenu et ce matin il a disparu.

— C’est cela ! J’aimerais mieux, si c’était possible, ne pas voir publier le nom de l’hôtel, car il y a des clients que cela impressionne.

Seulement, à la même heure, un des garçons du Moderne racontait exactement la même chose à un journaliste. Et à cinq heures, dans les dernières éditions de toutes les feuilles, on lisait : « L’enquête prend une nouvelle tournure. L’homme aux larges épaules est-il l’assassin ? »


C’était une belle journée. La vie coulait dans les ruelles ensoleillées de la ville. Un peu partout les agents essayaient de reconnaître parmi les passants le Français recherché. À la gare, il y avait un inspecteur derrière chaque employé préposé aux billets et les voyageurs étaient examinés des pieds à la tête.

Rue du Pot-d’Or, un camion déchargeait en face du Gai-Moulin des caisses de champagne que l’on descendait au fur et à mesure à la cave, en traversant la salle où régnait une ombre fraîche. Genaro surveillait, en manches de chemise, la cigarette aux lèvres. Et il haussait les épaules quand il voyait des passants s’arrêter, murmurer avec un petit frisson : « C’est ici !…»

Ils essayaient de voir à l’intérieur, dans la pénombre où l’on ne distinguait guère que les banquettes de peluche grenat et les tables de marbre.


À neuf heures, on alluma les lampes et les musiciens accordèrent leurs instruments. À neuf heures et quart, six journalistes étaient au bar et, installés, discutaient passionnément.

À neuf heures et demi, la salle était plus qu’à moitié pleine, ce qui n’arrivait pas une fois par an. Non seulement il y avait là tous les jeunes fréquentant les boîtes de nuit et les dancings, mais encore des personnes sérieuses, mettant pour la première fois de leur vie les pieds dans un endroit mal famé.

On voulait voir. Personne ne dansait. On regardait tour à tour le patron, Victor, le danseur professionnel. Des gens se dirigeaient invariablement vers les lavabos pour contempler le fameux escalier de la cave.

— Pressons ! Pressons ! lançait Genaro aux deux garçons qui étaient débordés.

Et il adressait des signes à l’orchestre ; il demandait à voix basse à une femme :

— Tu n’as pas vu Adèle ? Il est temps qu’elle arrive !

Car Adèle était la grande attraction. C’était elle surtout que les curieux voulaient regarder de plus près.

— Attention ! souffla un journaliste à l’oreille d’un confrère. Ils sont ici…

Et il désignait deux hommes qui occupaient une table près de la portière de velours. Le commissaire Delvigne buvait de la bière, dont la mousse s’accrochait à ses moustaches rousses. À côté de lui, l’inspecteur Girard dévisageait les consommateurs.

À dix heures, l’atmosphère était caractéristique. Ce n’était plus le Gai-Moulin habituel, avec ses quelques clients réguliers et les voyageurs à la recherche d’une compagne d’un soir.

De par la présence des journalistes surtout, cela rappelait à la fois le grand procès de Cour d’assises et la soirée de gala.

Les mêmes gens étaient là. Non seulement les reporters, mais les chroniqueurs. Un directeur de journal était venu en personne. Puis tous ceux qui ont l’habitude de se retrouver dans les grands cafés : les viveurs, comme on dit encore en province, et les jolies femmes.

Dans la rue, il y avait une vingtaine de voitures. On se saluait de table à table. On se levait pour distribuer des poignées de main.

— Il se passera quelque chose ?

— Chut ! Pas si haut ! Le rouquin, là-bas, est le commissaire Delvigne. S’il s’est dérangé, c’est que…

— Laquelle est Adèle ? La grosse blonde ?

— Elle n’est pas arrivée !

Elle arrivait. Elle faisait une entrée sensationnelle. Elle portait un ample manteau de satin noir doublé de soie blanche. Elle avançait d’abord de quelques pas, s’arrêtait, regardait à la ronde puis, nonchalante, se dirigeait vers l’orchestre, tendait la main au chef.

Éclair de magnésium. Un photographe venait de prendre un cliché pour son journal et la jeune femme haussait les épaules, comme si cette popularité lui eût été indifférente.

— Cinq portos, cinq !

Victor et Joseph étaient sur les dents. Ils se faufilaient entre les tables.

On eût dit une fête, mais une fête où chacun était là pour regarder les autres. Les danseurs professionnels gravitaient seuls sur la piste.

— Ce n’est pas si extraordinaire que ça ! disait une femme que son mari conduisait pour la première fois dans un cabaret. Je ne vois pas ce qu’il y a de répréhensible.

Genaro s’approcha des policiers.

— Excusez-moi, messieurs. Je voudrais vous demander un conseil. Est-ce qu’il faut faire les numéros, comme d’habitude ?… Maintenant, Adèle devrait danser…

Le commissaire haussa les épaules en regardant ailleurs.

— Ce que j’en disais, c’était pour ne pas vous contrarier…

La jeune femme était au bar, entourée par les journalistes qui la questionnaient.

— En somme, Delfosse a volé le contenu de votre sac. Il était votre amant depuis longtemps ?

— Il n’était même pas mon amant !

Elle manifestait un certain embarras. Il lui fallait faire un effort pour subir le feu de tous les regards.

— Vous avez bu le champagne avec Graphopoulos. À votre avis, quel genre d’homme était-ce ?

— Un chic type ! Mais laissez-moi…

Elle alla au vestiaire retirer son manteau, s’approcha un peu plus tard de Genaro.

— Je danse ?

Il n’en savait rien. Il regardait toute cette foule avec une pointe d’inquiétude, comme s’il craignait d’être submergé.

— Je me demande ce qu’ils attendent.

Elle alluma une cigarette, s’accouda au bar, le regard lointain, sans répondre aux questions que les reporters continuaient à lui poser.

Une grosse commère disait à voix haute :

— C’est ridicule de payer dix francs une limonade ! Il n’y a même rien à voir !

Il y eut quelque chose à voir, pourtant, mais seulement pour ceux qui connaissaient les personnages du drame. Le chasseur en rouge souleva à certain moment la portière et l’on entrevit un homme d’une cinquantaine d’années aux moustaches argentées, qui fut surpris en apercevant tant de monde.

Il fut tenté de reculer. Mais son regard rencontra celui d’un journaliste qui l’avait reconnu et qui donnait un coup de coude à son voisin. Alors il entra, l’air dégagé, en secouant la cendre de sa cigarette.

Il portait beau. Il était habillé avec une remarquable élégance. On sentait l’homme habitué à la vie large autant qu’à l’existence nocturne.

Il marcha droit vers le bar, avisa Genaro.

— Vous êtes le patron de la boîte ?

— Oui, monsieur.

— M. Delfosse ! Il paraît que mon fils vous devait de l’argent ?

— Victor !

Et Victor accourut.

— C’est le père de M. René qui demande combien son fils te devait.

— Attendez que je consulte mon carnet… M. René tout seul ou bien M. René et son ami ?… hum !… Cent cinquante et soixante-quinze… Et dix et les cent vingt d’hier…

M. Delfosse lui tendit un billet de mille francs, laissa tomber sèchement :

— Gardez le tout !

— Merci, monsieur ! Merci beaucoup ! Vous ne voulez pas prendre quelque chose ?

Mais M. Delfosse regagnait la sortie sans regarder personne. Il passa près du commissaire, qu’il ne connaissait pas. Au moment où il franchissait la portière, il frôla un nouvel arrivant, n’y prit garde et remonta dans sa voiture.

C’était pourtant le principal événement de la soirée qui se préparait. L’homme qui entrait était grand, large d’épaules, avec un visage épais, un regard calme.

Adèle, qui le vit la première, peut-être parce qu’elle ne cessait de guetter la porte, écarquilla les prunelles, se montra toute désemparée.

Le nouveau venu marchait droit vers elle, lui tendait une main grasse.

— Vous allez bien, depuis l’autre soir ?

Elle essaya d’esquisser un sourire.

— Merci ! Et vous ?

Des journalistes chuchotaient en le regardant.

— Tout ce que tu veux que c’est lui ?

— Il ne viendrait pas ici, ce soir !

Comme par bravade, l’homme tira de sa poche un paquet de tabac gris et se mit en devoir de bourrer sa pipe.

— Un pale ! lança-t-il à Victor qui passait, un plateau chargé à bout de bras.

Victor fit un signe affirmatif, poursuivit sa course, passa près des deux policiers et souffla rapidement :

— C’est lui !

Comment la nouvelle se répandit-elle ? Toujours est-il qu’une minute plus tard tous les regards étaient braqués sur l’homme aux larges épaules qui, une cuisse sur un haut tabouret du bar, l’autre jambe pendante, buvait sa bière anglaise à petites gorgées en contemplant le public à travers le verre embué.

Trois fois Genaro dut faire claquer ses doigts pour décider le jazz à jouer un nouveau morceau. Et le danseur professionnel lui-même, tout en dirigeant sa partenaire sur le parquet ciré, ne quittait pas l’homme des yeux.

Le commissaire Delvigne et l’inspecteur échangeaient des petits signes. Des journalistes les observaient.

— On y va ?

Ils se levèrent ensemble, se dirigèrent vers le bar d’une démarche nonchalante.

Le commissaire aux moustaches rousses s’accouda devant l’homme. Girard se plaça derrière, prêt à le ceinturer.

La musique ne cessa pas. Et, pourtant, tout le monde eut l’impression d’un silence anormal.

— Pardon ! Vous êtes bien descendu à l’Hôtel Moderne ?

Un lourd regard se posa sur celui qui parlait.

— Après ?

— Je crois que vous avez oublié de remplir votre fiche.

Adèle était à trois pas, le regard rivé à l’inconnu. Genaro faisait partir le bouchon d’une bouteille de champagne.

— Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je désirerais que vous veniez la remplir à mon bureau. Attention ! Pas d’esclandre…

Le commissaire Delvigne scrutait les traits de son partenaire et se demandait en vain ce qui, en lui, l’impressionnait.

— Vous me suivez ?

— Un instant…

Il porta la main à sa poche. L’inspecteur Girard crut qu’il voulait en sortir un revolver et il eut la maladresse de tirer le sien.

Des gens se levèrent. Une femme poussa un cri d’effroi. Mais l’homme ne voulait que prendre de la monnaie, qu’il posa sur le bar en disant :

— Je vous suis !

La sortie fut loin d’être discrète. La vue du revolver avait effrayé les clients, sinon ils eussent sans doute formé la haie. Le commissaire marchait le premier. Puis l’homme. Puis Girard, qui était pourpre à cause de sa fausse manœuvre.

Un photographe fit éclater du magnésium. Une voiture attendait devant la porte.

— Vous voulez bien monter…

Il n’y avait que trois minutes de chemin pour atteindre les bureaux de la police. Des inspecteurs en service de nuit étaient occupés à jouer au piquet et à boire des demis qu’ils avaient fait venir d’un café voisin.

L’homme entra comme chez lui, retira son chapeau melon, alluma une grosse pipe qui s’harmonisait avec sa face empâtée.

— Vous avez des papiers ?

Delvigne était nerveux. Il y avait quelque chose qui ne lui plaisait pas dans cette affaire et il ne savait pas quoi.

— Pas de papiers du tout !

— Où avez-vous déposé votre valise quand vous avez quitté l’Hôtel Moderne ?

Un regard aigu du commissaire qui se troubla, parce qu’il eut l’impression que son interlocuteur s’amusait comme un enfant.

— Je n’en sais rien !

— Vos nom, prénoms, profession, domicile…

— C’est votre bureau, à côté ?

On voyait une porte qui ouvrait sur un petit bureau vide et non éclairé.

— Et après ?

— Venez !

Ce fut l’homme aux larges épaules qui entra le premier, tourna le commutateur, referma la porte.

— Commissaire Maigret, de la Police judiciaire de Paris ! dit-il alors en tirant de petites bouffées de sa pipe. Allons ! mon cher collègue, je crois que, ce soir, nous avons fait du bon travail. Et vous avez une bien belle pipe !…


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