42

Derrière la porte d’entrée, Valentina dressait l’oreille, les yeux fermés. Deux garçonnets bruns assis sur le sol du vestibule jouaient aux cartes pour des mégots de cigarette. Ils étaient si absorbés par leur partie qu’ils ne la remarquaient même pas. Un lit étroit était apparu dans l’alcôve située sous l’escalier. Un homme chauve couché sur le dos ronflait, mais elle ne s’en souciait guère. Elle était en alerte et ne voulait pas attirer l’attention en patientant dehors.

Les minutes s’égrenaient. Le souffle court, elle sentait la montre de Jens, dans sa poche, dont les aiguilles tournaient irrémédiablement. Elle guettait le bruit de bottes militaires dans l’allée. Elle sursautait à chaque bourrasque, chaque grincement de grille.

Les minutes s’égrenaient.

En percevant un son vague, sur la première marche, elle actionna le loquet pour entrebâiller le battant. Une rafale d’air froid s’engouffra à l’intérieur. Lorsqu’elle ouvrit en grand, la porte heurta le mur. Curieux, les garçonnets levèrent la tête.

Jens était là, élancé, les joues émaciées, les pommettes saillantes, les yeux enfoncés dans leurs orbites. Une épaisse barbe rousse lui mangeait la moitié du visage.

— Valentina, murmura-t-il.

Elle l’attira vers elle et le fit entrer. Il referma la porte d’un coup de pied. Incapable de dire un mot, elle l’enlaça, le cœur battant, rassurée par ses bras puissants. Son désir pour lui était tel qu’elle se mit à trembler de tous ses membres.

— Valentina, répéta-t-il dans ses cheveux, comme s’il ne connaissait plus d’autre mot.

Le temps pressait, mais elle ne parvenait pas à s’écarter de lui.

Les bagages étaient posés sur le lit : deux grands sacs et un petit. Ils étaient prêts depuis des semaines et contenaient surtout des conserves de viande, des flocons d’avoine, des fruits secs, sans oublier des allumettes, des bougies, une couverture, des chaussettes et un chandail en laine pour chacun.

— Nous voyagerons léger, avait-elle expliqué à sa fille.

Assise en tailleur sur la peau de renne, Lydia avait serré son train sur son cœur.

Seuls dans leur chambre, Valentina entreprit de dévêtir son mari, qui portait les mêmes vêtements depuis huit mois.

— J’empeste le sanglier, marmonna-t-il.

— Je pourrais te dévorer tout cru, répondit-elle en embrassant son torse.

Il émit d’un rire rauque. Son corps était sec, presque décharné. Il n’avait guère que la peau et les os, en réalité. Il avait dû lui être difficile de se maintenir prêt à s’échapper, malgré la faim. Il fit une rapide toilette et tailla sa barbe à l’aide de ciseaux, car il n’avait pas le temps de se raser. En quelques minutes, ils eurent quitté la maison et foulèrent le trottoir verglacé, tenant leur fille par la main. Lydia ne cessait de donner des coups d’épaule à son père pour s’assurer qu’il était vraiment là.

— Les bolcheviques ont investi les gares, donc nous ne pouvons prendre le train, déclara Valentina.

— Marchons. Jusqu’au bout s’il le faut.

— Jusqu’où ? s’enquit-elle.

— Jusqu’en Chine.

Elle en demeura bouche bée, une réaction qui amusa son mari. Avec lui, elle aurait marché jusqu’au bout du monde.

— Va pour la Chine !

— C’est où, la Chine ? s’enquit Lydia.

— Après la Russie, là où elle se jette dans la mer.

— C’est loin ?

Ses parents lui sourirent.

— Il va falloir marcher très vite, ajouta Jens.

L’enfant hâta le pas.

En débouchant dans la rue suivante, ils virent le premier barrage gardé par des silhouettes grises portant un brassard rouge et un fusil qu’ils n’hésiteraient pas à utiliser. Si Valentina se crispa, Jens avança au même rythme et tourna dans une rue transversale pour revenir sur leurs pas et tenter une autre approche. Chaque fois, ils étaient contraints de reculer. Protégée par les pans des longs manteaux de ses parents, Lydia racontait ses parties de cartes avec les garçons du rez-de-chaussée. Au bout d’une heure, Jens s’arrêta dans l’ombre d’une église dont le dôme ambré ressortait dans un ciel couvert, parmi les cendres des incendies de la nuit qui voletaient encore dans l’air.

— Jens, nous sommes pris au piège, dit Valentina en posant son sac par terre. Nos laissez-passer ne valent rien.

— Ces soldats sont des bolcheviques purs et durs. Ils n’accorderont aucune importance à une signature s’ils décident que leur devoir est de tirer une balle sur des oppresseurs. Utiliser les documents est trop dangereux.

Il s’adossa au mur et scruta l’extrémité de la rue, de sorte qu’elle ne voyait plus son visage.

— Pourquoi a-t-il accepté de me libérer ? demanda-t-il.

La gorge sèche, elle posa la tête sur son épaule.

— Est-ce vraiment important ? souffla-t-elle.

Pendant un long moment, il garda le silence. Valentina avait l’impression de manquer d’air. Enfin, Jens posa son menton sur sa tête et poussa un long soupir.

— Non, mon amour, répondit-il, cela n’a aucune importance, du moment que nous sommes ensemble.

Il l’embrassa sur le front.

— À présent, partons.

— Où ça ?

Il plongea dans son regard.

— Tu imagines que j’ai croupi huit mois au fond d’une cellule sans rien faire ? J’ai planifié notre itinéraire et je l’ai parcouru des milliers de fois en pensée.

Il ramassa son sac et prit sa fille sur son dos.

— Il y a une solution.

Jens souleva la trappe métallique au milieu de la chaussée. La plupart étaient verrouillées, mais il savait que le verrou de celle-ci était cassé.

— Vite ! Descendez !

Il vit Valentina hésiter.

— On ne risque rien.

La dernière fois qu’elle avait parcouru les canalisations, elle avait failli se noyer. Jens emprunta l’échelle de métal et saisit une lampe à pétrole. Les allumettes censées l’accompagner avaient disparu. Par chance, Valentina lui en avait remis une boîte. Le trou noir baigna bientôt dans la lueur jaune.

— Lydia, à toi, ma chérie !

Son visage inquiet apparut, puis elle posa les pieds sur le premier échelon. En voyant le tunnel sombre s’étirer devant elle, elle ne se plaignit pas, mais se lova contre son père.

— N’aie pas peur, lui souffla-t-il avant de tendre les bras pour aider Valentina.

Elle prit soin de refermer la trappe. Sous terre, seuls l’égouttement de l’eau et un murmure lointain rompaient le silence, le murmure d’une pompe à moteur.

— Il faudra aller loin ? s’enquit-elle.

— Aussi loin que possible.

Incapable de résister à la tentation, il leva la lampe pour observer son visage, qu’il trouva un peu changé. Il l’embrassa et se mit en route, Lydia sur son dos. Au début, Valentina chanta de sa voix cristalline pour apaiser la tension dans les galeries sombres et confinées. Hélas, ils furent vite contraints de progresser à quatre pattes, traînant leurs sacs dans les eaux glaciales et nauséabondes, de sorte qu’elle se contenta d’avancer en silence.

Jens était agacé d’avoir du mal à se concentrer dans ces souterrains. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas connu le luxe d’être dans le noir. Il se cogna à plusieurs reprises, mais refusa de laisser Lydia descendre de son dos, en dépit des suppliques de Valentina. Sa fille s’accrochait à son cou avec un enthousiasme qui lui fit chaud au cœur.

Ils ne parlèrent pas, surtout pas de ce à quoi ils renonçaient, de ceux qu’ils laissaient derrière eux. Ce n’était pas le moment. Jens lui demanda simplement où étaient ses parents. Valentina regarda sa fille, qui ne perdait pas une miette de la conversation, et secoua imperceptiblement la tête. Il ne posa plus de questions. Quand ils parvinrent à une autre bouche, Jens gravit l’échelle de fer et regarda par les petits orifices de la trappe. Il vit des pieds par milliers. Après huit mois passés dans la solitude, il avait perdu toute notion de la foule. À l’embranchement suivant, il vira à gauche sans l’ombre d’une hésitation. Le rire de Valentina le fit sursauter.

— Comment diable fais-tu pour t’orienter dans ce labyrinthe ? Je n’en reviens pas !

— Ce sont mes canalisations. Je les ai construites. Il est naturel que je les connaisse comme ma poche.

Trouvant que sa fille était silencieuse depuis trop longtemps, il se tourna vers l’enfant, qui pataugeait désormais dans l’eau jusqu’aux chevilles. Elle avait les yeux écarquillés.

— Papa, où dort le dragon ?

— Il n’y a aucun dragon par ici, malichka, s’empressa de déclarer Valentina.

— Mais si ! Je sens son souffle.

Jens prit la main froide de la fillette.

— Je crois qu’il est grand temps de remonter à la surface, annonça-t-il.

Ils étaient proches de la bouche d’égout. Le plafond de la galerie était plus haut. Jens leva sa lampe au-dessus de l’eau qui était lisse et grasse.

— Il n’est pas devant nous, Papa, chuchota Lydia. Le dragon est derrière.

— Non, ma chérie, il n’y a pas…

— Écoutez ! souffla l’enfant.

Ils dressèrent l’oreille. Valentina posa une main sur le bras de son mari. Au loin résonnait un bruit de pas précipités dans l’eau. Jens éteignit la lampe et se figea. Au bout d’une minute, il entendit des voix.

— La lumière a disparu, fit remarquer un jeune garçon.

— Ils se sont volatilisés, répondit un vieil homme.

Les pas cessèrent. N’ayant pas de lampe, ils avaient dû suivre celle de Jens. Ils se remirent en route, plus lentement, jusqu’à être très proches. Jens sentit Valentina lui glisser un objet froid et lourd dans la main. Un pistolet. Le cœur battant, il brandit son arme dans le noir.

— Qui que vous soyez, arrêtez-nous !

Ce fut le silence.

— Qui êtes-vous ? reprit Jens.

— Personne, répondit le jeune garçon. Et vous ?

— Des voyageurs.

— Nous effectuons peut-être le même voyage, suggéra le vieil homme.

— Peut-être. Vous avez une lampe ?

— Une lampe, oui, mais pas d’allumettes.

— Valentina, reste derrière moi et rallume notre lampe.

Elle obéit tandis que Jens tenait les inconnus en respect. Une lueur vacillante éclaira bientôt un garçon d’une douzaine d’années accompagné d’un homme à la moustache grise et au regard plein de regret. Il avait des allures de banquier ou d’avocat. Jens baissa son arme et lança sa boîte d’allumettes au garçon, qui l’empocha. Valentina le maudit.

— J’ai payé ces allumettes cinquante roubles au marché noir, protesta-t-elle.

— Merci, mon ami, déclara le vieillard. Auriez-vous également quelque chose à manger ?

Niet, rétorqua Valentina.

— Mon petit-fils et moi avons été contraints de fuir sans rien emporter.

Il désigna le sac de la jeune femme, qui voulut s’éloigner. Soudain, le garçon sortit un énorme pistolet de sous son manteau et le pointa vers la tête de Valentina.

— Donnez-moi le sac ! cria-t-il.

— Il faudra me tirer dessus, sale petit voleur ! répliqua-t-elle.

Jens s’interposa, visant le vieil homme.

— Qu’il baisse son arme ! Je vous ai aidés. Où est votre moralité ?

— Mon petit-fils est avide, répondit-il d’un ton las, avant de se tourner vers l’intéressé : garde tes balles pour ceux qui les méritent.

Le jeune garçon jura et baissa son pistolet.

— Nous partons, annonça Jens. Ne restez pas ici trop longtemps. Je vous préviens, Lénine et ses gardes rouges fouilleront les égouts quand ils comprendront qu’ils constituent une échappatoire.

— Merci pour ce conseil.

Jens les salua d’un signe de tête et souleva Lydia dans ses bras. Elle tremblait et claquait des dents. Après un instant d’hésitation et à contrecœur, Valentina sortit deux boîtes de conserve de son sac et les jeta au garçon en grommelant. Puis elle s’éloigna.

— Mes amis ! lança le vieil homme. Il y a un train…

Elle s’arrêta et fit volte-face, le visage déformé par la lueur de la lampe.

— Quel train ?

— Un train qui fait le tour de mon domaine, à l’est de la ville, en lisière de forêt. C’est un petit train de marchandises qui passe une fois par semaine. Il ne transporte que du blé et du bétail.

Jens posa Lydia à terre, puis il prit la carte et le compas que Valentina avait emportés.

— Montrez-moi.

Il brandit la lampe tandis que le vieil homme posait l’index sur la carte. Il portait une chevalière ornée d’un diamant.

— Vous voyez ce virage que décrit la rivière ? C’est là que le train ralentit. En vous dépêchant, vous pourrez monter à bord. Tous les paysans du village l’empruntent.

— Jusqu’où va-t-il ? s’enquit Jens.

— Suffisamment loin. Il rejoint la ligne transsibérienne pour décharger ses marchandises.

— C’est votre destination ?

— Pas encore, répondit le vieil homme. D’abord, je dois retrouver ma femme.

Les deux hommes échangèrent un regard entendu. Ils savaient qu’il était sans doute trop tard.

— Bonne chance, conclut Jens. Et merci pour ce renseignement.

— Merci pour la nourriture. Dieu protège chacun d’entre nous.

— Dieu ne suffira pas, murmura Jens.

Il reprit sa fille dans ses bras et entraîna sa femme hors des tunnels.

Ils n’eurent aucun mal à trouver le site, au bord de la rivière. Aux abords de la ville, ils furent arrêtés par une patrouille de jeunes soldats assez naïfs pour se laisser impressionner par un tampon officiel. Les documents fournis par Arkine leur permirent de passer.

La forêt était un refuge bienvenu, un univers rassurant qu’ils sillonnèrent pendant deux jours. La température chuta soudain et des flocons de neige se mirent à voleter dans l’air. Ils virent plusieurs silhouettes pâles se faufiler parmi les arbres, tels des fantômes. Les gens ne faisaient confiance à personne, désormais. En Russie, un inconnu était potentiellement dangereux. Ils campèrent sous les arbres, au bord de l’eau, drapés dans leur couverture. Ils se risquèrent même à allumer un feu pour préparer du thé. Enfin, Valentina parla à Jens de ses parents, de leur condamnation par un tribunal bolchevique. Il la berça dans ses bras et l’embrassa pour calmer ses sanglots. Ils observèrent longuement les rails gris qui semblaient leur montrer la voie vers leur avenir.

Aux premières lueurs de l’aube, Valentina était blottie contre Jens, sous son manteau, au côté de Lydia, enveloppée dans la couverture. Elle effleura la joue lisse de son mari d’un baiser. Il s’était baigné et rasé dans la rivière. Elle le sentit sourire dans le noir. Elle enfouit le visage dans son cou et huma le parfum des pins.

— Jens ?

Il l’embrassa dans les cheveux.

— Jens, j’ai quelque chose à te dire, murmura-t-elle, un peu tendue.

— C’est inutile, répondit-il en posant une main sur sa bouche.

Elle se laissa faire pendant un instant, puis se détourna.

— Jens, ce voyage sera périlleux. Nous risquons à tout moment d’être… séparés, dit-elle, alors qu’elle songeait à bien pire.

Il la serra plus fort.

— Non ! Cela n’arrivera pas.

— Mais si cela se produisait, promets-moi de bien t’occuper de notre fille.

— Je n’ai pas à te le promettre, soupira Jens.

— Promets-le-moi quand même. Je t’en prie !

— Très bien, mon amour, si cela peut te faire plaisir. Je te promets de m’occuper de Lydia.

Il l’observa dans la pénombre.

— Je veux la même promesse de ta part.

— C’est promis. Je veillerai sur elle à jamais.

— Tu es satisfaite, à présent ?

— Non.

Elle chercha ses lèvres, ivre de ce désir insatiable qu’il suscitait en elle. Ils firent l’amour sous un ciel limpide, sans traîneau ni fourrure, comme le soir du bal au palais Anitchkov, sans interruption intempestive, sans Viktor Arkine armé de son fusil et décidé à anéantir leur univers.

— Il arrive ! s’écria Lydia.

Un nuage de fumée s’élevait vers le ciel bleu dans un grondement de tonnerre. Entre la voie ferrée et la rivière étincelait une couche de verglas, puis les champs et la forêt s’étendaient à perte de vue. Une journée idéale pour sauter à bord d’un train…

— Prépare-toi ! prévint Jens.

Le cœur battant à tout rompre, Valentina hocha la tête. Jens hissa Lydia sur son dos et prit la main de sa femme, qui se força à sourire.

— Je suis prête, affirma-t-elle, soufflant de la buée.

Le train ralentit juste avant le virage. Ses roues grincèrent et ses trois wagons de marchandises tressautèrent. Jens se mit à courir devant Valentina qui peinait à rester à sa hauteur. Le conducteur de la locomotive agita un bâton dans leur direction pour les repousser. À l’avant du premier wagon était fixée une échelle métallique. Jens tendit une main et saisit sans effort un échelon. Aussitôt, ses pieds quittèrent le sol et, pendant une fraction de seconde, il se trouva accroché par une main, Lydia dans son dos, les sacs sur une épaule. De l’autre main, il tenait sa femme.

— Saute ! hurla-t-il.

Les jambes tendues, Valentina bondit. Elle perdit l’équilibre et faillit se déboîter l’épaule, traînée à terre à toute vitesse.

Elle lâcha prise. Ses doigts glissèrent de la main de Jens et elle s’écroula sur le sol verglacé. Ce qu’elle avait de plus cher s’éloigna. À la sortie du virage, le train accéléra avec fracas, comme agacé, emportant Jens et Lydia qui disparurent. Sans se rendre compte qu’elle tremblait et qu’elle avait les jambes écorchées, la jeune femme se redressa.

— Jens ! Lydia !

Elle avait tout perdu, après les efforts qu’elle avait déployés pour en arriver là, à l’aube d’une nouvelle vie. N’écoutant que son instinct, elle se mit à courir. Elle gagnerait la Chine à pied, s’il le fallait ! Elle vacilla un instant, puis retrouva l’équilibre et se lança dans une course effrénée. Mille pensées se bousculaient dans sa tête. Une surtout : Jens et Lydia étaient ensemble et le resteraient pour l’éternité. En sécurité.

Les poumons en feu, elle prit conscience qu’elle se trouvait seule au milieu de nulle part. Elle n’avait plus rien, à part une certitude qui la maintenait debout : Jens et Lydia étaient ensemble et veilleraient l’un sur l’autre.

Ivre de la douleur de la séparation, elle courut, courut, jusqu’à ce qu’une ombre noire se profile dans son champ de vision, au loin. La queue du train ! Elle cligna les yeux. Il était bien là, immobile, à cracher de la fumée.

Valentina accéléra, le cœur battant à tout rompre. Le train se rapprochait ! Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, le dernier wagon frémissait d’impatience sur les rails. La jeune femme remonta l’avant-dernière voiture, puis saisit l’échelle de la première. Le convoi ne s’ébranlait toujours pas. N’osant y croire, la jeune femme fila vers la locomotive.

Son pistolet posé sur la tempe du conducteur, Jens lui sourit.

— Tu as pris ton temps, dis-moi…

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