Tout peut se diviser en quatre. Les quatre couleurs du jeu courant de 52 cartes.
Quatre couleurs. Quatre saisons. Quatre émotions. Quatre influences de planètes.
1 – Le printemps. Le cœur. L’affectif. Vénus.
2 – L'été. Le carreau. Les voyages. Mercure.
3 – L'automne. Le trèfle. Le travail. Jupiter.
4 – L'hiver. Le pique. La mort. Mars.
Comment s'est construite la vie sociale? Pour le comprendre, il faut remonter aux premiers débarquants. Parmi eux: les insectes.
Ils semblaient mal adaptés à leur monde. Petits, fragiles, ils étaient les victimes idéales de tous les prédateurs. Pour arriver à se maintenir en vie, certains, tels les criquets, empruntèrent la voie de la reproduction. Ils pondaient tellement de petits qu'il devait forcément rester des survivants.
D'autres, comme les guêpes ou les abeilles, «choisirent» le venin, se dotant au fil des générations de dards empoisonnés qui les rendirent redoutables. D'autres, comme les blattes, choisirent de devenir incomestibles. Une glande spéciale donna un si mauvais goût à leur chair que nul ne voulut la déguster.
D'autres, comme les mantes religieuses ou les papillons de nuit, choisirent le camouflage. Semblables aux herbes ou aux écorces, ils passèrent inaperçus dans la nature inhospitalière.
Cependant, dans cette jungle des premiers jours, bien des insectes n'avaient pas trouvé de «truc» pour survivre et paraissaient condamnés à disparaître.
Parmi ces «défavorisés», il y eut tout d'abord les termites. Apparue il y a près de 150 millions d'années sur la croûte terrestre, cette espèce brou-teuse de bois n'avait aucune chance de pérennité. Trop de prédateurs, pas assez d'atouts naturels pour résister…
Qu'allait-il advenir des termites?
Beaucoup périrent. Les survivants étaient à ce point acculés qu'ils parvinrent à inventer à temps une solution originale: «Ne plus combattre seul, créer des groupes de solidarité. Il sera plus difficile à nos prédateurs de s'attaquer à vingt termites solidaires et faisant front qu'à un seul s'efforçant de fuir.»
Un ne peut rien.
Deux peut plus.
Trois peut tout.
Le termite venait d'inventer le concept de «l'union fait la force». Par la même occasion, il ouvrait l'une des voies royales de la complexité: la Société.
Ces insectes se mirent à vivre en petites cellules, d'abord familiales: toutes groupées autour de la Mère pondeuse. Puis les familles devinrent des villages, les villages prirent de l'ampleur et se métamorphosèrent en villes.
Leurs cités de sable et de ciment se dressèrent bientôt sur toute la surface du globe.
Les termites furent les premiers maîtres intelligents de notre planète.
Ils avaient inventé la vie commune dans la Cité.
Devant un obstacle, un être humain a pour premier réflexe de se demander: «Pourquoi y a-t-il ce problème et de qui est-ce la faute?»
Dans la même situation, la fourmi a pour premier réflexe de se demander: «Comment et avec l'aide de qui vais-je pouvoir le résoudre?»
Il y aura toujours une grande différence entre ceux qui se demandent pourquoi et ceux qui se demandent comment.
La vie sait faire deux choses: construire et communiquer.
Dès le départ, au plus profond de toutes les cellules, on trouve cette propension double.
L'ADN construit. L'ARN communique.
L'ADN (acide désoxyribonucléique) est à la fois la carte d'identité, la mémoire et le plan de construction d'une cellule. L'ADN est composé d'un mélange de 4 produits chimiques (4 bases azotées) qu'on peut symboliser par leur première lettre. A (Adénine), T (Thymine), G (Guanine), C (Cytosine). ATGC C'est comme un jeu à quatre cartes. On peut les mélanger n'importe comment, tels des cœurs, des trèfles, des piques et des carreaux, cela donnera toujours un jeu.
Mais le jeu s'accomplit à deux mains. A toute ligne de combinaison de cartes ATGC correspond une ligne parallèle obéissant à une loi. A ne s'associe qu'à T, G ne s'associe qu'à C.
Donc à la ligne supérieure GCCCAATGG correspond CGGGTTACC Chaque gène est une entité chimique composée de plusieurs milliers de A,T,G,C C'est son information, son code, sa bibliothèque de savoir qui le caractérisent. La couleur de vos yeux, bruns ou bleus, vient d'une combinaison de ATGC qui vous a programmé ainsi. Toutes nos caractéristiques ne sont que des ATGC. Et il y en a beaucoup. A savoir: si l'on déroulait tout l'ADN d'une de nos cellules, on obtiendrait un filament d'une longueur égale à 8 000 allers et retours de la Terre à la Lune.
La cellule devient complexe, capable de stocker de l'information. Mais à quoi lui servirait cette information, si elle ne pouvait la transmettre?
C'est alors qu'apparaît la capacité de «communication». Les messages envoyés par la cellule ADN. Ces messages ressemblent à des cellules d'ADN, mais un composé chimique les en différencie cependant. On les nomme «ARN messagers» (acide ribonucléique). Ce sont des brins d'acide ribonucléique presque similaires à l'acide désoxyribonucléique (son sucre est du ribose et l'une de ses bases azotées est différente). Juste une lettre change. T est remplacé par U (Uracile). Dans l'ADN de type GCCCAATGG est donc associé l'ARN GCCCAAUGG.
Cette capacité d'expression de l'ADN peut s'illustrer par l'exemple du ver à soie. Avec un ADN, la cellule peut fabriquer autant d'ARN que nécessaire. Un seul gène d'ADN est par exemple capable de reproduire 10 000 copies d'ARN, chacune apte à transmettre aux cellules l'information de fabriquer d'innombrables protéines de fibre de soie. C'est évidemment le cas le plus spectaculaire dans la vie de construction et de communication. Et tout ça nous sert surtout à nous prélasser dans des vêtements doux.
En quatre jours, les gènes d'une seule cellule peuvent ordonner la fabrication d'un milliard de protéines de fibre de soie.
La vie sait faire deux choses: construire et communiquer.
Quand les premières fourmis apparurent, cinquante millions d'années après les termites, sur la croûte terrestre, elles n'avaient qu'à bien se tenir. Lointaines descendantes d'une guêpe sauvage et solitaire, la typhiide, elles n'étaient pourvues ni de grosses mandibules ni de dard. Non seulement elles étaient petites et chétives, mais le concept que l'union fait la force (permettant aux faibles de survivre) était déjà utilisé par les termites.
Qu'à cela ne tienne, elles entreprirent de le copier.
Elles créèrent, elles aussi, leurs villages. Elles bâtirent des cités grossières. Les termites s'inquiétèrent bientôt de cette concurrence. Selon eux, il n'y avait de place sur Terre que pour une seule espèce d'insectes sociaux.
Les guerres étaient désormais inévitables.
Un peu partout dans le monde, sur les îles, dans les arbres, dans les montagnes, les armées des cités termites se battirent contre les jeunes armées des cités fourmis.
On n'avait jamais vu ça dans le règne animal. Des millions de mandibules qui ferraillaient côte à côte pour un objectif… autre que nutritif! Un objectif «politique».
Au début, les termites, plus expérimentés, ga-gnaient toutes les batailles. Mais les fourmis s'adaptèrent. Elles copièrent les armes termites et en inventèrent de nouvelles.
Les guerres mondiales termites-fourmis embrasèrent la planète, de moins 50 millions d'années à moins 30 millions d'années. C'est à peu près à cette époque que les fourmis, en découvrant les armes à jet d'acide formique, marquèrent un point primordial. De nos jours encore, les batailles se poursuivent entre les deux espèces ennemies, mais il est rare de voir les légions termites vaincre.
Et puis l'homme apparut sur Terre, il y a trois millions d'années.
L'homme est très différent de la fourmi (voir dessin).
Au début, les hommes préhistoriques, qui déjà observaient avec fascination les fourmis, ne saisirent pas l'intérêt de bâtir des villes. Ils vécurent donc pendant 3 millions d'années en famille et en tribu.
Mais tout comme les fourmis, ils n'étaient pas dotés de défenses naturelles.
Pas de griffes, pas de crocs, pas d'ailes, pas d'aptitude extraordinaire à la course.
Bref l'homme et la fourmi étaient dépourvus de gadgets de défense et d'attaque, donc le gibier idéal de tous les animaux.
Le seul moyen de résister, c'était le groupe, la vie sociale, la ville. L'homme mit longtemps à le comprendre.
Ce n'est qu'il y a 5 000 ans que fut créée la première cité: Çatal Yuyuk (Anatolie).
Dès lors, on peut dire que les humains entraient dans le jeu. Ils étaient enfin dans le coup. Tout devenait possible.
Si le mot «conte» et le mot «compte» ont la même phonétique en français, on s'aperçoit que ce recoupement entre les chiffres et les lettres existe pratiquement dans toutes les langues. Compter des mots ou conter des chiffres, où est la différence? En anglais, compter se dit count, conter se dit recount. En allemand, compter se dit zahlen, conter: erzahlen. En hébreu conter: le saper, compter: li saper. En chinois compter: shu, conter: shu.
Les chiffres et les lettres sont mariés depuis les balbutiements du langage. Chaque lettre correspond à un chiffre, chaque chiffre à une lettre.
Les Hébreux le comprirent dès l'Antiquité et c'est pourquoi la Bible est un livre scientifique présenté sous forme de contes codés. En donnant une valeur numérique aux premières lettres des phrases, le lecteur découvre un premier sens caché.
En donnant une valeur numérique aux lettres des mots, il découvre des formules et des associations qui n'ont plus rien à voir avec les légendes ou la religion.
Lorsque l'homme est contrarié, a peur, est heureux ou en rage, ses glandes endocrines produisent des hormones qui n'influent que sur son propre corps. Elles tournent en vase clos. Son cœur va accélérer, il va transpirer, ou grimacer, ou crier, ou pleurer. Ce sera son affaire. Les autres le regarderont sans compatir, ou en compatissant parce que leur intellect en aura décidé ainsi.
Lorsque la fourmi a peur, est heureuse ou en rage, ses hormones cir culent dans son corps, sortent de son corps et pénètrent dans le corps des autres. Grâce aux phé-rormones, ou phéromones, ce sont des millions de personnes qui vont crier et pleurer en même temps. Ce doit être une sensation incroyable de ressentir les choses vécues par les autres et de leur faire ressentir tout ce que l'on ressent soi-même…
Le premier élément définissant à proprement parler une civilisation «pensante» est le culte des morts.
Tant que les hommes jetaient leurs cadavres avec leurs immondices, ils étaient des bêtes. Le jour où ils ont commencé à les mettre sous terre ou à les brûler, quelque chose d'irréversible venait de se produire. Soigner ses morts, c'est envisager une vie dans l'au-delà, donc un monde virtuel à côté du monde réel. Soigner ses morts, c'est envisager la vie comme un passage entre deux dimensions. C'est du culte des morts qu'ont découlé tous les comportements religieux.
Le premier culte humain des morts est recensé au paléolithique moyen, il y a de cela 70 000 ans. A cette époque, certaines tribus d'hommes ensevelissaient leurs cadavres dans des fosses de 1,40 m * 1 m * 0,30 m.
Les membres de la tribu déposaient à côté du corps du défunt des morceaux de viande, des objets en silex et les crânes des animaux qu'il avait chassés. Il semble qu'à cette époque, les funérailles s'accompagnaient d'un repas pris en commun par l'ensemble de la tribu.
Chez les fourmis, on a repéré quelques espèces, notamment en Indonésie, qui continuent de nourrir leur reine défunte plusieurs jours après son décès. Ce comportement est d'autant plus surprenant que les odeurs d'acide oléique dégagées par la morte ont bien signalé à tous son état.