Le dauphin est un animal énigmatique. C'est l'un des mammifères possédant le plus gros volume cérébral par rapport à sa taille. Alors que le cerveau du chimpanzé pèse en moyenne 375 g et que celui de l'homme pèse 1 450 g, celui du dauphin pèse… 1 700 g. Avec un tel cerveau, il est certain que le dauphin a de très grandes capacités à comprendre les symboles et à fabriquer un langage. Pourtant, en dehors de leur formidable aptitude à jouer aux jeux humains et aux acrobaties de cirque type Marineland, on dirait que leur intelligence ne leur sert à rien. Est-ce certain? Le dauphin est un cétacé, c'est-à-dire un mammifère marin. Comme nous, il respire de l'air, les femelles allaitent leurs petits et accouchent sans pondre d'œufs. Ils sont mammifères car jadis ils ont vécu sur terre. Oui, vous avez bien lu: jadis les dauphins avaient des pattes et marchaient et couraient sur le sol. Ils devaient ressembler à des crocodiles ou à des phoques. Ils ont vécu sur terre et puis un jour, pour des raisons inconnues, on dirait qu'ils en ont eu marre, ils sont revenus dans l'eau. Ils venaient comme nous de l'eau, ils s'étaient adaptés à la terre et puis hop, demi-tour, ils ont considéré que l'eau, c'était finalement mieux. On peut aisément imaginer ce que les dauphins seraient devenus de nos jours s'ils étaient restés sur la croûte terrestre avec leur gros cerveau de 1,7 kg. Des concurrents. Ou plus probablement des précurseurs. Pourquoi l'eau? L'eau a certes des avantages que n'a pas le milieu terrestre. On peut s'y mouvoir dans trois dimensions alors que, sur terre, nous sommes collés au sol. Dans l'eau, il n'y a pas besoin de vêtements, il n'y a pas besoin de maison, il n'y a pas besoin de chauffage. La nourriture est abondante, s'approcher d'un banc de sardines, c'est comme aller au supermarché, si ce n'est que c'est gratuit. En examinant le squelette du dauphin, on peut vérifier que ses nageoires contiennent encore l'ossature des mains aux longs doigts, derniers vestiges de sa vie terrestre. C'est peut-être sur ce détail que tout s'est joué. Ses mains s'étant transformées en nageoires, le dauphin pouvait certes se mouvoir à grande vitesse dans l'eau, mais il ne pouvait plus fabriquer d'outils. C'est peut-être parce que nous étions très mal adaptés à notre milieu que nous avons inventé tout ce délire d'objets qui complètent nos possibilités organiques. Le dauphin, étant heureux dans l'eau, n'avait besoin ni de voiture ni de télévision, de fusil ou d'ordinateur. Il semble par contre que les dauphins ont bel et bien développé un langage qui leur est propre. C'est un système de communication acoustique s'étendant sur un très large spectre sonore. La parole humaine s'étend des fréquences de 100 à 5 000 hertz. La parole dauphin couvre la plage de 3 000 à 120 000 hertz. Cela permet évidemment beaucoup de nuances! Selon le docteur John Lilly, directeur du laboratoire de recherche sur la communication de Nazareth Bay, les dauphins semblent depuis longtemps désireux de communiquer avec nous. Ils approchent spontanément des gens sur les plages et des bateaux et sautent, bougent, sifflent comme s'ils voulaient nous faire comprendre quelque chose. «Ils semblent même parfois agacés lorsqu'on ne les comprend pas», remarque-t-il. Ce comportement «pédagogue» à notre égard est unique dans tout le monde animal.
Quoi de plus beau et de plus terrible que le destin d'une princesse fourmi? En été, les lendemains de jour d'orage, la fête de l'envol nuptial commence.
Mâles et femelles, les seuls individus ailés de la cité, se réunissent à l'heure la plus chaude au sommet de la ville.
Les femelles décollent en premier, rapidement suivies par les mâles de taille beaucoup plus réduite.
C'est alors la grande orgie. Chaque femelle se fait ensemencer par un, deux, dix, vingt mâles.
Ceux-ci connaissent une telle extase qu'ils en meurent de plaisir. Chez certaines espèces tropicales, les mâles explosent physiquement au moment de l'éjaculation. On retrouve des débris de leurs corps sur un vaste périmètre.
Mais avant cet instant de pâmoison, les couples enlacés planent en plein ciel quelques minutes. C'est l'amour en trois dimensions. Lorsque la femelle a sa spermathèque pleine, il lui faut dès lors fonder une cité. En un jour, elle a emmagasiné suffisamment de sperme pour pondre quotidiennement pendant 15 ans.
Elle cherche alors un lieu propice pour atterrir et fonder sa cité. En général, elle est tellement enivrée par ses orgasmes à répétition qu'elle contrôle très mal sa trajectoire. C'est une aubaine pour les oiseaux qui dévorent à pleines becquées celles qui passent à leur portée. Les pare-brise des voitures les aspirent. Les toiles d'araignées les emprisonnent.
Les quelques survivantes qui arrivent à franchir tous ces obstacles et à toucher le sol sont dévorées par les fourmilions, les lézards, les chauves-souris, les grenouilles, les tortues, les hérissons.
En général, sur 2 000 princesses (en moyenne) qui s'envolent d'un nid de fourmis rousses, une ou deux seulement parviennent à survivre pour fonder une nouvelle cité.
Dès lors commence la plus terrible des épreuves. La ponte. La reine (une fois fécondée, la princesse mérite bien ce titre…) s'enterre à moitié dans le sol pour se protéger des ennemis. Mais, immobile, elle ne peut trouver de pitance. Alors elle commence à dévorer ses propres ailes qui ne lui servent plus à rien.
Puis elle mange tout ce qui peut traîner de comestible autour d'elle. Elle est bien obligée ensuite de trouver une autre solution. Cette solution, c'est de manger ses propres œufs.
Elle pond un œuf et le mange. Pour ne pas mourir tout de suite et pour trouver l'énergie de pondre d'autres œufs.
Dès lors commence une arithmétique macabre. Elle pond trois œufs, en mange deux, en laisse grandir un. Qu'elle mangera plus tard pour pondre trois nouveaux œufs dont elle laissera le troisième survivre un peu plus longtemps.
Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'enfin une fourmi, chétive, malingre et faiblarde parce que malnutrie ' soit capable de sortir du trou pour rapporter un peu de nourriture de l'extérieur.
Cette fourmi nourrira la reine qui, ainsi, pourra enfin pondre des œufs de qualité. Lorsque ceux-ci seront éclos, donnant naissance à la première génération de citoyens «normaux», ils auront comme première tâche de tuer la première fourmi malingre. Ainsi sera effacée toute trace de douleur et de cannibalisme. En tuant cette première fourmi qui a permis à la ville de naître, la fourmilière redevient sans taches. Toutes les nouvelles générations de fourmis ignoreront que tout a commencé par des actes de cannibalisme d'une mère sur ses enfants et par le meurtre de l'individu héroïque qui a sauvé la cité.
Il existe dans l'histoire toute une série de grandes figures allergiques à la notion de la cité. Parmi elles, on peut citer Attila et Pol Pot. Ces deux tyrans considéraient que la ville avec sa surface exiguë sur laquelle s'entasse toute une masse d'individus ne peut générer que la corruption, la malveillance et la perversion. Selon eux, seuls la campagne et le grand air pouvaient être l'avenir de l'homme.
A l'âge de 8 mois, le bébé connaît une angoisse particulière que les pédiatres nomment «le deuil du bébé». Chaque fois que sa mère s'en va, il croit qu'elle ne reviendra plus jamais. Il est persuadé qu'elle est morte. Cela peut susciter des crises de larmes et tous les symptômes de l'angoisse. Même si sa mère revient, il s'angoissera à nouveau lorsqu'elle repartira. En fait, c'est à cet âge que le bébé comprend qu'il y a dans ce monde des choses qui se passent et qu'il ne contrôle pas. Le «deuil du bébé» peut s'expliquer par la prise de concience de son autonomie par rapport au monde. Drame insoutenable: «je» est différent de tout ce qui m'entoure.
Le bébé et sa maman ne sont pas irrémédiablement liés, donc on peut se retrouver seul, on peut être en contact avec des «étrangers qui ne sont pas maman» (est considéré comme étranger tout ce qui n'est pas maman et à la rigueur papa, pépé et même).
Il faudra attendre que le bébé ait l'âge de 18 mois pour qu'il accepte la disparition momentanée de sa mère.
La plupart des autres angoisses (peur de la solitude, de la perte d'un être cher, peur d'affronter des étrangers hostiles) que le bébé connaîtra jusqu'à la vieillesse découleront de cette première douleur.
Dieu existe-t-IL? Si Dieu existe, IL est par définition omniprésent et omnipotent. Il est partout et IL peut tout faire.
Mais s'il peut tout faire, est-Il aussi capable de créer un monde où IL ne se trouve pas et où IL ne peut rien faire?…
Parmi la variété des dinosaures qui peuplaient la Terre il y a soixante-cinq millions d'années, il existait des dinosaures de toutes les tailles et de toutes les formes. Or une espèce particulière avait notre taille, marchait sur deux pattes et possédait même un cerveau occupant pratiquement autant de volume que le nôtre: les sténony-chosaures.
Alors que notre ancêtre ne ressemblait qu'à une musaraigne, les sténonychosaures étaient vraiment des animaux très évolués. Ces bipèdes aux allures de kangourou à peau de lézard avaient des yeux en forme de soucoupe capables de voir devant et derrière leur tête (avouons que ce gadget nous manque). Grâce à une sensibilité oculaire extraordinaire, ils pouvaient chasser même à la tombée de la nuit. Ils possédaient des griffes rétractables comme les chats, de longs doigts et de longs orteils aux capacités de préhension étonnantes. Ils pouvaient par exemple prendre un caillou et le jeter.
Les professeurs canadiens Dale Russel et R. Seguin (Ottawa), qui ont bien étudié les sténo-nychosaures, pensent qu'ils disposaient d'une capacité d'analyse de l'environnement exceptionnelle, surpassant celle de toutes les autres espèces de l'époque et leur permettant d'être une espèce dominante malgré leur taille réduite.
Un squelette de sténonychosaure, trouvé dans l'Alberta (Canada) en 1967, confirme que ces reptiles avaient des zones d'activité cérébrale très différentes des autres dinosaures. Comme nous, ils avaient le cervelet et le bulbe rachidien anormalement développés. Ils pouvaient comprendre, réfléchir, mettre au point une stratégie de chasse, même en groupe.
Bien sûr, d'allure générale, le sténonychosaure ressemblait davantage à un kangourou qu'à une concierge du 19e arrondissement parisien, mais selon Russel et Seguin, si les dinosaures n'avaient pas disparu, ce serait probablement cet animal qui aurait su développer la vie sociale et la technologie.
A un petit accident écologique près, ce reptile aurait très bien pu conduire des voitures, bâtir des gratte-ciel et inventer la télévision. Et nous, malheureux primates retardataires, n'aurions plus eu de places que dans les zoos, les laboratoires et les cirques…