La pleine lune se détachait haut dans le ciel lorsque Stefan se décida à rentrer. Il se sentait tout groggy, non seulement parce qu’il était fatigué, mais aussi parce qu’il avait absorbé trop de sang d’un coup.
S’il s’était ainsi gavé — ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps — c’était sans doute à cause de cette force étrangère qu’il avait sentie près du cimetière : elle lui avait fait perdre tout contrôle de lui-même. Elle avait brusquement surgi derrière lui, obligeant à fuir les trois jeunes filles qu’il observait dans l’ombre. Il avait été partagé entre la crainte de les voir se jeter dans la rivière et le désir de sonder cette énergie pour en trouver l’origine.
Finalement, il avait décidé de la suivre, elle. Au moment les amies atteignaient le pont, il avait eu le temps d’apercevoir une silhouette noire s’envoler en direction des bois. C’est seulement lorsque toutes les trois s’étaient éloignées qu’il était retourné au cimetière.
L’endroit, vidé de toute présence, avait retrouvé son calme. Les yeux de nyctalope de Stefan furent attirés par un fin ruban de soie orange, qu’il ramassa. Quand il l’approcha de son visage, il reconnut son parfum.
Il se souvint de sa lutte pour résister à la fragrance enivrante de sa peau, lorsqu’elle était assise derrière lui. Même absente, il avait du mal à ignorer le puissant rayonnement de son esprit, qu’il captait constamment ; et quand elle se trouvait dans la même pièce, il percevait chaque souffle de sa respiration, chaque battement de son cœur, et la chaleur de son corps.
Pendant le cours, il s’était abandonné malgré lui au plaisir de cette proximité. Le souvenir de cet instant lui revint avec horreur. Il s’était délibérément imprégné de son odeur, l’eau à la bouche, s’imaginant poser doucement les lèvres sur la peau tendre de son cou, puis y planter d’innombrables petits baisers. Alors, il avait rêvé qu’il avait blotti son visage dans le creux de sa gorge, juste à l’endroit où son pouls battait. Sa bouche s’était entrouverte, découvrant ses canines aiguisées comme de petites dagues, et…
Au prix d’un violent effort qui l’avait laissé le cœur battant et les membres tremblants, il s’était arraché à cette transe. Le cours s’était terminé et, autour de lui, il avait vu les élèves se lever, avec l’espoir que personne n’avait remarqué son comportement. C’est à ce moment qu’elle lui avait adressé la parole, lui infligeant un terrible supplice, ses mâchoires rendues douloureuses par la faim lui avait fait craindre, l’espace d’un instant, de perdre son sang-froid ; il avait failli la saisir par les épaules pour lui planter ses dents dans le cou, devant tous les autres. Il se souvenait à peine de la façon dont il était arrivé à résister à cette pulsion.
Il se rappelait juste que, un peu plus tard, la course et les pompes qu’il avait faites étaient parvenues à le défouler. C’était tout ce qui comptait. Il avait d’ailleurs utilisé son pouvoir plus que de raison, sans s’en préoccuper. De toute façon, il était doté de bien des avantages par rapport aux concurrents qui voulaient entrer dans l’équipe de foot : il avait une bien meilleure vue, ses réflexes étaient plus rapides, et ses muscles plus développés. D’ailleurs, Matt l’avait vite gratifié d’une bonne tape dans le dos en s’exclamant : « Félicitations ! Bienvenue dans l’équipe ! » Mais devant le visage franc et souriant de celui-ci, Stefan avait été submergé par la honte. « Si tu savais qui je suis, avait-il pensé, tu ne sourirais pas comme ça. J’ai été sélectionné grâce à une supercherie, c’est tout. Et la fille que tu aimes.
— Tu l’aimes, pas vrai ?
— Elle occupe toutes mes pensées.
Malgré ses efforts, en effet, elle n’avait cessé de l’obséder. Plus tard, une intuition l’avait tiré des bois pour le mener au cimetière. Lorsqu’il l’avait vue, il avait dû de nouveau combattre la violente envie de se jeter sur elle, jusqu’à ce que la force inconnue les fasse fuir, elle et ses amies — Puis il était rentré chez lui — après s’être nourri, ayant perdu tout contrôle de lui-même. La présence de cette force avait réveillé en lui un besoin qu’il tâchait depuis toujours d’étouffer : la soif de chasser, de sentir la peur et de savourer la victoire de la mise à mort. Depuis des siècles, il ressentait ce besoin avec toujours plus d’intensité.
Privé trop souvent de sang, il avait constamment les veines en feu, et son esprit était obsédé par le goût du fer et la couleur rouge.
Sous l’emprise de cette pulsion, il avait suivi les trois filles jusqu’au pont. Mais là, ses narines avaient capté par miracle l’odeur d’un autre humain, un vagabond. Ça avait suffit à détourner son attention des proies qu’il traquait. Il n’avait plus la force de lutter contre la tentation victime. Un visage il buriné, ahuri, au cou décharné, était apparu. Retroussant ses lèvres, Stefan s’était abreuvé.
En montant à sa chambre, Stefan essayait d’effacer de son esprit le visage qui l’obsédait. C’était elle qu’il désirait vraiment. Il avait envie de sa chaleur et de sa vie à elle. Mais pour son bien et pour le sien, il devait cesser d’y penser. Elle ne le savait pas, mais il était son pire ennemi.
— Qui est là ? C’est toi mon garçon ? fit une voix depuis le deuxième étage.
Par-dessus la rampe, une tête auréolée de cheveux gris se montra.
— Oui, madame Flowers, c’est moi. Je suis désolé de vous avoir dérangée.
— Oh, il faut plus qu’un plancher grinçant pour me déranger… Tu as bien verrouillé la porte derrière toi ?
Oui, signora vous êtes…
Il hésita, puis poursuivit dans un murmure :
— En sécurité.
— Parfait. On ne prend jamais assez de précautions. Qui sait ce qui pourrait sortir des bois ?
Il surprit l’œil perçant et malicieux de la vieille.
— Bonne nuit, signora.
— Bonne nuit, mon garçon.
Stefan se laissa tomber sur son lit et resta à observer le plafond. Dormir le soir venu ne lui était pas naturel. Mais il était épuisé. Très vite, cette contemplation le plongea dans ses souvenirs.
Katherine, les cheveux éclairés par le clair de lune, était si belle, près de la fontaine. Et il était tellement heureux d’être l’élu qui partageait son secret…
— Mais tu peux quand même t’exposer au soleil ?
— Oui, du moment que je porte ça.
Elle leva une main blanche et délicate sur laquelle brillait un lapis-lazuli.
— La lumière du jour me fatigue quand même beaucoup, ajouta-t-elle. Je n’ai jamais été très robuste.
Stefan admira la délicatesse de ses traits, et son corps étonnamment svelte, qui semblait aussi fragile que du verre.
— Enfant, j’étais souvent malade, dit-elle doucement. Et un jour, le médecin a dit que j’allais mourir. Mon père pleurait tandis que j’étais allongée dans mon lit, trop faible pour pouvoir bouger. Même respirer m’épuisait. J’étais triste de quitter ce monde, et surtout, j’avais si froid.
Elle frissonna, puis sourit.
— Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?
— Je me suis réveillée en pleine nuit, et j’ai vu Gudren, ma dame de compagnie, debout à côté de mon lit, accompagnée d’un homme. Je l’ai tout de suite reconnu, prise de panique. Il s’appelait Klaus et tout le monde dans le village avait peur de lui. J’ai supplié Gudren de me sauver. Elle n’a pas bougé. Quand il a posé sa bouche sur mon cou, j’ai cru qu’il allait me tuer.
Elle se tut. Puis, comme Stefan la regardait avec un mélange d’horreur et de pitié, elle ajouta d’un air détaché :
— Mais ça n’a pas été si terrible, finalement. J’ai eu un peu mal, au début, mais très vite, j’ai ressenti un certain plaisir. Après, il m’a fait boire son sang, qui m’a donné une force incroyable. Nous avons attendu l’aube ensemble, et lorsque le médecin est revenu, il n’en croyait pas ses yeux : j’étais assise à discuter tranquillement.
Papa pleurait de joie en criant au miracle… Mais je vais bientôt devoir le quitter, sinon il se rendra compte, un jour ou l’autre, que je ne vieillis pas.
Son visage s’était assombri à cette pensée.
— Jamais ça ne t’arrivera ? S’étonna Stefan.
— Non. C’est merveilleux, n’est-ce pas ? dit-elle avec une joie enfantine. Je vais rester jeune et je ne mourrai jamais !
De toute façon, il avait du mal à l’imaginer autrement que telle qu’il la voyait, adorable, innocente, parfaite.
— Mais… tu n’as pas trouvé ça effrayant, au début ?
— Au début, si, un peu. Gudren était là pour me rassurer : c’est elle qui m’a fait fabriquer cette bague dont la pierre me protège du soleil. Et puis, elle s’est occupée de moi quand j’étais en convalescence : elle m’a apporté de grands bols de lait caillé aux épices, et plus tard, de petits animaux capturés par son fils.
— Pas… d’êtres humains ?
— Bien sûr que non ! dit-elle en riant. Une colombe suffit à satisfaire tous mes besoins. Gudren dit que, pour être plus forte encore, je dois boire du sang humain, car c’est l’essence de vie la plus puissante. Klaus me poussait à le faire : il voulait que nous échangions notre sang une nouvelle fois. Mais le pouvoir ne m’intéresse pas. Quant à Klaus…
Elle se tut, les yeux baissés, puis reprit dans un murmure :
— Partager son sang n’est pas un acte anodin : je ne le ferai dorénavant qu’avec celui que je choisirai pour partager mon existence.
Elle le regarda d’un air grave, et Stefan lui sourit défaillant de bonheur.
Mais c’était avant que son frère Damon rentre de l’université et voie les yeux bleus de Katherine, semblables à des joyaux.
Stefan laissa échapper un gémissement. Puis le sommeil le gagna peu à peu, apportant avec lui de nouvelles images qui se précipitaient en désordre aux confins de son esprit : le visage de son frère, tordu par une effroyable colère ; les yeux bleus de Katherine, pétillants et vifs, tournant et retournant dans sa belle robe blanche ; une tache blanche derrière le citronnier ; le poids d’une épée dans sa main ; son père hurlant, au loin ; les traits de Damon, cette fois déformés par un rire horrible ; et le citronnier si proche…
— Damon… Katherine… Non !
Il se redressa en sursaut. Une main tremblante dans les cheveux, il essayait de reprendre son souffle. C’était un affreux cauchemar, comme il n’en avait pas eu depuis longtemps. Depuis combien de temps, d’ailleurs, n’avait-il pas rêvé ? L’image du citronnier n’avait pas quitté son esprit, et le rire de son frère continuait à lui résonner dans les oreilles aussi clairement que s’il s’était trouvé devant lui. Alors, encore envahi par les brouillards du sommeil, il se leva, pris d’un doute, et alla contempler l’obscurité à la fenêtre. Damon ? Ce fut un appel muet, qu’il transmit par la pensée. Il resta immobile, tous ses sens aux aguets.
Mais il ne perçut rien, pas la moindre onde de réponse. Le silence fut seulement rompu par renvoi de deux oiseaux, et il ne parvint qu’à capter les esprits endormis des habitants de Fell’s Church, ainsi que la présence d’animaux nocturnes, dans la forêt toute proche. Il finit par tourner le dos à la fenêtre avec un soupir de soulagement. Il s’était sûrement trompé : il n’avait rien entendu. Et il s’était même peut-être fait des illusions sur la force obscure qu’il avait cru détecter dans le cimetière. Fell’s Church était un endroit paisible, où il était en sécurité. Tout ce dont il avait besoin, maintenant, c’était de repos.
5 septembre
(enfin, plutôt le 6, parce qu’il est une heure du matin)
Je me suis encore réveillée en pleine nuit, mais cette fois, à cause d’un hurlement. Pourtant, après avoir tendu l’oreille, j’ai constaté que tout était calme dans la maison. Il s’est passé tellement de trucs bizarres ce soir que je dois être un peu sur les nerfs.
Au moins, un élément positif : la solution m’est venue d’un seul coup pour Stefan. Le plan B, phase 1, commence demain.
Lorsque Frances s’approcha de la table des filles, ses yeux lançaient des éclairs, et elle avait le feu aux joues.
— Elena, il faut absolument que je te raconte !
Mais, à sa grande surprise, Elena ne parut pas partager son enthousiasme.
— Je… peux m’asseoir avec vous ? reprit-elle d’une voix hésitante. Je viens d’apprendre un truc complètement dingue à propos de Stefan.
— Tu peux t’asseoir, dit Elena en beurrant un morceau de pain. Mais, tu sais, ce genre d’infos ne m’intéresse plus trop.
— Quoi ?
Frances regarda Meredith et Bonnie d’un air incrédule.
— Tu rigoles ?
— Pas du tout, dit Meredith, qui contemplait le haricot vert planté sur sa fourchette. On a autre chose en tête aujourd’hui.
— Exactement, renchérit Bonnie. Stefan, c’est du passé.
Puis elle se pencha pour se frotter la cheville. Frances se tourna vers son dernier recours, Elena.
— Mais je croyais que tu voulais tout savoir sur lui ?
— Oh, c’était par simple curiosité ! Comme c’est un nouveau, je voulais juste lui souhaiter la bienvenue à Fell’s Church. Mais je dois rester fidèle à Jean-Claude.
— Jean-Claude ?
— Jean-Claude, confirma Meredith en levant les yeux au ciel et en poussant un gros soupir.
— Jean-Claude, répéta Bonnie.
Délicatement, Elena sortit une photo de son sac à dos.
— Là, il est devant la maison qu’on louait. Juste après la photo, il a cueilli une fleur et me l’a donnée en disant… quelque chose que je ne peux pas te répéter, conclut-elle avec un sourire mystérieux.
Frances regarda le jeune homme bronzé de la photo, torse nu devant un buisson d’hibiscus, un sourire timide aux lèvres.
— Il est plus vieux que toi ? demanda-t-elle d’un air respectueux.
— Il a vingt et un ans. Évidemment, ma tante ne serait pas d’accord, alors on a décidé de garder le secret jusqu’à la fac. On s’écrit en cachette.
— C’est super romantique… , soupira Frances. J’en parlerai à personne, promis ! Mais, pour ce qui est de Stefan…
Elena prit une expression hautaine.
— De toute façon, je trouve la cuisine française bien supérieure à la cuisine italienne. Pas vrai, Meredith ?
— Ça, oui ! T’es pas d’accord, Frances ?
— Heu, si, si.
Elle quitta la table avec un sourire forcé. Bonnie, visiblement au supplice, se pencha vers ses amies.
— Écoutez les filles. Je tiens plus, moi. Il faut absolument que je sache ce qu’on dit sur Stefan !
— Tu parles du ragot qui court ? répondit calmement Elena. Je suis au courant : il paraîtrait que Stefan fait partie de la brigade des stups…
Arès un instant de surprise, Bonnie éclata de rire.
— De quoi ? Mais c’est complètement débile !
— Habillé comme il est, avec des lunettes noires ? Il fait tout pour qu’on le remarque !
Elle se tut, les yeux soudain écarquillés.
— Mais peut-être que c’est fait exprès ? Qui soupçonnerait un frimeur pareil ? Et puis, il vit seul, il ne parle jamais de lui… Elena ! Peut-être que c’est vrai !
— Impossible, dit Meredith.
— Qu’est-ce que t’en sais ?
— C’est moi qui ai lancé la rumeur.
Devant l’air abasourdi de Bonnie, elle ajouta :
— C’est Elena qui m’a demandé de le faire.
— Ahhhhh… C’est trop fort ! Alors, je peux raconter à tout le monde qu’il est atteint d’une maladie incurable ?
— Non, ça tu ne peux pas. J’ai pas envie que toutes les bonnes âmes du coin viennent lui tenir la main. Par contre, tu peux dire ce que tu veux sur Jean-Claude.
— C’est qui, au fait, ce type sur la photo ?
— Le jardinier. Il était dingue de ses hibiscus… et il était marié.
— Dommage… Mais pourquoi t’as demandé à Frances de n’en parler à personne ?
Elena jeta un œil sur sa montre.
— Comme ça, je suis à peu près sûre que d’ici, disons deux heures, la nouvelle aura fait le tour du lycée.
Après les cours, les trois filles décidèrent d’aller chez Bonnie. Un jappement aigu les reçut : un très vieux et gros pékinois tenta de s’échapper. Il s’appelait Yang-Tsê, et personne ne pouvait le supporter, sauf la mère de Bonnie. Alors qu’Elena entrait, il tenta de lui mordre la jambe.
Le séjour était assombri par de lourdes tentures et surchargé de meubles anciens. Mary, la sœur aînée de Bonnie, qui travaillait à l’hôpital de Fell’s Church, les accueillit.
— Ah, Bonnie, je suis contente que tu sois là. Salut, Elena. Salut, Meredith.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Bonnie. T’as l’air crevé.
— Dis-moi, hier soir, quand tu es revenue complètement paniquée, tu venais bien du pont Wickery ?
— Non, du cim… euh… enfin, oui, c’est ça, du pont Wickery.
— C’est bien ce qu’il me semblait.
Elle inspira profondément, puis reprit :
— Écoute-moi bien, Bonnie McCullough. Tu es priée de ne jamais y retourner, et encore moins seule, la nuit. Tu as bien compris ?
— Mais pourquoi ?
— Parce que quelqu’un a été attaqué là-bas. Et tu sais où on l’a retrouvé ? Sous le pont Wickery.
Meredith et Elena la regardèrent, incrédules ; Bonnie lui agrippa le bras.
— Quelqu’un a été attaqué sous le pont ? Qui ça ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Je n’en sais rien. Ce matin, un des employés du cimetière l’a trouvé étendu sur la berge. C’est sans doute un sans-abri. Il était à demi-mort quand ils l’ont emmené et peut-être qu’il ne reprendra jamais conscience.
Elena commençait à se sentir très mal à l’aise.
— Qu’est-ce que tu entends par « attaqué » ?
— En fait, il a été quasiment égorgé. Il a perdu énormément de sang. Au début, on a cru que c’était un animal qui lui avait sauté à la gorge, mais le Dr Lowen pense maintenant qu’il s’agit d’un homme. Et la police dit que cette personne se cache peut-être toujours dans le cimetière.
Mary les regarda l’une après l’autre, droit dans les yeux.
— Donc quand vous étiez près du pont, l’agresseur s’y trouvait sûrement aussi. Pigé ?
— C’est pas la peine de nous foutre encore plus la trouille. On a compris, balbutia Bonnie.
— Parfait. (Elle se massa le cou, visiblement fatiguée.) Il faut que j’aille m’allonger un moment. Désolée, je me serais bien passée de plomber l’ambiance…
Lorsqu’elle quitta la pièce, les trois filles se regardèrent.
— Ça aurait pu être l’une d’entre nous. Quand je pense, Elena, que tu étais partie toute seule…
Elena en avait des sueurs froides, rien que d’y penser. Elle revit les pierres tombales, balayées par le vent glacial, alignées devant elle.
— Bonnie, demanda-t-elle lentement, est-ce que tu as vu quelqu’un là-bas ? Pourquoi tu m’as dit qu’on m’attendait ?
Bonnie la fixa sans comprendre.
— Mais de quoi tu parles ? J’ai jamais dit ça !
— Mais si, c’est ce que tu as affirmé.
— Mais, non, j’ai jamais raconté un truc pareil.
— Bonnie, intervint Meredith, on t’a entendue toutes les deux. Tu t’es mise à regarder le vide et puis tu as crié à Elena…
— Mais n’importe quoi ! J’ai jamais dit ça ! Vous m’énervez à la fin !
Bonnie en pleurait de colère. Elena et Meredith se regardèrent, interdites, tandis que, dehors, un nuage vint cacher le soleil.