— Êtes-vous résolu à me confier toute la vérité, Monseigneur ?
— Je le suis.
— Pourquoi avez-vous lutté aussi longtemps et avec tant de pugnacité pour mettre la main sur le trésor Izmir ?
— Parce qu’il possède une valeur inestimable.
— Étaient-ce les pierres en elles-mêmes qui vous intéressaient ou bien la somme colossale qu’elles représentent ?
— La seconde hypothèse est la bonne.
— N’êtes-vous point très riche ?
— Dans l’absolu, je le suis ; mais tout est relatif et mes biens personnels ne pouvaient suffire à assumer le vaste plan que j’ai conçu.
— Quel est-il ?
— Doter ma principauté de la bombe atomique.
Là se place un long blanc exprimant l’émotion de celui qui questionne.
Puis, la voix altérée de San-Antonio reprend :
— Dans quel but ? Votre petit pays n’est pas en danger.
— Non, mais à cause de moi, d’autres l’auraient été.
— C’est cynique.
— J’ai une certaine conception des choses.
— Vous vous serviriez d’une telle arme ?
— Sans hésiter. Lorsque je la posséderai, ma puissance sera telle que je pourrai presque tout exiger de ceux qui ne l’auront pas.
— Où en est ce projet ?
— C’est plus qu’un projet : une réalisation.
— Terminée ?
— Presque, mon cher. L’infrastructure est faite ; j’y ai consacré une grande partie de ma fortune. Seulement mon pays n’a pas l’or noir à sa disposition pour remplir ses caisses, voilà pourquoi j’ai dû trouver un autre moyen de financement.
— D’où cette recherche opiniâtre du trésor Izmir ?
— Vous avez tout compris.
— Quand votre installation atomique sera-t-elle opérationnelle ?
— Lorsque je serai en mesure de payer le plutonium qui me manque. Néanmoins, je possède déjà des « échantillons expérimentaux » non négligeables qui causeraient pas mal de dégâts à qui les subirait.
— Personne jusque-là n’a percé à jour votre dessein ?
— Sans doute, mais peu m’importe car il est impossible de déterminer l’endroit où est situé mon centre de recherches.
— Où se trouve-t-il ?
Question capitale, question culminante. Le vis-à-vis de San-Antonio est-il suffisamment « traité » pour abdiquer et livrer le cœur du secret ?
Sans hésiter, le prince déclare, gonflé d’une imbécile satisfaction :
— J’ai fait bâtir, dans l’oasis de Chock-Koridor, une léproserie, à la suite d’une résurgence de la lèpre dans nos régions. Elle a donné lieu à une inauguration dont les médias du monde entier ont rendu compte et qui m’a valu un nombre impressionnant de décorations étrangères. En vérité, elle était « gonflée » et se limite à quelques lits, inoccupés la plupart du temps. Une fois cette célébration passée, des gens qualifiés se sont mis au travail et y ont bâti mon centre de recherches nucléaires. Génial, non ?
— Tout à fait !
— Mais qu’avez-vous à transpirer de la sorte, monsieur Tiarko ?
— C’est la joie, Majesté de mes deux ! L’homme consciencieux est toujours radieux quand il a pu mener sa tâche à bien.