Crile Fisher étudiait le Supraluminal avec un visage qu’il s’efforçait de garder inexpressif. C’était la première fois qu’il le voyait et un bref coup d’œil jeté sur Tessa Wendel lui révéla qu’elle souriait, pleine d’un orgueil possessif.
L’appareil reposait dans une immense caverne, à l’intérieur d’une triple barrière de sécurité. Il y avait quelques êtres humains autour de lui, mais la plus grande partie de la main-d’œuvre était constituée de robots non-humanoïdes soigneusement gérés par ordinateur.
Fisher avait contemplé de multiples modèles de vaisseaux spatiaux consacrés à de multiples usages, mais jamais quelque chose d’aussi repoussant que le Supraluminal.
S’il l’avait vu sans savoir ce que c’était, il n’aurait jamais pu deviner qu’il s’agissait d’un vaisseau spatial. Qu’allait-il dire ? Il ne voulait pas mettre Wendel en colère, mais elle attendait visiblement qu’il donne son opinion et espérait tout aussi visiblement des louanges.
Aussi dit-il, d’une voix quelque peu étouffée : « Il a une espèce d’élégance inquiétante … il ressemble un peu à une guêpe. »
Elle sourit à la première partie de sa phrase, et il pensa qu’il avait bien choisi ses mots. Puis elle répondit : « Qu’est-ce que c’est, ‘‘une guêpe’’ ?
— C’est un insecte. Il est vrai que vous n’en avez guère sur Adelia.
— Nous savons ce que c’est. Il ne règne peut-être pas, chez nous, la même profusion délirante que sur la Terre …
— Vous n’avez probablement pas de guêpes. Ce sont des insectes qui piquent et dont la forme ressemble plutôt à ça … » Il montra du doigt le Supraluminal. « Elles sont, comme lui, constituées de deux modules renflés et d’une unité de raccordement très étroite.
— Vraiment ? » Elle regarda le vaisseau avec un intérêt nouveau. « Trouve-moi, si tu le peux, une image de guêpe. Je pourrai mieux comprendre le dessin du vaisseau à la lumière de l’insecte … ou vice versa.
— Pourquoi cette forme, si elle n’a pas été inspirée par la guêpe ?
— Il fallait une géométrie qui donne au vaisseau un maximum de chances de garder son unité au cours du vol. L’hyperchamp a tendance à s’étendre cylindriquement à l’infini, et il faut le laisser faire, jusqu’à un certain point. D’autre part, tu ne voudrais pas te soumettre entièrement à lui. Tu ne peux pas, en fait, et tu dois l’enfermer dans les modules renflés. Le champ est juste à l’intérieur de la coque, contenu par un champ électromagnétique alternatif intense et … mais tu n’as pas vraiment envie d’entendre tout cela, hein ?
— Je pense que tu m’en as assez dit, répliqua Fisher avec un petit sourire. Mais puisqu’on me permet enfin de voir ce …
— Allons, ne te vexe pas, dit Wendel en le prenant par la taille. C’était strictement réservé aux techniciens. Il y avait des fois où ils ne supportaient même pas ma présence. Ils ne cessaient de grommeler, j’imagine, contre cet individu suspect venu d’une colonie et qui fourrait son nez partout ; ils auraient bien voulu que l’hyperchamp ait été conçu par quelqu’un d’autre afin de pouvoir me flanquer dehors. Cependant, les choses se sont arrangées et j’ai pu te faire venir pour que tu le voies. Après tout, tôt ou tard tu monteras à bord et je voulais que tu l’admires. » Elle hésita, puis ajouta : « Et que tu m’admires aussi.
— Je n’ai pas besoin de ça pour t’admirer, Tessa », dit-il. Et il lui mit le bras autour des épaules.
« Je continue à vieillir, Crile. Le processus ne s’arrêtera pas. Et, à ma grande consternation, tu me combles. Cela fait sept ans, bientôt huit, que nous sommes ensemble et je n’ai jamais eu envie de voir comment peuvent bien être les autres hommes.
— Est-ce une tragédie ? C’est peut-être seulement dû au fait que tu étais très absorbée par le projet. Maintenant que le navire est terminé, tu vas probablement éprouver un sentiment de libération et disposer d’un temps suffisant pour recommencer à chasser.
— Non. Je n’en ai pas envie. C’est tout. Mais … et toi ? Je sais que je te délaisse parfois.
— Tout va très bien. Quand tu m’abandonnes pour ton travail, je n’en souffre pas. Je désire ce vaisseau autant que toi, ma chérie, et mon cauchemar, c’est qu’il soit terminé à une époque où nous serons, toi et moi, trop vieux pour qu’on nous laisse partir. » Il sourit de nouveau, cette fois avec une tristesse visible. « Si tu sens l’âge venir, n’oublie pas, Tessa, que moi non plus je ne suis plus un jeune homme. Dans moins de deux ans, je vais fêter mon premier demi-siècle. Il y a une question que je n’ose pas te poser de peur d’être déçu, mais je vais le faire quand même.
— Vas-y.
— Tu t’es débrouillée pour que je puisse voir le vaisseau, qu’on me laisse entrer dans le saint des saints. Je ne crois pas que Koropatsky l’aurait permis si le projet n’était pas près de s’achever. Il est presque aussi maniaque de la sécurité que Tanayama.
— Oui, en ce qui concerne l’hyperchamp, le vaisseau est prêt.
— A-t-il volé ?
— Pas encore. Il y a encore des choses à faire, mais qui ne concernent pas l’hyperchamp.
— Il y aura des vols d’essai, je suppose.
— Avec un équipage à bord, bien sûr. Pour s’assurer que les systèmes de survie fonctionnent. Même les animaux ne nous donneraient pas la garantie nécessaire.
— Qui participera au premier voyage ?
— Des volontaires, choisis parmi les membres du projet, et présentant les qualités requises.
— Et toi ?
— Je ne suis pas volontaire et je suis la seule. Il faut que j’y aille. Je ne peux me fier à personne d’autre pour prendre les décisions dans une situation critique.
— Alors, je peux venir aussi ?
— Non, pas toi. »
Le visage de Fisher s’assombrit aussitôt de colère. « Il était prévu que …
— Pas pour les vols d’essai, Crile.
— Quand seront-ils terminés, alors ?
— C’est difficile à dire. Cela dépend des pépins qui pourraient survenir. Si tout se passe bien, deux ou trois vols suffiront. C’est une question de mois.
— Quand le premier aura-t-il lieu ?
— Je n’en sais rien, Crile. Nous travaillons toujours sur le vaisseau.
— Tu m’as dit qu’il était prêt.
— Oui, en ce qui concerne l’hyperchamp. Mais nous installons les détecteurs neuroniques.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? Je ne t’ai jamais entendue parler de ça. »
Wendel ne répondit pas tout de suite. Elle regarda autour d’elle, tranquillement et pensivement, puis dit : « Nous sommes en train d’attirer l’attention sur nous, Crile, et je suppose qu’il y a des gens que notre présence énerve. Rentrons à la maison. »
Fisher ne bougea pas. « Alors, tu refuses de discuter de cela avec moi. Et pourtant, ce qui se passe est vital pour moi.
— Nous en parlerons … à la maison. »
La colère de Crile Fisher ne faisait que croître. Il avait refusé de s’asseoir et dominait de toute sa hauteur Tessa Wendel qui, après avoir haussé les épaules, s’était installée sur le canapé modulaire blanc et levait maintenant les yeux vers lui, les sourcils froncés.
« Pourquoi es-tu en colère, Crile ? »
Les lèvres de Fisher tremblaient. Il les pressa l’une contre l’autre et attendit avant de répondre, comme pour se forcer, par ce simple effort musculaire, à rester calme.
« Une fois qu’on aura constitué un équipage sans moi, cela créera un précédent, dit-il enfin. Je ne renoncerai jamais. Mets-toi dans la tête, dès le début, que je veux être chaque fois à bord jusqu’à que nous atteignions l’Étoile voisine … et Rotor. Je ne veux pas être exclu.
— Pourquoi sauter à une telle conclusion sans réfléchir ? Tu ne seras pas oublié au moment crucial. Le vaisseau n’est pas encore prêt à partir.
— Tu dis qu’il l’est. Qu’est-ce que c’est que ces détecteurs neuroniques dont tu parles brusquement ? C’est un truc pour me faire taire, pour m’occuper, et permettre au vaisseau de s’éclipser avant que je sache que l’on m’a exclu. C’est ça qu’ils vont faire. Et tu entres dans leur jeu.
— Crile, tu deviens fou. Le détecteur neuronique, c’est moi qui en ai eu l’idée, le désir, et qui ai insisté pour qu’on y travaille.
— L’idée ! explosa-t-il. Mais … »
Elle leva la main comme pour le faire taire. « Nous y avons travaillé dès le début. Je ne suis pas experte en la matière, mais j’ai poussé les neurophysiciens à le mettre au point. Pour quelle raison ? Précisément parce que je veux que tu sois à bord du vaisseau quand il partira pour l’Etoile voisine. Tu ne comprends pas ? »
Il secoua la tête.
« Essaie, Crile. Tu comprendrais si tu n’étais pas, sans raison, aveuglé par la colère. C’est parfaitement simple. Il s’agit d’un ‘‘détecteur neuronique’’. Il détecte à distance l’activité nerveuse. L’activité nerveuse complexe. Bref, il détecte la présence de l’intelligence. »
Fisher la regardait avec de grands yeux. « Tu parles de ce truc que les médecins utilisent dans les hôpitaux ?
— Mais oui. C’est un instrument qu’on utilise quotidiennement en médecine et en psychologie pour détecter les troubles mentaux … mais à quelques mètres de distance. J’avais besoin qu’il fonctionne à des distances astronomiques. Sinon, il n’y a rien de nouveau là-dedans. C’est un vieux système dont on a énormément accru la portée. Crile, si Marlène est vivante, elle sera dans une colonie, sur Rotor, qui sera là, quelque part, en orbite autour de l’étoile. Je t’ai dit qu’il ne serait pas facile de la repérer. Si nous ne la trouvons pas rapidement, serons-nous certains qu’elle n’est pas là ? Peut-être l’aurons-nous seulement manquée, comme on manque une île dans l’océan ou un astéroïde dans l’espace ? Pouvons-nous continuer à chercher pendant des mois, ou des années, pour nous assurer que nous ne l’avons pas manquée, qu’elle n’est vraiment pas là ?
— Et le détecteur neuronique …
— Trouvera Rotor pour nous.
— Est-ce que ce ne sera pas aussi difficile que de … ?
— Non, pas du tout. L’univers est plein de lumière et d’ondes radio et de toutes sortes de radiations, et il nous faudrait distinguer une source parmi des milliers d’autres, ou des millions. C’est possible, mais ce n’est pas facile et cela prendrait du temps. En revanche, la radiation électromagnétique précise qui est associée aux neurones, c’est quelque chose d’unique. Nous n’aurons probablement pas plus d’une source comme celle-là … ou sinon, c’est que Rotor a construit une autre colonie. Cette source, nous la capterons. Je suis aussi résolue que toi à trouver ta fille. Pourquoi ferais-je cela si je n’avais pas l’intention de t’emmener avec nous ? Tu seras à bord. »
Fisher avait l’air gêné. « Et tu as obligé tous les membres du projet à accepter cela ?
— J’ai un pouvoir considérable sur eux. Et il y a une autre raison, hautement confidentielle, et dont je ne pouvais pas te parler près du vaisseau.
— Ah ? Qu’est-ce que cela peut bien être ? »
Wendel dit, d’une voix pleine de douceur : « Crile, j’ai passé du temps à réfléchir à tout cela. Tu ne sais pas combien je souhaite t’épargner tout désappointement. Et si nous ne trouvions rien près de l’Étoile voisine ? Et si un balayage du ciel nous disait catégoriquement qu’il n’y a pas de forme de vie intelligente dans les parages ? Reviendrons-nous leur dire tout de suite que nous n’avons trouvé aucune trace de Rotor ? Allons, Crile, ne replonge pas dans la mélancolie. Si nous ne trouvions pas d’intelligence près de l’Étoile voisine, il n’en ressortirait pas nécessairement que Rotor et ses habitants n’ont pas survécu.
— Qu’est-ce que cela pourrait signifier d’autre ?
— Ils auraient pu être très mécontents de l’Étoile voisine et décider d’aller ailleurs. Peut-être s’y sont-ils arrêtés assez longtemps afin d’extraire des astéroïdes les nouveaux matériaux dont ils avaient besoin pour remettre à neuf leurs moteurs à micro-fusion. Et puis ils sont repartis.
— S’il en est ainsi, comment savoir où ils sont ?
— Près de quatorze ans ont passé depuis leur départ. Avec l’hyper-assistance, ils ne peuvent voyager qu’à la vitesse de la lumière. S’ils ont atteint une étoile et se sont établis dans son système, celle-ci ne peut pas être à plus de quatorze années-lumière de nous. Il n’y en a pas tellement dans ce cas. Grâce à la vitesse supraluminique, nous pouvons leur rendre visite à toutes. Avec les détecteurs neuroniques, nous saurons rapidement si Rotor est dans le voisinage de l’une d’elles.
— Ils sont peut-être en train d’errer dans l’espace entre les étoiles. Comment alors pourrons-nous les détecter ?
— Nous ne pourrons pas, mais du moins, nous augmentons un peu nos chances si nous examinons, avec notre détecteur neuronique, une douzaine d’étoiles en six mois, au lieu de passer le même laps de temps à mener des recherches vaines dans un seul système. Et si nous échouons — il faut l’envisager — du moins reviendrons-nous avec une quantité considérable de données sur une douzaine d’étoiles différentes, une naine blanche, un soleil blanc-bleu très chaud, une étoile semblable au Soleil, un système binaire, etc. Nous ne pourrons probablement plus repartir après, alors pourquoi ne pas effectuer un voyage bien efficace qui passera à la postérité comme un énorme bang, hein, Crile ?
— Je suppose que tu as raison, Tessa, répondit pensivement Crile. Passer au peigne fin une douzaine d’étoiles pour ne rien trouver, ce sera assez désagréable, mais fouiller le voisinage d’une seule étoile et revenir en pensant que Rotor peut être ailleurs, et que nous avons manqué de temps pour explorer le voisinage, ce serait bien pire.
— Tout juste.
— Je vais essayer de ne pas l’oublier, dit tristement Crile.
— Autre chose. Le détecteur neuronique peut repérer une intelligence qui ne serait pas d’origine terrienne. Nous ne voudrions pas manquer cela. »
Fisher avait l’air très surpris. « Ce n’est guère probable, non ?
— Guère probable, oui, mais si cela arrive, raison de plus pour ne pas la manquer. Surtout si elle est à quatorze années-lumière de la Terre. Rien dans l’univers n’est aussi intéressant qu’une autre forme de vie intelligente … ni aussi dangereux. Il vaudrait mieux être au courant.
— Quelles sont nos chances de la repérer si elle n’est pas d’origine terrienne ? Les détecteurs neuroniques sont adaptés à l’intelligence humaine. Nous ne pourrions peut-être pas reconnaître comme vivante une forme de vie bizarre, alors de là à dire qu’elle est intelligente …
— Même si nous ne pouvons pas reconnaître la vie, l’intelligence ne peut pas nous échapper ; et ce n’est pas la vie que nous cherchons, mais l’intelligence. Si méconnaissable, si étrange qu’elle puisse être, elle a dû évoluer en une structure complexe … au moins aussi complexe que le cerveau humain. De plus, elle est forcément conduite à utiliser l’interaction électromagnétique. L’attraction gravitationnelle est trop faible ; les interactions nucléaires, forte et faible, ont un rayon d’action trop court. Quant à ce nouvel hyperchamp que nous utilisons dans le vol supraluminique, autant qu’on puisse le savoir, il n’existe pas dans la nature, mais seulement quand il est conçu par une intelligence.
« Si le détecteur neuronique repère un champ électromagnétique complexe, cela signifiera qu’il y a de l’intelligence, quelle que soit sa forme ou sa chimie. Et nous serons prêts à l’étudier ou à la fuir. Quant à la vie non intelligente, qui n’est pas si dangereuse pour une civilisation technologique comme la nôtre … toute forme de vie, même au stade du virus, pourrait être intéressante à étudier.
— Et pourquoi tout cela doit-il rester secret ?
— Parce que le Congrès mondial veut que nous rentrions très rapidement, pour savoir si le projet a réussi et construire de meilleurs modèles de vaisseaux supraluminiques fondés sur ce que nous aurons appris avec ce prototype. Moi, au contraire, si les choses se passent bien, je veux voir l’univers et les laisser attendre. Je ne dis pas indéfiniment, mais je veux que cette option reste ouverte. S’ils savaient que je me prépare à cela … ou seulement que j’y ai pensé … ils seraient capables de constituer un autre équipage avec des volontaires plus disposés à leur obéir. »
Fisher sourit faiblement.
« Qu’est-ce qui ne va pas, Crile ? Supposons qu’il n’y ait aucune trace de Rotor ou des Rotoriens. Est-ce qu’alors tu voudrais revenir sur Terre par pur désappointement ? Tu aurais l’univers à portée de la main, et tu y renoncerais ?
— Non. Je me demandais seulement combien de temps cela prendra d’installer le détecteur et toutes les autres choses que tu peux imaginer. Dans un peu plus de deux ans, j’en aurai cinquante. A cet âge, les agents du Bureau ne partent plus sur le terrain. On leur trouve des emplois administratifs sur Terre et ils n’ont plus le droit de prendre un vaisseau spatial.
— Eh bien ?
— Dans un peu plus de deux ans, je ne serai plus qualifié pour le vol. On me dira que je suis trop vieux et l’univers ne sera plus à portée de ma main.
— Ne dis pas de bêtises ! Ils vont me laisser partir et j’ai déjà dépassé cinquante ans.
— Tu es un cas particulier. C’est ton vaisseau.
— Toi aussi, tu es un cas particulier, puisque j’insisterai pour t’avoir. Et puis, ils ne trouveront pas si facilement que ça des gens qualifiés pour monter à bord du Supraluminal.
— Pourquoi tes assistants ne se porteraient-ils pas volontaires ?
— Parce que ce sont des Terriens, mon bon Crile, et que pour presque tous les Terriens, l’espace, c’est l’horreur. L’hyper-espace, c’est encore pire et ils vont se montrer très réticents. Il y aura toi et moi ; il nous faut trois autres volontaires, et je t’assure que nous allons avoir du mal à les trouver. J’en ai sondé plusieurs et deux personnes bien m’ont fait une demi-promesse. Chao-Li Wu et Henry Jarlow. Je n’ai pas encore trouvé le troisième. Et même si, contre toute probabilité, il y avait une douzaine de volontaires, on ne va pas t’écarter en faveur de quelqu’un d’autre, car je vais insister pour que tu partes avec moi en qualité d’ambassadeur auprès des Rotoriens. Et si cela ne suffisait pas, je te promets que le vaisseau partira avant que tu aies cinquante ans. »
Fisher sourit de soulagement et dit : « Tessa, je t’aime. Tu sais, c’est vrai.
— Non. Je ne sais pas si c’est vrai, surtout quand tu le dis avec ce ton-là, comme si tu étais le premier surpris. C’est très bizarre, Crile, mais depuis presque huit ans que nous vivons ensemble et que nous faisons l’amour, tu ne m’avais jamais dit cela.
— Vraiment ?
— Crois-moi, je t’ai bien écouté. Sais-tu qu’il y autre chose de bizarre ? Je n’ai jamais dit que je t’aimais, et pourtant, je t’aime. Cela n’avait pas commencé comme ça. Qu’est-ce qui nous est arrivé ? »
Fisher dit, à voix basse : « Nous sommes peut-être tombés amoureux l’un de l’autre si graduellement que nous ne l’avons pas remarqué. Cela arrive parfois, tu ne crois pas ? »
Et ils se sourirent timidement, comme s’ils se demandaient quoi faire, dans cette situation nouvelle.