L'État bourguignon est né en 1363 quand le roi de France Jean II le Bon a transféré le duché de Bourgogne aux mains de son fils cadet Philippe, le futur Philippe le Hardi (1363–1404). Grâce à une politique matrimoniale habile, Philippe et ses successeurs ont agrandi considérablement leurs possessions territoriales, devenues comparables à celles du roi de France. La maladie du roi Charles VI et les troubles de la Guerre de Cent ans ont donné aux ducs la possibilité de jouer un rôle de premier plan sur la scène européenne et d'exercer une politique indépendante. L'écart entre leur statut officiel (c'est-à-dire, celui de vassaux du roi de France et de l'Empereur) et leurs ambitions (les ducs ont cherché à obtenir leur indépendance par rapport à la couronne royale française) a mené à l'établissement d'une cour splendide qui a servi d'instrument politique pour affirmer leurs prétentions. En organisant des fêtes et des banquets somptueux les ducs de Bourgogne manifestaient leurs exigences territoriales et leurs droits politiques. Les nombreux chroniqueurs au service ducal, en cherchant à contribuer à la glorification des ducs, ont créé une image magnifique de la cour bourguignonne.
Olivier de La Marche mérite d'être nommé en premier lieu parmi les chroniqueurs qui glorifiaient la cour bourguignonne. Il grandit à la cour des ducs de Bourgogne et a passé toute l'échelle des promotions, en commençant par l'office de page jusqu'au maître d'hôtel et au capitaine de la garde. À la cour des ducs de Bourgogne, il y avait beaucoup de descendants de leurs possessions septentrionales, voire étrangers. À l'opposé, Olivier de La Marche était bourguignon: il appartenait à un noble famille originaire de Bresse au comte de Bourgogne et fut baptisé à l'église de Villegaudin près de Chalon-sur-Saône dans le duché de Bourgogne. La date de naissance d'Olivier de La Marche éveilla une discussion dans l'historiographie, mais on sait qu'en 1439, il entra au service du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Bien sûr, ce n'était pas sans patronage. Ses parents étaient Philippe de La Marche et Jeanne de Bouton. Ces familles avaient déjà été sont en service bourguignon depuis de nombreuses années. Après la mort du père d'Olivier de La Marche, son oncle du coté maternel Jacques de Bouton a contribué à son introduction à la cour de Guillaume de Luyrieux et de son épouse Anne de La Chambre, comme les familles de Luyrieux et de Bouton étaient en relations étroites. Ce fut Luirieux qui le présenta en 1439 à Antoine de Croy, premier chambellan et consillier de Philippe le Bon, qui, à son tour, sollicita son acceptation à la cour ducale. Grâce à ce patronage, La Marche devint page d'une des plus influente et puissante personne de l'Europe du Moyen Âge tardif. Puis, il faisait une brillante carrière auprès de Charles le Téméraire, fils de Philippe le Bon. Il servait en tant que premier maître d'hôtel et capitain de son garde. Aussi connaissaitil la cour bourguignonne de l'intérieur.
En organisant la vie quotidienne de la cour pendant trente ans, Olivier de La Marche l'a appris à fond et l'a reflété dans ses œuvres. On attribue à La Marche environ 15 poèmes et 8 traités. Les Mémoires, son ouvrage le plus grand et le plus célèbre, fut finit peu avant sa mort en 1502. Les œuvres d'Olivier de La Marche et surtout ses Mémoires sont traditionnellement considérés comme la quintessence de l'idée chevaleresque bourguignonne.
Dans ce livre, nous tenons à présenter au lecteur deux traités appartenant à Olivier de La Marche qui sont liés à l'histoire de la cour bourguignonne. Il s'agit de Estât de la maison du duc Charles de Bourgoingne, dit le Hardy, dont le but était de décrire la cour de Charles le Téméraire et de Traité des nopces de monseigneur le duc de Bourgoingne et de Brabant, choisi comme un des témoignages les plus frappants du cérémonial bourguignon.
Le titre Estât de la maison du duc Charles de Bourgoingne, dit le Hardy parle de luimême: le traité est consacré à la description de la cour de Charles le Téméraire. Selon Olivier de La Marche luimême, il fut achevé en novembre 1474 lors du siège de Neuss, en Allemagne. Le texte fut rédigé par ordre d'avitailleur de Calais. Cette ville, le seul que les Anglais gardaient en France après la fin de la guerre de Cent Ans, restait dans une certaine mesure en état de siège, de sorte que l'office d'avitailleur était d'une importance stratégique. Il faut mentionner que le traité fut écrit pendant les réformes que Charles le Téméraire engaga dans tous les domaines de gestion de ses terres. Le récit d'Olivier de La Marche reflète ces transformations conformément à la nouvelle ordonnance de la cour signée en 1474. Par ce document, Charles le Téméraire augmenta significativement le nombre de membres de son hôtel et introduisit également de nouveaux postes qui n'existaient pas auparavant, par exemple, ceux de pensionnaires et de grand maître d'hôtel. Olivier de La Marche fait aussi l'attention aux changements dans la sphère de l'organisation militaire de la cour. En poursuivant la réforme de l'armée, le duc Charles le Téméraire réorganisa sa garde, qui comprenait les écuyers de quatre services de la cour (échansons, panetiers, écuyers trenchants et écuyers d'écurie). Au début, la garde fut divisée en dix douzaines, dirigé par un dizenier, tandis qu'après la réforme chaque service commença à former un escadron distinct, à l'intérieur duquel se distinguaient quatre «chambres». Les seuls changements qui n'ont pas été reflétés dans le texte d'Olivier de La Marche concernent l'organisation de la procédure juridique. La Marche ne mentionne pas la création en 1473 du Parlement de Malines qui assuma les fonctions de la cour suprême dans la partie septentrionale de l'Etat bourguignon.
Au contraire, il parle du Grand Conseil et des audiences du Duc comme les instances judiciaires principales. Bien sûr, nous pouvons supposer que le travail sur le traité a pris beaucoup de temps, et à partir d'ici, des violations mineures de la chronologie ont surgi. Cependant, si La Marche conforme sa description aux réformes de 1473 et 1474, l'établissement du Parlement à Malines aurait dû aussi tomber dans son champ de vision. Néanmoins, il n'a pas jugé nécessaire de prendre en compte ces changements. Il est possible que le Parlement, bien que théoriquement lié à la cour, se trouve désormais à Malines et n'ait pas suivi le duc. Par conséquent, il existait hors de la cour, et La Marche n'avait aucune raison de l'accentuer.
La valeur de ce texte pour les recherches sur la cour des ducs est exceptionnelle: presque tous les ouvrages se sont appuyés sur lui, et l'image de la cour bourguignonne qui dominait dans l'historiographie jusqu'aux années 1980 est basée sur cette source.
En plus de 16 manuscrits connus de longue date, nous avons trouvé trois autres exemplaires. Deux d'entre eux sont conservés aujourd'hui à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR, II831. KBR, 21447). Le troisième manuscrit se trouve à Vienne sous la cote österreichische Nationalbibliothek, 7196.
Le deuxième ouvrage présenté dans ce livre, Traité des nopces de monseigneur le duc de Bourgoingne et de Brabant est dédié aux célébrations qui eurent lieu en 1468 à l'occasion du mariage de Charles le Téméraire et de Marguerite d'York, sœur du roi d'Angleterre Edouard IV. Puisque le mariage entre Charles le Téméraire et Marguerite d'York était non seulement un pacte politique, mais plutôt une déclaration d'intention formelle et sans équivoque du nouveau duc de Bourgogne, cet événement doit faire une telle impression que ce sujet soit appris dans les coins le plus éloignés de l'Europe. Pour produire un effet, Charles devait organiser une célébration dépassant tout ce qui avait été vu auparavant. En attendant, en 1468, les finances du duc laissaient à désirer à cause de la campagne militaire contre Liège. Cependant, Charles réussit à obtenir un prêt des villes flamandes et il commença à préparer le mariage immédiatement après la signature du contrat de mariage en mars 1468. Tout d'abord, Charles envoya un messager aux maîtres de la Chambre des comptes de Lille, qui fit la principale autorité financière de l'Etat bourguignon et demanda combien de tissus sont distribués par Philippe le Bon à l'occasion du dernier mariage. Puis ont suivi une série de commands aux artisans: des voitures et d'armure, des vêtements et des bijoux, pour la réparation du palais, où les célébrations eurent lieu. L'organisation de la fête exigeait non seulement du financements importants, mais aussi de grandes ressources humaines. La Marche mentionne qu'il y avait trois cents personnes travaillant dans la cuisine, quatrevingt serviteurs étaient en train de préparer des sauces, le nombre d'échansons et de panetiers atteint soixante personnes, quinze épiciers étaient nécessaires pour fournir d'hypocras.
Olivier de La Marche était au centre de cette préparation de veille de fête. Du 21 au 26 avril 1468, il se rendit à Bruges pour s'occuper des affaires sur place. Il a été aidé par le peintre de cour Pierre Cousten et Fatré Hollet, le contrôleur de la Chambre aux deniers, qui a fixé les dépenses. Un long compte qui scrupuleusement énuméré où chaque denier est dépensé, est signé par Olivier de La Marche. Ainsi, La Marche était informée mieux que d'autres sur les détails de cet événement. Il l'a décrit deux fois: dans ses Mémoires et dans un traité particulier, que nous tenons à présenter dans ce livre.