10

Un bruit insolite.

Comme une porte qui claque.

Je me réveille en sursaut.

Combien de temps je suis resté endormi ? Pas assez pour tomber, heureusement. Je raffermis mes prises sur la façade glacée.

« Ombe ? Tu es là ? »

Pas de réponse. De toute façon, elle m’ignore toujours quand c’est moi qui essaye d’établir le contact. N’empêche, c’est pas très sympa de sa part. Elle aurait pu rester et m’obliger à garder les yeux ouverts. Je me coltine déjà tout le sale boulot dans l’équipe, elle pourrait au moins donner un coup de main, euh, de tête ; de pensée, quoi !

Un regard dans la pièce suffit à me faire comprendre qu’il s’est passé quelque chose. Les prisonniers sont à la même place, mais ils s’agitent et se tortillent, affolés. Leur gardien a disparu. Enfin, je distingue une jambe dans le couloir. La jambe d’un homme (ou d’un vampire…) étendu sur le sol.

J’appuie mon front contre la vitre, pour mieux voir. À ma grande surprise, elle se dérobe et je manque basculer en avant ; la fenêtre est entrouverte. C’est son battement que j’entendais et qui m’a tiré de ma somnolence.

Je pose un pied sur le plancher.

Les prisonniers gémissent. Attachés, bâillonnés, aveuglés.

Je vais les libérer, bien sûr. Mais avant, je dois sécuriser le périmètre. C’est ce que font les policiers dans les films. Je ne sais pas trop ce que signifie « sécuriser un périmètre » mais je décide de commencer par vérifier à qui appartient la jambe, dans le couloir.

Parfait exemple d’humour macabre, la jambe n’est plus qu’une jambe.

Ce que je veux dire, c’est qu’elle a cessé d’être la partie d’un tout pour devenir un tout à elle seule. Je ne suis pas clair ? C’est une jambe arrachée, quoi ! Une jambe de vampire, à en juger par la texture du sang, plus épais que celui des humains.

J’ai juste le temps de me retourner et de me plier en deux pour ne pas vomir sur mes chaussures. Ignoble…

Je me gifle pour ne pas défaillir. Ce n’est pas le moment de jouer les chochottes.

Je contourne le membre ensanglanté pour rejoindre l’escalier.

Pas un bruit. Nulle part. Même le clavecin s’est tu. Qu’est-ce qui se passe, bordel ?

Je ferme les yeux, non pour jouer l’autruche ou parce que je tourne de l’œil, mais pour contacter Fafnir. Lui, il m’expliquera !

— Fafnir ? Fafnir ? Fafnir ?

Au silence banal qui suit mon appel, je comprends qu’il ne répondra pas. Soit parce qu’il y a dans la maison un truc qui fait interférence. Soit parce que je suis trop angoissé pour me concentrer convenablement. Soit encore parce que…

Je refuse d’envisager cette solution. Fafnir est malin, il s’en est forcément sorti !

En attendant, c’est à moi que revient de faire l’état des lieux et je regrette tout particulièrement, à cet instant précis, l’existence d’un article 10 qui stipulerait quelque chose comme : « Les Agents travailleront toujours en binôme… »

J’inspecte le deuxième étage. Il est désert.

Multipliant les précautions, je descends jusqu’au premier.

Où je découvre que la jambe arrachée n’était qu’un minuscule hors-d’œuvre…

Des dizaines de vampires gisent sur le parquet d’époque, éventrés et réduits en charpie. Baignant dans une mare (une mer) de sang.

Comme une composition silencieuse et figée.

Genre nature morte.

Putréfaction ! Heureusement que j’ai vomi à l’étage, sinon le haut-le-cœur qui me prend m’aurait fait rendre tripes et boyaux ! Je hoquette malgré tout. Un désagréable goût de bile emplit ma bouche.

Qui a bien pu perpétrer un carnage pareil ?

Des loups-garous ? Les loups-garous détestent les vampires. Mais il en serait resté sur le champ de bataille (les Longues Dents sont des combattants redoutables) et apparemment – sauf s’ils ramassent leurs morts – ce n’est pas le cas.

Des trolls ? Pas leur genre de se battre contre des vampires. Et puis ils les auraient bouffés au lieu de les laisser en pâture aux rats !

Quelque chose me chiffonne (au sens figuré, cette fois) : à première vue, les meurtriers (je fais partie d’une Association qui considère les Anormaux comme des êtres à part entière, incluant le statut potentiel de victimes qui va avec) n’ont pas laissé de traces.

Je regrette une fois de plus la perte de mon téléphone ; j’aurais volontiers pris une photo de la scène macabre. Parce que mademoiselle Rose ne voudra jamais croire à mon histoire, même ramenée à des dimensions raisonnables.

En tout cas, la voie est libre.

Je ferme hermétiquement les portes du salon (inutile que des humains normaux découvrent le massacre en quittant le manoir). Poussé par le même souci, je planque la jambe arrachée en la poussant (du bout du pied, beurk !) dans une pièce vide du deuxième étage.

Et là je prends subitement conscience que le (ou les) auteur(s) dudit carnage a (ont) volontairement épargné les prisonniers.

Je dis « le » parce qu’une idée s’est imposée à moi tandis que je camouflais la scène de scream, euh, de crime : et si c’était Otchi qui avait fait ça ?

À moins qu’il soit enseveli sous les cadavres de vampires, le sorcier ramené par Aristide n’est plus sur zone (autre expression, utilisée dans les films d’action, que je trouve classe). Bien sûr, Otchi a également pu s’échapper, ou bien être conduit ailleurs. Mais il reste suffisamment redoutable pour faire figure de suspect numéro Hun.

Seul Fafnir pourrait lever le voile du mystère. Il le fera peut-être, si j’arrive à contacter cet espion qui m’émeut.

Pour l’heure, je dois m’occuper de Nina et de ses compagnons d’infortune.


— Mmmh ! Hummmf ! Gnnnmm !

Évidemment, si j’étais, moi aussi, prisonnier de vampires, je me débattrais en hurlant sous mon bâillon en sentant quelqu’un me toucher…

— Nina, c’est moi. Calme-toi. C’est Jasper ! Je suis venu te tirer de là.

Je lui enlève le bandeau qui masque ses yeux et dénoue le chiffon qui lui écrase la bouche. Elle hoquette, respire plusieurs fois très fort avant de me fixer avec des yeux immenses et verts (superbes…), sans y croire.

— Jasper ? ?

— Arrête de gigoter, je n’arrive pas à te détacher.

Je m’énerve sur les entraves qui lui lient les mains et les pieds. La vache, celui qui a fait les nœuds a serré comme un malade ! Je suis obligé d’y mettre les dents, mais je viens à bout des ligatures.

Sitôt libre, Nina se jette sur moi.

Elle me prend dans ses bras, me serre à m’étouffer.

— Là…, je dis bêtement. Ça va, tu ne risques plus rien. Respire.

En même temps, je lui frotte le dos comme si je voulais la réchauffer (c’est peut-être con mais c’est le seul truc qui me vient pour la rassurer).

Il existe sûrement, au plus profond de la nature des garçons, un commutateur qui met leur cerveau en panne dès qu’une fille se met à pleurer.

— J’ai eu si peur…, balbutie-t-elle. Quand le vampire m’a capturée dans le métro… Et puis cette horrible maison…

— C’est fini, je la calme à voix basse en soufflant sur ses cheveux qui me chatouillent la joue. Les vampires qui vivaient là ont été… éliminés.

Elle se décolle enfin. Je dis enfin parce que, si c’était agréable de l’avoir contre moi, avec son odeur de fille, le temps presse. Les cadavres, en bas, ont peut-être des copains bien vivants qui pourraient débarquer sans crier gare.

En plus, j’ai enlevé mon bracelet de discrétion pour m’occuper de Nina ; je n’aurais pas la possibilité de me cacher dans un coin…

Mais je n’ai aucune envie de m’esquiver. Au contraire, je me sens rempli d’énergie et de détermination ! Je dois impérativement mettre à l’abri Nina et les autres prisonniers.

— Tu te sens mieux ? je lui demande.

Elle hoche la tête.

— Tu te sens capable de m’aider ? je continue, plus pour l’obliger à penser à autre chose que par réelle nécessité.

— Tu as besoin de mon aide ? Mais pourquoi ? Où sont les autres ? me demande-t-elle en balayant les alentours du regard.

— Les autres ? Quels autres ?

— Ben, les autres, les vrais Agents ! Ceux qui sont venus nous délivrer, ceux qui ont tué les vampires !

Je soupire en secouant la tête.

— Il n’y a personne d’autre, Nina. L’Association ne sait même pas que nous sommes ici. J’ai perdu mon téléphone et… c’est une longue histoire. Mais il n’y a que nous deux. Et eux, je termine en désignant du menton les autres prisonniers.

L’Agent stagiaire Nina, dont je ne connais même pas le nom et encore moins les pouvoirs (pour mémoire, l’article 6 : « L’Agent ne révèle jamais ses talents particuliers. »), me lance un regard surpris.

— Tu veux dire que c’est toi qui… les vampires ?

— Non ! Oh, non… Moi je t’ai vue dans le sac, quand Aristide a quitté le métro. Je vous ai suivis. Ensuite, il s’est passé quelque chose dans cette maison, quelque chose de bizarre et d’horrible, mais je ne sais pas quoi. Quand je suis passé à l’action, les vampires étaient déjà morts.

— Aristide ? Il s’appelle Aristide ?

— S’appelait. Et ne me regarde pas comme si j’étais cinglé ! Je te jure que j’ai dit la vérité.

Elle hésite puis reprend la parole, d’une voix hésitante.

— Tu es venu me sauver ? Tu as risqué ta vie pour moi ?

— Article 8, Nina : « L’aide à un Agent en danger prime sur la mission en cours. »

— Ça n’enlève rien à ton courage… Je m’en veux, si tu savais comme je m’en veux d’avoir écouté la rumeur !

— La rumeur ? Quelle rumeur ?

— Comme quoi tu n’aurais aucun pouvoir, que tu aurais triché pour entrer dans l’Association, tout ça pour impressionner les filles. Je sais, c’est nul, mais c’est ce qui se disait !

— Ah bon ? je trouve seulement à répondre. On ne parlait pas de mes exploits contre les vampires, les démons, les mages noirs ?

— Ben… Non.

Je commence à comprendre que, pour disposer d’une légende qui tienne la route, il faut la bâtir soi-même. Et donc avoir un solide plan de com !

Mais toute légende réclame, pour traverser les siècles, de ne pas être fauchée dans ses balbutiements. Et c’est ce qui risque d’arriver si on traîne…

Les autres captifs s’avèrent être les membres d’une même famille. Le père, la mère et leurs deux fils, des adolescents hébétés, encore sous le choc de leur capture.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demande l’homme en essayant de réconforter les siens. Qui êtes-vous ?

Quelques semaines plus tôt, j’aurais bombé le torse, exhibé fièrement mon appartenance à l’Association et commencé un interminable récit dans lequel je me serais donné le premier rôle. Mais « les épreuves ne valent que si elles prouvent notre valeur », tempère Gaston Saint-Langers, et j’ai mûri, coup dur après coup dur.

Enfin, disons pour plus d’exactitude que je mens mieux…

— Je marchais dans la rue quand j’ai entendu des cris, j’invente, sous le regard intrigué de Nina. La grille était ouverte, je me suis approché de la maison, j’ai poussé la porte et j’ai exploré les étages. Jusqu’à vous trouver. Qu’est-ce qui est arrivé ? Qu’est-ce qui se passe, ici ?

Je ne vais quand même pas leur révéler qu’en bas tout est sang dessus dessous…

Le pauvre homme se lance dans le récit de leurs malheurs, soutenu par les hochements de tête de sa femme.

Ils venaient de garer leur voiture dans le parking souterrain d’un centre commercial, au cœur de Paris, quand les lumières se sont éteintes. Des individus ont surgi de la pénombre, se sont emparés d’eux et les ont emmenés dans cette étrange bâtisse.

— Vous êtes sûr qu’il n’y a personne ? me demande-t-il, blanc comme un linge. J’avais pourtant l’impression qu’il y avait une fête.

— Et puis on a entendu du bruit, ça ressemblait à une énorme bousculade, ajoute sa femme qui serre toujours contre elle les deux garçons.

— Je n’ai rien vu, je confirme en croisant les doigts dans mon dos, autant pour couvrir mon mensonge que pour éloigner le mauvais sort. Mais les hommes qui vous ont enlevés pourraient très bien revenir ! Il faut s’en aller, tout de suite.

Je n’ai pas besoin d’insister. L’heure n’est pas à la mamouchka dans le manoir de la famille Addams. Personne ne tient à profiter de l’ambiance fétide des lieux…

Je prends la tête de l’expédition et nous dévalons les escaliers jusqu’à la porte principale.


Guidé par la lumière des réverbères, je traverse le parc en courant, les Pas-de-bol et Nina sur mes traces. Je me sens nettement mieux une fois dans la rue, mais je ne ralentis vraiment qu’en arrivant devant la station RER.

Quand je me retourne, tout le monde est hors d’haleine.

Moi pas.

— Voilà, vous ne risquez plus rien, je dis au chef de famille. Nina… euh, la jeune fille ici présente, va vous accompagner jusqu’à Paris et…

— Hors de… question, souffle Nina pliée en deux à la recherche de son souffle. Je ne… te quitte pas… d’une semelle.

Sans considération pour les épreuves qu’elle vient de subir, je la prends par l’épaule et l’entraîne à l’écart. À la trolle (mais sans couverture à étaler contre un arbre…) !

— Je dois continuer l’enquête, je lui dis en pointant le « dois ». Rentre chez toi, tu as eu ton compte d’émotions pour la journée ! Je sais que tu es un Agent et que tu te sens impliquée. C’est louable et légitime, mais je t’assure que je peux me débrouiller seul.

— Ça n’a rien à voir, avoue-t-elle, l’instant de surprise passé, en vissant ses yeux dans les miens et en s’accrochant à moi. Je n’ai pas envie de rester seule… Avec toi je me sens en sécurité.

C’est bien la première fois que j’entends une chose pareille ! D’habitude, c’est moi qui suis en demande de protection : mademoiselle Rose, Erglug, mes sortilèges nombreux et (a) variés (parfois)…

Elle insiste :

— Ne m’abandonne pas, Jasper. S’il te plaît !

J’ai parlé, déjà, des pleurs et du commutateur enfoui au cœur des hommes ?

Eh bien, il faut ajouter aux larmes la détresse, qui semble avoir le pouvoir de transformer n’importe quel garçon en héroïque chevalier servant.

Parce que je ressens tout à coup le besoin impérieux de protéger cette fille.

— D’accord, d’accord. On reste ensemble.

De toute façon, après avoir jeté des regards inquiets dans notre direction, la famille Morte-de-peur s’est éclipsée, jugeant sans doute notre comportement un brin déroutant.

Comment leur en vouloir ? J’espère seulement qu’ils n’appelleront pas la police trop vite. Pas avant que l’Association ait le temps de nettoyer le foutoir.

— Tu as ton téléphone ? je demande à Nina.

— Euh… on me l’a pris quand on m’a capturée. Désolée !

— Tu connais le numéro d’urgence par cœur ?

— Je l’avais enregistré sur mon portable. Il est plutôt difficile à retenir…

— Impossible de contacter l’Association, alors. C’est embêtant. Très embêtant.

D’autant plus embêtant que le seul moyen qui me reste de joindre mademoiselle Rose, c’est d’utiliser un charme de communication. Avec cette fille qui s’accroche à moi comme un Post-it sur un frigo, cette solution semble compromise.

— Tu as vraiment perdu ton téléphone ? me demande Nina.

— Je l’ai oublié dans un café. Je t’ai déjà dit de ne pas rire !

— Je ne ris pas. J’ai trop froid pour ça. Tu n’as pas froid, toi ?

— Non.

Nina tremble, en effet. Elle n’est pas bien épaisse. Petite et mince. Bien foutue, je le remarque seulement. Jolie. Si on aime les rousses… Nina a de superbes yeux verts (je l’ai déjà dit ?) qui ressortent sur un visage doux, piqueté çà et là de taches de son. Ses cheveux sont coupés dans le cou. Elle porte une écharpe crème. Un gros bleu s’étale sur une pommette.

— Qu’est-ce que tu regardes ?

— Rien, je m’empresse de répondre. Les… les vampires t’ont frappée, on dirait.

Elle baisse la tête et enfonce plus profondément les mains dans son blouson de cuir.

— Aristide… Il m’a giflée. Très fort. J’ai perdu connaissance…

Je ne dis rien. J’ai assisté à la scène, en direct.

Salaud de vampire ! S’il n’était pas déjà à l’état de compote sanguinolente, je l’aurais brûlé avec joie !

— Ça te fait mal ?

Elle fait non, puis me questionne à son tour :

— Tu as une idée sur la façon dont on va retrouver le gars au tambour ?

J’en reste coi.

— Quoi ?

— Ben oui, le petit gars tout chauve qui joue du tambour. Je le suivais, à la demande de mademoiselle Rose. J’ai été enlevée au moment où il s’est mis à jouer de son truc, devant trois hommes qui le menaçaient. Tu le filais toi aussi, non ?

Alors ça, c’est la meilleure ! Mademoiselle Rose confie une mission de cette importance à une… gamine, et elle me tient à l’écart ? M’ignore superbement ? Non mais dites-moi que je rêve !

— Bien sûr, je réponds après avoir toussoté. Sinon, comment j’aurais assisté à ton enlèvement ?

— Logique, acquiesce-t-elle.

— Quant aux trois hommes menaçants que tu as vus, j’ajoute sur le ton de la confidence (avec l’air de celui qui en sait beaucoup), ils travaillaient pour l’Association.

— Travaillaient ?

Sa voix est montée dans les aigus. Ça lui apprendra à se prendre pour une espionne !

— Sache que le gars au tambour, comme tu l’appelles, porte le nom d’Otchi et que c’est un sorcier. Les autres n’avaient aucune chance.

J’ai volontairement utilisé un ton lugubre, qui provoque l’effet désiré : Nina se serre à nouveau contre moi.

« Bravo, Jasper. Quelle technique ! C’est tout ce que tu as trouvé pour attirer les filles : leur faire peur ? C’est lamentable !

— Ombe ! Tu… tu es là depuis longtemps ?

— Suffisamment pour assister à ta prestation douteuse !

— Tu es dure.

— Si quelqu’un me semble dur, c’est toi… Qu’est-ce qu’elle en pense, la petite ?

— Mais… Ma parole, tu me fais une crise de jalousie !

— Moi, jalouse ? Jalouse d’une greluche accrochée à un blaireau comme un morpion sur (CENSURE) ?

— Elle s’appelle Nina. C’est un Agent stagiaire, comme moi… et comme toi. Elle a passé une très mauvaise soirée. Je pense qu’elle n’a pas besoin de ta mauvaise humeur !

— …

— Ombe ?

— …

— Ombe !

— Ouais, bon, d’accord, je suis désolée, ça te va ?

Ça me va. »

— Jasper ? Tout va bien ?

Nina m’observe, inquiète.

— Oui, ça va, pourquoi ?

— Pour rien. Tu avais l’air… carrément ailleurs.

— Je réfléchissais.

— Et ça donne quoi ?

— J’ai un plan pour retrouver Otchi… Eh, tu trembles toujours ! On va descendre dans la station. Je ne sais pas s’il y fait chaud mais on échappera au moins au vent.

Elle me lance un regard plein de gratitude, prend les devants et dévale les marches.

Je n’essaye pas d’appeler Ombe. Je sais seulement que, même s’il lui arrive de s’absenter (et pas forcément au bon moment), elle ne me laissera pas tomber.

Ça suffit pour me redonner un peu du moral dont je vais avoir bien besoin, une fois listés les nouveaux problèmes que je me trimballe comme des trophées : une assemblée de vampires assassinés, un dangereux sorcier en fuite, une fille dont je me trouve promu garde du corps, et, pour coiffer le tout, l’impossibilité de contacter l’Association.

Comme dirait le philosophe troll Hiéronymus : « Y a pas que dans la mer que tu peux être plongé jusqu’au cou… »

Загрузка...