Prologue

Tout est sombre. Désespérément obscur.

Je m’enfonce dans une galerie déserte. Je martèle de mes semelles métalliques le sol dur et froid.

Autour de moi patrouillent des volutes de fumée grise.

La roche creusée, éventrée, martelée, martyrisée, transpire un écœurant goudron, une substance poisseuse qui ressemble à du sang.

J’avance sans savoir où je vais, les poumons brûlés par l’air vicié.

Comme un somnambule surpris.

Un pied après l’autre.

Mains en avant pour ne pas me cogner.

La galerie débouche sur une caverne immense. Roche irrégulière et béton lisse, comme de la glace. Étrange le béton. Des tentures sanglantes dégoulinent le long des parois.

Je me rends compte que je vois tout, absolument tout, en nuances de noir et de rouge. Comme si un filtre avait chassé les autres couleurs de mes yeux.

Une multitude de flambeaux dans des torchères de métal se consument en projetant des lueurs aveuglantes. Une table de pierre, massive, entourée de fauteuils en fer, occupe le centre.

Obéissant à je ne sais quel instinct, je m’accroupis dans un recoin d’ombre.

Caché, j’observe la scène qui se déroule devant moi…

Walter, en grande toge noire, est à genoux, à côté d’un des fauteuils. Il lève des yeux suppliants vers un étrange petit homme vêtu d’une toge rouge qui le menace avec un bijou étincelant.

À quelques pas se tient mademoiselle Rose, figée. Stupéfaite. Elle porte une cuirasse d’acier. Son chignon, délié, laisse ses cheveux gris argent tomber en cascade. Elle tient une lance dans la main.

Une multitude d’hommes, armés d’arcs et d’épées, ont pris position dans la salle.

Des scintillements autour de Walter et de son bourreau trahissent la présence d’une protection magique…

— C’est fini, dit le petit homme d’une voix grave.

— Je t’en supplie ! gémit Walter. Tu n’as pas le droit !

— J’ai le devoir, répond-il gravement.

— Nonnnnnn ! hurle Walter en se tordant à ses pieds. L’humiliation à laquelle j’assiste ne déclenche aucune émotion chez moi.

Pas de colère, pas de haine.

Ni sentiment de frustration ni impression d’injustice.

C’est pourtant le chef de l’Association qui demande grâce, qui gémit sans fierté au pied de son ennemi !

Rien. Je ne ressens rien…

Terrassé par le pouvoir du mystérieux talisman, Walter tombe sur le dos, s’arc-boute en poussant un ultime râle de souffrance, puis s’effondre, sans vie.

Toujours rien.

Ce n’est pas normal.

Pas possible.

Je vais me réveiller…

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