Chapitre 4

Il y avait maintenant près de huit jours que le Gouldsboro avait quitté La Rochelle, tenant le cap général vers le couchant. Angélique venait de les compter sur ses doigts. Près d'une semaine d'écoulée. Et elle n'avait pas encore donné sa réponse à maître Berne. Et il ne s'était rien passé.

Et que pouvait-il donc se passer ? Elle avait l'impression d'attendre, avec impatience, un événement important.

Comme si ce n'était pas déjà suffisant d'avoir à s'organiser dans des conditions aussi précaires ! On y arrivait cependant, avec de la bonne volonté. « Les récriminations de Mme Manigault finissent par ne pas causer plus d'effet, disait irrévérencieusement maître Mercelot, que des litanies papistes ». Les enfants, eux, étaient distraits par la seule vie de la mer et l'inconfort les gênait peu. Les pasteurs avaient organisé des exercices religieux qui obligeaient les émigrants à se réunir, entre eux, à certaines heures. Si le temps le permettait, la dernière lecture de la Bible avait lieu sur le pont, sous les yeux de l'étrange équipage.

– Nous devons montrer à ces hommes sans foi ni loi l'idéal qui nous habite et que nous devons transporter avec nous intact, disait le pasteur Beaucaire.

Habitué à sonder les âmes, le vieil homme sentait, sans le dire, sa petite communauté menacée d'un péril intérieur peut-être plus grave que celui d'emprisonnement et de mort qu'ils avaient encouru à La Rochelle. Les bourgeois et artisans, pour la plupart cossus et solidement ancrés entre les murs de leur ville, en avaient été arrachés trop brusquement. La rupture cruelle mettait les cœurs à nu. Les regards même avaient changé. Lors des dernières prières, Angélique s'asseyait un peu à l'écart, Honorine sur les genoux. Les paroles du Livre saint lui parvenaient dans la nuit : « Il y a un temps pour tout, un temps pour toutes choses sous les deux... un temps pour tuer et un temps pour guérir... un temps pour haïr et un temps pour aimer... »

Et quand reviendrait-il, le temps d'aimer ? Or il ne se passait rien. Et Angélique attendait quelque chose. Elle n'avait pas revu le Rescator depuis le premier soir de leur embarquement au cours duquel elle avait si longuement médité sur les sentiments divers qu'il lui inspirait. Après avoir décidé qu'elle devait se méfier de lui et d'elle-même, elle aurait dû se féliciter de sa disparition. En fait, elle s'en trouvait inquiète. On ne le voyait pour ainsi dire plus. Lorsque les passagers, à certaines heures, émergeaient de l'entrepont pour la promenade, il arrivait qu'on aperçût, au loin, sur le château arrière la silhouette du maître, l'envol de son manteau sombre dans lequel s'engouffrait le vent.

Mais il n'intervenait plus dans leurs affaires, et à peine, semblait-il, dans la marche du navire. C'était le capitaine Jason qui, du haut de la dunette, clamait ses ordres dans le porte-voix de cuivre. Marin excellent, mais lui-même taciturne et peu sociable, il ne s'intéressait guère à la cargaison de Huguenots embarquée, sans doute, contre son propre assentiment. Quand il ne portait pas de masque, il montrait un visage rude et froid qui décourageait de l'aborder. Et, pourtant, chaque jour, Angélique était chargée de s'entremettre, au nom de ses compagnons, pour mettre au point certains détails. Où pouvait-on faire la lessive ? Avec quelle eau ?... Car la ration d'eau douce était réservée à la boisson. Il fallait donc se contenter de l'eau de mer. Premier drame imprévu pour les ménagères... car le linge n'était pas blanc et demeurait poisseux. À quelles heures pouvait-on venir sur le pont sans gêner les manœuvres ?... etc. Par contre, Nicolas Perrot, l'homme au bonnet de fourrure, lui fut d'un plus précieux recours. Il ne paraissait pas avoir dans l'équipage un rôle bien défini. On le voyait plus souvent rôdant et fumant sa pipe. Puis il s'enfermait de longues heures avec le Rescator. Par lui, Angélique put faire parvenir leurs revendications à qui de droit et il se chargeait de transmettre les réponses, en atténuant ce qu'elles avaient de déplaisant, car c'était un homme aimable et bon enfant. Ainsi, il y eut un tollé général dans la cale des passagers lorsque, le cinquième jour, les cuisiniers apportèrent, comme complément aux quartiers de viande salée, une mixture étrange et aigre, quelque peu nauséabonde, dont ils prétendaient que chacun devait manger. Manigault refusa une nourriture qui lui paraissait suspecte. Jusqu'ici l'ordinaire du bord avait été acceptable et suffisant. Mais si l'on commençait, dès maintenant, à leur faire ingurgiter de la pourriture, les enfants tomberaient malades et le voyage à peine commencé s'achèverait sur des deuils cruels. Mieux valait se contenter de viande salée et du maigre morceau de biscuit distribué, la nourriture habituelle des marins.

À la suite de ce refus, le quartier-maître vint leur crier qu'ils devaient manger de la « sauercraute », sinon on les y forcerait en les tenant par les mains et par les pieds. C'était une sorte de gnome, à la nationalité indéfinissable, qui avait dû être forgé pour le dur métier de la mer quelque part dans le nord de l'Europe : Écosse, Hollande, ou Baltique. Il parlait un mélange d'anglais, de français et de hollandais, et malgré la connaissance de ces langues par les marchands rochelais, il fut à peu près impossible de s'entendre avec lui. Angélique, une fois de plus, s'ouvrit de ses ennuis au brave Nicolas Perrot, en définitive le seul être abordable du Gouldsboro. Celui-ci la rassura et l'encouragea à suivre les directives du quartier-maître ; d'ailleurs elles ne faisaient que répéter les ordres du Rescator lui-même.

– Nous sommes trop nombreux pour la quantité de vivres emportés. Il a fallu dès maintenant fixer les rations. Il reste encore un peu de viande sur pied : deux cochons, une chèvre, une vache. On les garde en prévision des malades, toujours possibles. Mais le chef a décidé d'entamer ces barils de choux qu'il emmène partout avec lui. Il prétend qu'avec cela on évite radicalement le scorbut, et c'est ma foi vrai, car j'ai déjà fait deux traversées avec lui et n'ai pas constaté de ces cas graves dans son équipage. Faut faire comprendre à vos amis qu'ils doivent en manger tous les jours un peu. C'est une consigne à bord. Ceux qui rechignent sont enfermés dans la cale grillagée. Et p't'être bien qu'ils risquent qu'on leur entonne leur chou de force, comme aux oies.

*****

Le lendemain, meilleur accueil fut fait au quartier-maître qui les regarda manger leur ration d'un petit œil bleu, aux reflets glacés, qui dansait bizarrement dans sa face au teint de jambon cuit.

– De plus en plus, j'ai tendance à me croire lancé sur le fleuve des empires infernaux, fit remarquer Mercelot qui prenait les choses avec un humour de lettré. Regardez-moi cette créature vomie des enfers... On en voit certes de toutes sortes dans les ports, mais je n'ai jamais rencontré un tel ramassis d'inquiétante humanité rassemblée sur un même navire. Vous nous avez bien curieusement guidés, dame Angélique...

Angélique, assise sur le support d'un canon, s'efforçait de faire avaler quelques bribes de chou aigre à Honorine, ainsi qu'à quelques autres petits qu'elle avait réunis autour d'elle.

– Vous êtes des oiseaux dans leur nid. Ouvrez vos becs ! leur disait-elle.

Elle se sentait toujours un peu mise en cause et responsable lorsque des critiques s'élevaient contre le Gouldsboro, son maître et son équipage. Dieu sait pourtant qu'elle n'avait pas eu le choix.

Elle répondit :

– Bah ! croyez-vous que l'Arche de Noé offrait un spectacle beaucoup moins curieux que notre navire ? Dieu, pourtant, s'en est contenté...

– Sujet de méditation, en effet, dit avec componction le pasteur Beaucaire, en prenant son menton dans sa main. Si nous étions engloutis, eux et nous, mériterions-nous de recréer l'humanité et de renouveler l'Alliance ?

– Avec un gibier de cette espèce, cela ne me paraît guère possible, grommela Manigault. En les regardant de près, on s'aperçoit vite qu'ils ont tous encore la marque d'un fer aux pieds.

Angélique n'osa rien répondre car, au fond, elle partageait la même idée. Il était assez vraisemblable que l'ancien pirate de la Méditerranée eût recruté ses hommes les plus fidèles parmi les galériens évadés. Il y avait dans les yeux de tous ces matelots de races diverses et dont on entendait parfois les rires et les chants insolites s'échapper, le soir, du poste d'équipage, une expression générale qu'elle seule, peut-être, pouvait comprendre. Celle d'un être qui a pâti d'être enchaîné et pour qui, désormais, le monde n'est plus assez grand, ni la mer assez vaste. D'un être qui, pourtant, se glisse dans ce monde longtemps interdit, avec le sentiment peureux de n'y avoir pas droit et aussi la crainte de perdre à nouveau ce bien précieux reconquis : la liberté.

– Dites, bosco, demanda Le Gall, pourquoi venez-vous nous ennuyer avec votre chou allemand ? On devrait être à la hauteur des Açores ou par là, à l'heure qu'il est, et on y ferait provision d'oranges et de vivres frais !

L'autre lui jeta un coup d'œil en biais et haussa les épaules.

– Il n'a pas compris, dit Manigault.

– Il a fort bien compris, mais il ne veut pas répondre, renchérit Le Gall en suivant des yeux la forme trapue, chaussée de bottes d'ogre, qui sortait de l'entrepont derrière les marins porteurs de gamelles.

*****

Le surlendemain, Angélique, en faisant quelques pas sur le gaillard d'avant, aperçut Le Gall occupé à de mystérieux calculs pour la mesure desquels il se servait de sa montre et d'une boussole. À son approche, il sursauta et dissimula ces objets sous sa casaque de pêcheur, en toile huilée.

– Vous méfiez-vous de moi ? demanda Angélique. Pourtant, je serais bien incapable, même, de savoir ce que vous complotez là seul avec votre montre et votre boussole.

– Non, dame Angélique. J'ai cru seulement que c'était l'un des hommes d'équipage qui approchait. Vous avez un peu une façon, comme eux, de marcher sans bruit. On ne vous sent même pas venir. On vous voit là. Ça fait un peu peur. Mais, puisque c'est vous, il n'y a pas de mal.

Il baissa la voix :

– Il y a bien le gars à son poste, dans la hune, qui m'observe du haut du grand mât, mais ça ne fait rien. Il ne peut pas comprendre mon manège. Et tous les autres sont à la soupe, sauf l'homme de barre. La mer est belle, ce soir, peut-être pas pour longtemps, mais le navire va tout seul. J'en ai donc profité pour essayer de nous repérer enfin.

– Sommes-nous si loin des Açores ?

Il la fixa d'un œil goguenard :

– Justement !... Je ne sais pas si vous avez remarqué que, l'autre soir, le bosco n'a rien voulu répondre quand je lui ai posé la question pour les Açores. C'est pourtant exactement sur la route si l'on va aux Iles d'Amérique. Même que nous pas serions par l'Ascension, ce qui indiquerait pour nous un cap plein sud, que cela ne m'étonnerait pas. Mais naviguer comme nous le faisons, plein ouest, voilà qui est une bien étrange route pour joindre les grandes Antilles ou autres îles de la zone tropicale !...

Angélique lui demanda comment il avait pu déterminer cela, privé de tables de longitudes et de celles de la connaissance du temps, comme de sextant et de montre précise.

– J'ai simplement guetté la sonnerie du quart de midi à bord. C'est alors le midi astronomique, car quand j'étais sur la dunette, j'ai jeté un coup d'œil dans le poste de direction, en passant. Il a de beaux instruments, le patron ! Tout ce qu'il faut ! Quand on sonne, je suis sûr que c'est juste. C'est pas des gars à se tromper de cap. Je compare avec ma montre qui est encore à l'heure de La Rochelle. Avec ça, ma boussole, et la position du soleil, quand il passe au zénith, et quand il va pour se coucher cela me suffit pour être certain que nous suivons « La route du Nord » : celle des morutiers et des baleiniers. Je ne l'ai jamais faite, mais je la reconnais. Regardez-moi seulement la mer, comme elle est différente.

Angélique n'était pas convaincue. Les méthodes empiriques du brave homme ne lui semblaient pas d'une certitude scientifique à toute épreuve. Quant à la mer, elle était certes différente de la Méditerranée, mais c'était l'Océan, et elle avait entendu bien des fois les matelots parler des tempêtes qui les assaillaient pas plus loin que le golfe de Gascogne. Et l'on disait qu'en certaines saisons, on pouvait avoir très froid, même au large des Açores...

– Regardez-moi cette couleur laiteuse, dame Angélique, insistait le Breton. Et avez-vous remarqué au matin le ciel de nacre : c'est le ciel du Nord. Ça, je m'en porte garant ! Et ce brouillard, donc ! Il est lourd comme de la neige. Route dangereuse à l'extrême aux tempêtes d'équinoxe. Jamais les morutiers ne la passent en cette saison. Et voilà que nous nous y trouvons ! Dieu nous garde !...

La voix de Le Gall s'était faite lugubre. Angélique avait beau écarquiller les yeux : elle n'apercevait aucun brouillard : seulement un ciel blanc se confondant vers le Nord-Ouest avec la mer dont le séparait une minuscule strie rougeâtre, l'horizon.

– Donc tempête et brouillard pour la nuit... ou pour demain, continua sombrement Le Gall.

Décidément il voulait voir les choses en sombre. Pour un ancien marin, il se laissait bien facilement impressionner par la solitude de cette mer déserte où ils n'avaient rencontré aucun navire depuis leur départ. Pas une voile en vue ! Les passagers trouvaient cela monotone. Angélique s'en réjouissait. Les rencontres en mer, elle avait appris à les redouter. La vue de l'Océan avec ses hautes et longues lames de fond ne la lassait jamais. Elle n'avait pas eu à souffrir du mal de mer comme la plupart de ses compagnes, au début. Maintenant celles-ci se cantonnaient dans l'entrepont à cause du froid. Depuis deux jours les matelots y avaient apporté des pots en terre, couverts de dessins barbares, à demi ouverts dans le haut et sur le côté, qu'on remplissait de charbons ardents. Ces sortes de braseros ou de poêles primitifs suffisaient à maintenir une chaleur et une sécheresse relatives, que complétait, le soir venu, l'apport des grosses chandelles de suif. Il n'aurait pas fallu être rochelais pour ne pas s'intéresser à ce singulier système de chauffage à bord d'un navire, et tous ces messieurs avaient donné leur avis.

– Au fond, c'est beaucoup moins dangereux qu'un brasero ouvert. D'où peuvent venir d'aussi curieux poêles de terre ?

Angélique se rappela soudain la phrase de Nicolas Perrot :

« Quand nous serons dans la zone des glaces, on vous apportera de quoi vous chauffer. »

– Mais enfin, s'écria-t-elle, peut-il y avoir des glaces au large des Açores ? Une voix se rapprochant répondit moqueuse :

– Où voyez-vous des glaces, par ici, dame Angélique ?

Manigault accompagné de maître Berne et du papetier Mercelot s'approchaient d'elle. Les trois Huguenots étaient enveloppés dans leurs manteaux, le chapeau jusqu'aux yeux. De forte carrure, tous trois, on eût pu les confondre.

– Il fait frisquet, je vous l'accorde, mais l'hiver n'est pas loin et les tempêtes d'équinoxe rafraîchissent forcément les parages.

Le Gall grommela :

– N'empêche que les parages, comme vous dites, monsieur Manigault, ils ont une drôle d'allure.

– Tu crains une tempête ?

– Je crains tout !

Il ajouta avec effroi.

– Regardez... Mais regardez donc. C'est le pays de la fin du monde.

La houle vive était tombée soudain. Mais sous cette apparence calme, l'océan paraissait tavelé, agité comme d'un bouillonnement de marmite. Puis le soleil rouge perça le ciel tout blanc, répandant une lueur de cuivre fondu. L'astre du jour parut soudain énorme, écrasant la mer. Il disparut avec rapidité et presque aussitôt, pendant un court instant, tout devint vert, puis noir.

– La Mer des Ténèbres, soupira Le Gall. La vieille mer des anciens Vikings...

– Nous venons simplement d'assister à un beau coucher du soleil, dit Mercelot. Qu'y a-t-il là d'extraordinaire ?

Mais Angélique devina que lui-même était saisi par l'apparence anormale des choses. L'obscurité qui leur avait tout d'abord paru totale, au point qu'ils ne s'entrevoyaient plus, se dissolvait, faisant place à une pénombre crépusculaire. Tout, soudain, était redevenu visible, même l'horizon, mais ils baignaient dans un monde dénué de vie, où ni couleurs, ni chaleur ne pourraient renaître.

– C'est ce qu'on appelle la nuit polaire, dit Le Gall.

– Polaire ! Tu en as de bonnes ! s'exclama Manigault.

Son rire tonitruant éclata comme un sacrilège dans le silence. Il s'en rendit compte et s'interrompit. Pour se donner une contenance, il regarda les voiles qui retombaient, flasques.

– Qu'est-ce qu'ils f... les gars, sur ce bateau fantôme ?

Comme s'ils n'avaient attendu que cette réflexion, les hommes d'équipage jaillirent d'un peu partout.

Les gabiers escaladèrent les haubans et commencèrent à se déplacer le long des vergues. Mais ils faisaient peu de bruit à leur habitude et ces ombres mouvantes ajoutaient à l'atmosphère insolite.

« C'est ce soir, cette nuit, qu'il va se passer quelque chose », pensa Angélique. Et elle porta la main à son cœur comme si elle manquait de souffle. Maître Berne était près d'elle. Cependant elle n'était pas sûre qu'il pût lui venir en aide. La voix du capitaine Jason cria ses ordres en anglais du haut de la dunette. Manigault s'ébroua, soulagé.

– À propos, vous parliez des Açores, tout à l'heure. Toi, Le Gall, qui as plus navigué que moi, peux-tu dire quand nous allons y faire escale ? J'ai hâte de savoir si les correspondants portugais que j'ai là-bas ont bien reçu mes transferts de fonds de la Côte des Épices.

Il tapa les poches de son ample vareuse :

– Quand je me sentirai de nouveau en possession de mon argent, je pourrai enfin tenir tête à cet insolent chef de pirates. Pour l'instant, il nous traite comme de pauvres hères. Nous devrions lui baiser les mains ! Mais attendons que nous soyons dans les Caraïbes. Il n'est pas dit qu'il sera le plus fort.

– Dans les Caraïbes, les flibustiers sont maîtres, dit Berne du bout des lèvres.

– Mais non, mon cher. Ce sont les négriers ! Et moi, je suis déjà bien en place là-bas. Mais une fois que j'y aurai mis la main moi-même, je compte bien obtenir le monopole des esclaves. Que vaut un navire qui transporte simplement tabac et sucre à l'aller, en Europe, et qui ne revient pas bourré de Nègres au retour d'Afrique ? Or, ce bateau-là, sur lequel nous sommes, n'est pas un bateau-négrier. Il serait équipé autrement. Et puis j'ai trouvé ceci en feignant de chercher mon chemin dans les cales.

Il ouvrit la main pour montrer sur sa paume deux pièces d'or frappées à l'effigie du Soleil.

– Ce sont des traces des trésors des Incas ! Les mêmes que ramènent parfois les Espagnols. Et, surtout, j'ai remarqué que les autres cales étaient remplies d'appareillages curieux pour plongées profondes, des grappins spéciaux, des échelles, que sais-je ? Par contre la place nécessaire au fret pondéral est par trop réduite pour un honnête bateau marchand.

– Que supposez-vous donc ?

– Rien. Tout ce que je peux dire c'est que ce pirate vit en piratant. De quelle façon ? C'est son affaire. Je préfère cela à me trouver devant un concurrent possible. Peuh ! Ces gens-là sont courageux, mais guère au courant des combinaisons marchandes. Ce n'est pas eux qui peuvent régner pour de bon sur les mers. C'est nous autres, marchands de métier, qui allons les remplacer peu à peu. C'est pourquoi cela me plairait assez de pouvoir m'entretenir face à face avec lui. Il aurait bien pu, pour le moins, m'inviter à souper.

– On dit que son appartement, dans le château-arrière, est luxueux et rempli de pièces de prix, émit le papetier.

Ils guettaient l'opinion d'Angélique, mais celle-ci, comme chaque fois qu'il était question du Rescator, se sentait emplie de malaise et elle ne dit mot. Le regard de maître Berne guettait le sien.

*****

Pourquoi l'obscurité, au lieu de s'accentuer, se dissipait-elle au contraire ? On aurait dit qu'une nouvelle aurore était proche.

La couleur de l'eau changeait à nouveau. D'un noir d'encre, elle paraissait au loin coupée en deux par une zone d'un blanc verdâtre d'absinthe. Lorsque le Gouldsboro pénétra dans cette zone, ses flancs frémirent comme ceux d'un cheval à l'approche du danger. De la dunette partaient des ordres.

Berne comprit soudain ce que le matelot de vigie dans le minier venait de hurler, là-haut, en anglais.

– Glace immergée à tribord, répéta-t-il.

Ils se tournèrent d'un même mouvement.

Une masse immense, fantomale, se dressait au delà du navire. Immédiatement, les matelots garnirent la rambarde de ce côté, armés de gaffes et de boudins de cordages pour tenter d'éviter une collision mortelle du brick avec la montagne dont s'exhalait un souffle glacial. Heureusement, conduit de main de maître, le bâtiment passa fort au large du dangereux obstacle. Derrière l'iceberg, le ciel s'était éclairci encore et, cette fois, la grisaille crépusculaire paraissait s'imprégner de rose.

Les passagers, qui demeuraient muets de stupeur et de crainte, doutant de leur vision, distinguèrent nettement trois points noirs posés sur l'iceberg qui s'en détachèrent lourdement, grossirent, et se transformèrent en s'approchant du navire en de curieuses formes blanches emplumées.

– Des anges ! dit Le Gall dans un souffle... C'est la mort.

Gabriel Berne conservait son sang-froid. Il avait passé un bras autour des épaules d'Angélique et elle ne s'en était même pas aperçue.

Il rectifia sèchement :

– Des albatros, Le Gall... tout simplement, des albatros polaires.

Les trois énormes oiseaux continuaient à suivre le sillage du navire, tantôt volant en larges cercles, tantôt se posant sur l'eau sombre et clapotante.

– Signe de malheur, dit Le Gall. Qu'une tempête nous prenne et nous sommes perdus.

Brusquement, Manigault éclata en imprécations :

– Suis-je fou ? Est-ce que je rêve ? Est-ce le jour ? Est-ce la nuit ? Qui est-ce qui prétend que nous hommes au large des Açores ? Damnation ! Nous suivons une autre route...

– C'est ce que je dis, monsieur Manigault.

– Tu ne pouvais pas le dire plus tôt, andouille ! Le Gall se fâcha.

– Et qu'est-ce que ça aurait changé ? Ce n'est pas vous qui êtes le maître à bord, monsieur Manigault.

– C'est ce qu'on verra !

Ils se turent, parce que la nuit venait de retomber sur eux. L'étrange aurore s'était effacée. Des lanternes s'allumèrent aussitôt sur le navire. L'une d'elles s'avança vers le groupe formé par Angélique et les quatre hommes, sur le gaillard d'avant. Dans le halo, se découvrait la face burinée du vieux médecin arabe Abd-el-Mechrat. Le froid jaunissait son visage bien qu'il fût emmitouflé jusqu'à ses bésicles.

Il s'inclina, à plusieurs reprises, devant Angélique.

– Le maître vous prie de vous rendre chez lui.

Il souhaiterait que vous y passiez la nuit.

Débitée sur le ton le plus courtois, la phrase, dite en français, était fort claire. Le sang d'Angélique ne fit qu'un tour, ce qui la réchauffa. Elle ouvrit la bouche pour décliner une demande jugée par elle offensante, lorsque Gabriel Berne la devança.

– Sale punaise, s'exclama-t-il la voix tremblante de fureur, où vous croyez-vous pour transmettre d'aussi insultantes propositions... sur le marché d'Alger, peut-être ?

Il levait le poing. Le geste rouvrit sa blessure et il dut s'arrêter, en retenant avec peine un gémissement de douleur, Angélique s'étant interposée.

– Vous êtes fou ! Oh ne parle pas sur ce ton à un effendi.

– Effendi ou pas, il vous insulte. Admettez-vous, dame Angélique, qu'on vous prenne pour une femme... une femme qui...

– Ces hommes se croient-ils des droits sur nos femmes et nos filles ? intervint le papetier. C'est le comble.

– Calmez-vous, supplia Angélique. Après tout, il n'y a pas de quoi fouetter un chat et je suis seule en cause. Son Excellence le grand médecin Abd-el-Mechrat n'a fait que me transmettre une... invitation que, sous d'autres cieux, en Méditerranée, par exemple, on pourrait considérer comme un honneur.

– Effrayant, dit Manigault en regardant autour de lui d'un air impuissant. En fait, nous sommes tombés aux mains des Barbaresques, ni plus ni moins ! Une partie de l'équipage est composée de cette vermine et je parierais que le maître lui-même n'est pas dénué de sang d'infidèle, malgré ses airs espagnols. Un Maure andalou ou un bâtard de Maure, voilà ce qu'il est...

– Non, non, protesta Angélique, avec véhémence, je me porte garante qu'il n'appartient pas à l'Islam. Nous sommes sur un navire chrétien.

– Chrétien !

– Ha ! Ha ! Voilà la meilleure ! Un navire chrétien ! Dame Angélique, vous perdez la raison. Il y a de quoi, d'ailleurs.

Le médecin arabe attendait, impassible et dédaigneux, drapé dans ses lainages. Sa dignité et l'intelligence remarquable de ses yeux sombres rappelaient à Angélique Osman Ferradji, et elle éprouvait un peu de pitié à le voir grelotter dans cette nuit du bout du monde.

– Noble effendi, pardonnez mes hésitations et soyez remercié de votre message. Je dénie la demande que vous m'adressez et qui est inacceptable pour une femme de ma religion, mais je suis prête à vous suivre afin de porter moi-même ma réponse à votre maître.

– Le maître de ce navire n'est pas mon maître, répondit le vieil homme avec douceur, ce n'est que mon ami. Je l'ai sauvé de la mort, il m'a sauvé de la mort et nous avons fait ensemble le pacte de l'esprit.

– J'espère que vous n'avez pas l'intention de répondre à la proposition insolente qui vous est faîte, intervint Gabriel Berne.

Angélique posa une main apaisante sur le poignet du marchand.

– Laissez-moi une bonne fois m'expliquer avec un tel homme. Puisqu'il a choisi l'heure, acceptons-la. En vérité, je ne sais ni ce qu'il veut, ni quelles sont ses intentions.

– Je ne le sais que trop, moi, gronda le Roche-lais.

– Ce n'est pas certain. Un être aussi bizarre...

– Vous en parlez avec une familiarité indulgente, comme si vous le connaissiez depuis longtemps...

– Je le connais, en effet, assez pour savoir que je n'ai pas à craindre de lui... ce que vous craignez.

Elle poursuivit sur un léger rire, un peu provocant :

– Croyez-moi, maître Berne, je sais me défendre. J'en ai affronté de plus redoutables que lui.

– Ce ne sont pas ses violences que je crains, dit Berne à mi-voix, mais la faiblesse de votre cœur.

Angélique ne répondit pas. Ils échangeaient ces paroles sans se voir, s'étant attardés tandis que le matelot, porteur de lanterne, commençait à s'éloigner, suivi du médecin arabe, de l'armateur et du papetier. Ils se retrouvèrent tous devant l'écoutille qui menait à l'entrepont. Berne se décida.

– Si vous vous rendez chez lui, je vous accompagne.

– Je crois que ce serait une grave erreur, dit Angélique nerveuse. Vous éveillerez inutilement sa colère.

– Dame Angélique a raison, intervint Manigault. Elle a prouvé à maintes reprises qu'elle avait bec et ongles. Et je serais assez partisan, moi aussi, que dame Angélique aille s'expliquer avec cet individu. Il nous embarque, c'est bien. Mais, tout à coup, il se rend invisible, après quoi nous nous retrouvons dans les eaux polaires. Qu'est-ce que cela signifie, au juste ?

– La façon dont le médecin arabe a présenté sa requête ne laissait pas penser que monseigneur le Rescator souhaitait parler longitudes et latitudes avec dame Angélique.

– Elle saura bien l'y forcer, dit Manigault confiant. Souviens-toi de la façon dont elle a tenu Bardagne en laisse. Que diable ! Berne ! Qu'as-tu à craindre d'un grand escogriffe qui n'a pour tout moyen de séduction qu'un masque de cuir ? Je ne crois pas que ce soit très inspirant pour les dames, hein ?

– C'est ce qu'il y a sous ce masque que je crains, dit Berne du bout des lèvres.

Il n'aurait tenu qu'à lui d'user de sa force pour empêcher Angélique d'obéir au Rescator. Car il était profondément indigné qu'elle veuille répondre à une invite formulée en des termes aussi indécents. Mais se souvenant qu'elle redoutait, en devenant sa femme, d'être contrainte et de ne plus pouvoir agir à sa guise, il s'obligea à se montrer libéral et domina sa propre nature soupçonneuse.

– Allez donc ! Mais si vous n'êtes pas de retour dans une heure, j'interviendrai !

*****

Les pensées d'Angélique, tandis qu'elle franchissait les échelons du château-arrière, étaient aussi chaotiques que la mer. Comme les vagues devenues soudain échevelées et désordonnées, ses sentiments se heurtaient et elle eût été incapable même de les définir : colère, appréhension, joie, espoir, et puis, tout à coup, une fugitive terreur qui lui tombait sur les épaules comme une chape de plomb.

Il allait se passer quelque chose ! Et c'était quelque chose de terrible, d'écrasant, dont elle ne se relèverait pas.

Elle crut qu'on l'avait fait entrer dans le salon du Rescator et ce ne fut qu'au moment où la porte se refermait derrière elle qu'elle se vit dans une étroite cabine vitrée, qu'éclairait une lanterne suspendue à un double cadre qui l'empêchait de se balancer. Il n'y avait personne dans la cabine. En y regardant de plus près. Angélique pensa que la pièce devait être attenante aux appartements du capitaine, car bien qu'étroite et basse elle s'ornait vers le fond d'une haute fenêtre comme celles garnissant le château-arrière. Sous la tenture recouvrant les murs, Angélique découvrit une porte. Ceci confirma son impression qu'elle communiquait certainement avec les salons où elle avait déjà été reçue. La jeune femme tourna le loquet pour s'en assurer, niais la porte résista. Elle était fermée à clé. Haussant les épaules avec un mélange d'agacement et de fatalisme, Angélique revint s'asseoir sur le divan qui garnissait presque toute la pièce. Plus elle y réfléchissait, plus elle devenait persuadée que cette cabine était la chambre de repos du Rescator, Il devait s'y trouver dissimulé lorsque le soir du départ, elle était revenue à elle sur le divan oriental et qu'elle avait senti le poids d'un regard invisible la guettant.

L'avoir amenée directement dans cette pièce, ce soir-là, était déjà assez cavalier. Mais elle allait mettre les choses au point ! Elle attendit en perdant, peu à peu, patience. Puis, ayant décidé que cela devenait intolérable et qu'il se moquait d'elle, elle se leva pour s'en aller.

Elle eut la désagréable surprise de trouver la porte par laquelle on l'avait introduite, elle aussi, close. Cela lui rappela, de façon insoutenable, les procédés d'Escrainville et elle se mit à frapper le panneau de bois en appelant. Sa voix fut couverte par le sifflement du vent et le fracas de la mer. L'agitation des vagues s'était accentuée depuis la nouvelle tombée de la nuit. Y aurait-il une tempête comme Le Gall l'avait annoncé ?

Elle pensa aux rencontres possibles des énormes blocs de glace et eut soudain peur. En s'appuyant à la cloison elle gagna la fenêtre qu'éclairait faiblement le grand fanal arrière. La verrerie épaisse était constamment inondée par le ruissellement des lames qui y laissaient traîner une écume neigeuse, lente à se dissiper.

Pourtant, au sein d'une accalmie subite, Angélique, jetant un coup d'œil dehors, vit se balancer au ras de l'eau, tout proche, un oiseau blanc qui paraissait la fixer cruellement. Elle se rejeta en arrière, bouleversée.

« C'est peut-être l'âme d'un noyé ? Tant de navires ont dû sombrer dans ces parages... Mais pourquoi me laisse-ton enfermée, seule ? »

Une secousse la détacha de la paroi, et après avoir cherché en vain à se rattraper, elle se retrouva, sur le lit, violemment assise.

Il était recouvert d'une fourrure blanche, épaisse, et d'une taille respectable. Angélique y enfonça machinalement ses mains glacées. On racontait qu'il y avait, dans le Nord, des ours aussi blancs que la neige. La couverture avait dû être taillée dans l'une de ces peaux.

« Où nous mène-t-on ? »

Au-dessus d'elle dansait le singulier dispositif de la lanterne qui l'agaça, car au centre, le récipient à huile demeurait incompréhensiblement immobile. La lanterne elle-même était un curieux objet d'or. Jamais en France, ni en Islam, Angélique n'en avait observé de pareil. En forme de boule ou de calice, des motifs entrecroisés laissaient filtrer la lueur jaune de la mèche.

Heureusement, la tempête ne semblait pas augmenter. Par intermittence, Angélique entendait l'écho de voix se répondant. Au début, elle n'arrivait pas à situer d'où venaient ces voix ; l'une était sourde, l'autre forte et basse et, par instants, on pouvait distinguer certains mots prononcés. Des ordres fusaient :

– Déferle partout ! Hissez misaine et brigantin, toute la barre au travers !...

C'était la voix du capitaine Jason traduisant, sans doute, les indications que lui donnait le Rescator.

Les croyant dans la chambre voisine, Angélique alla de nouveau tambouriner à la porte de communication. Puis elle comprit aussitôt qu'ils se trouvaient au-dessus d'elle, sur la dunette, au poste de commandement.

Le mauvais temps justifiait l'attention de deux capitaines. L'équipage devait être en état d'alerte. Mais pourquoi le Rescator avait-il fait venir Angélique pour une entrevue – galante ou non ? – alors qu'il pouvait fort bien prévoir, quand il lui avait envoyé son message, que la marche du navire le retiendrait sur la dunette ?

« J'espère qu'Abigaël ou Séverine va s'occuper d'Honorine !... D'ailleurs maître Gabriel a dit qu'il viendrait faire scandale si je n'étais pas de retour dans une heure parmi eux », se tranquillisait-elle. Mais il y avait beaucoup plus d'une heure qu'elle était là. Le temps passait et personne ne se présentait pour la délivrer. De guerre lasse, elle finit par s'étendre puis par s'enrouler dans la peau d'ours blanc dont la chaleur l'engourdit. Elle tomba dans un sommeil agité, coupé de réveils brusques où le glissement de la mer sur les carreaux de la fenêtre lui donnait l'impression d'être engloutie au fond des eaux en quelque palais sous-marin, où le murmure de deux voix orchestrant la tempête se confondait, pour elle, avec la pensée des fantômes désolés errant parmi les glaces d'un paysage proche des limbes. Comme elle rouvrait les yeux, la lumière de la chandelle lui parut plus atténuée. Le jour venait. Elle se dressa sur son séant.

« Que fais-je donc ici ? C'est inadmissible !... »

*****

Personne n'était encore venu.

Sa tête lui faisait mal. Ses cheveux s'étaient dénoués. Elle trouva sa coiffe qu'elle avait ôtée la veille, avant de s'étendre. Pour rien au monde, elle n'eût voulu que le Rescator la trouvât dans cette posture, négligée et abandonnée. C'était peut-être même ce qu'il avait attendu. Ses ruses étaient imprévisibles, ses pièges et aussi bien ses buts, surtout en ce qui la concernait, étaient difficiles à démêler.

Elle se hâta de se lever pour mettre de l'ordre dans sa toilette et eut l'instinctif souci féminin de chercher autour d'elle un miroir.

Il y en avait un fixé au mur. L'encadrement était d'or massif. Ce joyau sans prix scintillait d'un éclat diabolique. Elle se félicita de ne pas l'avoir aperçu au cours de la nuit. Dans l'état d'esprit où elle se trouvait alors, elle en aurait été terrorisée. Cet œil rond, aux profondeurs insondables, la fixant, lui aurait paru maléfique. L'encadrement représentait des guirlandes de soleils entrelacés d'arcs-en-ciel.

En se penchant vers son reflet, Angélique y vit l'image d'une sirène aux yeux verts, aux lèvres et aux cheveux pâles, sans âge, comme les sirènes qui gardent une éternelle jeunesse à travers les siècles.

Elle s'empressa de détruire cette image en tressant ses cheveux évanescents, et en les emprisonnant étroitement sous son bonnet. Puis elle se mordit les lèvres afin de leur rendre un peu de couleur et s'efforça de prendre une expression moins hagarde. Malgré cela, elle continuait à se considérer avec méfiance. Ce miroir n'était pas comme les autres. Ses transparences mordorées conféraient au visage des ombres douces, un halo mystérieux. Même ainsi avec son bonnet sage de ménagère rochelaise, Angélique se trouvait l'apparence inquiétante d'une idole.

« Est-ce que je suis réellement ainsi ou bien est-ce un miroir magique ? »

Lorsque la porte s ouvrit, elle le tenait encore à la main. Elle le dissimula dans les plis de sa jupe, tout en se reprochant de ne pas le remettre en place d'un geste habituel. Après tout, une femme a toujours le droit de se regarder dans un miroir.

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