J’ai terminé les recherches sur Atomka en janvier 2011, et en ai débuté l’écriture dans la foulée. Avant d’entamer ma longue phase de documentation autour de l’atome en 2010, je ne connaissais de la catastrophe de Tchernobyl que les grandes étapes : l’explosion de l’un des réacteurs, le nuage radioactif qui avait déferlé sur toute l’Europe, les conséquences sur la santé. Au fil de mes investigations, ce qui n’était pour moi qu’un terrible accident s’est révélé être l’un des pires fléaux que l’humanité ait jamais connu. La radioactivité ne peut être détruite, et vingt-six années plus tard, elle continue à faire des ravages dans les régions ukrainiennes et biélorusses où, quelques jours après l’explosion, la pluie eut le malheur de tomber, précipitant ainsi les éléments radioactifs dans le sol. Le césium 137 poursuit son travail de destruction, multipliant les cancers, les malformations cardiaques, les retards mentaux. Cela durera encore des centaines, des milliers d’années et, si rien n’est fait, ces populations ne s’en remettront jamais.
Et, tandis que les termes iode 131, plutonium, fuite du réacteur, zone interdite, liquidateur accompagnaient chacune de mes pensées, que le spectre de Tchernobyl m’habitait chaque jour davantage, il y eut Fukushima, le 11 mars 2011. L’accident eut lieu alors que j’écrivais le chapitre 7 de mon roman. Je décrivais alors l’état physique d’un enfant dévoré par l’atome.
Une bien sinistre coïncidence. Un horrible choc.
J’ai été incapable d’écrire sur toute cette période où le monde était suspendu aux réacteurs nucléaires de la centrale japonaise. Je voyais ces hommes que l’on envoyait au plus proche du désastre, malgré la fuite d’éléments hautement radioactifs et je me suis dit : « Ça s’est passé exactement de la même façon, il y a vingt-cinq ans. » L’évacuation, les liquidateurs, le nuage radioactif, les pastilles d’iode pour saturer la glande thyroïde… J’ai alors compris que, malgré le progrès, la technologie, et une sécurité tout de même meilleure, l’homme était toujours autant désarmé face à l’atome. Je n’ose imaginer le visage du monde d’aujourd’hui, si le cœur de l’un des réacteurs avait fondu et s’était retrouvé à l’air libre. Heureusement, contrairement à Tchernobyl, il y avait des enceintes de confinement qui ont évité le pire.
J’ai alors repris l’écriture, mais quelque chose avait changé. Le passé m’avait rattrapé et j’ai longuement hésité à poursuivre dans la voie que je m’étais fixée. En définitive, je m’en suis tenu à mon plan initial, faisant néanmoins quelques allusions à Fukushima, parce qu’il fallait évidemment en tenir compte.
J’ai commencé ce roman en étant persuadé qu’il n’y aurait plus jamais de Tchernobyl.
Je l’ai terminé avec le goût de l’atome sur les lèvres.